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Tous les chemins mènent à Rome (5)

Mardi 10 septembre 2013 : Arma di Taggia (à côté Piccolo Lido) – Alassio (Club Nautique)

Après un rapide petit déjeuner, j’ai plié, rangé et sécurisé tout mon matos afin de prendre, à pieds, la direction de la citée balnéaire. J’espérais que les boutiques n’ouvrent pas trop tard.
En tenue « marine », nus pieds, un p’tit sac étanche sur l’épaule (en guise de sac à main contenant toute ma fortune) et APN à la main, ce matin là, j’étais une touriste en marche!
Premier arrêt pour un cappuccino, deuxième arrêt pour des pizzas, troisième pour des fruits bio, quatrième pour des fromages de chez le fromager, cinquième chez l’opticien qui ouvrait tout juste…
… En fait, c’était la matinée pour faire chauffer la carte bancaire   

A dix heures, j’étais à nouveau sur l’eau.

Pendant ce trip j’ai vécu plusieurs fois des moments de plénitude absolue et il faut bien reconnaitre qu’ils naissaient souvent des conséquences de cette « autonomie-sans assistance » qui m’est tellement indispensable.

Etre sur ma planche au milieu d’une baie (loin du monde), sans obligations, sans pression de timing, avec  l’impression d’avoir absolument tout ce dont j’ai besoin, c’est à dire : eau, nourriture, vêtements secs, hôtel du soir avec vue sur la mer… et carte bancaire okazou (fondamentale la carte bancaire, c’est elle qui me différencie du « SDF à la rue ») est un « truc » immense dont la prise de conscience, libère dans mon dos de délicieux frissons de bonheur

Une digue apparut devant moi, juste après cette digue, j’allais passer en vue de la ville d’Impéria. A ce moment précis, j’ai décidé que le jeu du jour consistait à « faire une pointe par heure ». Le jeu s’est poursuivi toute la journée avec succès! En trois heures, j’étais donc au pied d’Impéria (pointe de San Stefano – Pointe de San Lorenzo – Imperia)

J’avançais en douceur, le paysage était magnifique. Je m’émerveillais sans compter à chaque découverte et chaque découverte me rendais impatiente d’aller voir derrière la prochaine pointe.

Certaines pointes étaient elles-mêmes des oeuvres d’art dont l’image rend très mal la dimension réelle

Une fois une pointe franchie, je visais déjà la suivante.
Il était environ 17h, c’est approximativement à mi chemin entre deux caps
que j’ai aperçu « un truc qui bougeait au ras de l’eau » dans ma direction. Ce n’était pas un SUP. Petit à petit je distinguais un kayakiste, étonnée d’un voir un à cette heure-ci car si j’avais parfois croisé des kayakistes à la pêche, ils stationnaient rarement en « milieu » de baie et jamais le soir. Petit à petit, je voyais le pagayeur, il avait un chapeau noir à large bord et mon imagination galopante s’est empressée d’y voir un « Zorro » kayakiste. Il se dirigeait droit sur « moi-je »… tatatadammmmmmm…
« Buonasera
– Buonasera… I am Joelle, do you speak english?
– Yes, yes… et je parle français aussi, vous allez où comme ça?
(ben M*rde, il est si mauvais que ça mon anglais???  )
– A Rome!  
– Et bien, moi, je vais à Bruxelles!
–  Non, mais je rigole pas, c’est vrai, je vais à Rome.
– Je ne rigole pas, je vais vraiment à Bruxelles, je vais porter une pétition au Parlement Européen etc, etc… Et toi? Je peux te tutoyer, hein? Tu fais « ça » pourquoi?
– Moi? Pour mes vacances!  
– Non… Mais tu fais quand même « ça » pour quelle que chose, non?
– OUI, je fais ça pour mes vacances. « 

S’ensuivit un dialogue un peu surréaliste en plein milieu de nulle part entre un kayakiste suréquipé, chapeau de zorro surmonté d’une caméra, gps à la main, écouteurs aux oreilles et une joelle droit dans ses bottes (oui, oui, en l’écrivant, je pense à mes très belles bottes comme dans la pub de get-sup-mag, version liberty de chez l’oiseau qui plane !: Bon, bon… Je suis une fille quoi!   )
Très sympa, le gars… et il semblait sincèrement content de rencontrer mon brin de folie… Nous nous sommes salué et nous sommes partis chacun dans notre direction. Il ajouta en partant : « Tu verras, ça se fait bien « Rome », j’ai mis un mois pour arriver là »
Un rapide calcul m’horrifia  J’allais jamais y arriver à temps, j’étais partie depuis une semaine, il n’en restait « que » trois… Mais il ajouta « je fais environ 20 km par jour, aujourd’hui j’ai traîné »

Ouffffffffffffffff!   C’est donc que je vais y arriver pensais-je!  

