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Tous les chemins mènent à Rome (1)

Lundi 2 septembre 2013 : prologue Marseille-Marseille

Le dimanche soir, j’avais débarqué chez un hôte dont je ne connaissais pas grand chose de plus que l’adresse.  
Dans les semaine précédentes, alors que j’avais envisagé plusieurs possibilités pour loger à proximité du point de départ, un inconnu m’avait envoyé un message pour proposer un accueil, j’avais dû répondre ce que je réponds souvent aux propositions : « c’est noté ».
C’est ainsi que se construisent mes aventures, en souplesse, sans contrainte : je note toutes les informations et in fine, je vais « où le vent me conduit ».
D’autres parleraient de hasard, mais il n’en est rien. La liberté première est celle de choisir, elle comprend même la liberté de choisir un mauvais plan. Le second volet de la liberté consiste à envisager les possibilités réellement existantes et à choisir une nouvelle fois. (pour ceux qui aiment la lecture, je conseille les réflexions sur la liberté proposées par le philosophe Robert Misrahi dans ce titre « La jouissance de l’être, Le sujet et son désir », Editions Encre Marine ou dans une autre partie de son oeuvre).

Donc, j’ai débarqué chez un hôte riche de plus d’une aventure au long cours. D’emblée, je me sentais parfaitement à l’aise, j’avais l’assurance d’être « comprise » et l’histoire pouvait commencer à la mesure de ce qu’elle devait être.
Le soleil était au rendez-vous, aucun vent mauvais n’était annoncé, il était l’heure de goûter l’ambiance de la Méditerranée en visitant Marseille côté mer. D’autres années, à plus d’une occasion (congrès et autre visites), j’avais erré dans la ville et ses fascinants quartiers. Ce que j’ai découvert ce lundi matin était pourtant absolument nouveau, rentrer dans Marseille par la mer offre un point de vue absolument différent et magique.

Il restait les sacs à préparer. Il restait à prendre une décision quant à la pagaie qui ferait les kilomètres en ma compagnie.

Mais auparavant, il fallait que je monte sur la colline comme le faisaient certainement ceux qui prenaient la mer à l’époque où il n’y avait ni GPS, ni météo marine officielle, il fallait bien s’en remettre au ciel, n’est-ce pas?  
Donc, j’ai suivi leurs pas et je peux vous assurer que la lecture de quelques uns des milliers de « ex-voto » placardés sur les murs de « La bonne mère » mérite le détours.

Puis vint l’heure du repas, puis vint l’heure d’aller dormir.
Mardi serait le jour du départ : une calanque à Marseille, au lever du soleil, nous ne savions pas encore laquelle  
Demain était à vivre.

Mardi 3 septembre 2013 : Marseilles (calanque Morgiou) – La Seyne-sur-mer (plage du Jonquet)

J’étais prête, archi prête.
Après une bonne nuit, je m’étais réveillée à l’aube sans la moindre sonnerie sinon « c’est aujourd’hui, c’est parti. »
Après un rapide p’tit-déj mon hôte sonna le moment solennel de charger la voiture.
Mais où allais-je prendre la mer?
A cette question, mon hôte malicieux ne savait que répondre dans l’instant. Pour l’heure, il n’était pas encore décidé : « on verra où tourne la voiture »!
Yeap… Ca m’allait carrément bien comme réponse!  
Et… la voiture se dirigea vers les Baumettes ! Le point de mise à l’eau serait donc la Calanque Morgiou, la plus belle, un écrin spécial « point de départ », la porte de l’aventure.

Sur le parking, l’inévitable « pt’ite dame qui promène son chien » vint nous « intimer » l’ordre de nous garer serré à côté de l’unique voiture déjà présente à cette heure matinale : « soyez tranquille, nous ne faisons que passer » lui ai-je rétorqué sans imaginer un instant que j’allai répéter maintes fois presque les mêmes mots en accostant à peu près n’importe où  

Enfin le départ. Au Cormier, j’avais testé l’accrochage des sacs et de la pagaie de secours, mais je sais parfaitement, que seul le voyage en détermine l’emplacement juste, et que les premiers jours servent toujours d’expérience « in situ ».
Allez, hop… le soleil montait tranquillement, il était temps d’y aller. Quelques photos et c’étaient les premiers coups de pagaies sur la « belle bleue ». D’abord prudente entre les barques, retenue pour laisser le photographe photographier, je n’avais qu’une hâte : partir!  

