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La Loire, émoi (1)

23 septembre 2019

Quand je regarde les images j’entends encore la Loire d’en haut qui fredonne et le frémissement de la végétation sur son passage, le vol des papillons, la danse des oiseaux.
Je respire encore l’air limpide, la couleur de la mousse et les éclats de granit.
Mes doigts se souviennent de la densité du basalte, du mouvement de l’eau, de l’accroche des ronces et du jus des baies.

La Loire de Nantes, troublée par son alliance avec l’océan, à quelques encablures de s’y fondre, déroule son flot chocolat qui se ride où se lisse au fil de son dialogue avec les marées et les vents.

La haut, il y avait de l’enfance, de l’insouciance, de l’espièglerie, des exclamations et des silences quand ici ne subsiste qu’une apparence calme et rangée de fleuve citadin moderne, sous contrôle et totalement géré.

Pourtant de même qu’une petite fille insoumise se complait encore dans mon corps assagi par le temps, La Loire qui passe à Nantes est riche de tout ce qu’elle a rencontré depuis là-haut et n’existe dans toutes ses dimensions qu’à travers son voyage singulier.

A la différence des humains qu’il n’a eu de cesse de relier, le grand fleuve a dessiné une profonde empreinte dans le paysage, de ce genre d’empreinte qui ne s’efface pas si vite que celle du passage d’une personne.
Il n’en est pas fier, ni faussement humble, ni abusivement prétentieux.
Là est toute la différence entre un fleuve et un humain.
La puissance de l’un met en exergue la fragilité de l’autre,
Et pas l’inverse!



Le papillon (bis)

J’ai plein d’histoires de papillons.
Comme…
Par ici et par là
Et toujours plus loin
Je suis un papillon
Butinant inlassablement.

Récemment, en vidant la maison dont l’âme de ma mère s’est envolée, j’ai retrouvé ce papillon bijou que je pensais avoir perdu.
Je me souviens avec précision d’un jour où nous étions parties en ville.
J’avais environ l’âge de raison.
Maman avait pris soin de « me faire belle » comme une petite fille modèle à laquelle elle rêvait sans doute. Elle avait donc accroché la petite broche papillon (offerte par ma marraine) sur l’unique manteau que j’ai jamais eu, remonté mes chaussettes et blanchi mes chaussures blanches du dimanche.
Où devions nous aller?
je n’en sais rien.
Ce dont je me souviens c’est que lorsque nous sommes rentrées, le papillon était perdu.

En le retrouvant dans son écrin, j’ai pourtant constaté qu’il n’avait jamais été perdu.
Il y a des mystères,
Des histoires de « grands » qui dépassent l’imagination des enfants.
C’est ainsi.
Les parents font toujours de leur mieux pour emmener les enfants vers la vie dont ils rêvent pour eux, n’est-ce pas ?

En cette période d’examen où des parents annoncent au monde entier la « réussite » de leur rejetons avec force mentions et félicitations comme s’ils se félicitaient eux-même, j’ai une pensée toute particulière pour ces papillons multicolores qui questionnent les parents.

Ces êtres un peu à la marge, toujours lumineux au point d’inquiéter souvent, de semer le trouble toujours, ces merveilleux papillons qui butinent à leur gré, passant d’une fleur à l’autre, par ici et par là, sans s’arrêter sur une recette, fut-elle vantée comme infaillible.
Ils l’ignorent, la recette… ils ont la leur et jamais ne la connaissent vraiment.

Aucune vie n’est vraiment traçable à l’avance.
J’entends les aspirations des « grands » qui se targuent d’éléver « les petits »,
Je comprends avec mes tripes de mère-poule.
Mais je sais
Avec les deux L de mon prénom, je sais tout au fond de mon ventre,
Que les papillons ont besoin de casser eux même leur cocon pour devenir fort,
Pour s’envoler loin dans le sens qui leur va bien
Et je sais que certaines variétés commencent avant les autres!

Simplement la Loire (1)

Prélude, le 16 juin 2019

La semaine dernière un ami, un poète, un explorateur, un photographe m’avait donné rendez-vous histoire de récupérer des bribes de passages de vies à mon sujet.
Où se donner rendez-vous à Nantes sinon au bord de la Loire?
Nous avons décidé que la grue jaune serait un parfait témoin.
Le jour J, le vent soufflait en tempête, des bourrasques de pluie obscurcissaient la ville et sporadiquement le ciel se déchirait, laissant passer un éclat bleu d’azur ou un éclair de soleil transperçant.
Parmi les images des instants partagés, celle-ci est définitivement ma préférée : parfaitement non-utilisable dans le cadre imposé à l’ami, je peux la publier ici.

