Archives de catégorie : Vivre avec son temps

Et particulièrement en compagnie des médias et des « réseaux sociaux ».

Voeux



1er janvier 2024

Le premier janvier fut longtemps le jour des étrennes dans notre civilisation.
Les étrennes.
J’ai vécu dans mes tripes ce mot. Je l’ai vécu avec la tournée familiale du jour de l’an où nous visitions la famille afin de les récolter, ces tout petits cadeaux, en échange de nos bons voeux.
Pour moi, c’était très lourd.
Comme tout ce qui relève de l’obligation obligée.
Embrasser des gens quasi inconnus, grimper sur les genoux des vieilles tantes, attendre dans leurs appartements trop chargés en odeurs étranges, remplis d’objets surannés, dans la grisaille des jours d’hiver était presque un supplice.
Et attendre la pièce promise en restant sagement assise pendant que les hommes buvaient leur « petite » eau-de-vie était un triste moment.
Parfois, il y avait une bouteille merveilleuse dans laquelle trempait soit un fruit soit un pantin animé, soit une cathédrale… c’était cool, je pouvais m’y perdre pendant que le temps s’écoulait.
C’était autrefois, un temps disparu.
L’idée des étrennes, c’est aussi et toujours et chaque année le souvenir de ce poème d’Arthur Rimbaud, celui qui arrive en entrée des « Oeuvres complètes » publiées par La Pléiade :
Les étrennes des orphelins.

1er janvier 2024

Les voeux s’échangent virtuellement.
Regardez vos mails, il est probable que les entreprises commerciales les plus incisives vous ont envoyé leurs « bon voeux ».
A quoi rime cette histoire ?
Quel en est le moteur ?
Je suis tellement mal à l’aise depuis toujours avec tout ce « genre de truc ».

1er janvier 2024

J’avais publié ce billet « Haute voltige » en ouverture de 2019, c’est toujours le fond de ma pensée.

La norme


En faisant le tri dont il est question ici, j’ai retrouvé cette image de terminale avec la « chemise » paraphée par les quelques unes qui avaient accepté de le faire.
Quelle courageuse la « Elizabeth » qui écrivit « C’est ça joelle, une folle bien gentille »!
Elle faisait partie des « blouses bien boutonnées » à l’opposée des richissimes bourgeoises qui osaient défier la direction en refusant la blouse.

J’étais timidement entre les deux, portant ma blouse sale et jamais boutonnée sans passer le cap de l’abandonner… C’est difficile l’adolescence, j’essayais en vain de ressembler aux autres sans avoir d’exemple précis, je savais pas vraiment ce qu’était « la norme » dans ce lycée public mais huppé des années soixante-dix. La terminale était un microcosme bizarre où se côtoyaient les filles du quartier (le quartier le plus riche de Lyon) et les meilleures élèves d’ailleurs, de banlieue même comme ma pomme, les meilleures élèves qui étaient aussi les plus jeunes, les moins aguerries.
Ma vie était en dehors et encore, je cherchais.
J’avais plusieurs vies, déjà… chacune dans un microcosme bien précis que j’habitais en équilibre toujours précaire.

J’ignorais, pendant cette traversée là, j’ignorais que je tentais désespérément de me couler dans une norme que j’ai toujours été incapable de simuler totalement.
Il a fallu de nombreuses années pour que j’accepte ma solitude et que je prenne à bras le corps la joie de cheminer en sa compagnie.
Il a fallu que j’étudie avec acharnement pour découvrir la relativité, les injonctions paradoxales qui mènent à la folie pour de vrai et l’absence de limites, donc de normes.

J’ai alors passé un peu de temps à déconstruire cette histoire de norme, moquant la fameuse courbe de Gauss, cette courbe mathématique qui s’appelle aussi « courbe de la loi normale », une courbe mouvante en fonction de ce qu’on lui fournit. Une courbe ni vrai ni fausse, un exercice statistique sans plus.

Et désormais, alors que je suis entrée de plein pied dans le rayon des vieux, je peux me permettre de questionner cette obligation faite à cette grosse partie de la population française née pendant les trente glorieuses de « rester normale » autant que possible, d’appareiller ses oreilles, ses yeux, d’opérer ce qui peut l’être pour garder la peau ferme, les poils doux, les cheveux colorés, de se doper un peu afin de garder des réflexes au taquet.
Comme j’en ai parlé (ici) les enfants sont souvent considérés comme des adultes miniatures, de l’autre côté les vieux sont considérés comme des adultes un peu abimés. La norme c’est l’âge adulte, la force de l’âge. Où commence t-elle la, où s’achève t-elle cette norme ? Là est la question!