Etonnante rencontre.

Je regardais ma montre : 15 mn de conversation, hop, hop, hop je remettais le jeu en route, allez 30mn pour atteindre la pointe, chiche ? Chiche… 

Une tortue à l’horizon ?

Juste en face de « la tortue » (Isola Gallinara) j’ai trouvé un parfait endroit bien au calme, pour poser mon bivouac du soir après cette journée tranquille.

Mercredi 11 septembre 2013 : Alassio (Club Nautique) – Vado Ligure

Je n’avais pas encore plié la tente quand Marco arriva en appelant doucement « Joelle, Joelle ».
Marco, il avait terminé son entrainement de natation la veille au soir, peu après mon installation et nous avions bavardé. Marco est un ancien véliplanchiste de l’équipe Italienne, il aime tout ce qui parle de la mer  
Là, il venait m’inviter à visiter la ville et à aller prendre un petit déjeuner « normal ».  
Ni une, ni deux, j’ai plié à toute vitesse, nous avons embarqué sacs et pagaies dans son véhicule et c’était parti pour une virée dans Alassio avec un guide passionné.

Bien nourrie par cette surprise du matin, je ne regrettai pas la « mise à l’eau » un peu retardée jusqu’à l’heure où se leva le vent et l’horrible clapot qui allait de paire.
C’était à hauteur de Pietra Ligure.
Au loin se dessinait une pointe à tourner et ne sachant pas ce qui m’attendait derrière, je décidais de me poser sur une plage et d’attendre que tout s’apaise pour avancer sans me défoncer  
C’est donc à Borgio Verezzi que je tentais (et réussissais) un splendide atterrissage surfé.  
Fière de moi j’étais.
Je sautais allègrement de la planche pour la rattraper au vol et avant même d’avoir pu arriver à en attraper le nose, les deux « sauveteurs » du « banio » m’entouraient et tentaient de tirer en vain la planche sur le sable (chargée, elle pèse un peu lourd et l’un des « sauveteurs » était une fille tandis que l’autre sortait à peine de l’adolescence  )
« Tout va bien, pas de problème » me demanda la fille en anglais (tout au long du parcours italien, je fus souvent prise pour une « américaine »… tant que je n’ouvrais pas la bouche, of course!)
« Pas de problème du tout, je viens juste pour manger un peu et me reposer parce qu’il y a trop de vent… »
« Il FAUT vous pousser, ici c’est une plage privée, vous devez aller là, là, c’est public »

Ahurie, je comprenais enfin ce comité d’accueil. J’avais visé le meilleur endroit pour surfer, mais il s’avérait que j’arrivais 150 cm trop à gauche et que c’était intolérable et qu’il fallait que je déplace tout et illico 150 cm à droite!
  
Je détachais mes bagages et la fille s’en empara pour les poser à 150cm EXACTEMENT tandis que le grand ado essayait de trainer la planche sur le sable par le leash, ce dont je le décourageais instantanément en portant moi-même la planche du genre « tire toi, je m’en occupe »  
L’incident était clôt, chacun était à sa place et tout était parfait.
J’ai déballé ma nourriture, étalé mon pique-nique et mis mon linge à sécher sur LA PLAGE PUBLIQUE, oufffff.
Je tiens à souligner que c’est l’unique fois où ce genre d’accueil m’a été réservé. En fait, après avoir discuté à droite à gauche, il est un fait que certains propriétaires de plages privées exercent sur leurs employés (donc les sauveteurs) une autorité quasi despotique qui entraine parfois les employés à faire du zèle.

J’ajoute et c’est important, que j’ai toujours reçu un accueil très bienveillant de la part des sociétaires de ces plages privées.

Le vent montait et j’étais super contente d’être sur la plage, d’autant plus qu’un orage venait en rajouter.

