Il y a quelques jours j’avais promis la suite, la voilà!
Pour entrer dans le vif du sujet j’ai vraiment changé de décor en passant des alentours du canal de Nantes à Brest aux bords de Loire.
Et puis, après le cheval d’indien, me voici en relation avec un cheval beaucoup plus classique. Si le soleil réalise un charmant balayage dans le doré de sa crinière d’alezan, sont look n’a rien d’exceptionnel et je suis assez contente de me retrouver en selle sur un cheval éduqué comme je l’entends.
Comment ai-je donc choisi ?
Peut-être me suis-je laissée happer par la Loire ?
A moins qu’un cheval ne m’ait choisie ?
Ca c’est dans les rêves, non ?
Mais pour l’anecdote, disons que j’ai saisi un clin d’oeil.
La semaine dernière lors de mon premier passage en bord de Loire, j’étais entrée dans le paddock du possible élu, sur l’invitation de la propriétaire : « Tu peux aller le voir et le caresser, il est là-bas ».
Ma béquille dans une main et l’autre vide, je suis entrée et je me suis plantée au milieu de l’espace en me disant que j’allais pas le déranger, juste m’approcher et le regarder.
Il a levé la tête.
Il a baissé la tête.
Il s’est mis en marche dans ma direction.
Il fut bientôt si proche que j’ai posé ma main sur son front en murmurant des mots doux anodins.
Nous étions ainsi en « conversation » lorsqu’un petit gars est arrivé à la barrière en me demandant qui m’avait autorisée à entrer.
Comme je lui expliquais et l’encourageais à bavarder, il m’a rejoint au point où j’étais posée.
Et le cheval s’est éloigné, il est allé se frotter le derrière contre un bel arbre.
Au milieu du paddock, lui posé sur sa fourche et moi sur ma béquille, nous avons passé un instant.
Puis, il s’en est retourné à son boulot avec mes félicitations pour son attention.
Je pensais sortir à mon tour, mais ma lenteur fut telle que déjà le cheval était déjà revenu juste à mes côtés.
Nous avons repris notre conversation où nous l’avions laissé.
Bref, c’était un pur hasard, mais je pourrais dire que la balance avait penché en sa faveur avant même d’avoir posé mon derrière sur son dos.
Depuis, j’ai poursuivi les essais.
Ce qu’il faut souligner à nouveau c’est que partager la pension d’un cheval avec une autre personne, c’est s’engager vis à vis d’un couple et ma solitude naturelle doit absolument considérer les obligations qui en découlent.
Il me fallait donc utiliser la minuscule balance virtuelle qui est posée sur le même rayonnage que mes pensées en goguette.
Il me fallait y déposer des étoiles scintillantes d’un côté et de l’autres des cailloux noirs en sachant que les étoiles peuvent s’éteindre et que les cailloux noirs peuvent s’illuminer.
Et revenir à l’évidence : choisir c’est renoncer, c’est avancer et aller où le vent me poussera.
J’ai choisi les bords de Loire.
Maintenant, il me reste à annoncer mon choix, aux personnes qui espéraient qu’il soit en leur faveur et ceci sans les blesser.
Et me voilà partie vers de nouvelles aventures !
Archives par étiquette : marcher
Passage…
En vérifiant dans le moteur de recherche du site la présence du mot « passage » j’ai trouvé pas moins d’une trentaine de billets dans lesquels il apparait. Celui-ci arrive en tête
J’apprécie toujours la redécouverte des billets enfouis proposé par cette recherche qui précède chaque plongeon dans la rédaction d’une énième réflexion.
Comme j’ai essayé de le relater en trois articles, je suis en zone de passage.
Vers la suite c’est certain.
Quelle suite ? Je l’ignore.
Quand ?
Encore davantage.
Etrange zone que je tente d’explorer passionnément.
Intensément à l’écoute de mon corps,
… et de plus … et de tant.
Car jamais l’occasion ne s’était ainsi présentée.
Etre incapable de poser sans une intense douleur la jambe droite devant la gauche,
Donc être incapable de marcher avec aisance,
Tout en étant capable de me balader à bicyclette,
Tout en étant capable de nager délicieusement,
Tout en étant capable de m’installer dans mes postures de yoga favorites !
