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De retour auprès des chevaux après une longue absence, il fallait que je puisse poser des mots, revoir des souvenirs, envisager le présent et oublier l’avenir.

A propos du bien-être, un cas.


23 février 2024

Nous devrions rendre grâce aux animaux pour leur innocence fabuleuse et leur savoir gré de poser sur nous la douceur de leurs yeux inquiets sans jamais nous condamner.
Christian Bobin, Ressusciter, Gallimard, 2001, page 87.

Le bien-être…
Un truc à la mode !
C’est quoi ?
Comme tous les trucs à la mode, « ça » se vend à toutes les sauces.
Mais c’est quoi alors ?
Ben… Après avoir cherché une définition, j’en ai trouvé à la pelle.
Mais j’ai été incapable d’en trouver une seule bien précise.
Et comme s’il fallait compliquer « la chose » le bien-être humain étant à l’origine de bien des guerres, des révolutions, des grèves, des revendications mettant souvent à mal … le bien-être d’autres humains, voilà que les histoires de bien-être animal sont entrées dans la danse, bousculant des millénaires d’histoire de la domestication et du sens même de cette histoire.

Inévitablement la question du bien-être des chevaux est posée sur la table, d’autant plus vivement que de nos jours si les chevaux sont des outils de travail pour un petit nombre de professions, c’est parce qu’ils sont destinés quasiment exclusivement aux loisirs d’un très grand nombre de personnes.
Souvent, je lis qu’il faut éviter toute forme d’anthropomorphisme, que les chevaux sont des chevaux et qu’ils doivent être vus en temps que tels. Sauf qu’il suffit de se promener dans n’importe quelle grande surface dédiée au « bien-être » du cavalier et de sa monture pour constater (si besoin en était) que le détenteur de la carte bancaire étant humain, c’est à ses besoins à lui qu’il faut plaire. Pour vendre une couverture, par exemple, c’est bien à « la sensation de bien-être » du propriétaire d’un cheval qu’il faut parler, c’est bien l’humain qu’il faut convaincre et c’est en vérité le bien-être de l’humain qui va diriger la notion de « bien-être animal ».

Hier, j’ai vécu un moment que je n’avais jamais eu l’occasion de vivre dans toute ma (longue) vie de côtoyeuse de chevaux.
Les conditions météorologiques étaient tempétueuses.
Je suis arrivée aux écuries entre deux fortes averses, le vent violent agitant seulement quelques gouttes résiduelles, mais après avoir salué les personnes présentes, le ciel recommençait à nous tomber sur la tête.
Ayant d’autres activités prévues dans l’après-midi, mon temps sur place étant compté, j’ai décidé d’aller chercher le petit pur-sang sans plus attendre et malgré la pluie battante.
En arrivant, longeant son paddock en voiture, j’avais remarqué qu’il avait le nez dans son foin, face au vent. Les chevaux ayant naturellement le réflexe de se mettre dos au vent pour s’en protéger, je m’étais dit que l’animal restait placide, préférant la gourmandise à l’abri.
J’étais donc sur le chemin pour aller à sa rencontre, mes bottes de pluie se moquant des flaques, mon bonnet enfoncé jusqu’aux yeux et le ciré fermé jusqu’au menton lorsqu’à travers les rafales j’entendis le son vibrant du hennissement qui me salue habituellement. Vibrant… plus que d’habitude en vérité, mais étant encore loin je n’attachais que peu d’importance à ce fait.
A l’approche, je constatais que le petit pur-sang restait figé sans venir à ma rencontre.
La pluie redoublait.
Il était à quelques mètres de son abri, dos au vent, queue plaquée, pattes arrières sous lui, comme pour mieux résister à la poussée de l’air mauvais, tête basse.
Figé.
J’avançais à sa rencontre, il était tremblant.
Tremblant de tout ses membres.
Tremblant de tout son corps.
Jamais je n’avais vu un cheval tremblant ainsi, à l’image d’un gamin qui sort de l’océan après y avoir un peu trop trempé.
Il fit un pas vers moi.
C’était émouvant car ce faisant, il prenait le vent de travers.
Visiblement, il avait envie de me suivre mais il était impossible de le toucher, donc de lui mettre son licol. C’était comme si sa peau trempée était devenue hyper-hyper sensible, refusant le moindre contact.
J’ai songé un instant à aller dans son abri… afin qu’il s’abrite… mais il avançait à pas piteux vers l’entrée du paddock, donc vers la sortie. Là il accepta le licol.
Il me suivit sur le chemin, d’un pas que je n’avais jamais vu aussi actif.
Je restais super attentive, je le sentais si tendu que tout pouvais arriver.
Son compagnon du paddock d’à côté souffla à notre passage, comme effrayé par je ne sais quoi.
Les rafales redoublèrent d’un coup, ronflant autour des bâtiments.
Il fallait avancer quelques pas encore pour être à l’abri.
Ce fut fait sans hésitation.
Là, sous le hangar, le petit pur-sang dégoulinant et archi-trempé s’arrêta, refusant de faire un pas de plus. Il tremblait encore. Jamais je n’avais vu un si grand animal trembler ainsi.
Impossible de le toucher, donc de le sécher.
Je lui ai approché un peu de foin qu’il accepta de manger et j’ai attendu.
Je l’observais, il n’y avais rien d’autre à faire que ne rien faire.