Une fois l’orage passé, le clapot s’est aplati et le vent est devenu carrément portant pour mon trajet, il ne fallait pas en perdre une miette. Je suis repartie, non sans faire attention à l’endroit où je posais les pieds sur la plage… mais décidément, il fallait que je me mette à l’eau dans la zone « privée ». Comme je partais, tout le monde s’en moquait.

En finissant de passer le cap qui suit Finale Ligure, je me suis félicitée de ne pas avoir pris le risque de le passer sous un grain.

Et finalement c’est en vue des installations portuaires de Vado Ligure que j’ai cherché un endroit où planter ma tente. Mine de rien, j’avais encore parcouru une belle distance ce jour là!

Femmes, femmes, femmes


Dans Le Monde du 28 avril 2018, il y avait cette double page.
Catherine Vincent a recueilli les propos de Delphine Gardey.
(Chaque mot a son importance, pour avoir été maintes fois sollicitée, je sais ce que signifie « propos recueillis » dans une mise en page façon dialogue…)

Il y a un bon paquet de « brouillons » qui dorment de mon côté de ce blog, il y a aussi une énorme quantité de billets  dont un certain nombre sur ce sujet là : femmes, femmes, femmes.
En tapant par hasard, il y a par exemple En marchant, en pensant
Il y a Adolescence Majeure et/ou aussi 100%féminin

Si je suis globalement mal à l’aise avec les raisonnements strictement binaires, j’accepte facilement certains faits absolument indiscutables, par exemple :
– Toutes les pièces de monnaie, toute les médailles ont un côté pile ET un côté face, l’un étant indissociable de l’autre.
– Dans l’espèce humaine, la reproduction nécessite l’alliance d’un gamète mâle avec un gamète femelle. La manip peut se faire en laboratoire mais le zygote obtenu après fusion entame une division qui le fait passer au statut d’embryon, lequel embryon humain doit OBLIGATOIREMENT être introduit dans un utérus bien préparé pour croitre jusqu’à devenir foetus et un jour voir le jour sous forme de petit d’humain.
De fait si une pièce de monnaie peut s’appeler un sou, et changer de genre au passage, dans l’espèce humaine rien ne permet de changer de genre. Chaque individu produit soit des gamètes mâles, soit des gamètes femelles et seule la femme possède un utérus capable de « couver » convenablement un petit humain.
C’est non discutable.

Pourtant, il suffit d’ouvrir son laptop, la radio ou la télévision pour entendre de drôles de sons de cloches, discordants, cacophoniques.
Des sons de cloches qui chantent l’égalité, des sons de cloches qui affirment la faiblesse de l’un par rapport à l’autre donc la nécessaire protection de l’un sur l’autre, des sons de cloches qui créent de nouveaux genres uniquement basés sur une apparence physico/vestimentaire, etc.

Je dois bien dire que je suis pas très à l’aise quand la musique est à ce point discordante!

Il parait que la société a évolué, que la société est plus ouverte, que la loi donne des droits équivalent aux personnes mâles ou femelles, aux personnes qui désirent se reproduire physiologiquement, aux personnes qui souhaitent assurer leur descendance de manière plus technico-légale, aux personnes qui ne considèrent que l’apparence physico/vestimentaire, à toutes les personnes aussi revendicatrices d’individualité qu’elles soient.
Il parait.
En France, la loi reconnait toutes ces personnes comme citoyennes, ayant un même accès au droit de vote par exemple. Je pense donc qu’il est inutile de faire paraitre la notion de genre sur les papiers d’identité. Puisque sur ce plan citoyen, il n’existe pas de différence, il est non-utile de faire apparaitre une différence administrative. De mon point de vue, ce serait un véritable pas fait vers « l’égalité ».
Et…
Et pourtant, rien ne dit que cette égalité là est souhaitée.
Car il est bon pour certaines personnes de s’affirmer au pouvoir.
Car il est bon pour certaines personnes de s’affirmer « à protéger ».
Et « tout ça » n’a absolument rien à voir avec les gamètes mâles ni femelles.
C’est simplement et de manière sporadique l’exposition d’une certaine hystérie sociétale où il est question de « mise au monde » donc de creuset (utérus, matrice, ὑστέρα à l’origine du mot hysterie)
Car, la réalité, c’est que notre espèce humaine est grégaire et socialement organisée. Il faut obligatoirement une personne à la tête de chaque troupeau.
Et il faut obligatoirement que certaines personnes créent une opposition pour renouveler la tête du pouvoir.