Ce jour de juin, la Loire chantait, soulevée par le vent sa robe éclaboussait des perles d’écume. Dans le tourbillon des rafales, il y avait toute la force de l’imprévisible.
A la surface de l’eau, les rides en étaient les reflets.
Cette Loire est celle qui m’emporte, telle un souffle sacré, dans un espace où s’invitent ensemble le passé, mon présent et plus loin.





Ces rêves qui se laissent attraper

Sans rêves, jamais ma vie n’aurait été ce qu’elle est
Je suis une infatigable rêveuse en ce sens que je cours sans cesse à la poursuite de rêves fous.

Rêver est non-suffisant, il faut de la constance, de la tranquillité, une infinie persévérance car les rêves sont comme les papillons, ils ne se laissent pas facilement attraper intacts et bien vivants.

Sur cette île de désert et d’océan dont je connais mille recoins, une chose me manquait dont je rêvais depuis plusieurs années : la possibilité d’aller sur l’eau, chaque jour, seule, à ma guise, la possibilité de m’évader à volonté … en quelque sorte.
Dix ans que j’attendais ce moment.
Dix ans.

Voilà qui est fait.

J’ai attrapé ce rêve le jour même de mon arrivée.
Je l’ai attrapé comme je fais toujours, en lui courant après.
Je regardais l’océan quand j’ai vu deux pirogues entrer dans la rade.
Deux pirogues!
Jamais je n’en avais vu autant à la fois par ici!
Elles se dirigeaient vers une plage centrale, au pied des restaurants.
Je les ai suivies du regard, j’ai hâté le pas espérant les voir de plus près, sans vraiment savoir ce que je cherchais sinon rêver je ne savais pas vraiment quoi.
Tout allait très vite et malgré mon pas empressé, lorsque je suis arrivée près de la plage, ce fut pour voir deux gars en sortir leur pirogue sur l’épaule.
Ni une ni deux, comme je le faisais gamine, comme je l’ai toujours fait, j’ai suivi mon rêve, j’ai suivi les gars dans la rue, puis dans le parking souterrain où ils s’engouffrèrent.
L’avantage quand on est gamine depuis plus longtemps que les autres, c’est que la timidité est moindre. J’ai commencé par observer, mais il n’a pas fallut plus d’une minute pour que je demande : « Ces pirogues sont-elles à louer? »
Elles ne l’étaient pas, mais il y avait une piste, un nom à taper sur le clavier sans plus de précisions.
Et hop!
Le lendemain j’avais rendez-vous au bistrot du coin.
Et hop, le soir même j’avais la clé du local et une pirogue à disposition pour quelques euros symboliques.
Et hop, le lendemain je partais vers ce que j’aime le plus, une session seule sur l’océan, dans cet entre-deux à nul autre pareil où la houle est grande et le rivage lointain, où l’eau perd ses nuances turquoise pour passer à l’outremer, où je deviens moins qu’un point à l’horizon pour qui aurait la folie de s’user les yeux à me chercher.
Seule contre le vent, seule avec lui.
Seule à fleur l’eau.
La houle est belle au milieu du channel,
Ce matin, dans les creux, les montagnes disparaissaient.

Le rêve.
Si longtemps non-attendu.
Le rêve s’est réalisé.
Ce rêve là, comme tant d’autres déjà.

Mais tout ceci serait de moindre intérêt si d’un coup, je n’avais compris un mystère qui me questionnait.
Le mystère était le suivant :
En écoutant les gens exprimer leurs souhaits, leurs rêves et leurs désirs les plus fous dans le cadre par exemple où il seraient susceptibles de gagner beaucoup d’argent « pour réaliser leurs rêves », je me suis infiniment souvent posée la question de savoir ce que je répondrais à leur place. Et chaque fois, j’ai fait chou blanc.
Rien.
Pas une seule idée de « rêve à réaliser »!
Moi qui passe mon temps à rêver plus loin!