Il cessa de trembler.
Les rafales perdirent de leur intensité.
la pluie tambourina moins fort.

Après un coup de brosse pour la forme, j’ai conduit le petit pur-sang jusqu’au manège, tout nu, sans autre intention que d’aller passer un bout de temps à l’observer.
Dès le seuil, je l’ai libéré de l’attache qui nous liait.
Il s’est éloigné immédiatement, en trottinant, la queue en panache, le nez en l’air.
A l’autre bout du manège, il s’est couché pour se rouler. Dans la sciure du manège, il a frotté son dos avec délectation d’un côté, de l’autre, puis il s’est relevé, a lancé une gracieuse cabriole, s’est secoué et est venu vers moi, au pas, décontracté.
Je ne lui ai rien demandé de plus.

Nous sommes repassés par l’abri du hangar, pour la forme, et parce que je considère que « le cadre » est super important pour la sécurité affective du cheval.
Tant qu’il n’est pas tout à fait serein, chaque séance rentre dans un cadre strict, toujours le même, un cadre dessiné à minima entre pansage d’avant la séance et pansage d’après la séance.
La sciure est donc restée agglutinée dans épais pelage, formant une espèce de carapace qui le rendait tout à fait non-présentable.
Il était temps de le « rentrer » au pré.

Là-bas, il s’est tranquillement dirigé vers son foin.
Il a plongé son nez dedans.
… comme si rien ne s’était passé!

Comme si rien ne s’était passé,
Comme si je ne l’avais jamais vu tremblant de toutes ses cellules,
Comme si aucune tempête n’avait traversé les écuries,
La vie a continué dans les jours suivants,
Paisiblement,
Sans le moindre accro de santé,
Ni pour lui, ni pour moi.

Le bien-être c’est ça!


Le petit pur-sang



Et hop, depuis hier nous entrons dans un nouveau cycle, le solstice d’hiver est passé, désormais les journées vont aller en s’allongeant et je suis super contente d’avoir, une fois de plus survécu à ce passage de l’année où la nuit est trop longue.
Ca fait un bout de temps que je connais mon besoin viscéral de lumière et il est fort probable que mon goût prononcé pour les activités d’extérieur en soit la conséquence.

En parlant de cycle, je me permets de faire le lien avec le billet précédent, car le présent ne saurait être saisi sans avoir pris connaissance de celui qui vient avant, avec tous les liens qu’il contient et certainement davantage.

A peine quelques semaines après avoir mis en ligne un billet dans la section Cheval, ma « routine » avait déjà changé. Je laissais B. et I. sans aucun regret. Après environ neuf mois passés, auprès d’eux et de leur propriétaire, il était grand temps de m’enfuir, j’avais besoin de liberté renouvelée.

S. le petit pur-sang était là.
Il est encore là.
Pour combien de temps ?

Les rêves sont faits pour être vécus et j’en ai vécu des centaines !
Pourtant,
J’ai jamais été bien douée pour dire à quoi je rêvais.
Par contre, j’ai toujours eu et des besoins et des désirs.
Posséder un cheval fut un désir fort.
J’ai assouvi ce désir des années durant.

Alors que le crépuscule de ma vie est bel et bien arrivé (en ce sens lexical de ce qui décline, décroit, doit progressivement disparaître), posséder un cheval correspond à un passé sans plus d’avenir. En conséquence, je « partage » désormais les chevaux et donc le petit pur-sang S.
Je « partage » en étant du côté consommatrice, l’autre côté appartient au propriétaire.
Comme en toutes choses, il y a des avantages et des inconvénients.

Il a fallu que je trouve l’équilibre entre mes paradoxes.
Et pour arriver à un semblant d’équilibre, il faut toujours accepter de tomber.

Et c’est là que la vie fut, une fois de plus très espiègle!

Jamais dans ma vie de cavalière je n’ai été confrontée à des chutes graves, coup de bol sans doute.
En fait, la chute ne fut pas un « truc » fréquent pour moi et pourtant, j’ai passé beaucoup, beaucoup d’heures à cheval.
Alors, en cette année écoulée, me retrouver par trois fois séparée d’une monture est un évènement que j’ai bien noté et même surligné.
Si je peux analyser ces « séparations de corps » et en remettre la faute entière sur mon propre dos (qui se porte tout à fait bien, merci l’air-bag pour les deux dernières), je dois remarquer que la dernière a tutoyé le ridicule au point qu’une adorable cavalière spectatrice, en me tendant les rênes d’un S. tout sage dit innocemment « Tu fais le clown, hein? C’est ça ? »

Je pense sincèrement qu’il fallait que j’en arrive là.