Un signe de la main, quelques coup de pagaie plus appuyés… je regardais le « compagnon de départ – photographe » courir sur le chemin comme un gamin,   et profitant encore de l’abri de la calanque, je me réjouissais de ce moment partagé.
Puis, en entrant dans le soleil, je tournais vers l’est, vers l’inconnu.
Voilà, j’étais vraiment partie!

Le massif des calanques m’impressionna beaucoup moins vu d’en bas que parcouru à la marche. Je n’avais pas la tête à m’y attarder et puis, j’avais le soleil de face : plus j’avançais plus il s’élevait, devenant plus ardent mais moins éblouissant.  

Une fois Cassis dépassé, la couleur des roches tourna au rouge.

En arrivant en vue de La Ciotat, la faim m’a ramenée à la côte pour un arrêt sandwich bienvenu. Il était 11h, je n’était pas du tout fatiguée.
J’avalais la moitié du pain, en me promettant de « déguster » le reste un peu plus loin.
A 13h, dans la crique de Port D’Alon (Saint-Cyr-sur-mer) chauffée à blanc, j’ai trouvé un perchoir à l’ombre, c’était l’heure de la sieste!

Vers 15h, malgré la chaleur, j’étais de nouveau intenable, j’avais envie d’avancer.
Sur ce terrain, je ne pouvais m’empêcher de penser « à ceux d’ici » vantant leurs trajets au vent portant : sur la même trajectoire ce jour là le vent était absent, j’étais chargée… et lente! 

Ayant tourné le cap Sicié j’ai aperçu pirogues, SUP et kayaks.
Visiblement il y avait un « club de pagaie » dans le coin.
Mon « soucis » du moment était entièrement contenu dans ce qui restait de ma réserve d’eau et je cherchais non seulement un endroit pour dormir, mais surtout un endroit où faire le plein du précieux liquide.
C’est un kayakiste qui m’a donné l’information : « il y a une source sur une plage là-bas! ». Il fallait que je retourne un peu en arrière, mais ça valait le coup, l’idée d’une plage loin de la ville et « juste pour moi » était absolument plaisante et réjouissante.

28 juillet 2018

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La vague s’incline
Et l’océan se dresse,
Et l’océan secoue les vagues.
L’océan joue au calme et à la tempête,
L’océan joue à éclabousser les vagues.
Ce n’est pas la vague qui sert,
C’est l’océan qui joue.
Yvan Amar, Les Nourritures Silencieuses, aphorismes, Les Editions du Relié, 2000, ISBN 2909698-51-3

Après un sommeil réparateur, nous avons à nouveau sauté du lit très tôt.
C’est toujours étrange de constater que n’ayant rien d’autre « à faire » que d’attendre, nous nous sommes précipités dans l’attente : arriver dans un simple « abri-bus »,  avec deux heures d’avance, afin de monter dans un avion « autobus-local » de neuf personnes où notre place était réservée, c’est un exploit dont nous seuls étions capables, d’un commun accord et sans le « faire » vraiment exprès.

Nous avons attendu.

Puis, nous avons été appelés et placés en rang par deux, dans l’ordre où nous devions nous asseoir derrière les pilotes afin de répartir nos masses respectives dans le minuscule « Cessna ».
Et nous avons traversé le « channel » une première fois.
Le nez collé au hublot.

Nous avons découvert le « channel » de ce jour là, ses calmes, ses agacements, ses pointes de colère, ses vagues, son courant, tout était visible.
Nous l’avons traversé si vite!
Nous l’avons regardé à la vitesse d’un survol, comme on regarde une vidéo que certains qualifient de didactique, une vidéo (par exemple) qui expliquerait en 30mn aux futurs parents ce que pourrait être la mise au monde de leur enfant!

