Warrior

Après ma dernière aventure qui fut l’occasion d’annuler tout projet de randonnée estival et de revoir aussi le sens de l’équitation que je désire, j’ai repris quelques activités. Puis, naturellement de plus en plus au fur et à mesure qu’un mieux-être se dessinait.
J’ai sans doute trop vite accéléré, de nouvelles douleurs sont sorties de nulle part, des tensions, des contractures d’autant plus difficiles à supporter que j’avais l’impression d’avoir déjà bien encaissé.
J’aurais vraiment apprécié approcher de la fin du passage.
Sauf que la vie est espiègle et imprévisible.

Et puis, il y avait quand même un planning à respecter : l’obligation d’être la grand-mère de service pendant une semaine.
Il fallait donc tout mettre en place pour réussir le challenge.
Certains peuvent se hâter d’affirmer que le « stress » précédent conjugué au désir d’être à la hauteur pouvait lui-même être la source de la recrudescence des tensions.
Ce serait aller vite en besogne.
Je me savais encore physiquement fragile et je connais les besoins des jeunes enfants, leurs demandes brouillonnes comme leur présence bien ancrée dans leur propre monde, tous incapables de « comprendre » ce qu’un adulte vieillissant peut ressentir.
J’avais accepté le challenge des mois plus tôt et j’étais en état de le relever avec quelques aménagements : pas question de courir la campagne, de sauter les marches dans les musées ni de courir après les papillons ; il restait tant à faire !

J’ai entamé la semaine comme une course d’endurance (j’ai un joli passé, donc une bonne expérience en la matière). J’étais encore vivante à mi-parcours et j’ai relevé le défi jusqu’au bout.
Ce faisant, très peu de temps restait libre pour prendre soin de mes douleurs, pour aller à la piscine, pour étirer chaque tendon trop tendu.
Le week-end est passé, il restait seulement un lundi de « garde » à assurer.

Je suis de nouveau partie en mode warrior pour assurer le service qui m’était demandé.

Auparavant, j’avais longuement réfléchi à la situation qui est la mienne aujourd’hui.
.
A l’époque où je faisais du sport en compétition, je regardais avec interrogation les « vieux » qui cherchaient à se faire valoir en courant après leur jeunesse.
Bien que j’ai cessé assez tôt de challenger corps et mental dans des défis sportifs insensés, j’ai continué à repousser mes capacités d’endurance dans mon activité professionnelle.
Combien de nuits blanches successives m’obligèrent-elles à survivre coûte que coûte?
Combien de temps passé à courir d’une vie à l’autre, des exigences maternelles aux exigences professionnelles, toujours sans faillir ?
C’était important que je le fasse.
Qu’avais-je donc à prouver ?
Quelles reconnaissances avais-je donc à quêter ?
Dans quel but ?

Aujourd’hui, je sens qu’il est plus que temps d’abandonner le terrain.
Que pourrais-je encore prouver ?
Vis à vis de qui ?
Et pourquoi ? Car je sais désormais que l’autosatisfaction est l’unique véritable récompense.

Vieillir, c’est disparaitre à petit feu.
Disparaitre de la vie professionnelle,
Disparaitre des compétitions sportives,
C’est chercher désespérément du sens,
« A quoi ça sert de se décarcasser » questionnait une publicité en 1978.
Qui s’en souvient ?
Vieillir, c’est certainement accepter le début de la fin,
Baisser les armes,
Cesser toute compétition
Et cependant poursuivre les échanges.

Parce que les échanges sont la base de ce qui fait société.
Coûte que coûte, donc.
Car jamais il ne sont gratuits.

Oui, selon la définition je suis une warrior, en ce sens que je suis vieille.
Et j’aspire à la tranquillité,
A la non compétition
A prendre soin de mes vieux os avec plus d’attention que jamais,
Afin de pouvoir,
A l’occasion, prendre encore soin des autres avec plaisir,

Pour le simple plaisir d’avoir l’impression d’exister encore.

5 réflexions sur « Warrior »

  1. Anne-Sophie

    J’atterris ici après avoir lu « zones de passages » … Je n’ai rien à ajouter, rien à commenter mais ton billet est très émouvant, et prolonge des mini réflexions que je peux avoir parfois sur les multiples vies que je peux mener (et que nous menons presque tous, ou du moins presque toutes j’en suis sûr) . Je retiens ces quelques mots de ton commentaire, cela m’a fait sourire car je dis régulièrement la même chose ou presque : « Je suis gourmande de sensations, je déteste ce qui est fade et mou et moyen! »

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  2. Frédérique

    Peut-être parce que ce billet fait écho en moi, sur des choses parfois douloureuses.