Warrior

Après ma dernière aventure qui fut l’occasion d’annuler tout projet de randonnée estival et de revoir aussi le sens de l’équitation que je désire, j’ai repris quelques activités. Puis, naturellement de plus en plus au fur et à mesure qu’un mieux-être se dessinait.
J’ai sans doute trop vite accéléré, de nouvelles douleurs sont sorties de nulle part, des tensions, des contractures d’autant plus difficiles à supporter que j’avais l’impression d’avoir déjà bien encaissé.
J’aurais vraiment apprécié approcher de la fin du passage.
Sauf que la vie est espiègle et imprévisible.

Et puis, il y avait quand même un planning à respecter : l’obligation d’être la grand-mère de service pendant une semaine.
Il fallait donc tout mettre en place pour réussir le challenge.
Certains peuvent se hâter d’affirmer que le « stress » précédent conjugué au désir d’être à la hauteur pouvait lui-même être la source de la recrudescence des tensions.
Ce serait aller vite en besogne.
Je me savais encore physiquement fragile et je connais les besoins des jeunes enfants, leurs demandes brouillonnes comme leur présence bien ancrée dans leur propre monde, tous incapables de « comprendre » ce qu’un adulte vieillissant peut ressentir.
J’avais accepté le challenge des mois plus tôt et j’étais en état de le relever avec quelques aménagements : pas question de courir la campagne, de sauter les marches dans les musées ni de courir après les papillons ; il restait tant à faire !

J’ai entamé la semaine comme une course d’endurance (j’ai un joli passé, donc une bonne expérience en la matière). J’étais encore vivante à mi-parcours et j’ai relevé le défi jusqu’au bout.
Ce faisant, très peu de temps restait libre pour prendre soin de mes douleurs, pour aller à la piscine, pour étirer chaque tendon trop tendu.
Le week-end est passé, il restait seulement un lundi de « garde » à assurer.

Je suis de nouveau partie en mode warrior pour assurer le service qui m’était demandé.

Auparavant, j’avais longuement réfléchi à la situation qui est la mienne aujourd’hui.
.
A l’époque où je faisais du sport en compétition, je regardais avec interrogation les « vieux » qui cherchaient à se faire valoir en courant après leur jeunesse.
Bien que j’ai cessé assez tôt de challenger corps et mental dans des défis sportifs insensés, j’ai continué à repousser mes capacités d’endurance dans mon activité professionnelle.
Combien de nuits blanches successives m’obligèrent-elles à survivre coûte que coûte?
Combien de temps passé à courir d’une vie à l’autre, des exigences maternelles aux exigences professionnelles, toujours sans faillir ?
C’était important que je le fasse.
Qu’avais-je donc à prouver ?
Quelles reconnaissances avais-je donc à quêter ?
Dans quel but ?

Aujourd’hui, je sens qu’il est plus que temps d’abandonner le terrain.
Que pourrais-je encore prouver ?
Vis à vis de qui ?
Et pourquoi ? Car je sais désormais que l’autosatisfaction est l’unique véritable récompense.

Vieillir, c’est disparaitre à petit feu.
Disparaitre de la vie professionnelle,
Disparaitre des compétitions sportives,
C’est chercher désespérément du sens,
« A quoi ça sert de se décarcasser » questionnait une publicité en 1978.
Qui s’en souvient ?
Vieillir, c’est certainement accepter le début de la fin,
Baisser les armes,
Cesser toute compétition
Et cependant poursuivre les échanges.

Parce que les échanges sont la base de ce qui fait société.
Coûte que coûte, donc.
Car jamais il ne sont gratuits.

Oui, selon la définition je suis une warrior, en ce sens que je suis vieille.
Et j’aspire à la tranquillité,
A la non compétition
A prendre soin de mes vieux os avec plus d’attention que jamais,
Afin de pouvoir,
A l’occasion, prendre encore soin des autres avec plaisir,

Pour le simple plaisir d’avoir l’impression d’exister encore.

