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De la décontraction (3)

Ultime billet de la trilogie qui débuta ici.

J7 après l’évènement.
Aujourd’hui, j’ai besoin d’aller m’asseoir sur la plage et de me laisser caresser par les vagues. Je vais y aller.
Evidemment.

J7.
J’ai besoin de la chaleur du soleil piquant ma peau.
J’ai besoin d’horizon.
J’ai besoin d’infini.

J7.

Samedi, sous les mains inspirées de mon amie j’ai imaginé que ce qui s’était passé, quelques jours auparavant, avait bousculé des couches très profondes de mon être. J’imaginais (en dessin animé comme d’habitude) qu’une croûte bien sèche, bien collée au profond de l’intérieur s’était décollée sous l’effet du choc puis brisée, lâchant dans le vide une foultitude de questions que j’avais laissées se stratifier faute d’avoir eu le temps de m’en occuper.

Sous les mains soignantes, ou plus exactement sous « l’entre-deux » subtil jouant son propre jeu entre ma peau et la sienne, milles questions se réveillaient, se bousculaient, fusaient, s’emballait dans toutes les directions sans que je ne puisse ni les saisir ni les formuler donc les questionner vraiment.
J’étais intensément présente face à chaque tentative et parfois je constatais mon opposition involontaire.
J’étais soumise à une force tranquille et douce qui essayait, partait, revenait, réfléchissait, tentait à nouveau sous un autre angle, avec patience, en douceur. J’ignorais tout de son intention et c’était bien comme ça. N’étais-je pas depuis le début sans attente, sans espoir, sans autre intention que l’acceptation?

L’unique pensée qui allait et venait assez clairement pour s’imposer était que ce qui était en train de s’accomplir avait tout à voir avec ce que je cherche à réaliser à cheval : obtenir la décontraction autant que possible et goûter à l’harmonie fugace qui en découle.
C’est mon intention lorsque je suis à cheval tandis que le cheval, lui, n’a aucune intention.
(La gourmandise est une aptitude, peut-être un défaut à moins que ce ne soit un péché capital… C’est très différent d’une intention, n’est-ce pas ?)
Le cheval vit le moment présent et se laisse « manipuler » en cherchant à chaque instant et sans le vouloir comment restaurer un plus grand confort dans ces déplacements qui l’écartent de ses préférences innées. Il peut s’opposer à une force qui l’incommode, et il peut le faire à sa manière de cheval mais sans jamais la moindre intention de nuire.
C’est au cavalier, à celui qui choisit intentionnellement d’encombrer le cheval et de le mettre « à sa main » qu’il convient de changer, d’essayer, de tenter, de réfléchir sans s’appesantir.

Les chevaux m’ont appris la patience et j’ai exercé ma patience professionnellement. Au fil du temps qui passe, j’ai expérimenté la force de la relation à travers toutes les tentatives de communications établies et j’en parle encore à propos des chevaux.
Je sais désormais sur le bout des doigts tout ce qui me définit en temps qu’individu à la fois terriblement semblable aux autres et formidablement unique, plutôt non conforme bien que dépourvue de toute étiquette « anticonformiste ».
C’est faible de ce « savoir » que j’écris chaque mot comme une interrogation.

Après le départ de l’amie, alors qu’un certain mouvement s’était rétabli à la rencontre d’une multitude de microémotions, j’ai commencé à sérieusement porter mon attention en direction des questions libérées.

Par curiosité je suis allée clavarder du côté du symbolisme, fascinée comme toujours par le pouvoir de conviction de certains auteurs en appui sur… rien!
Puis, j’ai regardé encore et encore les descriptions anatomiques, les insertions musculaires, les trajets des faisceaux musculaires pour tenter d’expliquer mes propres défenses provoquant des douleurs fulgurantes.
En vain.
Je peux accomplir des mouvements étonnants sans douleurs et parfois un tout petit mouvement parasite encourage un tendon tendu à crier fort.
C’est étrange.

Hier je constatais un véritable « mieux » avec beaucoup moins de rappels douloureux et curieusement je me suis dit que la douleur me manquait.
C’est complètement fou, non?
Alors je suis allée marcher, sans doute un peu trop loin, bien appliquée pourtant à poser mes pieds bien droits entre les cannes et tellement lentement à la fois.

J’étais plutôt algique à l’heure du repos vespéral.

Mais j’ai super bien dormi, exactement comme je le fais habituellement, jusqu’à l’heure sacrée ; ce sacré moment du milieu de la nuit où je me réveille « normalement » avant de replonger jusqu’à l’aube.

Et aujourd’hui est un nouveau jour,
Un passage vers demain,
Vers l’inconnu.

Il est certain que je tire une leçon de chaque expérience,
C’est ma façon d’avancer vers plus loin.

La semaine dernière je partais monter à cheval.
Aujourd’hui je pars à la plage avec mes questions nouvelles.



De la décontraction (2)

Comme dans le billet précédent, aucune illustration ne vient en préambule.