« Monter à cheval, c’est partager sa solitude »
Clément Marty, D’un cheval l’autre, Gallimard 2020
Pour l’instant je suis privée de ces moments de partage, incapable de marcher, comment aurais-je l’audace d’inviter un cheval à marcher sous ma selle ?
C’est là que j’en arrive après ce préambule.
Car c’est autour de ces deux mots « cheval » et « solitude » que s’articulent l’ensemble des réflexions qui passent et re-passent en ce moment, dans ce passage là.
Sans aucun doute, la retraite forcée de ces derniers jours met en exergue ce que j’avais déjà posé dans ce billet là , s’y ajoute l’inexorable quête d’absolu qui est mienne.
Et cette quête m’impose des choix,
Donc des renoncements.
Dès l’incident à l’origine de cette pause forcée, j’ai su que le temps était venu de déclarer à la propriétaire du petit appaloosa la fin de ma contribution.
Je m’étais fixée l’horizon de septembre, mais une fois plus le terme de neufs mois a pointé le bout de son nez sans même que j’ai besoin d’en faire le décompte!
Magie de la Vie !
Ma reconnaissance envers ce petit cheval est gigantesque.
C’est principalement sa non-solitude qui a petit à petit précipité la fin de ma relation à lui.
Il appartient à sa propriétaire.
Il loge chez sa logeuse.
Mon besoin d’absolu fut incapable de s’épanouir dans les « entre-deux » abyssaux qui se créaient.
J’en souffrais en silence, sans oser poser un point final.
Le point s’est imposé,
De lui-même.
J’en suis là.
Gourmande plus que jamais.
Confiante
Inlassablement.
De la décontraction (1)
Après avoir parcouru l’intégralité de ma photothèque, il faut bien en arriver à la conclusion qu’aucune image n’est envisageable pour illustrer ce billet.
De la décontraction.
Décontraction
Aucune image ne peut rendre compte, même à travers mon imagination facilement galopante, de ce que signifie ce mot.
Car ce mot en contient tant d’autres, dans de multiples dimensions et toujours en mouvement, que toute image plaquée dessus ne fait que le réduire à une illusion.
De la décontraction.
Les deux derniers billets publiés ont fait une allusion à ce mot.
L’un dans le rayon « cheval », l’autre associant ma quête botanique avec mon retour vers les chevaux.
J’avais omis de le définir un peu plus précisément.
Et voilà que mon actualité récente me plonge au coeur même de la réalité, de la vie, de la danse très particulière que je ressens lorsque je l’utilise, ce mot là.
Décontraction.
Je me suis récemment blessée.
Pour la première fois dans toute ma vie consciente (excluant de fait la toute petite enfance et seulement la toute petite enfance) je suis blessée sans avoir besoin d’en rendre compte à aucune collectivité, sans avoir besoin de faire un mot pour l’école, sans avoir besoin de prouver quoi que ce soit à l’université, à un employeur , à des collègues ou à qui que ce soit qui n’en à rien à faire sinon pour remplir des cases, des papiers, des étiquettes.
Contrainte par mon corps, je suis obligée de ralentir, de me poser, d’interroger, de décider avec une certaine liberté car il ne s’agit que de ma petite personne, de ma propre responsabilité à assumer les conséquences auprès d’autres personnes certes, mais loin de tout système.
Je me suis blessée.
J’ai fait mon propre diagnostic.
Je me soigne.
Que j’avance rapidement ou lentement me touche en premier chef.
Jamais je n’avais goûté cela.
Les dernières blessures m’avaient obligée à jongler avec les obligations de la vie de famille, du boulot, m’avaient obligée à être pressée, à faire au plus vite, à faire « comme si » à imaginer que des « recettes » pourraient accélérer le processus inexorable de la guérison.
J’accepte de penser que c’est le moment idéal pour expérimenter.
J’ai la chance de disposer d’un corps encore souple, efficace, fonctionnant sans aides chimiques exogènes. J’ai cette chance car c’est ainsi que je peux rester chercheuse autonome, juste face à moi-même.
Une blessure, c’est une rupture de l’harmonie.