C’est que rêver est une épreuve d’endurance,
Une aventure qui ne se vend ni ne s’achète.
Rêver, c’est courir après les papillons,
Patiemment, tranquillement, avec beaucoup d’assiduité,
Et quand parfois l’un d’eux vient se poser,
Juste là, à portée de main,
C’est retenir son souffle et avancer et oser
Sans y croire, sans douter
Et l’attraper tout entier, bien vivant
Le rêve.

Cacophonie de l’Avent



Le bruit a commencé à enfler sans attendre décembre, à l’instar des rayons de supermarchés qui se sont couverts de consommables festifs, repoussant loin des yeux le strict nécessaire.

Petit à petit, amplifié par les médias avides de temps de cerveau disponible, le bruit s’est installé en fond sonore de notre quotidien.
Alors que la première case du calendrier de l’Avent ouvrait le décompte vers la période de débauche obligatoire de fin d’année, la cacophonie s’installait, s’immisçant dans les moindres moments silencieux de mon quotidien, allant parfois jusqu’à faire vibrer l’onde paisible des plans d’eau nantais, laissant flotter jusqu’au fond du jardin des échos d’explosion, affichant sur ma fenêtre virtuelle des news tronquées, la désinformation des montages « fast-fake » et son lot d’émotions réactionnelles.

Mes blocs notes se sont remplis intensément, tous les maux que je pouvais entendre se trouvant sous un titre, un autre et encore un autre. J’ai tendu l’oreille du côté des plus savants, j’ai lu ce qui me semblait lisible et aussi les injures parce que tout est sacrément humain, même le pire.
A chaud.

Comme sur les meilleures publicités, j’ai senti la coupure, la cassure, la non-harmonie entre nos paradoxes existentiels  « mangez du chocolat/pour votre santé évitez le gras et le sucre » ; « démissionnez vous êtes nuls/surtout faites vite quelque chose » ; « Taisez-vous, vous n’y comprenez rien/ Parlez, on veut vous entendre » ; « Consommez, les fêtes arrivent/ Stoppez tout, la fin du monde est proche » ; etc, etc…

J’ai vu tous les opportunistes souffler un coup le chaud, un coup le tiède et négliger l’extincteur.
J’ai vu tous ceux qui suivent… suivre, des convictions ancrées par leur famille ou… leurs amis quand ce n’est pas juste suivre l’ambiance, la fête, l’occasion d’un « ensemble » devenu trop rare parce que la vie court trop vite.

Logiquement, il me fut impossible de voir tous ceux qui ont évité de s’exposer, de s’exprimer, de s’agiter, de s’émotionner en public.

Je suis là, au milieu de la cacophonie.
Le calendrier de l’Avent ouvre un jour nouveau chaque matin.
J’ai  remis en service la machine à coudre, histoire de préparer des cadeaux à nuls autres pareils.
Je respire l’océan aussi souvent que possible, les embruns volent haut, poussés par les dépressions de saison.
Je rame, je marche, j’accueille sans relâche.
Tranquille.

Ma vie est remplie de lumières et c’est grâce à l’ombre que je les vois.
Elle est comblée de silences et c’est grâce aux bruits que je les aime,
Elle contient le miel et le fiel, comme se plaisent à l’assembler les plus fins cuisiniers,
Ma vie fut un cadeau que je n’ai jamais demandé,
Et dorénavant, c’est un jeu qui me réjouit vaille que vaille.

La suite viendra, comme l’orage elle viendra sous son propre vent ou comme les dépressions et les anticyclones elle viendra portée par les vents dominants. L’univers est indomptable et c’est une chance.

Faire plus avec autant


Les bisounours distribuent les leçons de morale qui ne tiennent pas debout : par exemple il serait possible de faire plus avec moins!

En 1789, dans son Traité Elémentaire de Chimie, Antoine Lavoisier écrivait :
« On voit que, pour arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d’abord bien connaître l’analyse et la nature du corps susceptible de fermenter, et les produits de la fermentation ; car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. »
En 1970, j’ai compris les équations chimiques grâce à la maxime « rien ne se perd, rien ne se crée ». Quelle que soit la complexité des molécules à « inventer », il fallait faire avec ce qu’on avait sous la main et si quelques électrons pouvaient se balader librement, jamais il ne disparaissaient, jamais il ne sortaient par magie.

