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Mascarade ou la toute-puissance de l’apparence

Un individu est venu s’installer au fond de l’impasse en plein milieu des semaines d’interdiction de bouger qui viennent de nous être imposées.
Le 18 avril.
Précisément.

Un individu, entier, transparent, passionnant, passionné, perdu, déboussolé, avide de paix et de re-construction.

Certaines circonstances obligent tranquillement.
Naviguer à la marge est une manière de respirer qui me colle à la peau et peu importent les règles imposées et peu importent les risques associés, les uns comme les autres communément agités par en haut afin de limiter… de limiter… dans tous les sens!
Peu importe.
Je dispose d’une balance invisible sur laquelle je pose le « pour », « le contre » avec attention. Et, tout en écrivant cette phrase, je vois la balance évoquée par Christian Bobin dans le livre « Ressusciter » auquel je fais souvent référence :
« J’écris avec une balance minuscule comme celles qu’utilisent les bijoutiers.
Sur un plateau je dépose l’ombre et sur l’autre la lumière.
Un gramme de lumière fait contrepoids à plusieurs kilos d’ombre. »

Je transgresse quand j’en ai besoin.
En conscience.

Une personne est venue s’installer aurais-je pu écrire!

Sauf que par les temps qui courent, sauf que face à la mascarade ambiante, croisant chaque jour des gens bâillonnés de bleu, de blanc de vert ou de multicolore se promenant sur le trottoir désert, regard dans le vague, sauf que par ces temps je me dois d’éviter le mot « personne* » lorsque je parle de quelqu’un qui s’est démasqué.

* personne : Du lat. d’orig. étrusque persona «masque de l’acteur» d’où à l’époque chrét. «visage, face»; «rôle [au théâtre], caractère, personnage; personnalité, personne, individu»; aussi terme de gramm., où il traduit le gr. π ρ ο ́ σ ω π ο ν «face, figure» et aussi «masque de théâtre» et «personne (terme de gramm.)»; pour le sens 3 att. en lat. chrét., v. Blaise Lat. chrét.

Entre Little Bird ( Lequel à repris son envol depuis que j’ai remis les pieds dans l’océan) et ce compagnon/colocataire de passage, j’ai royalement invité mille et une réflexions aussi passionnantes qu’improbables à venir danser au milieu de mes pensées débridées.
L’heure n’était pas à l’écriture.

Ce matin, quelques bribes s’imposent allègrement.
Avec le sourire.
Des brins espiègles jouent en enfonçant les portes ouvertes
Par des soucis tellement communs
Cultivés sur le fil des apparences,
Insidieusement liberticides.

Car
Que penser de « l’authentique », de « réplique à l’ancienne », du « vrai faux », du « faux vrai » qui s’imposent dans tous les pans de notre existence du 21ème siècle?
Que penser de ces véritables parquets en faux bois ou en carrelage?
Que penser de la « fausse viande » destinée à ceux qui dédaignent la chair animale?
Que penser de la moutarde à l’ancienne sortie de l’usine après examen à la loupe?
Que penser ?

Ce que je sais c’est que la moutarde me monte au nez souvent.
Ce que je sais c’est que le choix du sol « véritable » de mon antre fut une aventure que je n’avais pas eu à traverser lors des précédentes constructions.
Ce que je sais c’est que je n’ai pas besoin de fausse viande pour m’efforcer à la paix.

« L’autre monde » qui est au bout de la lorgnette des médias serait-il définitivement soumis à une injonction du genre « deviens qui tu n’es pas »?




Haute voltige

ISBN 978 2226114112, Editions Albin Michel, 2000

Il y a cet extrait en illustration.
Et il y a l’ouvrage en entier avec son quatrième de couverture :
« Entre le désir profond de se lier, de s’engager corps et âme, et le désir tout aussi profond de préserver sa liberté, d’échapper à tout lien, quel tohu-bohu !
Or, pour vivre ces exigences contradictoires et d’égal dignité sans être écartelé, il n’y a aucun secours à attendre ni de la philosophie, ni de la morale, ni d’aucun savoir constitué.
IL est probable que les seuls modèles adaptés pour nous permettre d’avancer sont la haute voltige et l’art du funambule. « 

Et il y avait Christiane, la voix de Christiane, la voie qu’elle incarnait, humblement, passionnément.