Sans harmonie, l’aisance disparait, la facilité aussi.
Par principe, j’ai toujours pensé qu’une blessure contactée à une vitesse humaine (15-20 km/h maximum, le pas de course d’un humain, le trot d’un cheval) survient mécaniquement en protection de l’essentiel, c’est à dire qu’elle survient de telle manière qu’elle évite, en fonction de ses conditions de survenue, une blessure vitalement plus grave.
Par exemple, un os ou une articulation qui cède joue le rôle d’amortisseur pour éviter une blessure viscérale beaucoup plus dramatique.
Ce coup-ci, aucun os, aucune articulation n’est lésé. Seul, un faisceau musculaire puissant a cédé quelques fibres afin d’amortir une chute qui, de fait, ne m’a occasionné aucune égratignure et aucune casse délétère.
Mon principe est donc sauf une fois de plus !
Mais je suis bel et bien blessée.
Donc il existe une réelle douleur
Et j’ai besoin de regagner la décontraction…
(à suivre)
Le temps passé
Passer du temps à trier le temps passé.
Voilà… s’il fallait définir ou résumer le boulot qui consiste à vider une maison, ce sont ces mots précis que j’utiliserais : passer du temps à trier le temps passé!
Soulever la poussière amassée sans que personne ne s’en préoccupe,
Découvrir l’improbable dans les coins les plus obscurs,
Déplier des kilos de papiers jaunis venant « d’avant avant » et précieusement stockés,
… pour servir… à rien!
Constater le bazar amoncelé et mesurer ce besoin auquel personne ne déroge,
Trouver d’étonnants objets*,
Caresser des dentelles non-mécaniques en fil 100% bio non labellisé,
Ecouter à nouveau des histoires raconter le temps passé,
Ecouter les histoires,
Et passer le temps,
A traverser les vies,
Banales,
Tout en triant,
Pour jeter… beaucoup et encore plus… mais surtout dans le bon container!
Et imaginer demain.
Imaginer les jeunes d’aujourd’hui devant ce même labeur,
Demain.
Demain cet inconnu.
Quelle traces de « mon » temps passé laisseront une empreinte et combien de temps sera passé à les abandonner aux vents d’après?
C’est l’inconnu!
Et c’est « tout » ce qui fait que j’aime intensément l’aventure offerte par la vie,
Joyeusement imprévisible, joueuse avec ses propres règles,
Chaque instant surprenante,
Et merveilleuse,
Parce que surprenante!
* La cuillère à absinthe, par exemple. J’ai adoré découvrir son usage et ressentir une certaine ivresse en « voyant » les mouvements de l’opalescente boisson en train de se préparer.
Reset (part one)
Hier soir, j’avais encore pas mal d’énergie à libérer et j’ai eu envie d’aller grimper au sommet d’un de ces petits sommets où les premiers habitants de l’île avaient l’habitude de venir graver les rochers.
Illuminés par le soleil déclinant, l’endroit est superbe.
Un couple de buse dessinait des cercles juste au dessus.
Les chèvres qui viennent s’abriter tout contre la roche chaude pour passer la nuit étaient en vadrouille sur une autre montagne.
En l’absence de vent, la montée fut facile et l’escalade à moindre risque.
Les blocs de basalte étaient là.
Immobiles.
J’allais directement à la recherche des traces ancestrales.
Je les avais déjà caressées du regard, environ cinq ans auparavant.
J’aime sentir la vibration des passages très lointains, elle met en exergue la réalité de l’imperceptible empreinte laissée par notre passage à chacun, sa futilité, l’impossible interprétation, la puissance des éléments qui font leur job a eux, annihilant sans coup férir et au long cours les programmes humains les plus élaborés.
Et tant.
Et plus.
J’aime? J’ai besoin, c’est certain.
Reset.
Reset! C’est le mot qui m’est venu en premier une fois passée ma surprise, une fois calmées les ondes émotionnelles produites par le choc visuel que je venais de subir.