Non seulement il me fallait accepter de tomber (y compris symboliquement) mais surtout, il fallait absolument que je laisse tout tomber.
(Cette année 2023 n’est-elle pas aussi l’année où je suis rentrée dans le groupe des personnes profitant de l’argent « cotisé » par les « actifs » ? Arffff… ce qui signifie que je suis devenue non-active! Pffffff)
– les projets que j’ai plus mais que mon imagination s’acharne à dessiner en filigrane
– l’audace de revendiquer un certain savoir partageable
– toute forme de prétention en tout et rien
– etc

Oui, j’en souris encore.
J’ai fait le clown
Probablement dès le premier jour où j’ai débarqué aux écuries, encore boiteuse, appuyée sur une béquille.
Ai-je jamais été vraiment sérieuse?
J’ai passé l’âge, non?
Seuls les enfants et les plus jeunes ont la certitude de leurs convictions.
Plus tard, chacun joue le jeu, et y croire en fait sûrement partie.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.

Ces derniers jours, lorsque S. voit arriver ma silhouette du fond de son pré, il lève la tête et pousse un petit hennissement. C’est nouveau.
Peut-être est-ce sa mode du moment avec toute personne arrivant en sa direction?
Je l’ignore.
Au son de ce hennissement, je sais qu’il ne manifeste ni crainte ni agressivité, mais en déduire quoique ce soit d’autre relèverait de mon interprétation émotionnelle humaine.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.
Oui, je répète!

Et certainement qu’en laissant tomber un bon paquet de « trucs » au fil du temps, j’ai laissé tomber aussi pas mal d’attachements vains.

La suite reste à vivre.
Passionnément
Avec gourmandise,
Et des journées qui s’allongent à nouveau!


PS : j’avais écrit « petit » appaloosa comme j’écris aujourd’hui « petit » pur-sang.
Jamais je n’ai mis ce qualificatif accolé avec I ou B, eux que je qualifiais de « couple princier »!
C’est que « petit cheval », à l’image de « petit vieux » est détaché de la taille mesurée.
Petit signifie : origines modestes, vie normale sans coup d’éclats, aptitudes ordinaires.
Qui est « petit » doit coûter à minima et si par hasard un « petit cheval » finit par rapporter un peu plus qu’il ne coûte, il deviendra peut-être un « bon petit cheval »!
Tout est contenu dans le regard que l’humain qui le côtoie lui porte.





Une certaine routine

Je parlais de point fixe aujourd’hui même, ici.
Et j’avais aussi conjugué les points fixes avec les points de suspension par ici.

Depuis que je monte à cheval, beaucoup de mes réflexions tournent autour des chevaux et de l’équitation parce que j’y vois plusieurs sociétés en taille réduite, donc autant d’interrogations qui me situent moi-même sur un certain chemin, sur certaines recherches, certaines attentes tranquilles ou plaisirs immédiats.

La « routine » de ces dernières semaines avec cinq jours passés auprès des chevaux chaque semaine représente un point fixe placé sur les turbulences des passages.

Trois chevaux, toujours les mêmes B. , I. et S.
Je les observe, je les monte chacun leur tour, je les observe.
Attentive à ma relation à eux, donc attentive à mon attitude en leur présence, à ce que change le moindre geste dans leur regard de cheval si différent de notre regard humain, à ce que change la moindre contraction « parasite » de mon corps posé à leurs sens de chevaux tellement à fleur de peau.
Car les chevaux ne pensent pas.
En tout cas, ils ne regardent pas les chaines d’information en continue, pas plus que les réseaux sociaux qui parfois déblatèrent en leur nom.
Les chevaux sont dans l’instant présent.

C’est certainement cet instant présent super présent qui constitue le point fixe qui m’est utile en ce moment. (A noter pour les personnes qui suivent et s’y perdent que j’ai remplacé C. par S. preuve s’il en était que chaque cheval est tout sauf un point fixe! )

Parce que la vie des humains est remplie par l’actualité galopante, par ce que nous oblige la société de consommation, mes pensées sont alternativement hyper denses et absolument creuses.
Lorsque je descends de vélo pour m’asseoir dans la voiture et me diriger en direction de l’une ou l’autre écurie, je laisse s’égrener ce que raconte la radio sans avoir besoin de mettre la moindre pause musicale. Ma petite musique interne fait le job. Je suis dans un entre-deux et j’ai toujours apprécié ces moments.

Et 20 à 30 minutes plus tard, je mets pied à terre et je suis dans l’univers des chevaux.
Et là, je suis là.
Encore plus intensément dès le moment où j’arrive à côté du cheval du jour.
Et davantage encore au moment où je l’enfourche.
Je suis en sa compagnie, je lui propose d’établir une relation, toujours la même, paisible, sans état d’âme, dénuée de la notion binaire bien/mal.
Ce qu’il me fait sentir m’oblige à essayer de ressentir ce qu’il a ressenti pour en arriver à réagir. La moindre tension de son côté interroge la tension que je lui impose.
C’est une partition absolument passionnante, toujours renouvelée, impossible à rejouer exactement pareil, tout comme en mer il est impossible de retourner sur sa trace, bien qu’il soit possible de reprendre un cap.