Mais là n’est pas ce qui m’amène devant le clavier.
Ce qui m’amène, c’est l’éloge de l’engagement et autres folies.
L’engagement!
Quel engagement ?
Ce « truc », par exemple, ce « truc » qui prend vie le jour où un enfant pointe le bout de son nez et où nous affirmons que cet enfant est le nôtre.
C’est un jour sacré, qui au delà de tous les textes profanes ou spirituels, nous oblige à nous engager, corps et âme.

Combien de fois dans ma vie, accueillant la vie à mains nues, combien de fois ai-je formulé des bons voeux, silencieusement, consciencieusement, m’imaginant « bonne fée » capable de contrecarrer le sort jeté par la Carabosse.
Car dans mon imagination où les dessins animés se succèdent, il y a, penché sur chaque berceau un bon paquet de fées pas toujours bienveillantes et ce, sans même parler de la vie bien réelle dans laquelle débarquent les enfants.
Combien de fois ?
Tout en connaissant l’immensité de ma non-puissance…
Tant de fois !

Après avoir pris conscience en vivance et à la bonne heure, de la notion d’assemblée bienveillante, assemblée capable de former un filet protecteur sous chaque funambule de haute voltige, silencieusement, consciencieusement lors des jours sacrés où un engagement prenait son vol, je rajoutais ce voeu là : qu’une assemblée de qualité soit présente pour permettre à cette/ces personne(s) de s’élever.

Et aujourd’hui encore, quand des parents restant engagés auprès de leurs enfants devenus adolescents, se trouvent propulsés dans des numéros de haute voltige qu’ils n’avaient jamais imaginé, je pense à l’importance d’une assemblée invisible assez forte pour tisser un filet protecteur, je pense à la toute puissance du temps si précieux et tellement nécessaire au tissage.

Bien plus loin que les recettes toutes faites, que la philosophie ou la morale, je sais que l’unique différence entre une personne d’expérience et une personne novice, c’est que la personne d’expérience est tombée un nombre de fois bien supérieur au nombre d’essais effectués par la novice.
Et je sais aussi qu’il faut beaucoup de patience parce que la chance n’est jamais pressée…
Parce que la chance, c’est autre chose que le hasard!


Les fleurs coupées


Hier, j’ai reçu un bouquet de fleurs coupées, un bouquet de fleuriste.
Les fleuristes sont à chaque coin de rue, mettant un arc en ciel de couleurs forcées dans la grisaille citadine.
Les fleurs « artificielles » sont bien réelles, élevées en nombre parfois à des milliers de kilomètres, envoyées par brassées dans des marchés de gros, entassées dans des seaux afin de contenir leur soif. Leur sort est réglé d’avance, de même que leur stérilité, elle seront finalement  jetées sans considération.

« Wahoooo, c’était pas la peine » ai-je dit comme « ça se fait » en recevant la gerbe craquante de papier cristal.
Et je me suis empressée de rajouter comme pour me convaincre qu’il n’y avait pas d’autre issue:
« J’aime les fleurs, merci » presque rougissante de tant d’hypocrisie polie.

Oui, il m’arrive de confectionner des bouquets quand le jardin regorge de fleurs.
C’est un luxe offert par le jardin, aucune plante n’est sacrifiée. C’est presque un cérémonial que d’aller choisir les fleurs qui passeront au salon plutôt que de rester cachées à mon regard en attendant d’être passées.