Reset : après des siècles de subsistance, les gravures ont disparues, recouvertes par des centaines de graffitis contemporains, de ceux là-même que gravent les gens sans vergogne, qui sur les murs en tuffeau des remparts du château de Nantes, qui sur le sable fossile des vallées « enchantées » de cette île, de ceux là-même qui grimpent le plus haut possible et si possible à moindre effort le plus loin possible, dans le seul but de faire un selfie, de l’envoyer illico et de très vite l’oublier en passant au suivant. Au suivant, au suivant…
Il faut vivre avec son temps, vivre dans le monde que nous habitons, avec ce qu’il est ce « monde », donc aussi en compagnie des personnes qui sont autant que nous « m’aime » partie de la société qui nous abrite.
Aucun autre choix n’est proposé, à personne, quoi que nous puissions imaginer, la réalité est là, implacable.
J’ai levé les yeux vers les deux buses qui tournaient.
J’ai regardé l’océan au loin.
J’ai respiré les rayons rougissants qui envahissaient peu à peu l’horizon.
Et je suis partie.
Joindre
Bien plus au sud que je ne le suis dans mon quotidien nantais, loin de l’agitation citadine qui résonne sans bruit jusqu’au fond de mon antre, je suis en ce moment sur « mon » île.
Là, le soleil darde, le vent balaie, le bleu règne entre les moutons blancs qui s’égrainent dans le ciel et la houle qui écume en s’écrasant sur le rivage.
Là, en quelques pas, j’accède au désert.
Avec le temps qui passe et l’âge qui gagne, je suis plus gourmande que jamais, comme s’il était essentiel de prendre ce qui est offert, consciencieusement, de m’en nourrir, de tresser, de tisser sans fin avec attention chaque brin d’une toile complexe afin d’en toucher toujours mieux la simple simplicité.
Partir marcher, dormir dans un pli de montagne ou dans dans le recoin d’une plage puis marcher encore, voilà un luxe qui me ravit.
Depuis plusieurs années, j’avais envie de partir explorer un massif situé à l’est de l’île, une zone dépourvue de sentiers, certes traversée par quelques pistes, mais globalement déserte. Car, le tourisme se développant à grande vitesse, il y a de moins en moins de coins qui échappent aux explorateurs intrusifs, ceux-là qui aiment laisser des traces et qui se précipitent ensuite pour mettre leurs images sur les plans go.ogle. Si cette zone montagneuse reste réservée, je sens bien qu’elle est en sursis.
Difficile de marcher plus de deux jours en autonomie car ici l’eau douce potable est une création humaine, sortie tout droit de l’usine de désalinisation. Il faut donc emporter la quantité nécessaire à la survie confortable et la porter et en supporter le poids à chaque instant.
Je suis minimaliste, parce que c’est ainsi que je garde la liberté de gambader : moins de trois litres d’eau pour deux jours, de quoi manger (du pain et du fromage), une mini-tente et un duvet, un pull pour le soir, une brosse à dent, mon APN et ça roule.
Une fois de plus ce fut magique.
J’ai suivi des sentiers de chèvres en sachant qu’ils débouchent seulement sur des sentiers de chèvres, parfois en extrême bordure de falaise, là où le passage se réduit souvent à une dizaines de centimètres contenant difficilement ma trace et risquant de s’ébouler sans prévenir. Suivre ce genre de sentier, c’est toujours se questionner en paix, s’apprêter à faire demi-tour, évaluer une possible sortie escaladée par « le haut » et néanmoins considérer le choix possible d’avancer plus loin avec sagesse, sans adrénaline dangereuse, juste calme et déterminée, sur le fil comme un funambule.
Jamais je n’encouragerais personne à faire de même, pas plus que je me risquerais sur les traces de certaines jeunes téméraires dont je n’ai plus du tout l’âge.
Et si d’aventure une personne souhaitait « me suivre » et découvrir ces lieux que j’Aime, je choisirais avec tout mon coeur un chemin accessible pour la plus grande sécurité du « couple » ainsi formé.
Car, en toute circonstance, danser sur un fil est un exercice solitaire, unique, exécuté dans l’instant d’un jour donné.
Maintes fois, j’ai pensé à ce que je lis en ce moment sur ces « pages secrètes » d’un réseau sociale tentaculaire, ce que je lis au sujet du passage de vie qui consiste à mettre un enfant au monde.