Dans le discours ambiant, l’utopie galopante consiste à dire : il est possible de faire plus avec moins ! Et je viens de vérifier, il y a pléthore de sites remplis de pubs qui expliquent comment consommer des trucs nouveaux dans le but de réussir à faire plus avec moins.
C’est un peu du genre : achetez une machine à pop-corn, vous aurez un bol mieux rempli avec votre maïs quotidien.
Non… Ils n’osent pas, ce serait un peu gros !
Quoique… ni la subtilité, ni la modération n’étant des armes de vente massive, je me suis vraiment amusée à lire ces sites « populaires ».

Car, bien entendu, personne n’est disposé à faire moins avec moins.
De surcroit, l’ensemble des populations qui commencent tout juste à entrevoir le potentiel jouissif de la consommation accélérée est enthousiaste à l’idée de faire plus avec plus. Comment leur en vouloir?

Pour nous, les enfants gâtés de la planète, réussir à faire plus avec pas moins ce qui revient à faire plus avec autant est déjà un énooooooorme challenge.

Mais…
Mais s’insurgent les bisounours, il faut se restreindre, il est urgent de se serrer la ceinture!

C’est qu’ils ignorent ou feignent d’ignorer la réalité de la vraie vie : tout annonce de disette encourage à stocker! Le corps lui-même, sous l’effet du mental est ainsi disposé : il suffit de lui faire croire qu’il pourrait manquer pour que l’appel de la gourmandise se fasse impérieux.
De fait, plus la menace de « manquer » est agitée, plus il est « physiologiquement » logique de consommer.
C’est la vie.

Il faut être en confiance, il faut être bien installé et ne manquer de rien pour commencer à songer au confort envisageable avec moins que plus.

Etant dans cette position de nantie raisonnable, j’ai acheté du tissus pour torchons et dans la quantité prévue pour couper trois torchons, j’en ai coupé quatre.
Ayant observé depuis de nombreuses années que les torchons partent dans la machine à laver avant d’être vraiment sales, je pense que les confectionner plus petits ne changera pas la vie familiale.

Violence


Nul doute que ce mot résonne aux oreilles de chacun.
Violence.
Du latin violentus.
Et instantanément, chacun sens monter une émotion forte en écho d’un ou plusieurs souvenirs, d’une ou plusieurs visions, d’une ou plusieurs lectures, d’une ou plusieurs oeuvres d’art.

Je suis encore incapable de déterminer précisément dans quel ouvrage je me suis lancée.
Je sais que pendant quelques semaines ou quelques mois, chaque nouvelle journée qui s’affichera sur la calendrier m’offrira un moment où il faudra que je me fasse une douce violence pour avancer plus loin sur le projet.

C’est qu’il y a pas moins de 25 chapitres, suivant l’ordre de l’alphabet, de A comme Averti à Z comme Zeste en passant par E comme Empreinte, I comme Idéal et V comme… Violence.

Il y aura peut-être ici quelques éclaboussures ?
Peut-être pas.

Aujourd’hui, j’ai ouvert le chapitre 22 qui commence par V.
V comme Violence.
Oui, je fais ce que je veux, dans l’ordre qui m’inspire, en fonction de ce que je lis, de ce que j’entends, de ce que je ressens.
Il n’y a qu’une limite que je m’impose : faire rentrer chaque chapitre dans un chapitre et éviter d’en faire un livre entier!
Et pour « ça » il faut que j’use de la force et que je me fasse violence!

Humeur du jour

Et donc je suis allée à Paris.
Et donc, j’ai rapporté de nouveaux projets.
Et, ça, c’est assez drôle car en ce moment il y a plein de projets qui débarquent.

L’année dernière à la même époque, je faisais le ménage, certaine que j’étais que les boucles était bouclées dans pas mal de domaines.
Là, je sais plus trop.
Un flottement est perceptible, assez semblable avec celui vécu l’année dernière,
A la même époque.
Aussi joyeux qu’il était chagrin, il m’emporte.

Parmi ce débarquement de projets, il y en a qui parlent d’écrire.
C’est le coté comique de ma vie que j’étale aujourd’hui ici et sans  vergogne.
Un comique de répétition.
Ecrire!
Publier!!

Quand le monde de l’édition est plus terrifiant que jamais.