E.T et moi, de par nos expériences respectives, étions capables d’agrandir infiniment ces trente minutes, de les combler d’une multitude de détails, de doutes, d’incertitudes, de joies et de délivrances.
Il est probable que pour notre ami qui n’avait jamais rien vécu de tel, des pensées germaient et buissonnaient, se nourrissant à coup d’imagination et de références virtuelles.

Minuscule avion, temps de vol court, atterrissage éclair, sortie immédiate.

Molokaï!

Moins de 24h plus tard, nous serions sur les flots au milieu du Ka’waï Channel.

Il y avait un grain de surréalisme dans ce que j’étais en train de toucher, de vivre.
Il y avait une acrobatie du temps,
Tellement de relativité,
Tant de réalité,
Un grain de cette folle sagesse
Dont je raffole.

Tout les ingrédients étaient présents, enfin rassemblés.

Restait l’attente,
Sous un soleil de plomb,
Sur la plage dorée déserte
Sur la terrasse encombrée
Sous le flot des paroles inutiles du briefing
Au coucher du soleil
Au lever de pleine lune
Dans la nuit.

Restait l’attente

De la compétition


La compétition!
Encore un mot tellement ouvert qu’il faudrait plusieurs chapitres pour argumenter sans même en venir à bout.
Lutte? Pour qui, pour quoi?
Rivalité? Sur quel sujet? Dans quel objectif?
Interaction? Entre quoi? entre qui?
Et j’en reste à la seule langue française pour éviter d’entrainer mes réflexions sur la voie de la mondialisation, des interprétations parfois hâtives qui compliquent la lecture des ouvrages ré-écrits par les traducteurs.
Car la compétition est partout.
Du commencement à la fin
N’est-ce pas un spermatozoïde et un seul qui pénètre la membrane ovulaire à l’issu d’une course périlleuse où ils sont des millions au départ?

Car qu’est-ce que la vie sinon une lutte de chaque instant et de chacune de nos cellules?
Car qu’est-ce que la vie sinon une interaction constante avec notre environnement?
Car la vie est-elle possible sans rivalités, sans frustrations, sans victoires petites ou grandes?

Hier, il y avait une compétition sportive sur la côte vendéenne.

Nous étions trois joyeux lurons,
Heureux de revoir les copains du monde,
De lancer ces « Salut », « Hi » ou « Ola »
Qui n’ont de fraternels que l’apparence
Dans l’instant des retrouvailles au coeur de l’instant.

Car après l’âpre bataille,
Après les congratulations,
Chacun monte dans sa voiture et revenant à sa vraie vie,
Referme la parenthèse.

Nous étions trois, en marge.
Ravis, joueurs, décontractés.
Quand ceux qui venaient pour en découdre,
Gagner des sous, empocher une sélection
Mesurer le résultat de leur TRAVAIL d’entrainement
Ramaient sur le support officiel,
Nous étions là avec nos va’a!
Ravis, joueurs, décontractés.

Et c’était super délicieux sous le soleil,
Contre le courant de grande marée,
Dans le vent de travers!
Et nous avons conclu en mangeant des frites,
Devant une bière!
Et le plus merveilleux, dans mes yeux,
C’était le réel bonheur de E.T, l’ancien pro
Qui ayant maintes fois repoussé ses limites
Sa battant contre lui-même quand d’autres souhaitaient se battre contre lui,
Qui repoussant encore et toujours ses limites
Dans d’autres aventures,
Nous avait proposé un simple jeu, pour le fun.
Y être, en marge
Sur le même parcours,
En sentir le décor,
Toucher ce « ensemble » tellement addictif
Respecter la mise en scène,
Sans laisser de trace,
Et se sentir libres en même temps.

A la marge… les gars devant, je suis derrière!

