Pas d’image.
Comment donner une image de l’invisible?
Mes différents passages en terres d’Afrique, mes contacts amicaux avec certains « élus » désignés par des villageois de la lointaine Polynésie, du fin fond du Tamil Nadu ou des abords du fleuve Congo m’ont initiée à une certaine sensibilité vis à vis des « êtres invisibles » qui dirigent la Vie. Ce fut parfois très utile dans un certain exercice professionnel, et de fait, c’était toujours bien rangé dans mon sac, dans une poche invisible où il était écrit à l’encre sympathique : « ça peut servir okazou ».
Alors, en découvrant un chapitre dédié au Covid 19 écrit par le chef de fil de l’ethnopsychiatrie française, je fus confortée dans certains de mes points de vue.
« (…) Ou bien auraient-elles au contraire affûté notre regard, nous rendant attentifs à un nouvel être qui fait irruption ? Cet être qui s’intéresse fortement à nous, qui exige de partager notre monde, nous l’avons nommé « Sars-CoV-2 ». Comme le font souvent les invisibles, comme le font tous les djinns ou les mlouk, cet être tente de nous soumettre à sa volonté par la maladie. Mais celui-ci est puissant ! Battus les diables, les démons et autres zar qui n’affligent que de petites communautés… Lui voit plus grand, bien plus grand : il s’est emparé en quelques mois des humains du monde entier qui ne pensent qu’à lui, ne parlent que de lui dans leurs perpétuelles cérémonies télévisées qu’ils appellent News »
In Secrets de Thérapeute, Tobie Nathan, L’Iconoclaste 2021, ISBN : 978-2-37880-254-7
Mes points de vue…
Au sujet d’un invisible par définition impossible à voir !
Il y a de quoi sourire, pour la non-croyante que je suis, définitivement !
Et comment, alors, en écrire davantage ?
Car même en utilisant ma balance minuscule (déjà évoquée dans ce billet), je ne souhaite pas me risquer dans des mots invitant trop de confusions.
Clarisse Herrenschmidt définit magnifiquement l’écriture en disant que c’est ce que l’homme a trouvé de mieux pour rendre la parole visible (in Les trois écritures, Gallimard, 2007, ISBN : 9782070760251).
Bien que l’écriture soit, pour moi, une respiration, je suis convaincue que l’invisible ne passe que par l’invisible, que seule la parole peut être ciselée assez précisément dans chaque contexte, face à chaque individu pour donner à voir ce qui n’apparait pas si facilement entre les mots toujours trop étroits.
Alors, j’en reste là.
Pour aujourd’hui.
Jeudi 23 décembre 2021, La sortie du grand confinement de 2020 est lointaine et proche à la fois. Depuis, nous sommes entrés dans un interminable carême en apparence sans horizon. Tellement longtemps s’est écoulé depuis l’avènement de SRAS-Cov-2ème qu’il est maintenant nécessaire d’en faire quelle que chose afin qu’il devienne autre chose.
Même si les médias poursuivent leur boulot, soufflant le chaud et le froid, ne sachant sur quel pied danser pour garder leur audience, la vie va. Espiègle à chaque instant, elle nous invite à la suivre.
Encore et toujours… plus loin!
Archives par étiquette : visible
Les ultimes phases du cycle visible

Dès l’automne, nous avions guetté l’apparition des premières rosettes
En fin d’hiver, nous avons vu s’étirer les futures hampes florales.
Le printemps est la saison d’observation des différentes fleurs.
L’été arrive tout juste que vient la fin du cycle visible pour les espèces le plus précoces.
Plus que toute autre plante, l’orchidée vit entre visible et invisible.
Généralement la floraison s’effectue du bas de la hampe vers le haut. Il en va de même pour la « fanaison ». Les premières fleurs ont séché quand s’épanouissent celles du sommet.
Au fil de l’avancement du temps, il est possible d’observer les ovaires qui gonflent après avoir été fécondés. Certains, à défaut d’avoir été fécondés commencent à se dessécher.
Un jour, il ne reste plus que des enveloppes vides, les graines se sont envolées, d’autant plus loin que des conditions météorologiques sèches se sont alliées aux vents pour assurer un transport efficace.
En l’absence de tonte et/ou de piétinement, la hampe totalement sèche et vidée de ses graines peut persister longtemps. Parfois l’observateur averti peut ainsi deviner la présence de la vie en train de s’activer sous terre.
C’est l’ensemble de cette histoire, de l’invisible au visible puis du visible à l’invisible, qui est tout à fait fascinante à l’image de chacune des histoires de cycle de vie.
Maintes fois, j’ai écrit sur mes blogs que le jardin et la natures sont comme autant de livres de philosophie grand ouverts, que les faits divers observables au quotidien sont à l’image de ceux propulsés sur les écrans, ces derniers étant beaucoup moins indispensables à l’apprentissage de la Vie que l’observation de celle-ci directement sur le terrain.
