Inertie, effort et combat

Lumineux et froid dimanche de fin novembre.

Dans quelques heures…
Les vagues vont poser les règles du jeu.
La température va imposer une durée non-dépassable.
La gourmandise va déposer du piquant à la sortie.

En digression, débarque « inertie », parce que l’inertie est une force immense, parce que c’est grâce à son inertie que ma pirogue va glisser longuement sur les vagues, parce que l’inertie est une propriété physique, parce que, parce que… s’arracher et  lutter sont  des verbes associés au vocabulaire de la violence autant qu’à cette « inertie »!

Et voilà que les mots se bousculent, qu’ils partent dans tous les sens, cavalent sur des branches, créent des sous-branches, font pousser une multitudes de brindilles qui cassent ou s’emmêlent et que je suis là au milieu de ce fatras, actrice et observatrice à la fois, amusée et dépitée à la fois.
Je suis là.

Tout en sifflant la pause pour tenter de contenir la bousculade, je décide de regarder ce qui se raconte dans ma bibliothèque.
Deux livres me font de l’oeil.

 » Autrement dit, ce que j’affirme aujourd’hui de l’effort, n’est pas forcément ce que j’en ai pensé autrefois, ni comment je l’ai pratiqué. Peut-être l’équilibre advient-il de l’analyse des déséquilibres? Peut-être est-il même composé de déséquilibres? »
Isabelle Queval, Philosophie de l’effort, Editions nouvelles Cécile Defaut, 2016, ISBN 978-2-35018-3879

 » Si le corps n’a pas à être recréé, mais seulement protégé contre la souffrance et la mort, l’esprit, la personnalité et l’existence ont au contraire la tâche de se dépasser eux-même et de se recréer ainsi eux-même d’une façon permanente pour combattre toujours mieux le malheur et la violence, et pour accéder toujours plus à la jouissance et à la joie »
Robert Misrahi, Le philosophe, le patient et le soignant, Editions Le seuil, collection « Les empêcheurs de penser en rond », 2006, ISBN 978-2-84671-154-2

Deux livres.
Deux auteurs.
Un homme d’âge vénérable.
Une femme dans la force de la maturité.
La philosophie.
Les mots.

Les mots.

Et ils vont et ils viennent les mots lorsqu’il s’envolent de l’empreinte noire sur blanc tracée sur l’écran ou sur la papier.
Et ils se cognent.
Et sans se déformer le moins du monde, il changent de sens.
Et repartent.
Insaisissables au long cours.

Lumineux et froid dimanche de fin novembre.

Il y a quelques heures…
L’océan offrait son ample respiration hivernale, le vent piquait et je laissais glisser ma pirogue sans tenter de la bousculer.
Ma pirogue,
Elle me rappelle les chevaux, à un détail près.
C’est elle qui a dû m’apprivoiser, me forcer à accepter sa fantaisie, ses accélérations sur la moindre vagues, ses refus dans le vent, sa rigidité et son agilité.
Ma pirogue,
Elle attend simplement que je lui ouvre le terrain de jeu et elle m’embarque.
Elle n’a aucun gouvernail, elle est insoumise.
Elle est tout à fait pacifique.
Jamais je n’ai imaginé un combat contre une pirogue.

Il y a quelques heures, dans une lumière de théâtre, grâce aux vagues bien formées, soumise au vent établi, j’ai tiré fort sur mes vieux muscles, c’était véritablement délicieux.
Certains jours, certaines heures, l’effort est source de joie.
Une joie simple et forte et nourrissante.

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