Je vais pas en écrire des tonnes, ni raconter l’époque révolue où il était aimable d’apporter une brassée de fleurs du jardin et un cake maison en se rendant à une invitation.
Ces attentions d’un charme désuet étaient propres à la classe manoeuvrière à laquelle j’appartenais, une classe sociale qui se dirigeait déjà vers la moyenne en rêvant de grandeur et de luxe et de bouquets magnifiques comme « dans les châteaux »!
L’iconographie était réduite à l’époque.
Il y avait pour rêver des bouquets « de château » et des bouquets japonais bien trop exotiques pour paraître « beaux » au yeux des braves gens.
Non, je vais m’abstenir d’en écrire des tonnes…

Ce billet vient par là, parce que j’ai reçu un bouquet de fleuriste hier.
Ce billet vient par là parce que l’image  (et la sensation) de « fleurs coupée d’origine indéterminée » est revenue plusieurs fois dans la semaine passée et encore hier soir dans un commentaire ici-même.
Parce que la quête de sens, indispensable pour « aller plus loin », entraine facilement notre société de consommation à s’abreuver à l’eau du vase plutôt qu’à la source.
C’est plus simple, plus rapide et tellement moins complexe que de se relier à l’expérience, aux racines bien ancrées, aux cycles immémoriaux de la nature.
De fait, dans notre hâte, il est fréquent de tomber en admiration devant une fleur « artificielle » coupée de son histoire, d’en prendre soin aussi longtemps qu’elle ne flétrit point, puis de la jeter lorsqu’une autre nous tend les bras.
Il en va de nos certitudes parfois et des affirmations qui en découlent.
C’est une réalité tellement contemporaine.
Nous sommes inondés d’informations, de propositions, de philosophies prêtes à porter et de tant de tentations, nous sommes environnés par tant de modes éclectiques que nous nous trouvons tou(te)s et chacun(e)s bien souvent déconnecté(e)s de nos racines, du « bon » sens et de la réalité impermanente qui forgent notre présent.

Vécu, analogie, métaphore et… Passage



L’arbre et la pirogue…

Les captifs de la toile ont peut-être déjà croisé une histoire d’arbre et de pirogue qui se partage en un clic sur l’air de « mouais, c’est pas mal ce truc ! Je vais partager et hop, c’est quoi le suivant? » C’est signé « mythe mélanésien de l’île de Vanuatu »…
A la source, il y a un travail effectué en vue d’une thèse de recherche de Joël Bonnemaison, et c’est un peu plus complexe que la métaphore colportée ne le laisse entendre.
Comme d’habitude quoi!

Sous nos latitudes, il y a belle lurette que les pirogues monoxyles sont rentrées dans les musées quand elle ne sont pas l’oeuvre récente de quelques gentils bricoleurs qui jouent avec le bois plus qu’ils ne navigueront jamais.

Je possède une pirogue, elle est en « composite », c’est à dire que c’est un assemblage de tissus en fibre de verre et de résines polyester… Pas vraiment des « trucs » directement cueillis dans la nature, donc…

Pourtant, ma pirogue, un va’a sans gouvernail, je la compare volontiers à un cheval qu’il faut apprivoiser, un « truc vivant » plus puissant que moi.
Car elle m’emporte, elle décide de sa trajectoire sur les vagues, elle n’obéit jamais à des ordres simples et tranchants, elle a besoin d’être habitée, elle a besoin que je sois « avec » elle, que je l’apprivoise à chaque sortie, que mes propositions soient douces et déterminées.
Les moments de grâce sont ceux où je suis à la fois moi, l’océan et la pirogue !
Ils existent.
Et comment en parler sinon en usant de métaphores?

