Ultime billet de la trilogie qui débuta ici.
J7 après l’évènement.
Aujourd’hui, j’ai besoin d’aller m’asseoir sur la plage et de me laisser caresser par les vagues. Je vais y aller.
Evidemment.
J7.
J’ai besoin de la chaleur du soleil piquant ma peau.
J’ai besoin d’horizon.
J’ai besoin d’infini.
J7.
Samedi, sous les mains inspirées de mon amie j’ai imaginé que ce qui s’était passé, quelques jours auparavant, avait bousculé des couches très profondes de mon être. J’imaginais (en dessin animé comme d’habitude) qu’une croûte bien sèche, bien collée au profond de l’intérieur s’était décollée sous l’effet du choc puis brisée, lâchant dans le vide une foultitude de questions que j’avais laissées se stratifier faute d’avoir eu le temps de m’en occuper.
Sous les mains soignantes, ou plus exactement sous « l’entre-deux » subtil jouant son propre jeu entre ma peau et la sienne, milles questions se réveillaient, se bousculaient, fusaient, s’emballait dans toutes les directions sans que je ne puisse ni les saisir ni les formuler donc les questionner vraiment.
J’étais intensément présente face à chaque tentative et parfois je constatais mon opposition involontaire.
J’étais soumise à une force tranquille et douce qui essayait, partait, revenait, réfléchissait, tentait à nouveau sous un autre angle, avec patience, en douceur. J’ignorais tout de son intention et c’était bien comme ça. N’étais-je pas depuis le début sans attente, sans espoir, sans autre intention que l’acceptation?
L’unique pensée qui allait et venait assez clairement pour s’imposer était que ce qui était en train de s’accomplir avait tout à voir avec ce que je cherche à réaliser à cheval : obtenir la décontraction autant que possible et goûter à l’harmonie fugace qui en découle.
C’est mon intention lorsque je suis à cheval tandis que le cheval, lui, n’a aucune intention.
(La gourmandise est une aptitude, peut-être un défaut à moins que ce ne soit un péché capital… C’est très différent d’une intention, n’est-ce pas ?)
Le cheval vit le moment présent et se laisse « manipuler » en cherchant à chaque instant et sans le vouloir comment restaurer un plus grand confort dans ces déplacements qui l’écartent de ses préférences innées. Il peut s’opposer à une force qui l’incommode, et il peut le faire à sa manière de cheval mais sans jamais la moindre intention de nuire.
C’est au cavalier, à celui qui choisit intentionnellement d’encombrer le cheval et de le mettre « à sa main » qu’il convient de changer, d’essayer, de tenter, de réfléchir sans s’appesantir.
Les chevaux m’ont appris la patience et j’ai exercé ma patience professionnellement. Au fil du temps qui passe, j’ai expérimenté la force de la relation à travers toutes les tentatives de communications établies et j’en parle encore à propos des chevaux.
Je sais désormais sur le bout des doigts tout ce qui me définit en temps qu’individu à la fois terriblement semblable aux autres et formidablement unique, plutôt non conforme bien que dépourvue de toute étiquette « anticonformiste ».
C’est faible de ce « savoir » que j’écris chaque mot comme une interrogation.
Après le départ de l’amie, alors qu’un certain mouvement s’était rétabli à la rencontre d’une multitude de microémotions, j’ai commencé à sérieusement porter mon attention en direction des questions libérées.
Par curiosité je suis allée clavarder du côté du symbolisme, fascinée comme toujours par le pouvoir de conviction de certains auteurs en appui sur… rien!
Puis, j’ai regardé encore et encore les descriptions anatomiques, les insertions musculaires, les trajets des faisceaux musculaires pour tenter d’expliquer mes propres défenses provoquant des douleurs fulgurantes.
En vain.
Je peux accomplir des mouvements étonnants sans douleurs et parfois un tout petit mouvement parasite encourage un tendon tendu à crier fort.
C’est étrange.