Je me sens tellement à côté, tout en étant dans ce monde, à cette époque là.
Je cherche l’entre-deux.
Je cherche à joindre ce qui semble injoignable.
La terre et le ciel tellement différents et pourtant absolument en continuité.
L’avant et l’aujourd’hui sans commune mesure et pourtant indissociables.
Le moins pire pour le plus grand nombre et le meilleur auquel chacun aspire.
Ce fut magique une fois de plus.
Indescriptible car ce qui se vit est de l’ordre de l’intime.
L’essentiel ne se partage pas.
Que dire donc?
Peut-être décrire l’instant super fugace?
Cet instant où je mastiquais mon pain sec, assise sous la pleine lune, les jambes étendues devant moi sur le sable du « barranco » sec. J’ai à peine senti un effleurement, j’ai baissé mon regard pour voir une minuscule gerboise aller son chemin. Elle venait de passer sur ma jambe sans me voir, sans me prendre en compte, elle allait son chemin de gerboise et moi, j’étais là.
PS : L’image où je figure fut prise à un autre moment.
A mon retour, en effet, j’ai partagé mes découvertes. Et puisque que ce site, bien qu’invisible pour les passants, était approchable, pas trop loin d’une piste accessible en voiture, nous avons décidé d’y aller ensemble.
Ces changements là (1)
En 2019, au retour de ma balade annuelle, je m’étais posé la question de la prochaine, remplie d’envies mais vide d’inspirations quant aux régions de France dont la découverte à petits pas pourrait se révéler tentante.
C’était avant d’être mise devant le fait accompli d’une « pandémie » jouant sur les nerfs entre obligations et interdictions de tous ordres : l’imprévisible qui pimente habituellement ma vie de manière aimablement espiègle est brutalement tombé sur l’ensemble de la population sans distinction. Sans en être touchée en temps qu’individu, je fus néanmoins atteinte en temps que partie de la population ; de fait j’ai choisi de laisser passer l’année 2020 sans rien prévoir.
Dès l’aube de cette année 2021, j’ai eu un colossal besoin de verticalité minérale. Privée de mes balades en zone désertique fuerteventurienne, j’ai touché le manque.
Car, la région nantaise, pour inspirante qu’elle soit, n’offre guère de hauteurs, d’autant moins que les conditions météorologiques fraiches et pluvieuses laissait la végétation s’étaler à profusion, me plongeant dans un univers entre verts clairs et gris foncés que la seule présence des fleurs ne suffisait pas à illuminer.
Certes, l’océan n’a pas cessé de m’offrir la possibilité de larges respirations, repoussant l’horizon et agrandissant le ciel au lointain de mes pensées, mais j’ai vraiment eu besoin de bouger vers plus loin, plus haut.
En juillet, une fenêtre de ciel bleu m’a poussée vers le massif pyrénéen, histoire de découvrir des hauteurs que j’avais renoncé à traverser en 2017, décidant en ce temps là, que si la pluie cachait tout sous son rideau brumeux, il était inutile de lutter. Ce fut aussi l’occasion pour tester la capacité de ma nouvelle voiture (la même mais en version « cinq portes ») à devenir un hébergement à la fois souple, mobile et… sec.
Juillet est passé.
J’ai envisagé des pistes de balades.
Le temps a galopé.
Libérée des « obligations familiales » mais contrainte par d’autres, j’ai vu septembre se rapprocher, les jours décliner, le soleil se refroidir sans avoir pris de décision. Il fallait pourtant plonger entre le 5 et le 16, choisir une trajectoire, un point de chute et surtout arrêter d’hésiter.
J’ai décidé.
La voiture serait mon alliée contre le temps trop restreint, en faveur de mes besoins de hauteur et de minéral.
D’une traite, j’allais « monter » tout au nord du Cotentin.
En pointillé, j’allais marcher au moins 25km par jour le long des côtes normandes puis bretonnes.
En obligation, j’allais chercher chaque soir un parking sauvage avec vue sur le large.
Ce changement là, ce changement en faveur du pointillé est apparemment un changement de style, apparemment seulement et chacun sait qu’il faut éviter de se fier aux apparences!
A suivre.