Ce long préambule pour essayer de décrire le lendemain d’une « organisation » réalisée.
Qui osera lire et suivre chacun des liens jusque dans ses profondeurs pourra peut-être un peu comprendre. Un peu seulement! 😉

Dimanche soir, de retour dans la vie « normale » il y eut comme toujours un « vidage de carte mémoire ».
C’est subtil ce genre de vidage.
La symptomatologie  est claire et précise : j’arrive face à une personne en disant « je voulais te dire quelque chose à propos de l’évènement et je sais plus du tout ce que c’était ».
Il y a un instant de silence où j’essaye de rembobiner, un regard probablement vide, le mot FIN qui flash devant mes yeux et hop, j’actualise sur le temps présent.
Tout ce que j’avais consciencieusement enregistré en double, à la fois sur le laptop et dans ma mémoire, tout ce qui s’était amoncelé au point d’encombrer mon bureau, ma chambre et mes pensées s’envole instantanément sans être perdu pour autant.

Et qui dit vidage, dit vidange.
Aucune vie n’est jamais vide tant qu’elle est vivante!
Qui dit vidange parle aussi de remplissage, non?

Donc, le lundi était jour de remplissage.
Imaginez un réservoir qui se remplit à grande vitesse, imaginez le flot qui entre, imaginez les turbulences qui se créent au contact des parois, imaginez les vagues, imaginez une vaine tentative pour réguler le débit, le trop plein qui guette… imaginez mon lundi!

Puis, le calme revint en surface, il revint d’autant plus apparent que tout était rangé : le matos, la maison, mon bureau en bois et mon bureau virtuel.

Invisibles aux yeux, inaudibles, il ne persiste que doux frémissement intérieur, intense et bien connu. Il n’est que pensées qui tournent, vagues de questions qui déferlent inlassablement, bosquets qui ramifient à foison, envie d’écrire, doutes, hésitations, certitude de solitude.
Ma routine, quoi!

La puissance de l’imprévisible

 

C’est mots on résonné fort lorsque j’ai découvert dès sa sortie en France (2007) le bouquin de Nassim Nicholas Taleb : Le cygne noir, la puissance de l’imprévisible.

Lors de chaque passage de vie, lors de chaque aventure, tout en préparant avec une attention à la limite de l’obsession, les moindres détails auxquels je pouvais penser, je gardais une place spéciale pour l’imprévisible, pour tout ce que je ne pouvais absolument pas prévoir.
Ainsi, je suis toujours partie tranquille, ayant fait le tour complet de ce qui pouvait advenir, l’imprévisible compris.

Depuis, les années sont passées, Nassim Nicholas a publié un autres best-sellers en 2013, Antifragile : les bienfaits du désordre, à nouveau chez Les Belles Lettres pour l’édition française.

Donc, résonné ai-je affirmé.
Oui.
Clairement, ces mots sont arrivés sur une zone de ma pensée déjà bien forgée au point de faire: « tilt », c’est exactement « ça »!
Vous savez, c’est ce genre de lumière qui s’allume quand on vous explique un truc que vous avez toujours connu sans jamais avoir songé à le mettre en mots.

L’imprévisible faisait donc partie de ma vie et de mes prévisions sans que j’ai besoin de raisonner, c’était un fait.
C’était un fait aussi dans ma vie de famille, et aussi dans ma vie de maman.
J’ai la chance d’avoir des fils qui vivent fort, pas du tout comme « la norme bien pensante » aime à l’imposer et c’est comme ça depuis leur naissance et c’est savoureux, toujours et encore.

Pourtant, riche de ce savoir, il m’arrive de m’endormir sur la routine. Sans doute est-ce l’âge qui avance et qui tend à m’asseoir sur une certaine satisfaction, à contempler mon nombril assise sur un paquet de temps passé ?
Je ne sais pas.

Voilà que j’ai été pour ainsi dire réveillée ces derniers temps, alors que tout semblait lancé comme sur des roulettes, alors que même le « petit dernier » semblait enfin en route vers plus loin de manière presque commune.
J’ai besoin de voir un « psy » a-t-il déclaré du fond d’un malaise qui l’embourbait.
Mon amour pour les « psy » étant diamétralement opposé à mon goût pour le « laisser vivre » physiologique, c’était vraiment cool de l’entendre me demander « une bonne adresse ».
Le « hasard sauvage » étant ce qu’il est, j’avais une adresse possible, testée et approuvée par une personne qui m’en relatait les moindres détails dont un « détail » de taille : le problème, c’est que « L »  se permet de refuser des accompagnements. Ca me rappelait quelque chose et c’était pour moi un super bon indice.