Hier je constatais un véritable « mieux » avec beaucoup moins de rappels douloureux et curieusement je me suis dit que la douleur me manquait.
C’est complètement fou, non?
Alors je suis allée marcher, sans doute un peu trop loin, bien appliquée pourtant à poser mes pieds bien droits entre les cannes et tellement lentement à la fois.
J’étais plutôt algique à l’heure du repos vespéral.
Mais j’ai super bien dormi, exactement comme je le fais habituellement, jusqu’à l’heure sacrée ; ce sacré moment du milieu de la nuit où je me réveille « normalement » avant de replonger jusqu’à l’aube.
Et aujourd’hui est un nouveau jour,
Un passage vers demain,
Vers l’inconnu.
Il est certain que je tire une leçon de chaque expérience,
C’est ma façon d’avancer vers plus loin.
La semaine dernière je partais monter à cheval.
Aujourd’hui je pars à la plage avec mes questions nouvelles.
Comme d’habitude, cela résonne.
Je vais essayer de poser mes ressentis, réactions et propres interrogations, en toute humilité.
La période que je traverse m’occasionne de douleurs qui vont et qui viennent, qui parlent de muscles dorsaux noués… alors la décontraction, cela me parle ! Le symbolisme dans mon cas est plus qu’évident… limite il relève de la sagesse populaire… en avoir plein le dos, tout porter sur ses épaules…
J’aime les mains de l’ostéopathe auprès de laquelle je vais chercher une aide à la décontraction, quand les tensions deviennent trop fortes. Tout en sachant très bien que je suis la seule en responsabilité, autant de mon mieux être que de mon mal être. Le savoir n’arrange pas encore mes affaires.
Bien que ne s’agissant pas là d’un mécanisme pour éviter un trauma interne plus dommageable (quoique), la douleur est bien là, présente. Parfois accueillie comme une indication à travailler justement la décontraction, le lâcher prise, parfois provoquant une véritable résistance en moi, ce qui n’arrange pas les choses, évidemment.
La douleur m’accompagne, autant physique que psychologique. Je la considère comme une enseignante, sévère mais juste. Quand parfois elle s’en va, j’en suis moi-même étonnée ! Autant sa présence est perceptible (parfois trop), autant son retrait se fait en catimini, pour que je réalise qu’à un moment donné elle s’est atténuée, sans que je puisse dire précisément à quel moment cela s’est produit. Quelle magie ! Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle me manque, j’arriverais très bien à vivre sans, mais je suis sincèrement émerveillée par ce ballet. Et je l’ai souvent été, ne serait-ce qu’à l’occasion d’un simple mal de gorge qui, de présent et plus qu’agaçant, disparaît sans crier gare.
J’essaie donc autant que faire se peut d’accepter, de ne rien attendre ni espérer mais juste vivre cette douleur, passer au travers. Tout est transitoire.
Et comme d’habitude je te lis avec un immense plaisir car tes échos rebondissent en une multitudes de questions passionnantes.
Merci
J’ai tenu à définir la décontraction car c’est un état très différent du relâchement. Il y a de la tension dans la décontraction mais de la tension « juste », celle qui apporte de l’aisance et permet de sentir une certaine harmonie.
Tu connais mon histoire de fil tendu entre nos paradoxes, je pense que parfois une douleur trop vive, dénuée de sens perçu (physique, psychique, les deux ensemble et souvent reliés) nous bloque sur ce fil (avec le risque de chuter) ou sur une extrémité de laquelle nous ne pouvons plus décoller pour avancer plus loin.
Dans mon dessin animé perso, je serais incapable de me voir « passer à travers » douleur ou souffrance. J’imagine un petit sorcier passant à travers un mur! 😉
Je me vois davantage l’embrassant c’est à dire la prenant en corps à corps jusqu’à ce quelle s’estompe jusqu’à disparaitre sous l’étreinte. 🙂
Et oui, tout n’est que passage vers plus loin… Passages de vies… Je suis d’accord!