Ces changements là (2)
Direction le Nord Cotentin à l’ouest de Cherbourg pour commencer.
En prenant la décision de m’aventurer « dans le nord » j’acceptais la possibilité de fraicheur autant que la probabilité de pluies et de brumes.
La voiture s’étant imposée en temps que simplissime et minimaliste « camping-car », je savais pouvoir dormir au sec, évitant tout pliage de tente mouillée au petit matin.
Le soucis du poids d’un sac a dos de « randonnée autonome au long cours » devenant accessoire, je pouvais même embarquer un petit réchaud afin de me préparer un café chaud le matin et une soupe le soir, deux actions très dopantes et énergisantes en cas de météorologie défavorable.
Pour le reste je suis restée avec mes habitudes : aucun stock notable (sauf les noisettes) en nourriture ni en eau, vêtements de base, couverture de survie, couteau de poche, peigne et brosse à dents.
A noter que tout en acceptant la possibilité de pluie battante sur toute une journée de marche, j’ai quand même investi dans une véritable cape de pluie (la plus légère quand même) en matière top haut de gamme, donc à un prix top élevé : impossible d’avoir rien sans rien. Et sur ce point particulier, ce fut vraiment une bonne idée d’investissement (je me demande quand même dans quelle mesure la « mode post-covidienne de randonnée » n’a pas boosté les « créateurs » de confort pour bobo : je n’avais pas vu ce produit là avec cette technicité là auparavant. Certes, je n’avais pas cherché!)
J’avais un souvenir très précis du Cotentin, des souvenirs délicieux même, remontant à une époque lointaine où nous y avions résidé. En conséquence, je savais précisément où trouver les « à pic », la vie sauvage et aussi les points de ravitaillement faciles d’accès loins des embouteillages.
Les deux premières journées furent parfaites.
Les paysages collaient avec mes souvenirs tant que je regardais du côté de la mer.
La chaleur était là, les grandes marées faisaient leur show, j’ai marché tranquille deux fois trente bornes et…
… Et il n’y avait plus de falaises!
Que faire alors?
Dilemme : rejoindre la Bretagne sans attendre ou trainer encore un peu en Cotentin?
J’ai déplié les cartes.
Faire un choix judicieux en début de balade, alors même que j’étais à peine rentrée dans le rythme, s’avérait délicat. Je tenais à une bonne répartition des trajets motorisés, autrement dit, mon goût pour une certaine rigueur dans l’improvisation me disait que des beaux pointillés se doivent d’être réguliers.
J’ai replié les cartes.
Et déplié, et replié.
Ma décision était prise : aller faire un tour à Chausey que je ne connais pas.
Autre avantage de la voiture, sans soucis de recharge de smartphone, j’ai pu réserver illico en ligne, avant d’avoir le temps de changer d’avis.
Le troisième jour fut donc un jour entre parenthèse, un jour ilien dans un univers entièrement dédié aux touristes, dans un univers d’où l’âme s’est quasiment envolée.
Ce fut une expérience.
Et j’aime les expériences.
J’ai fait deux fois le tour de l’île, j’ai marché d’une île à l’autre grâce à la marée basse de grande marée, j’ai fait des tas de cailloux, écouté les oiseaux voler, marché encore, cherchant jusqu’à l’ultime moment où être pour éviter d’être au milieu « des autres », puis il fut l’heure du dernier bateau, de la voiture et de la route jusqu’à un parking sauvage au bord de l’eau, en Bretagne!
A suivre
Ces Changements là (3)
Bretagne nord.
Beaucoup de noms de villes me sont familiers mais je ne connaissais pas du tout cette région : débarquer dans un lieu à la faveur d’une compétition, c’est vivre en vase clôt le temps de la compétition et reprendre la route à la hâte dès que l’évènement se termine, c’est comme aller à un RV par le métro, il est possible de reconnaitre la station de métro mais rien de plus.
Je n’avais jamais vraiment noté que la Bretagne du Nord longe les côtes de la Manche, dans mon imaginaire « Bretagne » rime avec « Atlantique » et je me suis trouvée face à l’évidence : la côte nord n’est pas la Bretagne que j’imagine.