Humeur du jour

Et donc je suis allée à Paris.
Et donc, j’ai rapporté de nouveaux projets.
Et, ça, c’est assez drôle car en ce moment il y a plein de projets qui débarquent.

L’année dernière à la même époque, je faisais le ménage, certaine que j’étais que les boucles était bouclées dans pas mal de domaines.
Là, je sais plus trop.
Un flottement est perceptible, assez semblable avec celui vécu l’année dernière,
A la même époque.
Aussi joyeux qu’il était chagrin, il m’emporte.

Parmi ce débarquement de projets, il y en a qui parlent d’écrire.
C’est le coté comique de ma vie que j’étale aujourd’hui ici et sans  vergogne.
Un comique de répétition.
Ecrire!
Publier!!

Quand le monde de l’édition est plus terrifiant que jamais.

Avec l’avènement de l’impression à la demande, tout se publie, à toute vitesse et sans autre risque que celui  de l’imposture.
Car, si le nombre de titres publié a été multiplié par deux depuis la fin du 20ème siècle, le nombre de lecteurs est à la baisse.
« Il y a énormément de livres qui se vendent à moins de 500 exemplaires, tous éditeurs confondus, de Gallimard à Grasset en passant par P.O.L. Et dans ces livres-là, beaucoup ne dépassent pas les 250 exemplaires vendus. En fait, ce n’est pas rare qu’un livre se vende à moins de 100 exemplaires »

Je suis tellement claire avec ce fait,  et depuis si longtemps que j’en suis venue à modifier la page d’accueil de ce site. Pour mémoire, créé en 2008, cet espace était destiné à promouvoir un titre particulier… Je vous laisse deviner lequel!

Les plus fidèles personnes qui passent ici ne peuvent ignorer la répétition de mes questionnements quasi existentiels au sujet de l’écriture et de la publication.
Ces questionnements naissent logiquement de ma non-crédulité pathologique associée avec une curiosité tout aussi pathologique qui mène à une certaine forme de connaissance.

Mon père disait « la vie est un éternel recommencement » et je me suis appropriée cette petite phrase en la projetant de manière multidimensionnelle  sur l’écran de mon imagination débridée. Une imagination incapable de faire un roman mais super douée pour transformer mon environnement en dessin animé géant, entre humour noir, réalité augmentée et joyeuses comédies. Donc, oui sur une espèce de spirale qui représenterait la vie, il est normal de passer devant la même verticale à chaque enroulement. Toujours la même verticale, mais jamais le même point!

Me voilà donc partie en plongée, en immersion.
Ca se terminera comme ça,
Mais pas au même point!

C’est la vie!


Découvrir cette phrase sur FB ce matin était une douce surprise.
Ce livre de C.Bobin qui n’est pas dans ma bibliothèque, je l’ai découvert en septembre, il trainait dans un gite d’étape (voir le lien « escapade 2017 »).
Il est évident que cette phrase précise n’avait aucune chance de m’interpeller à ce moment précis où j’étais tellement remplie par la marche accomplie et tellement loin d’une quelconque fatigue. L’heure était à la lenteur, à l’approche de mon objectif, j’avais même encore ralenti!

J’étais à Paris, vendredi dernier.
Déambulant dans les rues alors que la mission qui m’y avait conduite était réalisée, je me contentais de survivre.
Histoire de grappiller de l’espace humain, je tentais de capter avec insistance la vie des gens que je croisais, la vie des boutiques, des boutiquiers (j’ai acheté des livres…), des passants pressés, errants avec ou sans domicile fixe. Je n’avais que « ça » à faire en attendant le train retour.

Et, voyant les centaines de personnes attablées en terrasse, les centaines de personnes consommant avec compulsion, les centaines de personnes avalant d’improbables aliments, marchant, clavardant, isolées dans leurs bulles, en voyant tous ces gens, en tongs ou collet serré, tous ces gens si différents et cependant « parisiens » je sentais à quel point la capitale est intensément fatigante.
En miroir à ma fatigue intensément ressentie de manière passagère, je compatissais avec toutes ces personnes pour qui « consommer » est le seul remède à leur stress. Consommer plus et plus vite, de tout, de rien sans le moindre repos puisque le repos lui-même est consommable, donc limité.