Ubérisation

Conséquence des faits précédemment exposés, c’est la deuxième fois que je me fais livrer de quoi préparer à manger.
C’est cool d’habiter en ville, mon garde-manger peut se remplir plus vite en cliquant sur un écran qu’en allant au magasin!

Je déteste ce principe.
Et pourtant, ces jours-ci, je suis bien contente d’en « profiter ».

Dans le temps, il était possible de solliciter le petit voisin, une petite pièce et hop il était tout heureux de rendre service et puis, la famille était souvent juste à côté, bien obligée de se soumettre « aux obligations familliales ».
C’était « dans le temps », ou plus loin, ou ailleurs.
J’en suis à aujourd’hui, dans les conditions de vie que j’ai moi-même choisi pour mon plus grand bonheur.
De fait,
Ma grand-mère qui affirmait « il faut vivre avec son temps » aurait-elle apprécié cette formidable ubérisation ?
Aurait-elle apprécié le bruit du scooter qui arrive à fond sur les pavés?
Qu’aurait-elle pensé du petit black casqué de noir, habillé de noir, articulant difficilement trois mots de français pour exiger un numéro de code avant d’ouvrir son sac et de délivrer les courses commandées ?
Je l’ignore.

Moi, je déteste.

Mais nous en sommes là. Beaucoup de personnes voyant ma limitation actuelle me disent « N’hésite pas si tu as besoin de quelque chose » ce qui signifie en fait :
« Surtout, hésite bien à me demander quoique ce soit, j’ai autre chose à faire »

Et puis, c’est vrai, j’ai les moyens de payer!
Mais que personne ne vienne me parler d’attention, de bien-être animal, de la fin de l’esclavage parce que j’aurais de quoi argumenter…

D’ailleurs si j’affirme volontiers que les gens sont naturellement serviables, je modère mon propos en rajoutant qu’il faut un peu leur forcer la main.
Parce que l’individualisme est une présence ordinaire.
Mardi dernier, lorsque j’ai sollicité un comprimé d’anti-douleur avant de prendre sereinement la route, j’ai bien senti que la personne sollicitée préférait me raconter sa vie et lorsque j’ai insisté après l’avoir patiemment écoutée, elle sembla tellement exténuée à l’idée d’aller chercher « le truc » dans sa maison (à 5mètres) que je l’ai libérée sur l’air de « Laisse tomber, ça va le faire sans ».
Et quand trois jours plus tard, je lui ai fait un bilan de l’aventure, histoire de lui signifier que je la reverrai pas de sitôt, après m’avoir sollicitée pour l’aider dès que possible, elle ajouta : « C’est bête, tu aurais pu me demander des béquilles, j’en avais à la maison. »

Heureusement que l’échange fut réalisé par message électronique sans nécessiter de réponse, car en direct live, j’aurais difficilement pu retenir un « scud joellien » de derrière les fagots!

Bon, d’accord, en certaines choses, l’absence de choix est flagrante et, oui… il faut vivre avec son temps!

Balayer devant sa porte

Ma ville est encore submergée par les amoncellements de sacs poubelles.
Que souffle le vent et volent les papiers.
Que souffle la « colère » et brûlent les ordures.

Balayer devant sa porte… c’est une locution!
De même il est assez commun de regarder la paille dans l’oeil du voisin,
N’est-ce pas?

Je revenais de la boulangerie ce matin.
La fête foraine était encore silencieuse et pourtant les propriétaires des manèges s’affairaient en préparant l’après-midi. L’un deux, muni d’un jet à pression faisait le ménage devant chez lui et jusqu’en bas des escaliers monumentaux qui précèdent son emplacement. En bas de ces escaliers sont « rangés » des centaines de sacs, ceux des forains, comme autant de preuves de leur propre consommation. Les escalier eux-mêmes sont jonchés de cannettes vides et d’emballages gras, trâces encore vivantes du passage des consommateurs de manèges.
L’homme balayait devant sa porte…

Plus loin, dans la ruelle pavée qui mène à ce qui fut la chapelle du château, au temps lointain des princes, bien avant que le préfet Poubelle n’ait l’idée de rendre les rues plus salubres, dans la ruelle pavée une dame s’affairait.
Une belle dame d’un âge très avancé, poudrée de rose et habillée « en dimanche », balayait devant sa porte. Elle peinait à se baisser et son bras était à peine assez long pour récupérer la poussière.
Je l’ai saluée.
Nous avons échangé des propos au sujet de l’air du temps et des fleurs plantées devant chez nous.