J’ai tellement conscience de la qualité de ces moments.

Je suis pleinement reconnaissante à tout le chemin déjà parcouru depuis ma venue au monde car c’est ce chemin à nul autre pareil qui nourrit aujourd’hui ma routine.

Dans cet espace, si je suis parfois conseillère, si je suis parfois scrutée, si je suis parfois radoteuse, jugée « réac » même, je sais que c’est uniquement avec et par les humains qui passent. Les animaux ignorent les jugements et c’est pour nous, humains, une grâce qui nous permet de regarder ce que nous souhaitons dans le miroir de leurs yeux.

A mes yeux, la grâce, c’est le bonheur et le confort d’un point fixe, d’une routine, de nombreux « entre-deux » toujours différents bien que renouvelés cinq fois par semaine.

Dans le nouveau décor


« La sagesse se trouve exactement où tu es, il suffit de passer de l’autre côté du désespoir ».
De l’autre côté du désespoir, André Comte-Sponville, Edition Acarias-l’Originel, 1997
EAN: 9782863160657 

Une chose est certaine le changement de décor fut celui qu’il me fallait.
Les quelques jours où je m’y suis immergée en accompagnant une de mes petites filles au « stage poney » ont achevé de me convaincre.
Le lieu est paisible.
Les cavaliers qui le rejoignent sont tranquilles, souriants et simples, tous passionnés évidemment.
Autour de l’île qui héberge les chevaux, la Loire s’écoule, imperturbable.
La marée monte.
La marée descend.
Le paysage est à la fois changeant et permanent.
Exactement ce dont j’avais besoin.

Le cheval aux crins lavés par le soleil se révéla très touchant.
Certainement parce que c’est un vieux cheval.
Mais ma propre vieillesse,
Ma propre expérience des limites imposées par l’âge qui avance,
A mon propre corps de vieille athlète,
Me donnent une sensibilité que les « jeunes » ne peuvent pas avoir.
Dans chacun des exercices que je lui demandais, je sentais la subtile difficulté, la non-décontraction réelle. Un peu « warrior » à sa manière de cheval, il donne sans hésiter, certainement parce qu’il est fait pour ça et en plus formaté « pour ça » depuis de nombreuses années. Mais en réalité ça tire, et séance après séance je me sentais devenir une espèce de kiné spécialisée pour l’inviter à se mouvoir le plus souplement possible, à s’étirer, à mouvoir chacun de ses muscles pour les préserver encore un peu du passage du temps qui passe.
Et force fut de constater que dans les années qui me restent pour monter à cheval, je n’ai aucune envie d’être une soignante et encore moins de payer pour ça!
Il fallait donc trouver une autre monture.
Dans le même décor!
Par chance un petit pur-sang est arrivé récemment.
Sans hésiter, j’ai suivie la proposition de l’essayer.
Je fus prévenue : il ne sait rien faire, il est complètement à l’envers.
Et c’était déjà un programme possible qui m’enchantait.
Mais il fallait essayer, « voir » de moi-même.
Et oui,
Jeune, éduqué mais sans aucun bagage « technique », il a tout à apprendre et en premier comment marcher sous la selle avec harmonie.
Lui aussi est super gentil, exécutant approximativement ce qui lui est demandé de fort simple, mais à la manière d’un gamin, à l’arrache, par soumission, sans enthousiasme.

Banco!

J’étais super heureuse hier en quittant la belle île.
Il y a de l’avenir à écrire.
J’ignore lequel.
Mais l’important est là,
Plus loin.

J’avais ce besoin intense d’imaginer encore un « plus loin ».
Il fallait qu’un brin de jeunesse,
Vienne stimuler ma pensée,
Avec toute la non-intention dont un cheval est capable.

Ils sont fait pour ça (bis)


Lorsque j’avais entendu sortir l’expression « Ils sont fait pour ça » dans le contexte d’une conversation simple, je m’étais sentie bien seule et j’avais pondu un petit billet pour en parler.

Evidemment la brave personne qui avait émis cette hypothèse ignorait totalement à quel point « Ils sont fait pour ça » car trop souvent nous passons par dessus le fait que le cheval est domestiqué depuis des milliers d’années, donc qu’il fut patiemment et sans fin génétiquement sélectionné pour « ça ».