J’ai traversé Paris à pieds.
J’avais le temps.
J’ai traversé pour commencer le plus grand espace vert parisien : le Père Lachaise.
Les touristes y galopaient, le nez sur le plan qu’ils avaient acheté à la « bonne » entrée.
C’est très agité, le Père Lachaise.
Puis, j’ai longé des rues et des rues, alternant la marche à l’ombre avec la marche au soleil en fonction de mon besoin.
Je suis arrivée à la gare avec trois heures d’avance.

Pour passer le temps, j’ai pris un ticket dans le rayon « guichet-départ ce jour ».
je n’avais que ça à faire.
Arrivée « à mon tour » devant la guichetière désabusée,
J’ai appris ce que je savais, mon billet n’était pas échangeable, il était trop bon marché!
J’avais cependant gagné du temps, environ 30mn pour 20 numéros!
J’ai fait un saut au low-coast alimentaire d’en face, puis une bouteille d’eau dans une main, un infâme sandwich dans l’autre, je suis allée m’asseoir face à la gare.
Depuis le matin et la belle conversation avec mon éditrice, aucun autre mot que « bonjour, merci, bonne journée/bon courage » n’était sorti de ma bouche.
Et là, sur les gradins jonchés de papiers gras et de canettes vides, j’ai observé les échanges entre un black énervé, une ancienne sdf (à ce qu’elle a dit) et un black hyper cool.
Tranquille.
Tranquille en attendant l’heure du train.
Et,
Le black énervé est venu s’asseoir à mon côté.
Et… Ce fut la deuxième conversation de la journée.
Tranquille.
Elle aurait pu devenir interminable.

Puis, l’heure du train est arrivée.
J’étais fatiguée.
Réveillée depuis cinq heures du matin, je pensais à ma couette et à son lointain abris qui ne serraient accessible que sur le coup de minuit.
J’étais fatiguée.
J’ai acheté des bonbons… Le sucre est une drogue puissante qui permet de lutter contre la fatigue… et le stress…

Ce vendredi passé, le temps vécu à non-vivre fut très long à mon goût.
Trop long.
J’avais, longtemps avant, décidé d’économiser sur le prix du billet.
C’était un choix.
La prochaine fois, il faudra me payer cher pour une telle aventure.
J’ai définitivement besoin de vivre dans un espace qui respire une vie plus vive.

Je suis une râleuse, c’est clair!


Les « souvenirs » qui s’affichent sur mon écran chaque matin m’amusent!

Il y sept ans, j’écrivais comme j’écris chaque jour.
J’écrivais pour le plaisir d’écrire, comme depuis que j’ai appris à écrire.

J’étais une toute petite fille qui griffonnait sans cesse, en liberté, joyeusement, histoire d’enfiler des mots et d’en faire des phrases et des histoires que j’allais fièrement montrer à l’institutrice qui savait me féliciter… J’étais si petite qu’elle ne pouvait guère rester insensible, elle s’appelait Mademoiselle Martin, elle avait des cheveux courts coupés comme ceux de Mireille Mathieu qui n’existait pas encore en version disque.
J’étais dans la classe « des moyens » parce que ma grande taille faisait que j’étais ridicule dans la classe des « bébés ».
On disait comme « ça » : tu vas aller chez les « bébés », chez les « moyens » puis chez les « grands ».
A l’époque la terminologie propre à l’école maternelle actuelle n’avait pas cours.

J’ai donc commencé ma scolarité en sautant la classe des bébés!