Puis, poursuivant ma route, je me questionnais.
Combien de « on » combien de « ils » prennent le temps de balayer devant leur porte avant d’exiger que les « on » et les « ils » se chargent d’améliorer les conditions de vie de toute la société?

Et cette question, comme tant d’autres demeurent sans réponse.

De l’attention (bis)


Aparté
Il y a exactement cinq ans presque jour pour jour, je publiais un billet nommé « De l’attention« .
Voilà pourquoi celui-ci se nomme « bis »!


L’attention.
La tension.

Lundi matin, j’ai posé un commentaire sur un réseau social, en écho à la publication d’une amie. J’ai questionné l’attention et depuis, cette question autant que les autres font la sarabande dans les arcanes de mes réflexions.

L’attention.
La tension.

C’est aussi que je suis à nouveau en contact avec les chevaux depuis plus de cinq mois maintenant et que cette sonorité résonne sans cesse : latɑ̃sjɔ̃ (transcription phonétique semblable pour les deux mots associés à leurs articles définis ci-dessus)

Les humains ont grandement besoin d’attention, c’est un fait. La relation humain/animal s’établit incontestablement sur l’attention, c’est un autre fait.
Mais de quoi est-il question, en fait ?
Quelle est l’attention d’un animal envers un humain ?
Quelle est l’attention d’un humain pour un animal ?
Est-elle une attention purement scientifique, éthologique, rigoureuse, dénuée d’émotions ?
Est-elle une attention complètement anthropomorphique ?
Un peu des deux ?

La semaine dernière, j’ai assuré la garde d’un petit de deux ans chaque matin. Il s’exprime déjà fort précisément à l’aide d’un vocabulaire qui étonnerait ceux qui ne le possèdent pas, donc il serait facile d’affirmer qu’il suffit de l’écouter pour le comprendre. Néanmoins, je n’ai eu de cesse que de guetter les signes non-verbaux, une lèvre qui tremble, un oeil qui s’écarquille ou se plisse, un départ de course, un relâchement soudain, etc…
Grâce à cette attention précise de chaque instant, nous avons passé de très bonnes matinées, changé maintes fois d’activité et aussi nous avons été à l’heure de chaque rendez-vous avec « les autres ».
Pour l’anecdote, j’ai rapidement remarqué qu’il a l’habitude de dire non pour dire non, qu’il dit un petit oui pour dire « cause toujours » et qu’il dit gaillardement mmmouii pour dire « OUI, avec plaisir ». Ce fut l’occasion de scènes cocasses avec ses cousins qui prenaient ses mignons « oui » pour argent comptant et s’offusquaient de son opposition par la suite. En leur faisant part de mon observation, ils ont fini par comprendre qu’il était vain et non avenu de lui arracher un petit « oui ».

Hier, comme la plupart des mardis, je suis allée voir le petit appaloosa. Une fois de plus je fus hyper attentive à chacun de ses gestes, autant qu’aux miens qui se posent en miroir. Je sais qu’ils les note à sa manière de cheval et qu’il prend position en fonction de ces gestes, à sa manière de cheval aussi et suite à ses expériences passées qui sont les siennes, donc indéchiffrables pour l’humaine que je suis.
Après un temps d’exercices en carrière, nous sommes partis dans la campagne. Mon but était avéré : aller jusqu’à un bon spot pour brouter en paix et écouter au loin l’arrivée du printemps.

Et pour répondre à une des cavalières qui me posait un jour la question de savoir si je « travaille toujours » lorsque je suis avec le cheval, je réaffirme OUI (bien que le mot « travail » m’écorche les oreilles au long cours).
J’ai passé un délicieux moment en l’observant brouter, ce petit cheval, en captant chaque mouvement d’oreille, de queue, de tête, chaque frémissement, chaque bougement. Lui faisait de même avec ses sens à lui et personne ne lui posera jamais la question de savoir s’il « travaille toujours », n’est-ce pas ?

En septembre 2022, je questionnais ce retour étonnant vers les chevaux. J’en questionnais le sens. Je poursuis ce questionnement, c’est une quête comme une autre.