Et hop l’histoire se lança sur un chemin nouveau tout à fait inconnu.

Et hop, tout se bouscula, simplement parce que le fruit tombe quand il est mur, tout naturellement.
Deux ans plus tôt, c’était « trop tôt », cette fois-ci était la bonne.

L’aventure ne fait que commencer, car « L » décida de rompre avec ses habitudes et sollicita pour « mon petit » une consultation auprès d’une « V » fort overbookée. Ayant absolument horreur de faire rentrer quiconque dans un cadre statistique, et surtout pas la chair de ma chair,  je me suis sentie un peu titillée par cette décision. Heureusement la rencontre s’est faite très rapidement pour aboutir aussi simplement que dans ma vraie vie par le prêt d’un bouquin!
Trooooop bien!

Et hop, l’imprévisible est toujours là.
Fascinant
Merveilleux
Inconnu
Magique
Questionnant, certes
Jamais inquiétant, en fait,
C’est le piment de ma vie!

 

 

Encore une histoire de chemin


Ce chemin là était resté invisible à mon regard pendant toutes les années où je marchais, tête baissée vers plus loin.

Je marchais tête baissée?
Je ne sais pas.
Je sais qu’il m’est souvent arrivé de grimper tout droit dans la pente, impatiente que j’étais d’atteindre le sommet que je m’étais fixé.
J’ai sans doute parfois pris des risques.
j’ai souvent  traversé des passages « acrobatiques » qu’il eut été plus aisé de franchir sur un « meilleur » chemin, sur un chemin tracé par d’autres.
Globalement,  j’ai réussi à vivre mes rêves.
Grandement.

Ce matin, en partant à nouveau à l’assaut de la montagne, je pensais à l’âge qui vient et qui apporte un peu de modération, ouvrant mes yeux sur des possibilités plus raisonnables.
Je me disais aussi qu’il est important pour tout enfant de rêver à son devenir d’adulte, il n’a pas d’autre choix que de viser tellement plus haut que ses capacités d’enfant.

Et puis, je pensais à ce temps passé à multiplier les points de vue.
Inlassablement.

Ce temps passé à prendre le risque
De n’être jamais comprise.
Perchée quand les autres sont cachés
Cachée quand l’exposition est à la mode,
Dans la foule àl’occasion,
Seule et ensemble toujours.

Inlassablement.
En équilibre,
Multiplier les points de vue.

A l’image d’un funambule?
Comment danser sur un fil ?
Sinon en vérifiant toujours,
Soi-même
Chaque extrémité,
Assurant un ancrage dans la réalité,
Et expérimenter la solidité,
Renseigner les sens,
Dans tous les sens,

Inlassablement.

 

Et après?


Quand j’ai posté cette image sur ma page FB, je n’avais pas  imaginé les tourbillons de pensées qui allaient suivre.

Un très bon ami écrivit : « Avancer, et voir sa « marque » qui part en ondes avant de disparaître. C’est pas si mal »
Et illico, je postais : « (…) C’est juste fou, tu n’imagines pas! La trace, l’empreinte et tout ce qu’on laisse traîner, c’est pour moi le centre de tellement de questions qui tournent sans réponses (…) »

A peine avais-je écrit ces quelques mots que tout se bousculait en bon ordre dans ma tête.

La réalité, les métaphores, les histoires de passage, les navigations dans le désert ou sur l’océan, les métaphores encore… et mes cogitations de l’été (particulièrement celle-ci et celles qui suivent, juste avant le départ en randonnée)

C’est une histoire de fou, c’est un entrelacs de paradoxes qui me faisaient alors face, en toute bienveillance et sans le moindre esprit guerrier.
Et très rapidement,  j’assistais à leur dilution dans l’image de ce vortex immobilisé dont j’avais suivi le plus loin possible la disparition.