D’après les dernières découvertes scientifiques (2021), consécutives à l’amélioration de la puissance de calcul des ordinateurs ( possibilités de séquençage génétique accrues depuis une dizaine d’années) il ressort que tous les chevaux vivant actuellement sur terre ont été domestiqués, c’est à dire sélectionnés par les humains afin d’être utilisés par eux. La première vague de domestication date d’environ 5000 ans et le cheval était alors seulement un animal de rente utilisé pour sa viande et son lait. Une deuxième vague datant d’environ 4200 ans donne naissance à « l’ère du cheval » (laquelle s’achève au début du siècle dernier avec la mécanisation de l’armée, des travaux agricoles et du transport) et les chevaux que nous « utilisons » aujourd’hui pour nos loisir sont les descendants de ces lignées.
Ce qui fut priorisé, en terme de sélection, ce fut la capacité du dos à porter et tirer sans douleurs (gène sur le chromosome 3) et aussi le contrôle de l’anxiété et de la docilité des animaux (gène zfpm1 sur le chromosome 9). Depuis cette « nuit des temps » la sélection n’a jamais cessée pour aboutir où nous en sommes actuellement, avec une incroyable diminution de la biodiversité et un cheval ultra « génétiquement modifié » afin d’être « fait pour ça »!
Plus aucun cheval sauvage n’existe en terme de caractéristiques génétiques bien que des chevaux vivent encore en groupes lâchés dans la nature mais « surveillés » par les humains.
Le cheval d’aujourd’hui, même s’il provient d’un troupeau semblant évoluer en liberté est adapté à l’humain depuis des siècles et il ne s’agit pas de l’apprivoiser comme il faudrait le faire si c’était un animal sauvage attrapé par hasard, mais bien plus de lui expliquer qu’il est « fait pour ça » (course, sauts, exhibitions ou simple esthétisme poussé à l’extrême) et qu’il est temps qu’il se plie à ce pourquoi il est fait.

Remarquablement on voit actuellement sous l’effet de la mode se multiplier les « chevaux de couleurs » (encore « mieux » s’il ont des yeux bleus) qui bien souvent ne feront rien d’autre que de rester au pré sous l’oeil émerveillé de leur propriétaire, un peu à la manière de ces petits bijoux nommés « cheval arabe » qui ne feront rien d’autre que parader au bout d’une longe afin de gonfler l’égo de riches propriétaire prêts à y laisser des sommes colossales.
La sélection se poursuit donc.
Derrière les images faisant gambader notre imagination sur les mots « sauvage », « galop débridé », « grands espaces » se cache l’asservissement du cheval aux besoins actuels de l’humain.
Le cheval est un animal domestique.

Changement de décor (suite)


Il y a quelques jours j’avais promis la suite, la voilà!

Pour entrer dans le vif du sujet j’ai vraiment changé de décor en passant des alentours du canal de Nantes à Brest aux bords de Loire.

Et puis, après le cheval d’indien, me voici en relation avec un cheval beaucoup plus classique. Si le soleil réalise un charmant balayage dans le doré de sa crinière d’alezan, sont look n’a rien d’exceptionnel et je suis assez contente de me retrouver en selle sur un cheval éduqué comme je l’entends.

Comment ai-je donc choisi ?
Peut-être me suis-je laissée happer par la Loire ?
A moins qu’un cheval ne m’ait choisie ?
Ca c’est dans les rêves, non ?
Mais pour l’anecdote, disons que j’ai saisi un clin d’oeil.

La semaine dernière lors de mon premier passage en bord de Loire, j’étais entrée dans le paddock du possible élu, sur l’invitation de la propriétaire : « Tu peux aller le voir et le caresser, il est là-bas ».
Ma béquille dans une main et l’autre vide, je suis entrée et je me suis plantée au milieu de l’espace en me disant que j’allais pas le déranger, juste m’approcher et le regarder.
Il a levé la tête.
Il a baissé la tête.
Il s’est mis en marche dans ma direction.
Il fut bientôt si proche que j’ai posé ma main sur son front en murmurant des mots doux anodins.
Nous étions ainsi en « conversation » lorsqu’un petit gars est arrivé à la barrière en me demandant qui m’avait autorisée à entrer.
Comme je lui expliquais et l’encourageais à bavarder, il m’a rejoint au point où j’étais posée.
Et le cheval s’est éloigné, il est allé se frotter le derrière contre un bel arbre.
Au milieu du paddock, lui posé sur sa fourche et moi sur ma béquille, nous avons passé un instant.
Puis, il s’en est retourné à son boulot avec mes félicitations pour son attention.
Je pensais sortir à mon tour, mais ma lenteur fut telle que déjà le cheval était déjà revenu juste à mes côtés.
Nous avons repris notre conversation où nous l’avions laissé.
Bref, c’était un pur hasard, mais je pourrais dire que la balance avait penché en sa faveur avant même d’avoir posé mon derrière sur son dos.

Depuis, j’ai poursuivi les essais.
Ce qu’il faut souligner à nouveau c’est que partager la pension d’un cheval avec une autre personne, c’est s’engager vis à vis d’un couple et ma solitude naturelle doit absolument considérer les obligations qui en découlent.

Il me fallait donc utiliser la minuscule balance virtuelle qui est posée sur le même rayonnage que mes pensées en goguette.
Il me fallait y déposer des étoiles scintillantes d’un côté et de l’autres des cailloux noirs en sachant que les étoiles peuvent s’éteindre et que les cailloux noirs peuvent s’illuminer.
Et revenir à l’évidence : choisir c’est renoncer, c’est avancer et aller où le vent me poussera.
J’ai choisi les bords de Loire.