Après m’être blessée,
Après m’être recroquevillée sur la douleur,
J’expérimente avec bonheur le retour vers la décontraction.

Quelques instant après l’évènement traumatisant, j’ai marché.
Il n’y avait pas d’autre choix.
Marcher, avancer, atteindre ma voiture…
C’était la priorité avant de réfléchir à quoi que ce soit d’autre.
Plus j’avançais et plus mes pas vacillaient mais je restais debout.
Parfois j’arrêtais afin de reprendre mon souffle, de stopper les étoiles qui s’allumaient comme des clignotants inquiétants et je repartais.
J’ai atteint la voiture et le bonheur d’une douleur provisoirement en évasion.
Alors j’ai pu réfléchir un peu.
Et je suis rentrée.
Et je fus incapable de marcher un mètre de plus.

Mon corps avait encaissé, il usait déjà de tous ses stratagèmes pour passer l’obstacle.
Douleur intense à la moindre stimulation de la partie blessée (pour forcer au repos)
Inflammation (pour lancer la cicatrisation)
Sommeil (pour relâcher)

J’ai bien respecté ces lois basiques qui ne s’écrivent nulle part alors qu’elles sont essentielles.
J’ai farfouillé sur la toile, comme il se doit désormais.
Comme d’habitude, j’ai trouvé le pire et le moins pire,
Et comme d’habitude, j’ai agi à ma sauce!

En premier, puisque le temps avait déjà largement coulé, j’ai eu besoin de chaleur sur la zone douloureuse. Et j’en ai mis.
Quelques jours plus tard, j’ai eu besoin des mains d’une amie thérapeute, et je lui ai demandé de venir les apporter jusque chez moi.
C’est en sa compagnie que la décontraction a pu refaire surface.
Et ce fut possible parce qu’il était juste temps.
Avant eût été trop tôt.

J’avais préparé une belle boisson d’été à base d’hibiscus. Une boisson qui exhibait sa robe chaude dans la théière transparente et nous savions l’une comme l’autre qu’il était possible d’y épuiser notre soif.
Puis, sur le parquet de chêne blond, devant la fenêtre illuminée par le soleil, entre la blancheur paisible des grands murs, nous nous sommes installées.
Moi allongée immobile, sans attente, sans espoir, disposée à recevoir ce qui était possible sans savoir ce qui serait possible.
Elle pouvait bouger tout autour, glisser sur la parquet, utiliser tous les coussins nécessaires.
Alors, il n’y avait plus rien à dire.
Nous avons l’une et l’autre fermé les yeux.
Et le ballet fut.
Silencieux.
Il se dansa mobile et immobile,
Il se joua dans l’interface où tout se joue.
Et après bien plus d’une heure,
Il prit fin.

Alors nous avons partagé nos actualités, bavardé de choses et d’autres, vidé la théière et elle a pris congé.

Dans mon corps, je sentais circuler la vie jusque dans les moindre recoins.
Je savais que j’entrais dans la phase laborieuse où il est à la fois nécessaire de cultiver la patience et à la fois important de s’émerveiller de chaque petit progrès.

Dans le billet suivant, sur ce sujet de la décontraction, je vais passer de l’autre côté des faits palpables et entrer dans le monde merveilleux des questions faisant écho aux questions, ce monde qui fait agréablement vibrer mon quotidien au long cours.

(A suivre)

De la décontraction (1)

Après avoir parcouru l’intégralité de ma photothèque, il faut bien en arriver à la conclusion qu’aucune image n’est envisageable pour illustrer ce billet.

De la décontraction.
Décontraction

Aucune image ne peut rendre compte, même à travers mon imagination facilement galopante, de ce que signifie ce mot.
Car ce mot en contient tant d’autres, dans de multiples dimensions et toujours en mouvement, que toute image plaquée dessus ne fait que le réduire à une illusion.

De la décontraction.
Les deux derniers billets publiés ont fait une allusion à ce mot.
L’un dans le rayon « cheval », l’autre associant ma quête botanique avec mon retour vers les chevaux.
J’avais omis de le définir un peu plus précisément.
Et voilà que mon actualité récente me plonge au coeur même de la réalité, de la vie, de la danse très particulière que je ressens lorsque je l’utilise, ce mot là.
Décontraction.

Je me suis récemment blessée.
Pour la première fois dans toute ma vie consciente (excluant de fait la toute petite enfance et seulement la toute petite enfance) je suis blessée sans avoir besoin d’en rendre compte à aucune collectivité, sans avoir besoin de faire un mot pour l’école, sans avoir besoin de prouver quoi que ce soit à l’université, à un employeur , à des collègues ou à qui que ce soit qui n’en à rien à faire sinon pour remplir des cases, des papiers, des étiquettes.
Contrainte par mon corps, je suis obligée de ralentir, de me poser, d’interroger, de décider avec une certaine liberté car il ne s’agit que de ma petite personne, de ma propre responsabilité à assumer les conséquences auprès d’autres personnes certes, mais loin de tout système.