Enseignement collectif


Deux fois par semaine je vais à l’école.

Enfin… Je rentre dans ces lieux qu’on nomme « école », dans ces endroits où  coexistent  cour de récréation et salles de classe.

L’école.

Ce mot là me balade à travers mille émotions et autant de souvenirs.
Dans mon enfance, les livres parlaient encore de ceux qui osaient « faire l’école buissonnière ». J’en admirais les protagonistes, toujours des garçons : garnements en culotte courte et rapiécée, espiègles et iconoclastes.
Ils partaient dans les bois ou dans les rues et passaient leur temps à jouer, acceptant le risque de se retrouver « au coin » et sous un « bonnet d’âne », trouvant alors mille moyens pour faire rires les « bons élèves » qui eux, redoutaient les punitions toujours très rudes.
Grâce à ces récits, emportée par mon imagination, je supportais ma place de fille sage, sagement assise en classe.

Aujourd’hui « l’absentéisme scolaire » a remplacé l’école buissonnière, regroupant « mal-élevés », phobiques (victimisés, forcément bien élevés, eux puisque les parents s’inquiètent à leur sujet…) et marginaux à la marge.
L’école est une histoire de grands, d’adultes, de parents, de responsabilité, de lois, etc… C’est un fait certain.

Une fois mère de famille, après une tentative avortée du côté des « enseignants », je me suis trouvée du côté de la barrière réservée aux parents. Je suis restée de ce côté pendant des années qui me semblèrent interminables.
Tout m’ennuyait à la fin, tout ce qui avait pu m’amuser lors de la découverte de cet environnement, tout m’agaçait.
Il est vrai que je suis allergique à la routine et l’école est une routine au long cours avec ses répétitions coûte que coûte, ses acceptations, ses obligations et ses fantaisies bien organisées.

La loi du nombre est la loi du nombre, vivre en société, c’est s’y soumettre, c’est apprendre que la liberté des uns commence où s’arrête celle des autres, qu’elle diminue quand la population augmente et que pourtant la société est indispensable à l’épanouissement des individus.
Nous sommes des animaux grégaires, dois-je encore le répéter?

Deux fois par semaine, je vais à l’école.
A l’école, dans deux endroits différents, à la rencontre des enfants en face à face, sans barrière, puisque je ne suis ni d’un côté ni de l’autre, juste là, sans programme ni parti pris.
C’est une aventure.
Chaque fois une aventure…
Car « sans parti pris » oblige à la souplesse, au mouvement, à la fluidité, à une qualité de présence très particulière.
Ce qui me passionne, me fascine, c’est encore et toujours l’exploration.
J’observe d’un côté les enseignants et leurs utopies (oui, oui : utopies… quel autre mot pourrait mieux définir ce qui guide leurs objectifs?)
J’observe de l’autre côté les enfants et leur réalité, leur vécu sans fard de l’instant présent.

Ces passages sont désespérément nourrissants.

Et après?


Quand j’ai posté cette image sur ma page FB, je n’avais pas  imaginé les tourbillons de pensées qui allaient suivre.

Un très bon ami écrivit : « Avancer, et voir sa « marque » qui part en ondes avant de disparaître. C’est pas si mal »
Et illico, je postais : « (…) C’est juste fou, tu n’imagines pas! La trace, l’empreinte et tout ce qu’on laisse traîner, c’est pour moi le centre de tellement de questions qui tournent sans réponses (…) »

A peine avais-je écrit ces quelques mots que tout se bousculait en bon ordre dans ma tête.

La réalité, les métaphores, les histoires de passage, les navigations dans le désert ou sur l’océan, les métaphores encore… et mes cogitations de l’été (particulièrement celle-ci et celles qui suivent, juste avant le départ en randonnée)

C’est une histoire de fou, c’est un entrelacs de paradoxes qui me faisaient alors face, en toute bienveillance et sans le moindre esprit guerrier.
Et très rapidement,  j’assistais à leur dilution dans l’image de ce vortex immobilisé dont j’avais suivi le plus loin possible la disparition.

Pour une fois, j’avais trouvé une réponse!

 

Pic et pique et colle et crème


Am Stram Gram

Quel étonnement lundi matin à la lecture de ces quelques mots : «  Ah merci mais je l’ai déjà fait ce défi il y a plusieurs mois (…) »
Sur mon écran ça sonnait de deux manières : « j’ai déjà fait bon débarras, faut plus compter sur moi » et « C’est ringard, nous ont a fait « ça » il y a longtemps ».

