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Je suis une râleuse, c’est clair!


Les « souvenirs » qui s’affichent sur mon écran chaque matin m’amusent!

Il y sept ans, j’écrivais comme j’écris chaque jour.
J’écrivais pour le plaisir d’écrire, comme depuis que j’ai appris à écrire.

J’étais une toute petite fille qui griffonnait sans cesse, en liberté, joyeusement, histoire d’enfiler des mots et d’en faire des phrases et des histoires que j’allais fièrement montrer à l’institutrice qui savait me féliciter… J’étais si petite qu’elle ne pouvait guère rester insensible, elle s’appelait Mademoiselle Martin, elle avait des cheveux courts coupés comme ceux de Mireille Mathieu qui n’existait pas encore en version disque.
J’étais dans la classe « des moyens » parce que ma grande taille faisait que j’étais ridicule dans la classe des « bébés ».
On disait comme « ça » : tu vas aller chez les « bébés », chez les « moyens » puis chez les « grands ».
A l’époque la terminologie propre à l’école maternelle actuelle n’avait pas cours.

J’ai donc commencé ma scolarité en sautant la classe des bébés!

Je me souviens encore au creux de mon ventre de ce jour où ma mère m’a emmenée à l’école, juste après mes quatre ans : j’étais super heureuse de franchir le porche, de découvrir les odeurs, de marcher dans le grand couloir carrelé, je me sentais grande.
Mais quand, arrivée à la porte de la classe des « bébés » où j’étais admise sur la bonne parole de mon année de naissance, quand l’institutrice m’a toisée de pied en cap et a déclaré que j’étais trop grande, je me suis sentie très, très petite.
Heureusement, Mademoiselle Martin fut extrêmement bienveillante, elle le fut certainement aussi à l’égard de ma mère qui s’est sentie rassurée en m’abandonnant pour la matinée.

C’est drôle ce que je viens d’écrire, c’est très loin du propos que je venais poser sur l’air de « je suis une râleuse »… Mais pas si loin en fait.

Car, si je remonte dans ces souvenirs là avant de revenir à ceux d’il y a sept ans puis à aujourd’hui, je revois la suite en accéléré.
D’abord, l’entrée à « la grande école », mes rebellions puis l’entrée au lycée.
(le collège n’était pas encore inventé, le lycée commençait en 6ème… Wahooooo, j’suis vraiment une vieille gamine!!!!)
L’entrée au lycée posa un point final sur ma liberté littéraire : les sujet étaient imposés, et je n’avais plus aucune marge de manoeuvre sinon dans les versions latines où je laissais décoller mon imagination : quand je « tombais » juste j’avais une excellente note quand je partais sur un contre-sens, j’avais zéro.
Mathématiquement je suis devenue une « élève moyenne ». Comme quoi, il est possible de rentrer dans la norme, c’est simplement une question de temps!

Très normalement, je suis devenue une râleuse et je suis restée constante. Car le français est râleur parait-il et je suis française, donc tout va bien. Je suis dans la norme.

Sauf que, depuis que je suis devenue un peu moins petite, je suis irritée par tous ces gens qui passent leur temps à rouspéter sans jamais rien faire d’autre que rouspéter, pire, en créant un fond de commerce sur leur incapacité à rien faire d’autre, donc en se montrant capables de monter une entreprise sur… du vent!
Et quand je suis irritée, tout naturellement, je gratte où ça me démange et je joue avec les mots!

Car les mots sont restés mes amis.
Ce qui me séduit dans leur présence ce sont leurs infinies nuances.
Je dois certainement beaucoup au prof de latin.
Car si elle m’a fait rentrer en dessous de la moyenne en alternant les zéros et les « huit-neuf », elle m’a entrainée dans la vision poétique dès le premier jour de classe.
Car cette fantasque Madame Millet donnait son cours de latin dans la plus belle classe de l’établissement, au rez-de-chaussé du bâtiment qui, avant de devenir établissement scolaire, avait été une grande maison bourgeoise.
Nous avions cours de latin dans une belle pièce claire pourvue de trois grandes fenêtres donnant sur le parc. Le premier mot de rentrée de ce prof, du moins celui que j’ai retenu, fut « Vous verrez : quand fleurissent les marronniers, c’est splendide!« .
J’ai passé les « années collège » à attendre la splendeur en regardant par la fenêtre pendant les cours de latin.
En même temps, je me délectais de chaque incartade étymologique. Ce qui me passionnait en cours de latin, au delà du fait qu’à l’époque on disait que c’était la langue des « docteurs », ce qui me passionnait c’était ce qui liait le français que je parlais couramment au latin que je découvrais dans la douleur des zéros accumulés.
Pour résumer, dans cette classe, il y avait les racines et les fleurs.
Et… c’est ce poème qui m’accompagna définitivement.