Je me souviens encore au creux de mon ventre de ce jour où ma mère m’a emmenée à l’école, juste après mes quatre ans : j’étais super heureuse de franchir le porche, de découvrir les odeurs, de marcher dans le grand couloir carrelé, je me sentais grande.
Mais quand, arrivée à la porte de la classe des « bébés » où j’étais admise sur la bonne parole de mon année de naissance, quand l’institutrice m’a toisée de pied en cap et a déclaré que j’étais trop grande, je me suis sentie très, très petite.
Heureusement, Mademoiselle Martin fut extrêmement bienveillante, elle le fut certainement aussi à l’égard de ma mère qui s’est sentie rassurée en m’abandonnant pour la matinée.

C’est drôle ce que je viens d’écrire, c’est très loin du propos que je venais poser sur l’air de « je suis une râleuse »… Mais pas si loin en fait.

Car, si je remonte dans ces souvenirs là avant de revenir à ceux d’il y a sept ans puis à aujourd’hui, je revois la suite en accéléré.
D’abord, l’entrée à « la grande école », mes rebellions puis l’entrée au lycée.
(le collège n’était pas encore inventé, le lycée commençait en 6ème… Wahooooo, j’suis vraiment une vieille gamine!!!!)
L’entrée au lycée posa un point final sur ma liberté littéraire : les sujet étaient imposés, et je n’avais plus aucune marge de manoeuvre sinon dans les versions latines où je laissais décoller mon imagination : quand je « tombais » juste j’avais une excellente note quand je partais sur un contre-sens, j’avais zéro.
Mathématiquement je suis devenue une « élève moyenne ». Comme quoi, il est possible de rentrer dans la norme, c’est simplement une question de temps!

Très normalement, je suis devenue une râleuse et je suis restée constante. Car le français est râleur parait-il et je suis française, donc tout va bien. Je suis dans la norme.

Sauf que, depuis que je suis devenue un peu moins petite, je suis irritée par tous ces gens qui passent leur temps à rouspéter sans jamais rien faire d’autre que rouspéter, pire, en créant un fond de commerce sur leur incapacité à rien faire d’autre, donc en se montrant capables de monter une entreprise sur… du vent!
Et quand je suis irritée, tout naturellement, je gratte où ça me démange et je joue avec les mots!

Car les mots sont restés mes amis.
Ce qui me séduit dans leur présence ce sont leurs infinies nuances.
Je dois certainement beaucoup au prof de latin.
Car si elle m’a fait rentrer en dessous de la moyenne en alternant les zéros et les « huit-neuf », elle m’a entrainée dans la vision poétique dès le premier jour de classe.
Car cette fantasque Madame Millet donnait son cours de latin dans la plus belle classe de l’établissement, au rez-de-chaussé du bâtiment qui, avant de devenir établissement scolaire, avait été une grande maison bourgeoise.
Nous avions cours de latin dans une belle pièce claire pourvue de trois grandes fenêtres donnant sur le parc. Le premier mot de rentrée de ce prof, du moins celui que j’ai retenu, fut « Vous verrez : quand fleurissent les marronniers, c’est splendide!« .
J’ai passé les « années collège » à attendre la splendeur en regardant par la fenêtre pendant les cours de latin.
En même temps, je me délectais de chaque incartade étymologique. Ce qui me passionnait en cours de latin, au delà du fait qu’à l’époque on disait que c’était la langue des « docteurs », ce qui me passionnait c’était ce qui liait le français que je parlais couramment au latin que je découvrais dans la douleur des zéros accumulés.
Pour résumer, dans cette classe, il y avait les racines et les fleurs.
Et… c’est ce poème qui m’accompagna définitivement.

Il y a sept ans, j’écrivais.
Aujourd’hui j’écris.

C’est mon plaisir et ma manière de ranger les pensées, chaque matin avant de plonger dans le quotidien.
En prenant mon café, je regarde les râleurs qui s’expriment sur la toile. Je bondis parfois, souvent, en lisant ce qui se raconte, ce qui se colporte en un clic, les partis pris, les publi-informations qui fusent comme autant de vérités sans source, les sources pas sérieuses citées pour « faire sérieux »…
Et ça me laisse souvent triste.
Et ça me donne envie de réagir, de faire réagir, de questionner…
Et c’est tellement en vain.
Et alors, se lève une vague joyeuse,
Et alors il y a les fleurs et les racines et l’insouciance qui surnagent
Il suffit de poser des mots comme les enfants enfilent des perles,
Pour le plaisir du jeu!

