Diffractions Secrètes

Déesse 11

 

« L’air frais, lui caressait le visage, coulait dans sa gorge et dégoulinait dans ses poumons avant de s’échapper entre ses lèvres, accompagné d’une brume légère. Elle accéléra le pas. Sa tête s’était instantanément vidée du tourbillons des mots, elle était presque chancelante dans ce grand écart. Il fallait marcher, encore, encore. Tout droit. La vitesse semblait faciliter la prise d’équilibre mais Lorie savait qu’elle pouvait aussi précipiter la chute. Rapidement, elle ralentissait.
Alors comme un torrent inquiétant, les mots revenaient. Ce n’étaient plus ceux d’Annette. Lorie relisait sa propre histoire et la posait exactement face à celle qu’elle venait de découvrir. »

 

Sur ces lignes écrites depuis fort longtemps, sur ce chapitre que je venais de bricoler une fois de plus, je me suis décidée. il était l’heure de porter à ma mère, le pot de miel promis la semaine dernière. J’avais besoin d’exercice, je suis partie en vélo!

 

Il ne faisait pas froid mais le vent déshabillait les arbres à coup de rafales. Une bruine farinait inlassablement sans réussir à traverser mes vêtements. La piste cyclable était, par endroit, intégralement couverte de feuilles dorées et je restais très attentive afin d’éviter toute glissade. Maman habite à une dizaine de kilomètres de chez nous. Le temps de cette distance, j’étais en compagnie d’Annette, imaginant ses parcours en bicyclette sur les chemins de terre. Sans cesser de pédaler, en gardant toute l’attention nécessaire à ma sécurité, j’écrivais mentalement, je raturais, reformulais, écrivais à nouveau le chapitre à venir.

Au retour la nuit se pressait et de nouvelles branches étaient tombées sur la piste cyclable. J’ai poursuivi l’histoire en jonglant avec Annette et Lorie. De temps en temps je passais la langue sur mes lèvres afin de boire les embruns. Ils étaient salés.

Dix kilomètres en vélo face au vent, ça valait bien une suée