J’aime beaucoup cette image de dessin animé perso J’aimerais avoir moi aussi un petit dessin animé perso mais j’ai un autre mode de fonctionnement, moins ludique.
Passer au travers… pas tant comme un petit sorcier qui passerait au travers d’un mur mais plus… un déplacement intérieur. Comme Paul Atréides pendant l’épreuve du gom-jabbar devant la Révérende Mère Supérieure Gaius Helen Mohiam : « Je ne dois pas avoir peur. La peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur, je la laisserai passer en moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. » (Frank Herbert, Dune). Voilà, c’est un peu l’idée Il est vrai que j’ai tant aimé cette saga qu’elle a sûrement déteint sur moi !
En phase avec la douleur dénuée de sens et le risque encouru. Sans pour autant tomber sur l’excès inverse de chercher un sens à tout, de façon frénétique, sans aller plus loin. Le sens n’a de sens que si l’on travaille dessus ensuite, de mon humble point de vue.
Merci encore.
Oui, j’ai parlé de douleur dénuée de sens et en même temps j’ai fièrement (dans le cas présent) sauté par dessus « le sens symbolique ».
C’est que le mot sens nous entraine dans toutes les directions, comme beaucoup d’autres mots, il ne prend sa valeur que dans le contexte et sous la frappe bien précise de la personne qui l’utilise. 😉
Je me souviens d’un jour exceptionnel où tu avais convoqué « Dune », un jour où dans les mêmes circonstances beaucoup de personnes auraient hurlé pour que leur douleur s’efface. Mais pour toi, il y avait un sens, il y avait une fin à venir, une éclosion merveilleuse et bien palpable au bout de la douleur et de la patience.
Le sens était bien concret.
Je sais c’est subtil et tellement personnel.
N’ayant aucune chapelle, je balaie les croyances chaque matin donc quand je parle de sens, je pense généralement au sens du mouvement, donc à la direction que m’indique un évènement, le sens de la marche à suivre, le sens du chemin à emprunter.
Et la dans mon dessin animé perso, je vois un personnage arrêté dans un carrefour, regarder tous les indices alentour (inévitablement y figurent les marques d’un GR !!!)
Le personnage arrêté réfléchit afin de décider dans quel sens poursuivre sa route.
Et en visionnant, je m’aperçois que mon sens du « sens » ne peut se concevoir que parce que le conçois avec « aller plus loin », voire « aller vers un endroit que je connais ».
J’ignore si ce commentaire apporte un éclairage.
Pour moi, il aura en tout cas permis d’éclairer quelques ombres de mon raisonnement 😉
PS : pour m’activer en douceur je vais à la piscine. Je déteste aller à la piscine en règle générale parce que je vois aucun intérêt (sens) à y aller pour barboter ; et bien, en ce moment j’y vais avec ravissement parce que je trouve un sens à y aller! C’est beaucoup plus agréable d’aller y faire des exercices que d’aller chez un kiné ou je ne sais où! 🙂 Et puis, je dois avouer que j’ai l’impression d’être VIP, j’ai le droit d’utiliser l’ascenceur pour me rendre aux bassins 😀
J’adore !
J’ai relu le texte à la lumière de tes dernières précisions et c’est comme si j’en découvrais un nouveau « sens »
L’image du personnage arrête à un carrefour me parle tellement ! C’est la même image que j’ai eue il y a un an, pas sous la forme d’un dessin animé mais d’une vision sans image très forte. Sensation indescriptible que les mots n’arrivent pas à rendre. Peu importe, ton dessin animé me parle !
Et de mon côté, j’aime la piscine mais pour y nager, même si mon cœur reste infiniment attaché à la mer (mais j’avoue que nager en mer réveille en moi un certain malaise, les eaux profondes… je sais que je suis une intruse dans cet univers marin, très mal adaptée biologiquement… en tant que nageuse je m’y aventure très prudemment, j’ai beaucoup moins d’appréhension en kayak cependant… bref… je digresse !).