Imaginez

(Premier épisode)

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D’abord,
Un plateau désert à perte de vue.
Plus loin, proche de l’horizon,
Une ligne bleue dessine l’océan sous l’azur du ciel.

Une vallée ouvre le chemin vers le flot, elle débouche sur une minuscule baie où nichent quelques maisons de pêcheurs abandonnées aux touristes.
Le son monte de toute part. Le bruit d’un train qui viendrait de très loin forme le fond, ponctué de chocs exclamatifs, de roulements glissants et d’explosions dispersées.

Les vagues jouent leur symphonie des grands jours.

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Plantez vous exactement au milieu de la baie, à flanc de falaise, puis asseyez vous de manière à ce que vos bras tendus donnent à vos yeux l’impression de toucher l’un et l’autre bord de l’amphithéatre naturel qui s’ouvre sous vos pieds.
Alors chacun de vos sens est emporté par la puissance.

Des rugissements d’eau déferlent.
En silence, un tonitruant vacarme s’impose, fascinant, hypnotique.
L’eau est blanche
Le ciel est limpide

Dans l’air tranquille, passe une mouette.
Sa silhouette parfaitement épurée se découpe, fend le regard, le détourne un instant du spectacle qui se joue dans la fosse d’orchestre
Et disparaît.

L’eau est blanche.
L’océan au loin est un reflet du ciel.
Bleu.
Lisse.
Une barre se dessine
Elle ferme la baie
De gauche à droite, de droite à gauche.
Elle avance
Puis elle se dresse
Souffle un air frais
Impose un frisson
Pousse une clameur d’embruns
Et s’étire et se dresse encore plus haut
Et ne résiste pas plus
Et s’écroule en gerbes formidables
Caracolantes sur tapis de mousse
Blanche
Fonçant directement vers la falaise
Noire

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Le choc est fatal
Le roc tremble
Les tonnes d’eau se vaporisent
Dans un gigantesque et vaporeux soupir

Déjà un autre mur d’eau s’avance
Et se dresse
Et souffle
Et s’étire plus haut
Se fracasse en tonnant
Fumant
Et frange blanche
Sur tapis de dentelle mousseuse
Court
Vers la falaise
Tranquillement noire.

Tandis que la pensée divague
Comparant le cratère bouillonnant de la force océane
Au cratère des volcans qui façonnèrent
L’île
Tandis que les touristes vaquent
Immobilisant en hâte le paysage démesuré
Impatients de produire des images parfaitement
Cadrées
Vous êtes assis
Assis sur le rocher
Posé là.

Quand, en fulgurance l’idée
Vous traverse,
De votre présence
Là,
De votre présence à ce monde
Qui vous échappe
Et dont vous captez l’immensité
Entière,
Perlent quelques larmes
Imperceptibles éclats du bonheur
D’un instant
Juste parfait.
Ephémère.
Juste délicieusement éphémère.