Je me suis blessée.
J’ai fait mon propre diagnostic.
Je me soigne.

Que j’avance rapidement ou lentement me touche en premier chef.
Jamais je n’avais goûté cela.
Les dernières blessures m’avaient obligée à jongler avec les obligations de la vie de famille, du boulot, m’avaient obligée à être pressée, à faire au plus vite, à faire « comme si » à imaginer que des « recettes » pourraient accélérer le processus inexorable de la guérison.
J’accepte de penser que c’est le moment idéal pour expérimenter.
J’ai la chance de disposer d’un corps encore souple, efficace, fonctionnant sans aides chimiques exogènes. J’ai cette chance car c’est ainsi que je peux rester chercheuse autonome, juste face à moi-même.

Une blessure, c’est une rupture de l’harmonie.

Sans harmonie, l’aisance disparait, la facilité aussi.

Par principe, j’ai toujours pensé qu’une blessure contactée à une vitesse humaine (15-20 km/h maximum, le pas de course d’un humain, le trot d’un cheval) survient mécaniquement en protection de l’essentiel, c’est à dire qu’elle survient de telle manière qu’elle évite, en fonction de ses conditions de survenue, une blessure vitalement plus grave.
Par exemple, un os ou une articulation qui cède joue le rôle d’amortisseur pour éviter une blessure viscérale beaucoup plus dramatique.
Ce coup-ci, aucun os, aucune articulation n’est lésé. Seul, un faisceau musculaire puissant a cédé quelques fibres afin d’amortir une chute qui, de fait, ne m’a occasionné aucune égratignure et aucune casse délétère.
Mon principe est donc sauf une fois de plus !

Mais je suis bel et bien blessée.
Donc il existe une réelle douleur
Et j’ai besoin de regagner la décontraction…

(à suivre)

Et un et deux et trois

Trois paires d’oreilles, trois tempéraments, tant à apprendre



En septembre, lorsque j’écrivais au sujet de l’importance du chemin passé, j’étais incapable d’imaginer ce printemps… et pourtant mon imagination est capable de bien des films!

Depuis, les billets se sont accumulés au sujet du cheval, j’ai même ouvert une rubrique dédiée tant les réflexions se sont accumulées au point de déborder. (pas moins d’une quinzaine de billets déjà…)

J’avais besoin de sens pour avancer et je pensais en être arrivée à l’âge où je pouvais me contenter de balades salutaires.

Mais…

Mais j’ai découvert un nouveau monde,
J’ai questionné la relation,
Et aussi la notion de « bien-être » qu’elle soit appliquée aux humains ou aux animaux,
J’ai fait un retour express dans mon passé de cavalière,
J’ai réfléchi, douté, questionné, appris plus loin encore
Et j’en suis revenue à mes convictions profondes,
Celles qui avaient germées auprès de F.Knie senior,
Celles que j’avais entretenues avec la lecture passionnée des grands écuyers,
Des humbles écuyers d’avant l’époque du commerce opportuniste,
Celles qui finalement avaient grandi en même temps que grandissait
Mon goût pour l’éducation des chevaux.
Patiemment laborieuse.

Et force est de constater aujourd’hui que non, les simples balades à cheval ne m’offrent aucun sens.
La chasse aux orchidées sauvages se pratique en marchant, le regard rivé au ras du sol.
Mon exercice physique « de santé » se pratique à bicyclette au quotidien, la tête dans les étoiles.
Mon besoin d’adrénaline diminue avec l’âge qui avance et par ailleurs, j’ai appris à entretenir le flux des hormones qui contribuent à l’état de bonheur au long cours.

Mais…

Mais, il me reste le plaisir intense et toujours renouvelé d’établir une relation.
Il me reste le besoin de sentir la merveilleuse décontraction d’un cheval qui se déplace harmonieusement sous ma selle, sa capacité à jaillir en équilibre à la demande et la confiance à élargir aussi souvent qu’elle vacille.
Un besoin qui nécessite labeur et patience.

Monter à cheval, c’est chaque jour un nouveau passage de vie.

Aucun cheval ne ressemble à un autre, même si chaque cheval appartient à l’espèce « cheval » si différente de l’espèce humaine.
Grâce au petit cheval appaloosa découvert en septembre dernier, la porte s’est grande ouverte sur d’autres possibilités de chevauchées, de rencontres et de relations à établir.
A l’impossible nul n’est tenu,
Je fais confiance au vent pour me pousser en sagesse au fil des jours qui passent.

« Nous devrions rendre grâce aux animaux pour leur innocence fabuleuse et leur savoir gré de poser sur nous la douceur de leurs yeux inquiets sans jamais nous condamner »
Christian Bobin, Ressusciter, Gallimard 2001

Comment oublier le bleu marine si particulier des yeux qui s’ouvrent à la vie terrestre, leur innocence formidable, leur absence de jugement ?

Monter à cheval est chaque jour un passage de vie.

Trop d’info

L’image vient à la fin pour une fois.

