De la gratuité… De l’impression à la réalité

Il y a des jours comme ça.
Des jours où en me penchant sur l’écran de la toile, je vois de mes yeux des mots noirs sur fond blanc,
Des mots qui ne sont pas les miens et qui pourtant racontent tous, à leur manière, une évidence que je ne cesse de répéter.

Et oui, je répète à tour de bras.
Et oui, je suis inlassable.
Têtue jugeraient certain(e)s et pourquoi pas?
Refuser de se jeter dans l’abîme des idées simples mais fausses nécessite certainement un certain atavisme de bourrique!

Donc, la gratuité n’existe pas?
Et oui… tout se paie affirme le proverbe.

Cette question là, cette question de la gratuité, m’est tombée dessus il y a fort longtemps. Tellement longtemps que je me souviens avoir soulevé un tollé après avoir exprimé mon raisonnement en classe :
J’avais à peine 10 ans, j’étais au collège et affirmer ce que je pensais fut si drastiquement réprimé que le mutisme est devenu un art de vivre à la hauteur des « mauvaises notes » accumulées.
Je me suis contentée de poser « par écrit » ce qu’il était de bon ton de noter afin de récolter les « bonnes appréciations » qui m’évitaient un rangement immédiat dans la case « imbécile ».
De fait j’ai « perdu » de l’avance et j’ai gagné un temps précieux.
De fait je suis reconnaissante au système scolaire. Grâce a ce qu’il était, j’ai rapidement appris à vivre en société.

J’ai repris en pleine face cette « gratuité qui n’existe pas » des années plus tard, le jour où j’ai décidé de faire payer ce que tout un chacun considère comme un « droit » gratuit : l’accès à un praticien de médecine conventionnelle.
Je pèse chacun des mots en écrivant « accès à un praticien de médecine conventionnelle ».
Et je le souligne parce que chacun sait qu’il est tout à fait normal de payer de sa poche un praticien de médecine alternative : magnétiseur, coach, chaman, charmant bidouilleur, guérisseur assermenté, gentil psychothérapeute, etc.
En sortant de tout contrat conventionnel, je gardais mes diplômes d’Etat, mes connaissances acquises à l’Université d’Etat (donc « gratuite »), je devenais « payante », donc non-conventionnelle et surtout, il fallait que je prenne le temps de l’expliquer.

Car, en France, la « gratuité » est institutionnelle et il faut passer beaucoup de temps pour faire entendre à qui ne souhaite pas l’entendre que rien n’est vraiment gratuit, jamais.
Et quand j’entends dire que « le temps c’est de l’argent », ça me fait rire d’avoir perdu autant d’argent en expliquant aussi longtemps qu’il était nécessaire ce qu’il m’importait d’expliquer!

Je souris aussi à l’idée d’assurer parfois la garde « gratuite » de mes petits enfants, parce que c’est normal, n’est-ce pas? De la même manière qu’il est tout à fait normal de rétribuer une nourrice ou un baby-sitter pour assurer le même service.

Suivez mon regard, je viens de mettre sur le même plan deux circonstances qui relèvent de deux plans différents.  Il y a le plan familial et proximal, voire amical et il y a le plan sociétal, éloigné du plan familial. Il y a un véritable lien familial, un lien amical avec quelque rares personnes et une infinité de « non-lien »  qui nous met en contact avec l’étranger.

Dans notre monde si vaste, dans notre société pléthorique, il est probable qu’il soit plus que jamais nécessaire de « mettre en valeur » la réalité du non-lien et les contraintes qui vont avec.
En y mettant « un prix », en multipliant les situations où ce qui familialement « ne coûte rien » se paie, nous nous offrons l’occasion de réfléchir à ce qui relie l’individu à la société, à la société qui rend l’individu plus fort jusqu’au moment où elle s’y perd. Et quand il ne reste plus qu’un peuple d’individu individualistes, quand « faire société » n’a plus de sens, l’avenir est à vivre, en société, coûte que coûte.

2 réflexions sur « De la gratuité… De l’impression à la réalité »

  1. Sauf-i

    Avant-hier quand je suis rentrée, un plein saladier de figues trônait au milieu de la cuisine : le voisin était passé avec un seau, pour distribuer le surplus de sa récolte à qui en voulait. Il n’attend rien en retour.
    Il m’arrive de donner du temps, parfois même un peu plus, à des personnes que je ne connais pas ou à peine. Je n’attends rien en retour.
    Heureusement que la gratuité ne se limite pas au cercle familial et amical.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      « Il y a le plan familial et proximal, voire amical », nous sommes donc d’accord. 🙂
      Ensuite, il reste à définir ce que signifie « gratuité » à nos oreilles.
      Dans le fil de conversation auquel ce billet fait écho, une personne distinguait ce qui est « marchand » de ce qui ne l’est pas.
      Et là, force est de constater qu’une marchandise c’est ce qui peut faire l’objet de commerce.
      Mais qu’est-ce donc que le commerce?
      Aller chercher une définition dans le dictionnaire donne le vertige. Et comme justement le vertige commençait à s’installer de question en question au sujet de la gratuité, je sais que l’histoire va vite devenir tellement digressive que nous serons totalement égaré(e)s.
      Il est fort probable qu’en discutant « en live », en enrichissant nos échanges avec cette « communication non-verbale » essentielle, il serait plus facile de « tomber d’accord ».
      Car, il y a le don, ce qui se donne, soit parce que ça déborde et que rien donc n’est perdu, soit parce que la générosité fait partie des « bonnes actions » qui peuvent potentiellement rapporter ainsi que l’éducation nous l’a enseigné, soit pour d’autres « bonnes » raisons.
      A ce sujet, l’environnement culturel dans lequel nous évoluons peut apporter des variantes.
      Je me souviens de mon homme m’accueillant (comme souvent, il était déjà en poste lorsque j’arrivai) dans un pays « étranger » avec tout un paquet de recommandations dont celle-ci : « soit méfiante, ici quand quelqu’un te fait un cadeau, c’est qu’il a un service à te demander. N’hésite pas à refuser le cadeau »
      Ce fut terrible d’entendre « ça ». J’étais jeune, fraichement formatée par l’éducation parentale, j’étais certaine qu’il était important de donner gratuitement et soudain, je prenais en pleine face ce fait : des personnes trouvaient normal de « donner pour demander »! Et, de fait, il était parfois normal de refuser un cadeau! Wahoooooooooo
      Ma réaction émotive serait fort différente aujourd’hui, car je suis riche de ce point de vue.
      L’échange est nécessaire pour établir une relation.
      L’échange quel qu’il soit.
      L’échange dans un sens ou dans l’autre.
      Et qui dit échange, dit négoce, dit commerce, dit… marchandage…
      Il parait qu’il faut éviter de marchander avec les enfants et pourtant combien de fois est-il possible d’entendre « Si tu fais ci, tu auras ça! Si tu fais pas ci, tu auras pas ça! » ?
      Ceci est un exemple de la formidable difficulté que nous avons à affronter les mots sous tous les angles.

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