Ni une ni deux, j’embraye, je passe la première et j’écris ce que je pense.
Ni une ni deux, la réaction tombe, tout en longueur à la suite de « Oui, parce que je n’ai pas pu le terminer  »
Il n’en fallait pas plus pour titiller ma tendance à la prose pimentée.

Il n’en fallait pas plus parce que dans les arcanes de ce qui me sert de disque dur interne, une vague s’était levée, avait déferlé et avait entrainé du ressac qui moussait à son tour.

Me revenaient en pleine face les « chaines » qu’on se passait sous le manteau à l’école et qu’il était raisonnable de craquer tout en tremblant car le mauvais sort nous était promis, juré, craché!
Me revenait le système de vente pyramidale qui fit le succès des boites plastiques. L’illégalité déclarée fait qu’on appelle ça du « marketing de réseau » et il y a aujourd’hui des clients à la pelle pour de multiples commerces.
Je pensais aussi à cette tendance très à la mode sur les réseaux sociaux : publier une pub, nommer un « ami » et espérer gagner un gros lot.

Et pourtant, ce lundi là il n’était question ni de « mauvais sort », ni de vente, ni de gain mais plutôt d’un jeu
D’un jeu un peu particulier puisque c’est le genre de jeu dans lequel on ne se lance pas spontanément.
Un jeu qui fait appelle au lien amical, genre « allez, fait le pour moi »
C’est un peu comme dans la cours de récréation, il y a toujours un gamin pour lancer une idée et embarquer les autres « Et… Si on jouait à ça? ». Et pour plein de « bonnes raisons, on joue à « ça »!
Je me souviens de la cours de récréation, ça me gavait souvent les jeux des autres, mais comment être avec les autres en refusant leurs invitations?
Pas facile quand on est gamin.
J’avais besoin d’être appréciée, je n’avais guère de choix : incapable de « faire la chef », je devais suivre.

Bon, soyons clairs, il y a bien longtemps que les personnes en lien ce lundi (à travers de leurs écrans) ont dépassé l’âge de la cours de récré!

Ce qui m’a interpelé, c’est la prise en compte très sérieuse d’une notion d’engagement sur la durée, le poids de la notion de challenge (un challenge est quelque chose de nouveau et difficile qui requiert beaucoup d’effort et de détermination), voire de défi (action de provoquer quelqu’un en combat singulier).
Ces différentes notions sont des expérimentations à faire (ou à éviter, c’est selon chacun) dans la vraie vie, me semble t-il.
Comment est-ce possible de confondre la vraie vie et la virtualité de nos écrans?

Inutile de battre la crème, au risque de la transformer en beurre… C’est glissant le beurre, non?

Ces petits jeux amicaux, ces engagements qui n’engagent pas plus loin que quelques clics du bout du doigt, sont autant d’éclairages de nos reflets. De mon point de vue, c’est aussi certain qu’impalpable.

 

La culture intensive de la norme ferait-elle pousser la différence?

« Ils peuvent tout faire entrer dans leurs calculs sauf la grâce, et c’est pourquoi leurs calculs sont vains. »
Christian Bobin, Editions Gallimard, 2001, ISBN 2-07-042710-2

(Oui, cette citation revient souvent dans ce que je raconte…)

Nous l’avons tous constaté, la norme est à tous les coins de rue.
C’est une question de sécurité à ce qu’il parait.
NF : Norme Française, la sérénité certifiée, c’est écrit sur la toile c’est donc vrai!

La norme.
Avant même de voir le jour, tous les foetus présents en France sont mis en équations et la bataille est si rude que la sacro-sainte norme ne cesse de se rétrécir histoire de mieux « cibler ».
Avant même de voir le jour un foetus est donc normal ou « pas normal ».
En entrant dans la vaste baquet des « pas normaux », il peut avoir la chance d’être sélectionné pour « vivre quand même » ou être purement et simplement éliminé.
C’est que « pour des raisons de sécurité », pour des « raisons de sérénité » il est « normal » de ne pas « aimer » ce qui est hors norme…

C’est toujours inquiétant la différence, non?

C’est inquiétant la différence, mais une fois bien né, bien vivant et bien vieillissant, il FAUT apprendre à accepter la différence.

La différence est une richesse à ce qu’il parait.