Avec l’avènement de l’impression à la demande, tout se publie, à toute vitesse et sans autre risque que celui  de l’imposture.
Car, si le nombre de titres publié a été multiplié par deux depuis la fin du 20ème siècle, le nombre de lecteurs est à la baisse.
« Il y a énormément de livres qui se vendent à moins de 500 exemplaires, tous éditeurs confondus, de Gallimard à Grasset en passant par P.O.L. Et dans ces livres-là, beaucoup ne dépassent pas les 250 exemplaires vendus. En fait, ce n’est pas rare qu’un livre se vende à moins de 100 exemplaires »

Je suis tellement claire avec ce fait,  et depuis si longtemps que j’en suis venue à modifier la page d’accueil de ce site. Pour mémoire, créé en 2008, cet espace était destiné à promouvoir un titre particulier… Je vous laisse deviner lequel!

Les plus fidèles personnes qui passent ici ne peuvent ignorer la répétition de mes questionnements quasi existentiels au sujet de l’écriture et de la publication.
Ces questionnements naissent logiquement de ma non-crédulité pathologique associée avec une curiosité tout aussi pathologique qui mène à une certaine forme de connaissance.

Mon père disait « la vie est un éternel recommencement » et je me suis appropriée cette petite phrase en la projetant de manière multidimensionnelle  sur l’écran de mon imagination débridée. Une imagination incapable de faire un roman mais super douée pour transformer mon environnement en dessin animé géant, entre humour noir, réalité augmentée et joyeuses comédies. Donc, oui sur une espèce de spirale qui représenterait la vie, il est normal de passer devant la même verticale à chaque enroulement. Toujours la même verticale, mais jamais le même point!

Me voilà donc partie en plongée, en immersion.
Ca se terminera comme ça,
Mais pas au même point!

C’est la vie!


Découvrir cette phrase sur FB ce matin était une douce surprise.
Ce livre de C.Bobin qui n’est pas dans ma bibliothèque, je l’ai découvert en septembre, il trainait dans un gite d’étape (voir le lien « escapade 2017 »).
Il est évident que cette phrase précise n’avait aucune chance de m’interpeller à ce moment précis où j’étais tellement remplie par la marche accomplie et tellement loin d’une quelconque fatigue. L’heure était à la lenteur, à l’approche de mon objectif, j’avais même encore ralenti!

J’étais à Paris, vendredi dernier.
Déambulant dans les rues alors que la mission qui m’y avait conduite était réalisée, je me contentais de survivre.
Histoire de grappiller de l’espace humain, je tentais de capter avec insistance la vie des gens que je croisais, la vie des boutiques, des boutiquiers (j’ai acheté des livres…), des passants pressés, errants avec ou sans domicile fixe. Je n’avais que « ça » à faire en attendant le train retour.

Et, voyant les centaines de personnes attablées en terrasse, les centaines de personnes consommant avec compulsion, les centaines de personnes avalant d’improbables aliments, marchant, clavardant, isolées dans leurs bulles, en voyant tous ces gens, en tongs ou collet serré, tous ces gens si différents et cependant « parisiens » je sentais à quel point la capitale est intensément fatigante.
En miroir à ma fatigue intensément ressentie de manière passagère, je compatissais avec toutes ces personnes pour qui « consommer » est le seul remède à leur stress. Consommer plus et plus vite, de tout, de rien sans le moindre repos puisque le repos lui-même est consommable, donc limité.

J’ai traversé Paris à pieds.
J’avais le temps.
J’ai traversé pour commencer le plus grand espace vert parisien : le Père Lachaise.
Les touristes y galopaient, le nez sur le plan qu’ils avaient acheté à la « bonne » entrée.
C’est très agité, le Père Lachaise.
Puis, j’ai longé des rues et des rues, alternant la marche à l’ombre avec la marche au soleil en fonction de mon besoin.
Je suis arrivée à la gare avec trois heures d’avance.