Il est commun d’affirmer que trop d’info tue l’info.
Voilà que ce matin cette phrase a pris une tout autre dimension à mes yeux.

En effet, en citant mes sources, en essayant d’expliquer le cheminement de ma pensée afin de permettre aux personnes à qui je parle de « toucher » les conclusions auxquelles je parviens, je n’avais jamais imaginé avant ce matin à quel point les mots trop nombreux constituent parfois un « trop d’info » qui tue « l’info » en question.

La veille j’avais expliqué, suite à une vidéo, qu’il nous est difficile de saisir le langage non verbal des animaux. Puis j’avais ajouté que la difficulté est d’autant plus grande que nous essayons de « comprendre » des animaux qui ont très peu de choses en commun avec nous les humains. Par exemple, lorsque nous traitons un cheval de nounours (donc ourson? ours? jouet en peluche?), nous faisons une confusion et nous induisons une grave erreur relationnelle en confondant NOS besoins d’animal de nichée avec ceux des animaux qui voient le jour loin d’un nid et se retrouvent indépendants dès ce passage de vie.
C’est seulement ce matin que j’ai pris conscience d’un fait : la réponse qui vint à la suite, suscitant mon étonnement, cette réponse s’adressait aux premiers mots de mon explication. La suite, ce qu’il m’importait d’expliquer était passé à la trappe car… trop d’information tue l’information!
Et oui, c’est ça.

ET oui, je l’ai compris.
1) Grâce à ces mots, venant à la suite d’une nouvelle tentative d’explication : « C’est bien de partager ses connaissances c’est vraiment intéressant ! Mais à force d’en avoir beaucoup j’en prends et j’en laisse aussi.
J’assimile mieux ce que j’apprends quand c’est pas trop d’infos en même temps »

2) Puis, grâce à ceux-ci venant juste après avoir re-formulé la conclusion le plus simplement possible en quelques mots. : « Ahah oui là je comprends mieux »

Et alors mille pensées se sont mise à tourbillonner, à danser une folle sarabande, à me rappeler que les recettes font recettes, que les slogans doivent comporter trois mots au maximum, que Tocqueville avait déjà écrit « ça » : « Il n’y a, en général, que les conceptions simples qui s’emparent de l’esprit du peuple. Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie mais complexe. »

Et alors, à quoi bon ? Me suis-je questionnée.

Il importe de dire peu.
Il importe de dire simple.

Oui, c’est vrai quand il s’agit d’éduquer un cheval.
Oui.
Parce qu’un cheval, un chien ou un autre animal dispose d’une « pensée » différente de la nôtre.
Mais les humains ?
Les humains doivent-ils être privés d’explications un peu complexes ? Sont-ils destinés à seulement appliquer des « protocoles », des « recettes » sans rien comprendre, sans questions ?
Doivent-il se contenter d’ingurgiter des idées toutes faites, à la mode un jour et démodées le suivant?

Je me pose mille questions à ce sujet.

Aujourd’hui, jour de la lecture…

Aujourd’hui où des « biens-pensants » imaginent ré-écrire des œuvres classiques afin de les rendre « accessibles au plus grand nombre »!
J’essaye d’imaginer les prolifiques auteurs du 19ème ré-écrits en cent mots maximum afin que « tout le monde » puisse « tout » comprendre !

Et une immense lassitude s’empare de moi.

Alors, me souvenant d’une phrase que j’avais citée dans l’avant-propos d’une publication, je suis allée chercher le bouquin dont je l’avais tirée et je m’y suis plongée.

Aujourd’hui, jour de la lecture, j’ai lu!
Un auteur classique, un poète que j’apprécie depuis l’enfance : Charles Baudelaire

Les autres (bis)

Irrigation ancestrale creusée à même le sol (Tenerife)



Aparté : en fin d’année 2018, je publiais un billet nommé « Les autres », de fait celui ci porte le même titre agrémenté d’un « bis ». Le propos est différent bien que semblable dans le fond.
J’ajoute que je choisis toujours les images avec soin, qu’elles font toujours partie de ma photothèque et qu’elles sont toujours en lien avec le billet, même s’il faut parfois un peu se creuser pour trouver 😉

Les autres.
Ces autres qui dessinent le sens de nos vies.
Le sens que nous attrapons en passant afin d’aller plus loin.
Toujours plus loin,
Au gré du vent.

Les autres.
Ces autres indispensables à chacun de nos devenirs
Quand bien même c’est absolument seuls
Que nous marchons,
Au gré du vent.

Je traverse un moment de turbulences.
C’est évident.
Inévitable,
Comme lors de tous les vols.
Et merveilleusement fascinant aussi,
La danse des questions qui s’agitent
Est formidablement multicolore.

Les chevaux sont à nouveau entrés dans ma vie.
Innocemment.
Et les chevaux n’ayant plus rien de sauvage,
Ils sont associés aux humains, aux autres,
Ces autres, ceux qui ne sont pas moi
Et cependant de mon espèce,
Donc un peu « moi » aussi.