OK…
Il faut suivre, mais OK. Je suis hyper large d’esprit et je sais m’adapter!
J’ai commencé très tôt à m’adapter…

Dans les années 60, j’ai fait partie de l’échantillon des 120000 enfants testés dans la célèbre « Enquête Nationale sur le niveau intellectuel des enfants d’âge scolaire ». A l’époque, il s’agissait simplement de faire le compte des « déficients » avec les outils de l’époque.
La notion de QI était déjà bien présente depuis le début du 20ème siècle. Il n’était pas encore possible de trifouiller dans les chiffres à grande vitesse comme aujourd’hui (merci les ordinateurs contemporains), mais il était possible de publier une grande quantité d’études et surtout de définir « une norme » assez précise.

Comme par hasard, je n’étais pas dans la norme.

En souvenir, je garde à la mémoire le jour de test comme le plus beau jour de ma vie d’écolière.
(En écrivant cette affirmation, j’effectue un rapide travelling dans mes souvenirs et sincèrement je pense que c’est l’unique jour où j’ai autant jubilé, en classe, et sans discontinuer pendant aussi longtemps)
C’était l’année qui précédait mon entrée au lycée (donc en 6ème), j’étais au deuxième rang de la troisième rangée de bureaux, celle qui était du côté de la porte de la classe. Les premiers rangs étaient uniquement accordés aux « bonnes élèves » sauf celui « côté fenêtre » qui était utilisé pour ramener au devant celles qui avaient des problèmes de vue. Nous étions  donc 6 « bonnes élèves » sur une quarantaine de filles et nous étions 5 plus jeunes d’une à deux années par rapport à « la norme ».
Il y avait dans la classe, des filles de plus de douze ans, elles avaient pour contrainte la préparation au Certificat d’Etudes Primaires.
Contrairement à mes « copines » de la première rangée, je ne me sentais pas « bonne élève » malgré les « classements » et je rêvais secrètement d’un coin tranquille au fond de la classe.

Le jour du test, l’institutrice était en retrait, et c’était cool parce qu’elle me faisait un peu peur au long cours.
Il faut bien avouer que j’avais pris la désagréable habitude de jouer avec les consignes et il est certain que mon aimable « transgression » l’agaçait au plus haut point.

Chronomètre en main, une « dame » distribuait les fiches de test et donnait les consignes. Une autre « dame » surveillait l’application stricte des consignes.

Un état de grâce s’est installé dans mon ventre dès le premier exercice. Le chronomètre avait à peine été déclenché que j’avais terminé. J’avais terminé et je n’avais aucun doute au sujet de ma réponse.
Attention, j’ai écris « je n’avais aucun doute » ce qui est différent de « j’étais certaine d’avoir la bonne réponse »! Je n’avais aucun doute, c’est tout.
Je pouvais donc observer la classe avec l’esprit complètement libre.
Et j’observais.
Deux ou trois exercices m’ont paru plus difficiles, il avait fallu un peu de temps pour les réaliser dans le temps imparti et je gardais un doute… Mais sur l’ensemble de l’évaluation, ce qui primait, c’était le bonheur de « trouver » avant tout le monde, c’était un jeu et j’en sortais victorieuse. J’ai adoré ce jour là.

Que s’est-il passé ensuite : rien.
Dans ma classe, les « déficientes » étaient déjà identifiées, c’était les redoublantes qui n’avaient pas réussi à l’examen du Certificat d’Etude l’année d’avant.

A l’époque, pour une fille « la norme » consistait à « se marier et faire des enfants »… C’était large!

Pourquoi évoquer cet autrefois?
Simplement pour parler de relativité.
Simplement pour souligner que « la norme » étant très très large, on évoquait rarement la différence.
Tout le monde était logé à la même enseigne et chacun était considéré avec les jugements propres à la société d’alors.
Et à cette époque, il fallait faire le compte des « déficients » afin de « les prendre en charge » pour en « faire quelque chose »!

Ce matin, je suis allée faire un tour sur la partie visible d’un de ces microcosmes « d’entre-soi » où le « moi-je » est roi.
J’ai éprouvé un véritable malaise.
Chez eux, « la norme » c’est l’exception, ce qui signifie que « les autres » sont rejetés.
Les autres sont LA source de leurs problèmes, leur sécurité n’est assurée que par la grâce du filtre de leur exception.
Dans leur microcosme, « la norme » c’est pas la norme normale.
Pourtant, ce sont des gens tout à fait « normaux » puisqu’ils sont venus au monde « normaux ». Mais comme aujourd’hui ils se sentent « différents », ce qui est « normal » puisque nous sommes tous différents, ils ont créé leur propre norme basée sur leur propre différence…

OK…
Il faut suivre… Finalement, j’ai quelques difficultés à m’adapter!
C’est normal ou pas normal?