Pour une fois, j’avais trouvé une réponse!

 

De la ponctuation

Lorsqu’il s’agit de s’exprimer à travers l’écrit, il est d’usage d’intercaler des signes de ponctuation entre les mots afin de favoriser une meilleure « écoute » pour le lecteur.
De manière récente, il est devenu possible d’introduire des idéogrammes (on appelle ça  « emoji » en langage facebookien), des « sticker » et même des « gif » en plus des traditionnels signes de ponctuation.
De fait, il serait possible d’imaginer que la communication écrite est en passe de devenir de plus en plus précise, c’est à dire, de plus en plus semblable à la communication parlée.

Las !

En se complexifiant, la communication se dilue.
Je me demande si nos pensées ne suivent pas le même chemin, stimulées qu’elles sont de toutes parts, dans toutes les dimensions et tous les sens ?

La ponctuation, pour revenir au sujet de ce billet, est chose subtile dans le monde mondial. En effet, les règles sont différentes d’une langue à l’autre et parfois il n’en existe même pas. (un digest ici )

Pour « moi-je », il est plus facile de lire et de comprendre les personnes que je connais en vrai : les attitudes, les intonations, les paradoxes sont inscrits en filigrane dans ce que je lis d’elles.
C’est aussi le cas pour les personnes non accessibles, les grandes figures, les auteurs renommés : le fait de les entendre parler (vous connaissez ma radio préférée ? … On y parle beaucoup, beaucoup! ) m’incite à les lire sous des angles constamment renouvelés.

Dans la prose que je produis, il y a un tas de mots et aussi un paquet de signes de ponctuation.
Les mots ont une signifiance à mes yeux et je sais que chacun les interprète ensuite en fonction de son environnement propre.
La ponctuation, selon les règles établies en langue française, est généralement posée avec attention et il n’est pas rare que je modifie après lecture (et relecture), comme je modifie certains mots et/ou leur agencement dans la phrase.
Les « emoji » sont les grains de folie qui peuvent entrainer plus loin tant leur traduction est éminemment personnelle !
J’aime les points de suspension car il sont à mes yeux une ouverture vers plus loin. Mais, je sais qu’il faut les éviter et je les évite au maximum.
Il serait nécessaire, dans les faits, de poser un point d’interrogation après chacune de mes phrases tant chaque alignement de mots constitue, de mon point de vue, un questionnement qui débouche sur un autre questionnement sans que jamais aucune réponse ne survienne en temps que réponse « certaine et définitive ». C’est évidemment non-envisageable.
Alors… J’ose imaginer que les personnes qui m’ont un jour croisé ont repéré mes inlassables questionnements.

Les enfants, bien avant l’âge de raison, affirment « je sais » et les parents les regardent de haut en affirmant à voix basse : « comment pourrais-tu savoir ? ».
C’est que les enfants sont bien dressés et que dire « va te faire foutre je vais expérimenter dans mon coin » fait partie des « interdits ».
C’est que les parents sont bien formatés et suffisamment suffisants pour oublier de douter au sujet de leur toute-puissance parentale.

Quand j’étais »petite », j’ai traversé cette période où j’ajoutais « je sais » après chaque proposition parentale. Mon père ne manquait pas de me le faire remarquer sur l’air de « madame-je-sais-tout ».
J’avais le bac en poche quand cette chanson là est entrée au hit-parade de l’époque et bien que ma note de philo ait été magnifiquement proche de zéro, je commençais à poser les questions qui n’amènent que des questions et à entrer dans un véritable « raisonnement philosophique » au sujet de la vie.

Plus de quarante ans plus tard, j’en suis seulement un peu plus loin, toujours en train d’essayer d’escalader l’arc en ciel, toujours en train d’essayer d’attraper les étoiles alors que « je sais » (= « il est scientifiquement prouvé ») que l’arc en ciel n’est qu’un effet lumineux et que les étoiles qu’on voit briller sont mortes depuis longtemps…

Jenesaispasquelleestl’histoiredelavieenvraie.