Une quête, des milliers de questions.

Et…
Mais…

Ecouter le printemps qui arrive au loin, posée dans l’herbe humide juste à côté d’un cheval qui choisissait ses mets avec attention, fut un moment de paix totale qui vaut son pesant de bonbons à la réglisse!

Ils sont faits pour ça

« Mais… ils sont fait pour ça! »

Cette phrase est tombée d’un coup, obstruant immédiatement l’écoulement du flot de questions que j’essayais de traduire en paroles.
C’était après une courte séance d’éducation proposée au petit cheval Apaloosa avec l’aide d’une jeune cavalière.
Ses parents (propriétaires des lieux) s’étant approchés, je tentais d’expliquer à nouveau et à l’aide de mots simples autant que de métaphores anthropomorphiques à quel point il était difficile de trouver un équilibre entre « aimer monter à cheval » et « aimer le cheval » ; à quel point les chevaux sont fondamentalement gentils mais bien loin d’apprécier l’obligation de se prêter au bon plaisir des humains alors qu’ils sont si heureux en troupeau. Le non-goût pour l’activité avec les humains se révélant par le non-allant (cheval qui avance avec le frein à main bloqué, genre ado qu’on force à sortir le nez de son écran) autant que par un empressement désorganisé (cheval qui fonce, genre individu pressé d’en terminer pour aller boire une bière avec les copains)

« Mais… ils sont fait pour ça! »
Et d’ajouter :
« Bah sinon… ils ne se laisseraient pas monter… »

Je me suis sentie terriblement seule devant une telle logique simple.

Et presque instantanément, face à ces gens vivant dans un monde différent du mien, j’ai réalisé à quel point nous vivons tous sous l’injonction de la consommation « c’est là pour ça », « on a inventé ça pour vous », prenez, servez vous, pensez à payer et puis faites en ce que vous voulez « c’est fait pour ça »!

Je vais apprendre encore et encore, grâce a cette nouvelle-ancienne activité.

Nouvelle activité qui consiste à monter à cheval pour mon bon plaisir dans l’environnement d’aujourd’hui où les chevaux sont (c’est la cas de ceux que je côtoie en ce moment) régulièrement vu par le pareur (ils sont « pieds-nu » mais obligés de voir leur podologue chaque mois) par un ostéopathe, par un dentiste, par le vétérinaire, sont régulièrement complémentés en probiotiques, mangent des friandises saveur « fraise tagada » spécialement crées pour eux (oui, oui, c’est écrit sur le paquet! Impossible d’affirmer que ce fut créé dans le but de forcer les humains à consommer au grand magasin pour chevaux!) et vivent « en liberté » dans un pré d’herbe rase régulièrement inspecté. (Oui, il existe tant de dangers « volants » qui peuvent planer sur une pré soigneusement clôturé )
Je vois en filigrane ces gamins nombreux, vivant « en liberté » dans un monde préservé, « fait pour eux », hyper « bien soignés » mais si peu éduqués. Ils sont capables de rendre fiers leurs parents qui font du mieux qu’ils peuvent pour leur apprendre ce qu’ils n’ont eux même jamais appris qu’à travers des vidéos faites « pour ça »!

PS : Bien que j’aie ouvert une rubrique « cheval » c’est aussi dans la rubrique « vivre avec son temps » que ces billets ont leur place! Aurais-je pu l’imaginer?

Et… Les spécialistes

Dans un billet récent, j’ai eu envie de parler des « spécialistes » et voilà que pour compléter, j’ai envie de parler de spécialistes.

Les spécialistes!
Pour commencer, il fallait faire un tour du côté de la lexicographie, envisager les différentes définitions, vérifier que celle que j’envisage à l’instant est la bonne.

J’ai souri en lisant car, oui, je me souviens de mon enfance et de ces visites chez LE spécialiste. C’était à l’époque du médecin de famille, de ce « bon docteur » dont on prononçait le titre avec ferveur. Aller voir un spécialiste, c’était uniquement pour le cas où le médecin de famille sentait ses compétences dépassées. Il fallait aller en ville et l’affaire était grave. Dans mon enfance l’état de maladie était rarement exprimée, le services des urgences de l’hôpital se limitait aux cas vraiment très graves et les  » bon docteurs » oeuvraient jour et nuit dans de multiples domaines. Combien de fois suis-je passée derrière l’écran de radio de « notre docteur », dans son cabinet et nulle part ailleurs?