(j’ai ouvert un nouveau chapitre dans ce blog sous le titre « cheval » afin d’y coller souvenirs et questions d’actualité)

Mon quotidien est à nouveau rythmé par la résonance du pas des chevaux, par l’éclat de leurs regards dénués d’intentions humaines, par leur puissance soumise et leurs exigences exploitées.
Le jardin, la « chasse » aux orchidées sauvages représentaient à mes yeux, ces dernières années, des livres ouverts, des livres de philosophie. Les chevaux ajoutent le leur et je dispose maintenant d’un triptyque à nul autre pareil.

Pour revenir au titre de ce billet parti en digression, voici le résumé d’une récente aventure.

Je me balade généralement seule avec le petit appaloosa.
Un jour, je le sentis frémissant à l’abord d’un pont et en cherchant au loin ce qui pouvait le mettre dans un tel état, j’aperçus un grand cheval noir.
Le cheval noir et sa cavalière allaient leur chemin.
Nous nous sommes croisés.
Chacune, nous avons retenu nos chevaux afin qu’ils puissent se saluer dignement à la manière humaine, évitant ainsi les gestes et les expressions vocales propres à nos montures, un peu comme les parents demandent à leurs enfants de « bien se tenir » en présence d’inconnus.
Et nous sommes reparties le long du canal, l’une d’un côté, l’autre à l’opposé.
Je gardais le souvenir de la belle cavalière si différente dans son allure de celles que je côtoyais désormais.

Quelques semaines plus tard, les filles dont les chevaux partagent le même gite que « le mien » se promenaient ensemble lorsqu’elle firent la même rencontre.
Mais à la différence de la solitaire assumée que je suis, elles entrèrent en relation avec la cavalière du cheval noir, échangèrent davantage qu’un simple salut et se firent la promesse de sortir ensemble d’autres fois.

Grâce à ces filles bien plus téméraires que moi (en matière d’invitation à cheminer à cheval) et grâce à un faisceau d’autres faits j’ai pu, à mon tour, faire plus ample connaissance avec la cavalière du cheval noir, avec le cheval noir lui-même et avec un autre cheval noir de la même écurie.
Des trotteurs !
Des trotteurs avec une histoire de trotteurs précédant leur vie de « cheval de balade ».
La vie est espiègle, c’est certain.

Et me voilà, grâce à ces autres, devant un « plus loin » toujours aussi inconnu, riche de nouveaux possibles presque palpables bien que réellement improbables.
J’en viens à tirer des plans sur la comète, c’est dire !

La suite demeure à vivre.
Passionnément
Paisiblement
Joyeusement.

L’école d’équitation -1

Carte datant de 1978 en vente sur un site de collectionneurs


« On y va mardi soir à 18h » avait dit mon père.

J’avais moins d’une semaine à patienter et dix milles questions en tête.
Comment m’habiller, par exemple.
Je n’avais que deux pantalons, un « fuseau » de ski et un pantalon de survêtement en molleton bleu passé. Au lycée, il était encore interdit de porter un pantalon lorsque la température était supérieure à -10°C, donc tout le temps! Acheter un simple jean était, de fait, une dépense considérée comme superflue par mes parents.
J’ai décidé que le survêtement allait faire l’affaire et que les « spring-court » seraient plus chics que les grosses bottes de pluie que je détestais.
Dans cet accoutrement « touristique » il est certain que je n’allais pas avoir le superbe look des cavalières que je voyais parfois dans Paris-Match, mais avais-je le choix?
je n’étais ni la princesse d’Angleterre, ni Janou Lefèvre et j’en était pleinement consciente.

