Combien de temps faut-il attendre pour que tombe le fruit mûr?
Souvent j’ai relaté cette expérience unique et merveilleuse vécue un simple matin dans le jardin : les poires étaient dorées à point et ma gourmandise en était émoustillée, je me suis dirigée vers l’arbre, j’ai tendu la main et à l’instant précis où elle était sous le fruit choisi, prête à l’empaumer, le fruit est tombé.
Il s’est posé dans le creux de ma main, exactement où il était attendu.
Je garde jusque dans mon ventre le délicieux frémissement de ce matin là.
C’est le réveil de ce même frémissement qui me ramène aux sens de l’être.
C’est là, sur cette île à nulle autre pareille, aussi déserte qu’intensément vivante, qu’il vient me chatouiller au plus profond.
C’est perchée sur un rocher, immobile au dessus de l’océan turbulent, tendue entre terre et ciel, que je comprends l’essentiel.
Et s’il était temps de mettre en pages images et réflexions?
En premier afin de clarifier à nouveau ce qui me semble vraiment important.
Puis, peut-être pour partager un peu plus loin mon point de vue au sujet de mots aussi vagues que « méditer », par exemple.
C’est encore flou, mais il y a un germe de quelque chose qui s’impose et mon clavier s’affole.
Plus loin est encore plus loin.
PS : Début juin est arrivé. Plus loin est ailleurs.
Le clavier crépite, certes.
Sans autre objectif que celui qui consiste à écrire encore
Pour rien.
Sans aucun objectif.
Partager un point de vue est seulement un concept.
J’avais failli l’oublier, emportée par un grain d’égo encore en vie!
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Les sens de l’être (2)
Dès qu’un nouveau-né voit le jour, il se retrouve allongé.
Après des mois passés lové dans l’utérus maternel, après s’être déroulé pour atteindre la lumière, il est manipulé, puis allongé.
Il était protégé, à l’abri, en totale symbiose avec sa mère, il est soudain exposé à tout un monde de sensations tandis qu’une injonction est posée : « dort ».
Immanquablement, abandonnant son corps, le nouveau-né finit par s’endormir. Posé à plat, le dos allongé, sa tête se tourne à droite ou à gauche, ses bras prennent la posture de l’archer (un bras allongé le long du corps, un bras replié du coté de la tête tournée) et ses jambes s’ouvrent.
Pour ceux qui pratiquent ce qu’il est convenu d’appeler « le yoga », une forme moderne d’exercice physique inspiré d’un ancestral Hatha Yoga, rester allonger est d’une simplicité non-acrobatique.
Pourtant c’est de loin, l’une des positions les plus difficiles à maintenir en conscience.
Tout d’abord, tandis que l’apprentissage de ces exercices est conduit sur l’air de « ici et maintenant », il est commun de parler de « cadavre » au sujet de cette position, comme si un cadavre pouvait avoir conscience de « l’ici et maintenant »!
A ce paradoxe, il faut en ajouter un autre : s’il était question de redevenir aussi « offert », aussi abandonné qu’un nouveau-né, il serait question de laisser aller le corps, de tourner la tête, d’ouvrir les jambes, de laisser les bras s’orienter selon leurs réflexes archaïques.
Or, il est conseillé de garder la tête « droite », les bras le long du corps, les jambes tendues. Une situation parfaitement non naturelle qui nous renvoie, bien des années en arrière vers cette autre position parfaitement non naturelle qui nous fut imposée le jour où nous sommes venus au monde.
Cette mise en situation du corps est d’une puissance formidable.
Non spectaculaire, apparemment terriblement accessible, elle en est presque méprisable.
J’invite chacun, dès lors qu’il souhaite commencer à visiter les arcanes de son mental à travers l’exercice physique, à commencer par s’allonger, tranquillement, avec attention.
Aligner.
Scrupuleusement s’aligner.
Consciencieusement s’allier avec le soubassement, en accepter les moindres creux, les pires dépassements.
Respirer patiemment.
Vivre intensément.
Devenir le roc, obtenir la fluidité de l’air, aller dans la musique du ciel.
Enfin, au bout de plus loin, s’étirer, re-être humain.
Simplement.
Au fait…
Les passeurs de traditions oublient souvent un « détail » dans leur application à faire appliquer des recettes : si personne ne sait exactement ce que pouvait être l’enseignement du hatha-yoga à l’époque de l’hypothétique Patanjali, je m’avance sans peur en affirmant que le béton n’existait pas plus que les dérivés du pétrole, les fenêtres à triple vitrages et l’air conditionné.
A suivre