Maintenant, il me reste à annoncer mon choix, aux personnes qui espéraient qu’il soit en leur faveur et ceci sans les blesser.

Et me voilà partie vers de nouvelles aventures !



Changement de décor

Un passage s’achève, je suis à nouveau à cheval.

Demain, je vais retrouver avec joie le « couple princier » qui parait-il m’attend avec impatience. (photo de la princesse)

En attendant les retrouvailles, aujourd’hui j’ai « essayé » un cheval afin d’avoir l’occasion de monter en semaine comme je le faisais avec le petit appaloosa.

Ce matin donc, je suis allée observer puis monter un cheval dont la propriétaire cherche un(e) volontaire pour partager les frais de pension. Et les frais sont conséquents puisque le cheval loge dans un centre de « bien-être » offrant de nombreuses installations.

Trois couples cheval/cavalière s’offrent à mon attention en ce moment et il va falloir choisir sur lequel je jette mon dévolu.
Deux couples utilisent les installations d’un centre situé au nord de Nantes, un autre utilise les installations d’un club de propriétaires un peu au sud.

Me voilà donc partie pour une nouvelle aventure dans de nouveaux environnements.
Cool et sympa, les environnements, j’ai fait le tri, bien évidemment!
Donc, après avoir fait la découverte et l’exploration de « c’est mieux au pré » mâtiné de « je déteste l’équitation classique », je suis en train de rentrer au coeur du business « équitation classique ». Ici les labels sont rois, dont l’indispensable « bien-être animal » sans lequel les animalistes sur canapé ruent beaucoup trop dans les brancards.

Et bien, c’est pas triste.
Bon… C’est du business
Et ce sont des humains très humains de chaque côté.
De bons commerçants d’un bord, de bons consommateurs de l’autre.
Une fois de plus mon exigence d’absolu se trouve bien bousculée
Et ainsi va la vraie vie,
A la recherche d’un certain équilibre sur le fil tendu entre mes paradoxes.

Funambule plus que jamais,
J’observe,
Je constate.
Par exemple, dans le club du nord, j’interroge le « c’est tellement mieux au pré » en notant que les chevaux les plus chers, les mieux bichonnés et les plus importants, vivent en boxe.
Une petite armée de petite mains est à leur disposition pour maintenir leur matelas/litière impeccable, pour leur permettre de se dégourdir un peu les jambes dans un paddock chaque jour et pour veiller sur leur accoutrement afin qu’il soit adapté à la saison. Nourris avec attention grâce à des aliments appropriés pour chaque régime, je les vois ces chevaux « stars », la tête à la « fenêtre » guettant leur voisin de palier. Attentifs aux humains qui déambulent, ils sont prompts à tendre le cou pour attraper ce qui passe, pour jouer les espiègles ou taper dans la porte afin de se faire remarquer. Souvent aussi, ils font la sieste.
Bien tranquilles à l’ombre, dans le calme de leurs boxes bien propres, j’ignore à quoi ils rêvent.
Ces chevaux là vivent comme au siècle dernier…

Et puis, il y a les autres, le vulgum pecus, ceux qui vivent en troupeau… mais en club.
Il parait que « c’est bien » de vivre en troupeau, les propriétaires en sont certains, et c’est sûrement pas parce que c’est plus économique, non.
C’est seulement plus « étho- logique » selon les préceptes à la mode !
Ces chevaux là vivent sur une plaine terreuse.
Aucune paillasse n’accueille leur repos, ils sont hébergés « à la dure ».
En cherchant bien, au loin de l’entrée, quelques brins d’herbe persistent et « c’est cool » car pour grignoter ils faut qu’ils marchent ces braves chevaux, voire qu’ils fassent la preuve de leur détermination pour grappiller à la place d’un moins entreprenant.
Ils ont l’obligation de s’affirmer, de lutter.
Du foin est déposé dans d’immenses mangeoires, l’eau stagne dans des bacs et dans un coin il y a un distributeur de grains.
Dans cette « écurie » d’un nouveau genre, chaque cheval est muni d’un collier électronique et reçoit sa ration lorsqu’il se présente devant « la machine, c’est à dire que deux à trois fois par jour (selon son régime) le passage du collier électronique devant le badge délivre une dose de granulés.
De fait les chevaux font la queue devant le distributeur.
Certains passent et repassent, espérant sans aucun doute qu’un miracle se produise. En vain.
Et puis, il y a les plus rusés qui campent pas trop loin et rappliquent quand ils entendent le grain couler, poussant celui à qui la ration était destinée pour s’en emparer.
C’est un monde merveilleux où les chevaux sont certainement très heureux comme le sont les chevaux sauvages qui n’existent plus.

Elle est quand même super bien trouvée cette hypothèse selon laquelle la vie sauvage rend heureux.
Impossible de m’empêcher de penser aux humains qui imaginent toujours que l’herbe est plus verte ailleurs !