Et vint le jour J.
Mon père me conduisit en voiture. Il gara son Opel Kadett grise derrière une belle BMW vert métallisé. Il me tendit la carte rose et ajouta : « Tu vas te débrouiller, hein? Je vais t’attendre là. »
Qui n’a jamais mis les pieds, seul, dans un lieu totalement étranger et absolument inconnu, un lieu où personne ne l’attend, peut difficilement comprendre l’état dans lequel j’étais en descendant de la voiture.
Ca sentait fort le Crésyl.
Devant moi une petite maison cachait une lumière blafarde qui semblait s’élever en arrière, des pigeons roucoulaient mais l’endroit semblait désert.
Courageusement je me faufilais dans une espèce de couloir entre deux bâtiments et je « tombais » sur une cour entourée de boxes. Beaucoup étaient ouverts, vidés de leurs pensionnaires.
J’étais hyper mal à l’aise, remplie de questions, déboussolée.
« Vous cherchez quelque chose? » Un homme mal accoutré, des brins de paille dans les cheveux et une fourche à la main me questionnait.
« Je viens pour monter à 18h » furent les seuls mots que j’articulais, mais c’était les bons.
« Et ben, c’est comme d’habitude, il faut aller faire pointer votre carte au bureau. »
La réponse était suffisamment laconique pour que je n’aie pas envie d’en demander davantage. Où était donc ce fameux bureau ?
Je revenais sur mes pas.
Magie, une pièce s’était illuminée au rez-de-chaussée de la petite maison roucoulante.
En suivant la lumière, je trouvais le bureau. Un garçon d’environ 14-15 ans était assis sur un banc posé le long du mur. Il portait un jean rentré dans des bottes noires, c’était certainement un cavalier. Je m’assis sans rien dire, à l’exact opposé de lui, sur le même banc. Et j’attendis. D’autres personnes arrivèrent.
Enfin d’un coup il y eut un frémissement, une odeur de tabac blond précéda un relent de parfum vétiver et le maître de manège fit son entrée. A vue d’oeil, il avait l’âge de mes parents mais la ressemblance s’arrêtait là. Il était l’élégance même, un sourire malicieux plissait des yeux d’azur et faisait remonter une fine moustache blonde jusque sur ses joues.
Il prit place derrière le bureau, sortit un tampon et lança un tonitruant : « Alors, à qui le tour? »
Les « habitués » posaient leur carte rose devant « le maître », il tamponnait la date d’un coup sec et balançait le nom d’un cheval.
Je passais en dernière. Il me dévisagea. « Vous êtes nouvelle? C’est la première fois?  »
J’acquiesçais sans mot dire.
J’avais eu tout le temps nécessaire pour apprendre par coeur le tableau du planning des reprises, je savais que j’étais dans la « bonne », celle des débutants 1.
« Vous prendrez Mont D’Arbois »
Et voilà, y’avait plus qu’à.
Et ce fut un nouveau challenge.
Dans la cour entourée de boxes, j’ai cherché la monture qui m’avait été attribuée.
J’ai trouvé.
Un immense cheval bai cerise attendait, déjà sellé et bridé, derrière une des portes vertes fermées à double verrou.
Immense, gigantesque.
C’est vraiment grand un cheval, pensais-je, comment vais-je faire maintenant ?
L’homme avec de la paille dans les chevaux interrompit mon hésitation en ouvrant grand la porte. « Alors, vous y allez oui ou non? La reprise va commencer et vous avez intérêt à pas être en retard » lança t-il en me mettant les rênes dans les mains et en me montrant du menton qu’il fallait illico presto me diriger vers le manège.

L’avantage d’arriver dans les derniers, c’est qu’il suffit d’observer et de faire comme les autres. Ainsi, suivant le modèle proposé par la dizaine de cavaliers déjà présents, je tirais sans difficultés le brave Mont d’Arbois jusqu’à le mettre en rang au milieu du manège à côté de ses compagnons. Visiblement il savait très bien ce qu’il fallait faire.

Lorsque le maitre de manège entra et claqua derrière lui la lourde porte pare-bottes, nous étions une douzaine, pied à terre, tenant plus ou moins académiquement notre monture à côté de nous, alignés presque droit sur la ligne centrale dans la longueur du manège.

J’étais à l’Ecole d’Equitation et j’ignorais absolument tout de ce qui allait maintenant se passer.

A suivre

Et le cheval vint à moi – 2

J’avais dix ans et j’avais envie de monter à cheval.
Pourquoi ?
Difficile question.

Rien n’était comme aujourd’hui.
Des anecdotes sont rapportées dans le -1-, il y en a d’autres.

Par exemple, les boucheries chevalines commençaient à disparaitre mais celles qui subsistaient étaient décorées avec de belles images de chevaux de course et j’aimais y entrer. Ca parait fou vu d’aujourd’hui, non?
Pas à l’époque.
Manger du cheval rendait fort, c’était un véritable luxe.
J’avais été très malade (presque une année scolaire sans mettre les pieds à l’école) et ma mère avait tout essayé pour me redonner la santé. En particulier, elle achetait de la viande de cheval qu’elle pressait pour en extraire le jus et me le faire boire quand « rien ne passait ». Aujourd’hui « on » fait l’éloge des cures de fer en comprimés, à l’époque c’était pareil mais différent!
Donc en cette fin des années 1960, je regardais avec plaisir les magnifiques têtes dorées qui surplombaient les boucheries chevalines et si d’aventure la vitrine affichait quelques photographies de coursiers, je restais devant, rêveuse.