Finalement cette anecdote est assez représentative de ce que nous vivions au milieu du siècle dernier par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui.
Côté médecine de ville, les noms de spécialités médicales sont dans la bouche de chacun, au fin fond des campagnes les médias rapportent qu’il n’y a pas d’ophtalmologue, pas de dermatologue, pas -logue, etc, plus personne ne parle du « spécialiste des yeux » par exemple et encore moins de spécialiste en général ! Il existe des mots et dans ce domaine ils sont connus et communément utilisés.

C’est à nouveau en me débattant pour la rédaction des billets orchidéens que cette histoire de spécialistes s’est mise à tourner en boucle au point de devoir l’attraper pour la poser noire sur blanc afin de la faire taire.

Car s’il fut un temps où n’existait que des fleurs, puis des Orchis, puis maintes familles d’orchidées, nous en sommes aujourd’hui à plus de 30 000 espèces d’orchidées sauvages de par le monde.
Impossible de comprendre les mystères d’un si grand nombre d’espèces sans acquérir une spécialité, sans devenir spécialiste pour une espèce en particulière, pour une carte génétique particulière, pour « un truc » particulier qui permet de cadrer, de cibler, de limiter au moins dans un premier temps.

Car, en aparté, je suis convaincue que pour pouvoir sortir du cadre, il faut en premier y entrer… Et c’est encore une autre histoire !

Tout ça pour dire que j’ai eu vraiment de la chance d’habiter en Loire-Atlantique, dans un département où les orchidées sauvages sont rares, localisées, répertoriées, cartographiées et faciles à identifier, d’autant plus que leur rareté sur le terrain limite la quantité d’hybrides fantaisistes.
Pendant le temps des premières recherches, je me suis presque sentie « forte », capable de reconnaitre à coup sûr, capable de nommer sans hésitation.

Et puis, je suis partie en voyage.
J’ai commencé à chercher plus loin.
Et je poursuis ma quête avec joie.

Simplement, je ne sais plus, j’hésite souvent, j’ai besoin d’apprendre beaucoup plus dans le détail pour finalement rester dans le doute souvent.

Clairement, comme dans tout ce que la vie m’a permis d’expérimenter, je peux dire que plus j’avance, plus l’immensité me parait immense et moins je suis capable d’affirmer sur un ton péremptoire.

Et voilà ce qui fait mon bonheur.

Peut-être que les jeunes enfants ont besoin de croire savoir pour prendre de l’assurance ?
Peut-être que les enfants vieillissants ont besoin de la certitude de ne rien savoir pour rester curieux et vivre encore un peu plus loin?

Les « spécialistes »

Les spécialistes!

Le phénomène était latent depuis un bon bout de temps.
Les personnes qui, comme ma pomme, se baladent sur la toile depuis avant la naissance des réseaux sociaux, avaient déjà constaté la multiplication d’articles « soit disant érudits » concoctés à base d’articles « copié-collé » parfois tels quels (Et tant pis s’ils sont déjà obsolètes). De fait, ces spécialistes auto-proclamés se « spécialisent » d’autant plus vite qu’ils savent mieux se mettre en vitrine.

Ces dernières années, ce fut l’explosion.
Certainement grâce à la pause générale organisée par sa majesté SARS-CoV-2 éme.
Il fallait bien s’occuper!

Dans tous les domaines, les meilleurs « spécialistes » sont reconnaissables car ils communiquent presque uniquement par vidéo, souvent interminables, lesquelles naviguent sur la toile grâce à des titres « putaclic », une autre de leurs caractéristiques. Pour les suivre, il est non-utile de se fatiguer à lire plus de cinq mots, ceux du titre… Ensuite voguent les paroles…

Mais il existe aussi tout un tas de « spécialistes » beaucoup plus discrets, de ces personnes qui se font un point d’honneur de propager les informations qu’elles pensent détenir aussi fort qu’une vérité écrite noire sur blanc sur l’écran de leur smartphone.
Même avec un moteur de recherche hyper bien dressé, il est inévitable de « tomber » dessus dès que la recherche se fait un tantinet imprécise. Et c’est souvent que ce qui m’arrive lorsque j’essaie désespérément de déterminer le nom des fleurs dont je collectionne les images.