Etiquettes

Hier, tandis que je pliais les vêtements de ma petite fille (5 ans) après qu’elle se soit changée pour le cours de danse, j’ai constaté que sa jupe portait encore l’étiquette du magasin.
J’imaginais A. au petit matin, fouillant dans son tiroir, choisissant la jupe qui lui plaisait et l’enfilant prestement sans rien demander. Depuis, elle se promenait, sans le moindre soucis et sans que personne ne le sache, avec une étiquette cartonnée battant sa petite croupe.
Si sa maman est accro aux belles étiquettes de « bonne » marque des rues chics, la fillette n’en a que faire, ce qui lui importe c’est la couleur, les froufrous et aussi l’harmonie : j’ai été admirative en la voyant enfiler « pour sortir » le cardigan jaune citron qui trainait dans l’entrée, il était tout a fait assorti aux couleurs acidulées et printanières de la jupe qu’elle avait choisi pour accompagner sa journée et ses maintes acrobaties en skate, vélo ou escalade dans les arbres… sans la moindre anicroche, il faut le souligner.
Ce matin, j’ai envoyé à un ami artiste le texte qu’il m’avait demandé.
Soucieux du copyright comme pour lui-même, il m’informa en retour du nom qu’il allait mettre en signature et me questionna avec cette phrase : « Souhaites-tu que je rajoute un de tes titres honorifiques? »
A quoi je répondis illico presto : « Tu sais que je ne suis rien sinon « joelle avec deux ailes »… En fait je ne sais pas vraiment qui je suis et l’étiquette qui s’affiche est en générale celle qu’on me colle. Tu fais ce qui te chante, l’important n’est-il pas ce qui fait sens pour toi ? »
Et l’ami artiste étant un véritable ami, il accrocha délicatement une merveilleuse étiquette à la signature bien carrée, une étiquette à deux titres, voletant librement dans la brise au bout d’un cordonnet que lui seul était capable d’inventer, comme un lien subtil qui nous attache sans nous entraver.
Je vais la laisser en place.
Ni pour la marque, ni pour rien,
Juste parce que toutes les acrobaties restent permises
Même avec cette étiquette!
Simple effort

Effort, c’est un mot qui revient à toutes les sauces et que chacun interprète à sa sauce.
J’aime ce mot là, j’en ai même fait un pseudo qui vagabonde parfois sur la toile, incognito, dans un idiome d’ailleurs.
Ici, sur ces pages virtuelles, il apparait souvent comme dans ce billet et tant d’autres et reste cependant remarquablement invisible parmi les étiquettes.
Ce matin, j’ai décidé de faire l’effort de laisser ma pirogue au sec alors que tout me dit d’aller ramer, en particulier le maigre temps qui reste à passer ici.
D’autres jours, je décidais de faire l’effort de la sortir alors même que rien ne me poussait à y aller, ni le vent, ni les vagues, ni l’urgence ni même le prix de location acquitté.
Inévitablement, il fallait que je creuse ce paradoxe et cette histoire d’effort consenti.
Simple effort.
Anecdotique effort.
Formidable effort.
Pour nous tous qui habitons ce monde du moindre effort tant vanté.
Recette, un point de vue actuel

Cette année, enfants et petits enfants avaient prévu de coloniser mon univers le temps du matin de Noël.
Il me fallait trouver un fil conducteur pour inventer un « brunch de Noël ».
Il est bien probable que l’âge de mes petits-enfants y fut pour quelque chose, des souvenirs et des saveurs d’enfance sont venues titiller mes papilles, une folle envie de re-goûter certaines pâtisseries familiales fit surface.
Il fallait trouver des recettes.
(A noter la lointaine étymologie de ce mot « recette » puisée dans le latin « recipere » c’est à dire recevoir…)
Pour les contenir, j’avais en stock tous les « bons moules » d’origine, c’est une histoire de famille, nous sommes conservateurs pour certaines choses importantes à nos yeux.
Il restait à définir les ingrédients à mélanger, donc à trouver sur la toile les images qui correspondaient aux souvenirs qui titillaient mes papilles.
Pour deux recettes, ce fut facile.
Pour celle du « gâteau aux noisettes de Noël de mon enfance », ce fut une autre histoire.
Malgré la perfection des moteurs de recherche, sans me souvenir du nom précis de ce gâteau là, je n’ai pas réussi à trouver autre chose qu’une image approchante.
J’ai fait appel à mon frère qui fut incapable de trouver chez notre mère un papier portant le titre « gâteau aux noisettes ».
Je me suis donc contentée de l’image approchante trouvée sur la toile et j’ai rempli le moule ancestral avec le mélange indiqué pour le plus grand bonheur des « testeurs » du jour J.