Quel couple vais-je choisir ?
Sur quels critères ?
J’ai déjà une petite idée.
Mais comment pourrais-je déjà vendre la peau de l’ours alors que je n’ai posé mon derrière que sur un seul des trois chevaux en lice?
Certes, je les ai tous vus.
Certes j’ai déjà bien discuté avec les propriétaires que j’ai aussi vu en selle dans une carrière.
Mais,
C’est un couple que je dois choisir,
Donc,
La patience est de mise.

(à suivre)

Passage…


En vérifiant dans le moteur de recherche du site la présence du mot « passage » j’ai trouvé pas moins d’une trentaine de billets dans lesquels il apparait. Celui-ci arrive en tête
J’apprécie toujours la redécouverte des billets enfouis proposé par cette recherche qui précède chaque plongeon dans la rédaction d’une énième réflexion.

Comme j’ai essayé de le relater en trois articles, je suis en zone de passage.
Vers la suite c’est certain.
Quelle suite ? Je l’ignore.
Quand ?
Encore davantage.

Etrange zone que je tente d’explorer passionnément.
Intensément à l’écoute de mon corps,
… et de plus … et de tant.
Car jamais l’occasion ne s’était ainsi présentée.
Etre incapable de poser sans une intense douleur la jambe droite devant la gauche,
Donc être incapable de marcher avec aisance,
Tout en étant capable de me balader à bicyclette,
Tout en étant capable de nager délicieusement,
Tout en étant capable de m’installer dans mes postures de yoga favorites !

« Monter à cheval, c’est partager sa solitude »
Clément Marty, D’un cheval l’autre, Gallimard 2020

Pour l’instant je suis privée de ces moments de partage, incapable de marcher, comment aurais-je l’audace d’inviter un cheval à marcher sous ma selle ?

C’est là que j’en arrive après ce préambule.
Car c’est autour de ces deux mots « cheval » et « solitude » que s’articulent l’ensemble des réflexions qui passent et re-passent en ce moment, dans ce passage là.

Sans aucun doute, la retraite forcée de ces derniers jours met en exergue ce que j’avais déjà posé dans ce billet là , s’y ajoute l’inexorable quête d’absolu qui est mienne.
Et cette quête m’impose des choix,
Donc des renoncements.

Dès l’incident à l’origine de cette pause forcée, j’ai su que le temps était venu de déclarer à la propriétaire du petit appaloosa la fin de ma contribution.
Je m’étais fixée l’horizon de septembre, mais une fois plus le terme de neufs mois a pointé le bout de son nez sans même que j’ai besoin d’en faire le décompte!
Magie de la Vie !
Ma reconnaissance envers ce petit cheval est gigantesque.
C’est principalement sa non-solitude qui a petit à petit précipité la fin de ma relation à lui.
Il appartient à sa propriétaire.
Il loge chez sa logeuse.
Mon besoin d’absolu fut incapable de s’épanouir dans les « entre-deux » abyssaux qui se créaient.
J’en souffrais en silence, sans oser poser un point final.
Le point s’est imposé,
De lui-même.

J’en suis là.
Gourmande plus que jamais.
Confiante
Inlassablement.








Et un et deux et trois

Trois paires d’oreilles, trois tempéraments, tant à apprendre



En septembre, lorsque j’écrivais au sujet de l’importance du chemin passé, j’étais incapable d’imaginer ce printemps… et pourtant mon imagination est capable de bien des films!

Depuis, les billets se sont accumulés au sujet du cheval, j’ai même ouvert une rubrique dédiée tant les réflexions se sont accumulées au point de déborder. (pas moins d’une quinzaine de billets déjà…)

J’avais besoin de sens pour avancer et je pensais en être arrivée à l’âge où je pouvais me contenter de balades salutaires.

Mais…

Mais j’ai découvert un nouveau monde,
J’ai questionné la relation,
Et aussi la notion de « bien-être » qu’elle soit appliquée aux humains ou aux animaux,
J’ai fait un retour express dans mon passé de cavalière,
J’ai réfléchi, douté, questionné, appris plus loin encore
Et j’en suis revenue à mes convictions profondes,
Celles qui avaient germées auprès de F.Knie senior,
Celles que j’avais entretenues avec la lecture passionnée des grands écuyers,
Des humbles écuyers d’avant l’époque du commerce opportuniste,
Celles qui finalement avaient grandi en même temps que grandissait
Mon goût pour l’éducation des chevaux.
Patiemment laborieuse.

Et force est de constater aujourd’hui que non, les simples balades à cheval ne m’offrent aucun sens.
La chasse aux orchidées sauvages se pratique en marchant, le regard rivé au ras du sol.
Mon exercice physique « de santé » se pratique à bicyclette au quotidien, la tête dans les étoiles.
Mon besoin d’adrénaline diminue avec l’âge qui avance et par ailleurs, j’ai appris à entretenir le flux des hormones qui contribuent à l’état de bonheur au long cours.

