Melchior

Melchior, c’est le prénom d’un des mages reconnus par la tradition chrétienne.

Melchior, ce matin, c’était un ouvrier portant casaque fluo, chaussures de sécurité et casque de chantier.
Tandis que je marchais sur le trottoir, du pas pressé de celle qui doute d’arriver à l’heure à son rendez-vous, Melchior entra dans mes mondes avec ces mots « Faites attention au fil rose…là… »

J’étais vêtue avec mon déguisement habituel, entre blanc clair et blanc cassé.
Je passais ce matin là, sac de marque orange et sandales bleues de luxe, écharpe au vent, toutes antennes déployées, je passais à l’instant précis où Melchior posait des marques de fil rose.
Dans mes mondes il y a, entre autres, un monde de gamine joueuse et un monde de Yoga.
Ces deux mondes là se rejoignent lorsque le hasard met à ma portée des éléments que je peux empiler, des cailloux principalement. Il s’agit de réaliser, à l’instant même qui se présente, un empilement aussi haut que possible, défiant l’équilibre dans le moment où le dernier élément vient chapeauter la tour.
Sitôt franchi un fil rose qui n’aurait pas fait de mal à une mouche, mes yeux se posèrent de plus belle alentours. Des matériaux trainaient et clairement, il y avait tout ce qu’il fallait.

Il fallait que je m’arrête.
C’était la bonne heure et mon rendez-vous pouvait bien attendre un peu plus loin.
Mais il fallait franchir une barrière bien close.
Melchior était « du bon côté », je suis revenue sur mes pas, un sourire bien accroché et j’ai osé:
« Auriez vous la gentillesse de me laisser entrer sur le chantier? J’ai vu des cailloux à empiler… C’est un jeu, excusez-moi, je suis un peu folle. »
Il m’a ouvert avec en clin d’oeil en disant « Ah, vous m’emm*rdez, vous » puis il a souri, d’un merveilleux sourire d’enfant, découvrant trois uniques chicots à l’ivoire jauni, deux en haut et un en bas.

Melchior, c’est un prénom de mage sage.
Ce matin, j’ai fait une vraie rencontre.
Joindre, faire se toucher, relier… c’est la définition même du Yoga!

PS : A mon retour à la maison, dans la boite aux lettres, j’ai trouvé le livre d’un ami cher.

« Tu me demandes:
– A quoi peut ressembler le visage du sage?
Je te réponds:
– Sois toute chose sans chercher toujours le pourquoi.
Tu me demandes:
– Quel esprit, quel grand souffle composent son visage?
Je te réponds:
– Le sage a le visage que ton rêve fait naître à la parole »

Gabriel Mwéné Okoudji, Comme une soif d’être homme, encore, Editions Fédérop 2015,
ISBN 978-2-85792-224-7

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