J’aime infiniment observer, explorer, observer encore, explorer plus loin.

Jesaiseulementquejesuisenpleindedanslavraievie.

De la sensation d’être utile


Dimanche dernier, après avoir écrit à un ami au sujet d’une profession dans laquelle j’aurai pu m’enfermer parce qu’il est souvent confortable de rester dans un cocon, cachée sous l’étiquette dont les gens vous affublent, le téléphone a sonné.

C’était un appel à l’aide.

Ni une ni deux, j’ai saisi au vol le nécessaire et j’ai couru à la vitesse de mes jambes pas réveillées pour frapper à la porte d’un « ancien voisin » qui habite aujourd’hui à 900 mètres, quelques pâtés de maison plus loin.
Sur le chemin du retour, j’ai savouré avec gourmandise l’impression de mission accomplie.
C’était si délicieux.

La journée s’est achevée sur la même note, après d’autres activités qui m’offrirent l’occasion de me sentir utile.

De fait, j’avais ce billet en tête, parce qu’évidemment, ma réflexion s’est envolée bien plus loin, jusqu’au monde laborieux et vers tous ces « travailleurs » qui ne trouvent plus de sens à leur boulot.

Hier, en regardant une vidéo partagée, je notais une fois de plus ce questionnement au sujet de la sensation d’être utile, je notais ce questionnement suite à ces quelques mots « (…) on m’a mis dans une case(…) j’en pouvais plus (…) il s’agissait de convaincre des convaincus (…) ».

Le besoin de tenter le périlleux exercice des mots s’est fait plus imposant, alors, voilà.

Avant d’aborder la sensation, il faut tenter de définir « être utile »
Je dirai qu’être utile, c’est permettre une amélioration.
En ce sens, littéralement, tout peut être utile.
Même si l’avantage apporté est minime, une chose qui l’apporte est « utile ».
Le mot « utile » est donc tout à fait relatif, il ne prend sens que dans un contexte, que par rapport à autre chose.
Ce qui est utile favorise l’accomplissement d’un projet, être utile, c’est contribuer à l’accomplissement d’un projet.
La tentation est grande d’associer les mots « utile » et « nécessaire » parce que ce qui est inutile ne répond à aucun besoin. Pourtant il est important de distinguer le « nécessaire » qui répond à un besoin de « l’utile » qui se contente d’apporter un peu de facilité à la réalisation d’un projet.

Par exemple, si j’ai besoin du contenu d’une boite de conserve, je dispose de tout un tas de moyens pour accéder au contenu qui m’est nécessaire. Un ouvre boite est un outil qui se révèle très utile pour ce faire, mais pas du tout indispensable.

Avoir la sensation d’être utile s’associe parfaitement avec le non-héroïsme.

Avoir la sensation d’être utile peut être une réalité dans un certain contexte, une réalité qui s’estompe avec le temps en devenant petit à petit une idée dépassée.
Ainsi dans le boulot, il est possible de se sentir vraiment utile puis cette sensation s’estompe et vient le temps où la question se pose de savoir ce qui nous pousse à aller bosser chaque matin.
Ainsi dans la vie de famille, il est possible de se sentir vraiment utile, puis cette sensation s’estompe et vient le jour où la question se pose de savoir ce qu’on fait dans cette famille là.
Ainsi, etc…

Pour avoir la sensation d’être utile, il est indispensable d’apprendre à se connaitre.
Parce que plein de gens sont capables de nous dire « C’est bien ce que tu fais, c’est vraiment utile » alors même que nous avons la sensation globale de ne rien faire de vraiment utile.

Ce qui compte, en vrai, c’est notre sensation, notre impression, la nôtre.
Et « tout va bien » lorsque notre impression est en harmonie avec celle que les autres nous renvoient.
Que « les autres » nous racontent le meilleur, si nous avons la sensation du contraire, un malaise demeure.