Il y a sept ans, j’écrivais.
Aujourd’hui j’écris.

C’est mon plaisir et ma manière de ranger les pensées, chaque matin avant de plonger dans le quotidien.
En prenant mon café, je regarde les râleurs qui s’expriment sur la toile. Je bondis parfois, souvent, en lisant ce qui se raconte, ce qui se colporte en un clic, les partis pris, les publi-informations qui fusent comme autant de vérités sans source, les sources pas sérieuses citées pour « faire sérieux »…
Et ça me laisse souvent triste.
Et ça me donne envie de réagir, de faire réagir, de questionner…
Et c’est tellement en vain.
Et alors, se lève une vague joyeuse,
Et alors il y a les fleurs et les racines et l’insouciance qui surnagent
Il suffit de poser des mots comme les enfants enfilent des perles,
Pour le plaisir du jeu!

Plans, objectifs, etc


Voilà ce qui agrémente mon café du matin.
Les esprits bougons diront qu’il faut éviter de plaisanter sur des sujets sérieux.
Mais ce matin, je suis d’humeur taquine.

Qu’est-ce qui me saute à la face, là?

Le teasing pour un prochain film catastrophe à grand spectacle?
Je vois déjà le programme, les lunettes 3D distribuées à l’entrée de la salle de cinéma et les effets sonores à faire trembler les corps.

Le début d’une campagne de pub pour une nouvelle crème miracle anti-rides?
Sans rien dedans, garantie bio 100% vide de toute substance nocive, dans un pot en verre incassable pour plus de sécurité et infiniment recyclable pour la bonne conscience.

Une campagne pour un départ imminent vers la lune?
J’imagine l’impatience des riches migrants et les plans foireux des plus pauvres prêts à envahir les cales du vaisseau spatial en rêvant d’un monde paradisiaque

Sérieusement.

Qui se souvient encore de la petite chèvre de Monsieur Seguin?

Chi va piano, va sano e va lontano

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Et non, je ne me suis pas mise à l’italien.
Tant qu’à citer un proverbe, autant le citer parce que le « qui va piano va sano », franchement je ne vois pas ce que ça peut signifier en français de France! 😀

Tout va si vite aujourd’hui que tout se gâte, se gaspille, passe et lasse à très grande vitesse.

Bien que n’échappant nullement à ce formidable tourbillon, je reste fondamentalement une personne lente.
J’ai BESOIN de prendre le temps nécessaire.

Lire par exemple.

Lire délicieusement des articles où les mots ne sont pas comptés, où le vocabulaire n’est pas réduit, où les arguments sont déployés et tranquillement avancés de la première à la dernière ligne.

Lire, simplement.

Chaque jour en ouvrant mon ordinateur sur la page d’un réseau social, je découvre un florilège d’aphorismes et de vidéos et de non-informations : deux, trois… dix mots…
Un flash, un « digest » dont chacun fait ce dont il a besoin, « partagé » avec bonne intention (toujours avec une bonne intention, j’en suis certaine) et sans le moindre commentaire personnel, genre : « allez y, prenez, c’est gratuit, faites en ce que vous voulez, j’ai « aimé », voilà, c’est fait. »

OK

Alors, j’ouvre mon journal (un véritable journal en véritable papier qui se froisse) et je prend le temps nécessaire en faveur d’une lecture lente, le temps favorable pour aller de découvertes merveilleuses en découvertes merveilleuses, le temps du plaisir, tout simplement.

Alors, quand alléchée par quelques mots de la Une  « La leçon de bonheur d’Alain Badiou » je file directement vers les pages 16 et 17 (quitte à revenir ensuite à la Une pour reprendre  la lecture page à page), quand je trouve « C’est en étant heureux qu’on peut changer le monde »  je joue à fond la carte de la gourmandise.

Je déguste chaque passage.
Je déguste signifie que je lis, que je relie, que je dépose dans ma mémoire, que je laisse infuser, que je quitte les mots des yeux afin d’en apprécier l’intensité et… que je fonce vers la passage suivant, persuadée qu’il aura une nouvelle saveur, un goût différent mais semblable qui me plaira à coup sur!
🙂

Arrivée à la fin du texte, j’ai conclu que la cerise sur le gâteau, c’est à dire le passage que j’avais envie de partager, était celui-ci :
« C’est exactement ce qu’explique Platon dans Le Banquet, où il expose que la philosophie elle-même dépend toujours de la rencontre de quelqu’un. Tel est le sens du merveilleux récit que faisait Alcibiade de sa rencontre avec Socrate. A travers cette rencontre de quelqu’un sont posées les questions du vouloir, de la décision, de l’exposition et du rapport à l’autre. Tout cela vous met dans une situation vitale magnifique et périlleuse. »

Voici le lien vers l’article