
Me voilà lancée dans une tentative loin d’être simple!
Inviter à toucher du bout des mots ce que je nomme souvent « simple bonheur ».
Car si la simplicité est souvent évoquée face à la formidable complexité du monde, c’est beaucoup plus souvent par des individus portés par un besoin d’explication simplifiée, voir simpliste… donc fausse !
Me voici donc propulsée en plein milieu d’une inextricable jungle lexicographique alors que j’avais à coeur de raconter… un simple bonheur.
Ainsi va ma vie, infiniment vivante, portée par une quête d’absolu chevillée à mon individu tout entier.
Et si souvent j’ai conscience de fatiguer les personnes qui passent à mes côtés, je suis infatigable dans cette quête, poussant parfois à bout mes interlocuteurs qui me rappellent que la sagesse est au juste milieu.
Oui.
Le juste milieu, ok.
Le milieu de qui, de quoi ?
Où se trouve le milieu entre l’infini et l’infini ?
Existe t-il un « juste » milieu entre l’ombre et la lumière?
J’écris avec une balance minuscule
comme celles qu’utilisent les bijoutiers.
Sur un plateau je dépose l’ombre
et sur l’autre la lumière.
Un gramme de lumière
fait contrepoids à plusieurs kilos d’ombre.
Christian Bobin, Ressusciter, Gallimard, 2001
C’est la foire aux questions et j’entends déjà les mots des personnes qui ont besoin de « parler simple », en noir ou en blanc, pour ou contre, sur une ligne allant de B (bon) à M (mauvais) où il est facile de définir un « juste » milieu géométrique.
Mon bonheur, ce sacré simple bonheur, est ailleurs.
Marcher seule.
Seule dans l’assourdissant silence de la symphonie de la nature,
Seule et tranquille, embarquée quasi immobile dans la danse-transe orchestrée par les odeurs, les couleurs, les sons, à fleur de peau et paisible pourtant.
Avec le printemps, l’invitation est constante.
Et puis ma « chasse aux orchidées sauvages » est ouverte, me poussant à marcher, marcher encore, parce que l’inattendu est devant, parce que le changement est constant, parce que l’impermanence est l’unique réalité.
je suis heureuse dans la complexité de tout parce que marcher seule est ce qu’il y a de plus simple à faire pour avancer encore.
Hier encore, j’ai suivi mes pas dans la lande jusqu’à entendre et sentir le ressac de l’océan et aller plus loin. Dans le sous-bois où les jacinthes sauvages blanches laissaient s’envoler leur subtile fragrance, je me laissais simultanément ravir par les trilles des oiseaux ou l’envol d’un papillon. Je posais mes pas sur l’herbe afin de minimiser le son de mon déplacement, soudain la vue d’un papier abandonné résonnait comme un coup de tonnerre et j’avançais encore, et l’odeur de la terre humide de la nuit me traversait de calme, et le calme agrandissait chacun de mes sens plus loin encore.
Simple bonheur.
A la portée de chacun.
Sans artifice.
Simplement présent.
Absolument là.