Les chevaux avaient disparu du paysage urbain, le laitier passait à vélo pour vendre sa crème, son lait et ses délicieux fromages frais ; plus aucune charrette hippomobile n’était visible, l’armée était désormais totalement motorisée, des fusées partaient dans l’espace, les chevaux étaient devenus inutiles.
A la campagne, je marchais parfois des heures en suivant les traces d’un sabot et parfois, la chance me souriais, j’arrivais devant un pré où un énorme cheval de trait dormait sous le bourdonnement des mouches qui lui collaient au corps. Je ne résistais pas au plaisir de rester sous l’effet enchanteur de son souffle, penser aux inévitables remontrances des parents inquiétés par ma trop longue absence ne servait à rien, il fallait que je profite un peu. Je me souviens de l’odeur qui restait sur mes doigts les jours où j’avais eu l’audace de tendre le bras pour… toucher. C’était un mélange de fragrances que je n’arrive pas à retrouver, peut-être en raison de l’artificialisation des prairies.
Lorsque je prononçais le mot « cheval » à la maison, ma mère disait quasi systématiquement : « Elle doit tenir « ça » de son arrière grand-père. »
L’arrière grand-père, c’est celui qui est sur la photo.
Un beau jour maman fit sortir d’un tiroir une collection de photos sur plaque de verre datant de la guerre de 1914. Et elle sortit aussi une visionneuse en beau bois verni. En posant les yeux en face du binocle, les photos prenaient une apparence 3D juste magique. Et surtout au milieu des innombrables photos de guerre, il y avait celle du « Commandant » sur son cheval. J’avais donc un ancêtre et bourgeois et de fait… commandant à cheval.
J’ai rapidement subtilisé les quelques plaques où figuraient des chevaux.
Et dans le secret de ma chambre, je les regardais.
Un jour j’allais monter à cheval moi aussi, c’était certain.
Et puis, je savais qu’il existait un manège en ville puisque les filles du lycée en parlaient.

Rien n’était comme aujourd’hui.

Les enfants étaient tenus loin des affaires d’adultes, en particulier en ce qui concernait les histoires d’argent. Les prix n’étant pas affichés, je n’avais aucune conscience de la valeur des choses même si j’avais bien entendu que le manège était réservé aux riches et que nous n’avions pas les moyens.

Ma mère me donnait chaque semaine de l’argent pour payer le bus qui menait au lycée.
Sans rien lui dire, j’y allais à pieds et je commençais à remplir ma tirelire.
Patiemment.
Ma mère était ravie de me voir partir très à l’avance, j’inventais de bonnes raisons « scolaires » à ce besoin de prendre tant d’avance…

Un beau jour, certainement rouge d’un mélange de honte, de terreur et d’espoir, je me souviens m’être présentée devant mon père et ma mère, la main tendue remplie de l’argent économisé et j’ai tout expliqué.
« Voilà, en fait je vais au lycée à pieds, avec l’argent économisé que voilà je voudrais payer une heure de manège, comment faire? »
J’ai encore dans mes tripes le mélange des sensations ressenties dans cet instant.
Je fondais, je me désagrégeais et j’étais hyper fière en même temps.
Droite et fière, je regardais les parents recevoir ce que j’envoyais.
J’étais prête à tout, même au pire.
La sentence tomba :
« Ma pauvre fille, il n’y a pas assez et puis c’est un club fermé, c’est impossible d’y aller pour une heure seulement. »
Déjà j’avais échappé aux remontrances. Mes parents étaient aimants, à travers leurs mots j’avais bien senti leur impuissance et leur tristesse de ne point pouvoir satisfaire ce qu’ils appelaient déjà « passion ».

Par chance, la révolution était à l’horizon.
Les comités d’entreprises d’inspiration communiste militaient pour un égal accès de tous à tout.
Et mes parents cherchaient de leur côté ce qu’il pouvaient faire.
Ma détermination les touchaient.

Un soir, mon père me demanda de venir le voir « pour parler ».
Son aspect sérieux m’inquiétait.
Ma mère se tenait debout à côté de lui, le visage fermé.
J’ignorais à quoi m’attendre.
C’était très énigmatique.
Quelle bêtise avais-je bien pu faire?
J’essayais de repasser à toute vitesse toute les règles que j’avais transgressé dans les derniers jours, que ce soit au lycée ou à la maison.
Et j’approchais.
Avais-je un autre choix?

Alors, mon père sorti de sa poche une carte rose.
En un éclair je vis le cheval imprimé dessus et les mots incroyables qui entouraient le dessin toutes majuscules sorties : Ecole d’Equitation de La Doua.
Et mon père ouvrit la bouche : « Voilà, je me suis renseigné, mon comité d’entreprise propose des cours à un tarif spécial. Nous pouvons t’offrir ça. Voilà une carte pour dix leçons, une par semaine obligatoire. »

A l’époque, la retenue était de rigueur.
Dans ma famille personne ne disait « je t’aime », personne n’avait ni grande envolée romantique, ni spectaculaire manifestation sentimentale.
Ma mère a esquissé un sourire.
J’ai probablement souri, au moins intérieurement.
Je savais que mes parents avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour me faire plaisir.
Submergée par l’émotion, j’ai balbutié un minuscule merci.
Mon père a ajouté : « On y va mardi soir à 18h »


A suivre.

Et le cheval vint à moi – 1

Pour commencer il faut situer l’histoire, c’est à dire la mettre dans le contexte d’une époque.
Comme je l’ai affiché ici, je suis une enfant du baby-boom, de cet après-guerre où la croissance de la population française s’envola. Dans le même temps, les campagnes se vidaient, les tracteurs remplaçaient les chevaux, les machines épargnaient les bras des hommes.

Rien n’était comme aujourd’hui.