Il faut petit à petit prendre conscience de nos dons, de nos talents.

C’est grâce à une famille qui nous laisse libre de tester nos aptitudes, c’est grâce à une intuition, c’est grâce à une rencontre, c’est grâce à la confiance qu’une personne nous accorde que nous parvenons à cette prise de conscience… pour peu que nous décidions d’y parvenir, même inconsciemment.

C’est parfois très long.
Très long.
Exigeant.
Très exigeant.

Et puis, un jour, un jour enfin vient le temps où la sensation de pouvoir être utile nait ou re-nait.
Alors, tout devient possible.
Et ce jour là, il est urgent de noter précieusement une injonction indispensable : S’ennuyer, quel bonheur!

Plans, objectifs, etc (2)

En pays cathare lors de la randonnée des vacances, lors d’une conversation avec un de ces jeunes gens remplis d’idéaux, la question de la liberté avait été abordée.
Tandis que j’évoquais à la fois mon chemin et mon désir de « liberté », il n’avait pas manqué de me titiller, de m’interroger :

« Mais… Tu parles de liberté et tu as prévu d’aller vers l’ouest en un mois. Si tu trouves un coin joli où tu te sens bien, la liberté ne serait-elle pas celle de rester dans ce coin aussi longtemps que tu en as envie? »

La question était si précise et tellement en harmonie avec ce que je percevais de ce jeune gars et de ses idéaux que je suis partie paisiblement sur un autre sujet à l’aide des mots magiques : « OUI… ET… »

Car, parmi les mots qui engendrent des situations pathologiques, des situations dramatiques et des jeux formidablement théâtraux, il y a le mot « liberté ».

Quiconque côtoie des adolescents, ces délicieuses personnes sorties de l’enfance et pas encore assez mûres pour qu’il soit possible de les cueillir adultes, quiconque côtoie, croise ou se lie d’amitié avec ces fascinantes personnes note la récurrence de certaines expressions telle que :

J’ai pas envie

D’abord, je fais ce que je veux

« On » va quand même pas me dire ce que je dois faire

Je suis pas un gamin, quand même

« On » n’est pas en dictature, je suis libre, non, mais, oh!

Hier, dans la rue, sourire aux lèvres, antennes grandes ouvertes à tous les sens, j’ai écrit un bouquin dans ma tête.
Arrivée dans la foule, les mots se sont envolés sans que je cherche à les rattraper, il était urgent de vivre cette foule, de tester une « dégustation » de café aux épices dans une boutique dont je ne possède pas la carte, de filer regarder couler la Loire vers l’amont, d’aller voir ce qui se passe au bord de l’Erdre, d’entrer dans une exposition, de m’enfuir à l’écoute de certains commentaires, de me promettre d’y revenir, etc.
Sortie de la foule, mon monde s’est rétabli, les mots sont revenus, enrichis, confirmés, assurés.
Et j’ai marché jusqu’à la maison.
En souriant à la vie.

Il est clair que je suis tout à fait « soumise » comme il est clair que je fuis l’enfermement.

Et zut!

Les mots posés, noir sur blanc, me paraissent tellement vidés alors qu’ils explosent d’une sève généreuse et multicolore dans le creuset de mes interrogations infinies.

Et zut, et tant pis…

N’est-il pas nécessaire que les mots se cognent pour envoyer un écho?

Pour jouer plus loin, j’ai ouvert un nouveau dossier hier soir, un dossier au  titre iconoclaste.
Peut-être vais-je y compiler des fils à tricoter.
Peut-être qu’il restera vide.
C’est un simple jeu de déclinaison : parce que j’ai l’intime conviction que la soumission est à la liberté ce que la lumière est à l’ombre, j’ai besoin d’éclairages et je m’en vais aller les chercher, plus loin que ceux qui brillent déjà dans ma bibliothèque.

A suivre…