    Peut-être parce que le mode warrior, je connais bien, et je crois que c’est le lot de beaucoup, hommes ou femmes.
    Il fut un temps où j’admirais les personnes qui repoussaient leurs limites. Mais où se trouve la limite entre le dépassement de soi et l’oubli de soi ? Je ne sais pas répondre à cette question et bien souvent je crois, j’étais dans la deuxième option.

    Peut-être parce que je n’ai pris conscience que tardivement que vivre plusieurs vies forçait à courir, à aller parfois au bout de ses forces. Qu’a vais-je à prouver ? Que je pouvais être une bonne mère, une bonne épouse et une bonne collègue de travail, chacune de mes facettes attendant d’être reconnue. Cette reconnaissance qui souligne un manque

    Et ce n’est pas faute d’avoir travaillé sur moi, cherché des réponses… Parfois je désespère d’être une élève médiocre de la Vie, apprenant avec lenteur, trop de lenteur ! Laborieux.

    Hum… ma réponse reflète mon état d’esprit de ce soir…

    Et que dire du déclin ? Du début de la fin ? Quoi, déjà ?

    Finissons sur une note plus gaie. L’amertume est-elle synonyme de plaisir ? Des exemples cités je partage seulement le plaisir du chocolat noir intense ! Mais à vrai dire je préfère l’acide, le piquant… ce qui pimente la Vie ?

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Oui, je suis persuadée que nous passons tous par ce mode « warrior ». Dans l’enfance nous sommes de courageux petits soldats avides d’héroïsme, poussés par les aspirations de nos parents, puis vient l’adolescence et ses questionnements vis à vis de cet « embrigadement » imposé par la vie. Adulte un jour ou l’autre, chacun combat à sa manière pour rester debout contre vents et marées ; et un jour nous sommes de vieux soldats, expérimentés souvent, à la fois plus fragiles et plus forts du fait de nos expériences justement.
      Le truc c’est qu’alors, le chemin à parcourir avant « la fin » est pragmatiquement plus court qu’il ne l’a jamais été et la question de suivre encore et encore les injonctions martiales survient plus bruyante que jamais.
      C’est ça.
      Et puis pour passer des histoires de batailles aux histoires gastronomiques, les unes n’allant pas sans les autres, je dirais que je suis avide d’amer, de salé, de croquant, de piquant, de « trop » et de « rien » aussi. Je suis gourmande de sensations, je déteste ce qui est fade et mou et moyen! 😉
      En réalité, même embarquée dans le grand navire de la Vie, soumises à la Loi des autres, je suis un individu parmi d’autres, mais un individu avec des spécificités.
      Aucune recette ne peut promettre de rassembler dans le même creuset l’immensité « des autres » avec un infime soupçon d’individu en assurant que la saveur de l’un et de l’autre sortira avec la même puissance dans le résultat final.
      Ajoutons à ce fait qu’autrefois un ancien pouvait éventuellement conseiller un plus jeune et exister, de fait, encore un peu par « son savoir ». Aujourd’hui (depuis le début de l’ère industrielle), nous vivons des évènements et des avènements que l’humanité n’avaient jamais connus avec une telle puissance/vitesse auparavant. Le savoir des anciens est assez non-utile pour les adultes de demain. Ils devront s’adapter plus que jamais à l’inconnu.
      C’est merveilleux, c’est passionnant et il me faut absolument accepter de regarder en acceptant ma place sur le banc de touche.
      J’ai besoin d’entraînement 😉

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  3. Frédérique

    Ce billet me laisse un goût doux amer, que je ne saurais expliquer, en tout cas pas dans l’instant. A suivre…

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    1. Joelle Auteur de l’article

      C’est tellement doux de constater que tu es passée par là en laissant ton impression, merci.
      J’aimerai un peu de précision au sujet de la saveur amère. 😉

      En écrivant en direct live, il est clair que je ne peux que parler de la météo en cours 😀
      Aujourd’hui, le bout du passage est là 🙂
      Je me demande si je vais être capable de poser des mots, peut-être est-ce nécessaire pour boucler la boucle ?

      En tout cas, j’aime la bière bien amère, ça c’est certain! 😀 C’est ma préférée! Pareil pour le chocolat très noir, l’amertume serait donc synonyme de plaisir? 😀

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