Par exemple lorsque ma mère décida de m’emmener à l’école, j’avais déjà 4 ans. Elle tenait fermement ma main en traversant le long couloir qui menait chez « les bébés » mais au moment de m’abandonner au milieu des jouets, la maitresse s’allia avec les dames de services pour déclarer que j’étais trop grande (j’avais une taille élancée en hauteur) et ma mère fit demi-tour pour m’emmener chez les moyens, là où les enfants étaient sagement assis autour des bureaux, chez Mademoiselle Martin.
(C’est fou comme ces souvenirs sont forts… mais rien à voir avec les chevaux, hein!)
Tout ça pour dire que j’ai sagement appris l’alphabet, l’écriture et la lecture sous la houlette d’une Mademoiselle Martin très gentille et attentive (c’est ce que ma mère pas peu fière n’arrêtait pas de répéter), que j’ai un peu grillé les étapes (décidément à l’époque, peu importait la date de naissance, nous avancions sans réunions ni concertations ni dérogations ni félicitations ou je ne sais quoi, nous avancions simplement). A dix ans à peine, je rentrais au lycée… Oui, à l’époque le collège balbutiait encore et la sixième était au lycée. Et le lycée était un lycée de filles et surtout c’était « le meilleur de la ville de Lyon ». J’ignore pourquoi et comment j’ai été propulsée chez les « bourgeois » dans ces années où couvait la révolution de 1968.
« Les bourgeois » et le gratin des riches lyonnais… sans eux je n’aurais jamais mis les pieds au manège, je serais restée dans l’ignorance de son existence.
Nous bénéficiions de quatre heures de sport par semaine au lycée et j’étais fan, aussi fan que de chacun des cours proposés, à l’exception de la couture et de l’anglais, pour des raisons bien différentes… disons que j’avais déjà un tempérament bien affirmé.

Je découvrais des mondes que ni ma mère ni mon père n’avaient connus, je devais inventer, m’inventer. Et pour ce faire, j’écoutais, j’observais.
Je tentais de tenir en équilibre.
Solitaire et déterminée.
J’ignorais alors que la Vie est définitivement un exercice d’équilibre.
J’étais irrésistiblement attirée par les conversations tellement clinquantes des filles qui m’entouraient… et m’ignoraient aussi… Plusieurs d’entre elles montaient à cheval.
Monter à cheval.
Une graine était semée.
A l’insu de mon plein gré.
J’en prends conscience aujourd’hui en l’écrivant.

A suivre

Instant présent (bis)

Deuxième billet avec ce même titre et comme par hasard, le précédent était illustré bien à propos pour aujourd’hui.

A la fin du mois d’octobre, j’avais pris soin de « ma » pirogue, du « va’a » qui m’a tant offert dans ces dix dernières années. Depuis qu’un certain virus est entrée dans nos vies, ma pirogue est sortie de la ville, elle m’a entrainée sur l’océan. Là, encore davantage que sur l’eau dormante de la rivière, elle m’a montré à quel point elle est telle un cheval qu’il convient d’apprivoiser afin qu’en chaque circonstance il soit possible de garder un cap.

Combien de personnes m’ont ainsi entendu argumenter que je préférais mille fois le va’a traditionnel aux pirogues américaines pour la simple et bonne raison que j’aime son côté « cheval sauvage », ses initiatives qui ne sont pas toujours les miennes et qu’il me faut « gérer » pour avancer plus loin autant que pour rentrer à bon port ?

Depuis que je l’ai remise en état, pour un faisceau de raisons, je n’ai pas eu l’occasion de la chevaucher à nouveau.
Et dans le même temps, plusieurs fois par semaine, je vais chevaucher un petit appaloosa.
Clin d’oeil, je reste en noir et blanc!

Samedi, dans l’air limpide et froid, seule avec le petit cheval, j’ai respiré la nature comme je respire l’océan, immensément, juste posée entre terre et ciel, passionnément, comme dans un poème, exactement située dans l’instant présent.
Hier dimanche, bis repetita.
Comme le veille j’ai pensé au va’a.

Pourtant, hormis l’assemblage du noir et du blanc, pour tout un chacun, rien ne ressemble moins à un va’a qu’un cheval et rien ne ressemble moins à un cheval américain qu’une pirogue polynésienne.
Sauf que pour moi, il est question de relation, de confiance et de moments passés ensemble pour l’une comme pour l’un, pour l’un comme pour l’une, seuls ensemble, seuls entre tout et rien.
C’est très métaphysique, tout à fait impalpable, donc difficile à expliquer, mais c’est pareil.

La pirogue était entrée dans ma vie par hasard, comme ces rêves qui se laissent attraper.
Le cheval y est revenu de même.

L’été dernier, alors même que j’ignorais tout de l’automne à venir, j’ai songé qu’il était temps de vendre ma pirogue.

Je pense que l’heure est venue.
Il y a encore de belles aventures à vivre pour elle.
Et pour moi,
Dans un univers différent,
Mais pareil aussi.