L’affluence des touristes, sous le soleil dont j’ai profité, lui donnais un air méditerranéen tout comme les variations du bleu de l’eau.
La Manche est un passage.
Les courants forts chantent comme autant de torrents suivant l’heure de la marée, ce sont eux qui animent le flot et que le vent s’en mêle, l’écume peut survenir.
J’aime la chanson du courant autant que les merveilleux dessins mouvants qui courent à la surface, offrant une immensité à la palette des bleus reflétant le ciel. Je peux rester longtemps penchée sur le spectacle.
A la recherche de rochers, je suis passée d’une pointe à l’autre, pestant contre l’invasion des camping-cars lorsque le soir venu je cherchais un emplacement loin du monde. Souvent parqués derrières des barrières, alignés les uns contre les autres comme dans un parking de supermarché, ils font masse et me posaient plein de questions, m’obligeant à fuir et à chercher plus loin. Certains soirs, j’ai tourné plus d’une heure, ce qui était beaucoup plus facile en voiture qu’à pied, bien que peu écologique.
Cette côte Nord de la Bretagne m’a offert, c’est certain, un bon nombre de clichés.
Les paysages?
J’ai été déçue parfois, déçue lorsque la réalité me sautait aux yeux, tellement différente des « cartes postales » piochées sur la toile.
Et puis, il y avait vraiment beaucoup de monde, trop à mon goût.
Et puis, voir ce « monde » se précipiter sur le « point de vue » de la carte postale pour y faire au choix un selfie, au choix une nouvelle carte postale me déprimait.
Et puis, et puis…
Oui, j’ai vu de beaux rochers.
J’ai appris aussi : les fours à goémon (destinés à la fabrication d’iode), les carrières de granit sur l’estran (construction des phares, des cathédrales et des maisons), ces rappels historiques qui me donnaient une vision de la vie des habitants d’autrefois, me ramenant aux humains d’aujourd’hui et à mes infinis questionnements.
En conclusion « j’ai fait » la Bretagne du Nord.
A la fin du septième jour, je n’avais qu’une hâte : passer à l’ouest!
A suivre
Ces Changements là (fin)
Dès mon arrivée à l’ouest, le soir à l’heure de trouver « une bonne place » j’ai senti la respiration océanique.
Alors, j’ai pu palper la différence, comprendre ce que j’avais ressenti tout le long de ma balade manchoise.
Les métaphores et les comparaisons s’amoncelaient dans mes pensées.
Si je devais citer deux fleurs qui me plaisent, je pouvais affirmer que la Bretagne nord me faisait penser à une pivoine et celle de l’ouest à une rose : mêmes couleurs, parfums assez semblables, mais graphismes différents et des épines pour la rose.
Si je devais citer des peintres qui me plaisent, je pensais à Dali pour la côte nord, à Dali pour se peintures lisses et surréelles, arrivée à l’ouest, ce sont les années torturées de Van Gogh qui rentraient dans la danse.
Je pensais à la vie des gens autrefois, des vies tellement différentes selon leur lieu d’habitation et leurs activités qu’elle devait forcément dessiner leur physique de manière différente, rondeurs et courbes douces pour les nordistes, traits secs et creusés pour les Finistériens.
Car, oui, j’entrais au bout du monde, là où se finissait la terre, là où commençait l’inconnu redoutable. Plus question de contrebande, d’échanges avec les îles d’en face par ici, il s’agit de navigations au long cours, de naufrages, de trépassés, de courage et d’aventures mille fois renouvelées.
Le nombre de chapelles et de calvaires est là pour souligner cette évidence : dans cette région, les humains devaient avoir la foi bien accrochée pour avancer dans la vie.
Il me restait trois jours.
Trois jours à vivre intensément.
Trois jours à marcher sur les crêtes, à me couler dans les ombres des criques improbables, à m’incliner, à respirer de tout mon être.
Le dernier jour s’est achevé à la crêperie, celle tenue par la femme d’un jardinier au grand coeur.
Le lendemain, j’ai roulé vers Nantes avec une idée fixe en tête : il faut que je retourne là-bas, au bout du monde, il faut que j’aille explorer l’immensité de ce qui est resté invisible.