😀

De la gratuité… De l’impression à la réalité

Il y a des jours comme ça.
Des jours où en me penchant sur l’écran de la toile, je vois de mes yeux des mots noirs sur fond blanc,
Des mots qui ne sont pas les miens et qui pourtant racontent tous, à leur manière, une évidence que je ne cesse de répéter.

Et oui, je répète à tour de bras.
Et oui, je suis inlassable.
Têtue jugeraient certain(e)s et pourquoi pas?
Refuser de se jeter dans l’abîme des idées simples mais fausses nécessite certainement un certain atavisme de bourrique!

Donc, la gratuité n’existe pas?
Et oui… tout se paie affirme le proverbe.

Cette question là, cette question de la gratuité, m’est tombée dessus il y a fort longtemps. Tellement longtemps que je me souviens avoir soulevé un tollé après avoir exprimé mon raisonnement en classe :
J’avais à peine 10 ans, j’étais au collège et affirmer ce que je pensais fut si drastiquement réprimé que le mutisme est devenu un art de vivre à la hauteur des « mauvaises notes » accumulées.
Je me suis contentée de poser « par écrit » ce qu’il était de bon ton de noter afin de récolter les « bonnes appréciations » qui m’évitaient un rangement immédiat dans la case « imbécile ».
De fait j’ai « perdu » de l’avance et j’ai gagné un temps précieux.
De fait je suis reconnaissante au système scolaire. Grâce a ce qu’il était, j’ai rapidement appris à vivre en société.

J’ai repris en pleine face cette « gratuité qui n’existe pas » des années plus tard, le jour où j’ai décidé de faire payer ce que tout un chacun considère comme un « droit » gratuit : l’accès à un praticien de médecine conventionnelle.
Je pèse chacun des mots en écrivant « accès à un praticien de médecine conventionnelle ».
Et je le souligne parce que chacun sait qu’il est tout à fait normal de payer de sa poche un praticien de médecine alternative : magnétiseur, coach, chaman, charmant bidouilleur, guérisseur assermenté, gentil psychothérapeute, etc.
En sortant de tout contrat conventionnel, je gardais mes diplômes d’Etat, mes connaissances acquises à l’Université d’Etat (donc « gratuite »), je devenais « payante », donc non-conventionnelle et surtout, il fallait que je prenne le temps de l’expliquer.

Car, en France, la « gratuité » est institutionnelle et il faut passer beaucoup de temps pour faire entendre à qui ne souhaite pas l’entendre que rien n’est vraiment gratuit, jamais.
Et quand j’entends dire que « le temps c’est de l’argent », ça me fait rire d’avoir perdu autant d’argent en expliquant aussi longtemps qu’il était nécessaire ce qu’il m’importait d’expliquer!

Je souris aussi à l’idée d’assurer parfois la garde « gratuite » de mes petits enfants, parce que c’est normal, n’est-ce pas? De la même manière qu’il est tout à fait normal de rétribuer une nourrice ou un baby-sitter pour assurer le même service.

Suivez mon regard, je viens de mettre sur le même plan deux circonstances qui relèvent de deux plans différents.  Il y a le plan familial et proximal, voire amical et il y a le plan sociétal, éloigné du plan familial. Il y a un véritable lien familial, un lien amical avec quelque rares personnes et une infinité de « non-lien »  qui nous met en contact avec l’étranger.

Dans notre monde si vaste, dans notre société pléthorique, il est probable qu’il soit plus que jamais nécessaire de « mettre en valeur » la réalité du non-lien et les contraintes qui vont avec.
En y mettant « un prix », en multipliant les situations où ce qui familialement « ne coûte rien » se paie, nous nous offrons l’occasion de réfléchir à ce qui relie l’individu à la société, à la société qui rend l’individu plus fort jusqu’au moment où elle s’y perd. Et quand il ne reste plus qu’un peuple d’individu individualistes, quand « faire société » n’a plus de sens, l’avenir est à vivre, en société, coûte que coûte.