Mais…

Mais, il me reste le plaisir intense et toujours renouvelé d’établir une relation.
Il me reste le besoin de sentir la merveilleuse décontraction d’un cheval qui se déplace harmonieusement sous ma selle, sa capacité à jaillir en équilibre à la demande et la confiance à élargir aussi souvent qu’elle vacille.
Un besoin qui nécessite labeur et patience.

Monter à cheval, c’est chaque jour un nouveau passage de vie.

Aucun cheval ne ressemble à un autre, même si chaque cheval appartient à l’espèce « cheval » si différente de l’espèce humaine.
Grâce au petit cheval appaloosa découvert en septembre dernier, la porte s’est grande ouverte sur d’autres possibilités de chevauchées, de rencontres et de relations à établir.
A l’impossible nul n’est tenu,
Je fais confiance au vent pour me pousser en sagesse au fil des jours qui passent.

« Nous devrions rendre grâce aux animaux pour leur innocence fabuleuse et leur savoir gré de poser sur nous la douceur de leurs yeux inquiets sans jamais nous condamner »
Christian Bobin, Ressusciter, Gallimard 2001

Comment oublier le bleu marine si particulier des yeux qui s’ouvrent à la vie terrestre, leur innocence formidable, leur absence de jugement ?

Monter à cheval est chaque jour un passage de vie.

De l’imagination à la réalisation


Qui se souvient de ses dessins d’enfance ?
Qui se souvient de ses essais consistant à essayer de mettre une pensée en image sur le papier, à l’aide de traits et de couleurs?
Personnellement le souvenir de mon impuissance à mettre au monde ce qui galopait dans mon imagination est tenace.
Les mots des observateurs résonnent encore : « c’est joli », « tu as du talent », « oui, pas mal », « il faudrait ajouter ça », etc.
Dans ma tête le jugement était sans appel, j’étais incapable.
La gentillesse des gentils me blessait autant que les conseils des « enseignants » (diplômés ou auto-proclamés) car les uns ne disaient pas la réalité que je constatais et les autres me proposaient des solutions qui me paraissaient au dessus de mes compétences.
J’ai appris à « garder pour moi ».

Peut-être que mon imagination est définitivement trop débordante?
Trop complexe?
Simplement elle-même?

Avec le temps qui est passé, grâce à l’eau qui a coulé sous les ponts, j’ai fini par réussir à tendre des fils entre mes paradoxes et à trouver une joie bien vivante en les écoutant vibrer sous mes pas.

Et en plus : je me réjouie lorsque l’idée de faire sentir à d’autres un « truc » de l’ordre de la sensation … vibrante vient à m’effleurer.

Il est un fait que je suis bien ancrée dans la réalité, quelle que soit sa complexité, son infini mouvement de vie et aussi son indicible part d’invisible.

En posant ce que vous pourrez lire comme du charabia, un rangement s’opère dans mes pensées, les fils qui semblent en vrac se tissent ensemble et je vois précisément où en venir tout en sachant que le plus attentif des lecteurs est déjà au bord de la céphalée.
Il est temps de révéler la source de l’envie de rédiger ce billet.

Plus je lis des « modes d’emploi » et plus me reviennent les paroles d’un Professeur devenu sage une fois déchargé de sa charge de service.

Nous étions en lien épistolaire, souvent d’accord sur un bon nombre de plans techniques au sujet des muscles et de leur fonctionnement « physiologique » en cas de stimulation médicamenteuse (autrement dit en cas de dopage). Naturellement lors des conférences, nous nous accordions un instant pour refaire le monde selon notre vision.
Un bon matin, alors que j’étais encore sous l’émotion d’un « sauvetage » réalisé sans pouvoir expliquer exactement ce que mes mains avaient réellement fait, je lui en faisais part. J’étais d’autant plus troublée par mon propre questionnement que j’avais longuement répété la manipulation afin de me sentir (presque) prête afin d’aborder (presque) sereinement une aventure à venir. Et voilà que dans l’urgence, j’avais agi comme je pouvais, incapable d’affirmer que mon geste était reproductible avec succès dans une autre situation.
Alors, avec une immense bienveillance, visiblement compatissant devant ma confusion, il posa ces paroles réconfortantes : « Sois bien consciente d’une chose, toutes les personnes qui t’expliquent par A+B avec force a, b, x et y comment te sortir d’une telle situation sont des personnes qui n’ont JAMAIS été confrontées à la situation »
Devant mes yeux qui devaient être ouverts tels des soucoupes, il ajouta : « En réalité, quand « ça » arrive, « on » fait ce qu’on peut et on prie. »

Je suis bien loin de cette époque, mais je suis à nouveau en lien avec les chevaux, avec leur puissance vivante, avec l’urgence constante de mettre au monde le meilleur et l’harmonie à laquelle j’aspire.
Et bien évidemment je doute.
Alors, je me balade au rayon des recettes, histoire de trouver de l’inspiration.
En vain.
Car bien évidemment (et désormais grâce à une certaine expérience) je suis incapable de poser aucune explication par A+B infiniment reproductible pour parvenir à un résultat standard.

Est-il possible d’affirmer que je suis une indécrottable fervente du sur-mesure?