Ménage d’automne


Le nettoyage d’automne se poursuit.
Initié dès le printemps, abandonné pendant l’été, il reprend de plus belle.

Oui, parce que l’automne plane depuis le début de l’année comme un passage de vie inéluctable vers l’inconnu, il fallait que je m’allège de tout un encombrant passé.

Du côté de ma bibliothèque privée, celle qui niche dans mon antre, à portée de main et à l’écart « des autres », j’avais besoin d’un déclic fort pour que le processus s’enclenche.
Que des amies aient besoin d’ouvrages pour enrichir un espace thématique et voilà, c’était parti.

Attachée aux livres et aux écrits comme je le suis, il n’aurait pas été facile de trier sans ce coup de pouce.

Déclic nécessaire,
Coup de pouce bien reçu,
Effet domino immédiat!

Facilement émerveillée, tranquillement fascinée, paisiblement enchantée, je suis toujours sous le charme lorsque j’observe les réactions en chaine.
Quelles qu’elles soient.
Noire, blanche, entre gris clair et gris foncée ou aux couleurs de l’arc en ciel.

Enclenchée dans la matinée, la réaction a pris fin avec la tombée du jour.
La poubelle destinée à la récupération des matières recyclables s’est remplie.
Trois arbres à livres du quartier se sont remplumés.
Une caisse débordante attend sagement le passage des amies.
Et…
La bibliothèque est dépoussiérée.

Aucun titre n’est perdu malgré ce ménage.
Abandonner une multitudes d’ouvrages lus et offrir une nouvelle vie au papier de tous les tapuscrits d’études consciencieusement léchés, est parfaitement compatible avec leur conservation.
Chacun de ces ouvrages a participé, un jour, à me nourrir.

C’est le départ qui est important

Habituellement, on entend dire : « C’est le chemin qui est important ».
Et il va sans dire que j’ai moi-même benoîtement répété la sentence, comme il est commun de répéter les aphorismes, sans vraiment penser, juste pour avoir l’air important de la personne qui fait une assertion consensuelle histoire de ne rien dire!

Parler pour ne rien dire meuble le silence.

Ecrire en silence est une tout autre aventure dans laquelle je ne cesse de m’obstiner!

Habituellement, on entend dire : « C’est le chemin qui est important » et j’ai envie d’écrire « C’est le départ qui est important »

Comment, sans aucun départ, un quelconque chemin pourrait-il se vivre?

Nous sommes tous partis un jour.
Le premier départ, celui qui nous pose un pied dans la vie est hors de toute conscience, il est naturel, c’est un passage de vie, la naissance.

Puis après la naissance, tout un tas de véritables départs se succèdent, ils sont tellement « normaux » que personne n’ y porte grande attention sinon pour le scoop qui s’y attache « premier mot », « premier pas », « première classe », etc… Le fait est que ces départs là ne sont pas choisis, ils débarquent et ensuite chacun s’empresse pour donner de l’importance au chemin, c’est assez logique.

Quand vient l’heure du choix, le choix est-il vraiment un choix?
Je ne sais pas.
Il est commun de parler de choix.

Nul doute, il existe cependant des choix qui permettent de vivre intensément la crainte d’une certaine liberté.

Et alors, le départ, un point invisible que chacun nomme « départ » selon ses propres références, ce départ là est essentiel.

Car viennent ensuite les préparatifs et la nécessité de s’alléger au fur à mesure que s’amoncellent les questions.
Se préparer, histoire de voir arriver le départ.

Et partir.
A l’aventure.
Oublier la routine qui refuse les imprévus.
Cueillir les surprises
Absolument imprévisibles
Et avancer
Vers plus loin.

Et quand le but est atteint,
Constater que le but
Est plus loin
Et qu’un nouveau départ
Devient indispensable.