Pour passer le temps, j’ai pris un ticket dans le rayon « guichet-départ ce jour ».
je n’avais que ça à faire.
Arrivée « à mon tour » devant la guichetière désabusée,
J’ai appris ce que je savais, mon billet n’était pas échangeable, il était trop bon marché!
J’avais cependant gagné du temps, environ 30mn pour 20 numéros!
J’ai fait un saut au low-coast alimentaire d’en face, puis une bouteille d’eau dans une main, un infâme sandwich dans l’autre, je suis allée m’asseoir face à la gare.
Depuis le matin et la belle conversation avec mon éditrice, aucun autre mot que « bonjour, merci, bonne journée/bon courage » n’était sorti de ma bouche.
Et là, sur les gradins jonchés de papiers gras et de canettes vides, j’ai observé les échanges entre un black énervé, une ancienne sdf (à ce qu’elle a dit) et un black hyper cool.
Tranquille.
Tranquille en attendant l’heure du train.
Et,
Le black énervé est venu s’asseoir à mon côté.
Et… Ce fut la deuxième conversation de la journée.
Tranquille.
Elle aurait pu devenir interminable.

Puis, l’heure du train est arrivée.
J’étais fatiguée.
Réveillée depuis cinq heures du matin, je pensais à ma couette et à son lointain abris qui ne serraient accessible que sur le coup de minuit.
J’étais fatiguée.
J’ai acheté des bonbons… Le sucre est une drogue puissante qui permet de lutter contre la fatigue… et le stress…

Ce vendredi passé, le temps vécu à non-vivre fut très long à mon goût.
Trop long.
J’avais, longtemps avant, décidé d’économiser sur le prix du billet.
C’était un choix.
La prochaine fois, il faudra me payer cher pour une telle aventure.
J’ai définitivement besoin de vivre dans un espace qui respire une vie plus vive.

La chasse


Rien de mieux pour loisirer que de partir à la chasse.
Loisirer?
Oui, l’opposé de « trepallium », du « travail » tellement à la mode, voire même de l’ouvrage à la sueur du front!
Loisirer, c’est seulement pour le plaisir et c’est totalement inutile.
Loisirer c’est quand le garde-manger est bien plein, quand la maison est bien rangée, quand les papiers sont en ordre.
Alors… Partir à la chasse est très délassant!

Il y a la chasse aux champignons, la chasse aux papillons, la chasse aux belles images, la chasse à rien et en ce moment la chasse aux orchidées sauvages.

Le truc le plus important pour un chasseur sachant chasser, c’est de rapporter une « proie ».
La « proie » est destinée à être partagée afin que chacun puisse « profiter » des talents du chasseur sachant chacher, du chasseur sassant chasser, bref… Du marcheur qui sait ramer!
De « moi-je » en somme!

Et le bonheur actuel est tout entier dans la haute technologie, dans les réseaux sociaux et dans cette possibilité de partage virtuel dont je fais grand usage, en exploratrice chercheuse sageuse que je suis.

J’y retourne aujourd’hui.
Désolée la saison est courte.

Oui, chasser est délassant pour la tête.
Il suffit de marcher en dehors des chemins,
Il suffit de déployer ses antennes
Et de regarder avant de poser les pieds.

Avec quelques indications et un peu de chance,
Au milieu de l’exubérante flore printanière
Se dresse une timide belle
Qui s’en distingue par son absence de souplesse
Par sa prétention à la différence
Par sa présence étonnante
Fascinante
Merveilleuse
Silencieuse.
Alors le temps s’arrête.
La « proie » est là,
Le face à face est impitoyable
il faut choisir la capture ou l’ignorance
Prendre une photo ou aller plus loin.

Parfois comme hier, la chasse est organisée pour profiter du paysage
Dans un endroit que j’aime intensément
Et qui m’embarque dans une énergie ravissante
Forçant mon regard à naviguer entre très loin et très près,
Au dedans même souvent.

Et pour partager aussi un peu du croustillant dont je ne saurais me lasser
Immanquablement
C’est l’aventure.
Quand fatiguée d’essuyer le vent et la pluie, je demande un raccourci
Après trois heures de marche
Quand le brave gars m’indique une direction
Et qu’un sentier se dessine,
Je fonce, confiante.
Et en confiance, j’avance, car le sentier s’ouvre à travers les broussailles.
Pas de soucis pour ma tenue plutôt citadine
Mes sandales de marche assurent le pas et l’absence de sac à dos
Facilite l’avancée.
Et me voilà contournant un plan d’eau
Et me voilà escaladant
Et me voilà traversant la voie ferrée
A un endroit où seuls passent les fugitifs et les animaux
Et me voilà bloquée par un grillage, cherchant la faille
La trouvant et me glissant sous le grillage en rampant
Comme d’autres humains l’ont fait et le feront.
Et La Loire est au bout
Et flotte un sourire
Typiquement joellien!