Je trouve, sur la toile infinie, « tout » et « le contraire » que je tente de démêler patiemment à la lumière de mes minuscules connaissances d’amatrice.
Tout aussi inévitablement je finis toujours par trouver un billet réellement spécialisé, documenté et bien sourcé, lequel me laisse invariablement dans la plus complète expectative car je ne dispose jamais des minuscules éléments nécessaires pour affirmer un peu de certitude.
En effet, jamais je n’ai coupé une tige pour évaluer la proportion de son épaisseur rapportée à la lumière qui la traverse ; jamais je n’ai prélevé un peu de la fleur afin d’établir une carte génétique, jamais je n’ai mesuré la largeur d’un labelle, etc, etc…
Ainsi, je reste généralement dans l’incertitude et je garde (sagement ?) les souvenirs et les images pour moi seule.

J’en arrive inexorablement à conclure que plus j’en apprends et plus s’agrandie la conviction que j’ignore à peu près tout. Et croyez le ou non, ça me remplie de joie!

Ces derniers jours, alors que mon emploi du temps s’élargit royalement, j’ai entrepris de mettre à jour mes fiches orchidéennes.
Pour moi, c’est un moyen de « faire le point » et alors que fleurissent les dernières belles de la saison (Spiranthes spiralis) je rêve déjà aux balades de l’année prochaine, à la recherche de celles que je n’ai pas encore croisées.
Autant dire que si j’essaie d’apprendre toujours plus loin, c’est en temps qu’amatrice je le répète au fil des articles.
Amatrice, certes mais avec un fond d’exigence qui fait que j’écris moi-même la prose, posant des liens éventuellement, toujours en cherchant davantage à encourager chacun à l’exploration et ceci avec l’intime conviction que pas grand monde ne regarde ce que je raconte.

Et ce faisant, résonne dans mes souvenirs récents les mots prononcés dans une autre langue « si, si yo lo sé » suivis à chaque fois de « je l’ai vu dans un documentaire » (je vous fais grâce de la version originale).
A chaque fois je me suis trouvée sans répartie aucune face à la petite bonne femme ignorant encore tout de la lecture et de l’écriture. Comment lui expliquer qu’elle se trompait, comment lui expliquer que les documentaires sont des films de cinéma et que la vraie vie ne peut que se vivre, et qu’elle est d’une folle complexité?

A chaque fois, j’ai pensé à tous ces « spécialistes » qui « googleuent » plus vite que leur ombre, affalés dans leur canapé, afin d’expliquer le monde et la vie à qui veut bien les écouter…

Le temps passé

Passer du temps à trier le temps passé.

Voilà… s’il fallait définir ou résumer le boulot qui consiste à vider une maison, ce sont ces mots précis que j’utiliserais : passer du temps à trier le temps passé!

Soulever la poussière amassée sans que personne ne s’en préoccupe,
Découvrir l’improbable dans les coins les plus obscurs,
Déplier des kilos de papiers jaunis venant « d’avant avant » et précieusement stockés,
… pour servir… à rien!
Constater le bazar amoncelé et mesurer ce besoin auquel personne ne déroge,
Trouver d’étonnants objets*,
Caresser des dentelles non-mécaniques en fil 100% bio non labellisé,
Ecouter à nouveau des histoires raconter le temps passé,
Ecouter les histoires,
Et passer le temps,
A traverser les vies,
Banales,
Tout en triant,
Pour jeter… beaucoup et encore plus… mais surtout dans le bon container!

Et imaginer demain.
Imaginer les jeunes d’aujourd’hui devant ce même labeur,
Demain.

Demain cet inconnu.

Quelle traces de « mon » temps passé laisseront une empreinte et combien de temps sera passé à les abandonner aux vents d’après?

C’est l’inconnu!
Et c’est « tout » ce qui fait que j’aime intensément l’aventure offerte par la vie,
Joyeusement imprévisible, joueuse avec ses propres règles,
Chaque instant surprenante,
Et merveilleuse,
Parce que surprenante!




* La cuillère à absinthe, par exemple. J’ai adoré découvrir son usage et ressentir une certaine ivresse en « voyant » les mouvements de l’opalescente boisson en train de se préparer.