C’est après les fêtes que me trouvant en compagnie de mon frère chez maman, nous avons sorti le dossiers « recettes » pour regarder à nouveau.
« Tu vois, il n’y a pas de gâteau aux noisettes, j’ai déjà récupéré la recette du gâteau marbré mais c’est tout… »
Et têtue, je lui ai pris le dossier des mains, j’ai tournée les feuilles volantes une à une et j’ai trouvé LA recette, comprenant au même instant comment il avait été impossible de trouver « gâteau aux noisettes » puisqu’il n’y avait que « rehruken »!
Mais le plus merveilleux fut le souffle tourbillonnant qui emporta mes pensées, les faisant danser, funambules étoilées sur un fil tendu entre si loin et aujourd’hui, ouvrant sur un plus loin que mon imagination est incapable de mettre en dessin animé bien qu’elle le pressente intensément.
J’avais entre les mains une carte de mécanographie datant des années 50 (avant de nous donner naissance, maman travaillait dans un service de mécanographie et comme certains récupèrent aujourd’hui des rames de papier au bureau, elle récupérait ces cartes multicolores et chiffrées qui ont enchanté mes bricolages enfantins)
Bleue sur orange, je touchais avec émotion l’écriture de mon père.
Me revenait en trombe l’image du fourneau à bois de la maison d’Alsace où il avait passé ses vacances, la même maison dans laquelle j’avais débarqué du haut de l’âge de ma petite-fille aujourd’hui.
Je sentais sur mes joues froidies par l’hiver de l’est, la chaleur moite de la cuisine en pleine activité et un bouquet odorant assaillaient mes narines, odeur d’épices, des pâtisseries saupoudrées de sucre glace, du bois qui flambe, du ragout qui mijote, et en arrière plan le relent de la cave-garde-manger jouxtant la cuisine, la cave et son exhalaison de terre à chaque ouverture de porte, la cave où s’amoncelaient les salaisons, les viandes fumées, les pommes de terres et les bouteilles de vin empoussiérées comme autant de trésors assurant la réussite de la fête.
J’entendais la voix et l’accent chantant de la grand-tante expliquant à maman, que là, maintenant le mélange pâteux était juste parfait, que non, elle ne sait pas quelle quantité de farine elle a mis, que « ça se voit », que « ça se sent quand c’est bon ». Et elle rajoutait une bonne rasade de schnaps, et elle pétrissait avec ses grosses mains, rouges et brillantes de beurre, et elle finissait toujours par nous mettre dehors, elle avait tant à faire, elle seule « savait » faire.
En découvrant sur cette carte, bleue sur orange, l’écriture de mon père, je l’imaginais demandant la recette de ce gâteau à sa mère puisqu’elle savait elle aussi le faire, tenant la recette de sa soeur qui la tenait de sa mère. Je l’imaginais, mon père mandaté par ma mère, exigeant des quantités un tantinet précises et j’imaginais ma grand-mère essayer d’évaluer des quantités à mettre en mémoire.
Et voilà que des années plus tard, j’avais en main, cette carte dont les collègues servaient en particulier « de fichiers historiques » lors des balbutiement de l’informatique. Je me disais qu’aujourd’hui les cartes mémoires aux circuit microscopiques imprimés en 3D n’auraient probablement pas autant de charmes dans un jour lointain.
Et mes yeux s’attardèrent sur « une heure à surveiller, à four moyen » et ravie, je savais que je savais déjà tout ça, que je l’ai reçu il y a longtemps, que je le cultive avec attention, que la réussite c’est autre chose que les chiffres appliqués, parce que tout dépend toujours du vent, des conditions météorologiques, des éléments à dispositions et des outils dont je dispose.
J’ai cuit un nouveau mélange adapté de cette recette retrouvée et nous l’avons partagé lors d’un thé avec les enfants.
Et je l’ai cuit une fois de plus avant hier, y ajoutant la couche de chocolat que j’avais vu ma grand-tante y ajouter un lointain jour de l’Avent des années 60.
Et nous l’avons partagé… au coeur de Nantes… tandis que la perception lointaine d’un bruissement d’hélicoptère racontait le chahut dans la ville.
Sagesse
Qu’est-ce que la sagesse ?
Au fond de mon ventre, c’est l’image d’une petite fille sur une photo d’école maternelle en 1960, sérieuse, les bras croisés sur la table comme on lui avait demandé de faire, bien coiffée, le tablier bien tiré « comme il faut » et regardant bien l’objectif selon la recommandation du photographe… Une image, quoi… Sage comme une image, c’est ce qui me vient en entendant le mot « sagesse ».
Je sais qu’il existe d’autre sens à ce mot, je sais « ça », c’est déjà ça!
Ce matin, je suis partie me balader en me disant que la sagesse, c’est pas mon fort.
Ce matin, il n’y avait pas un souffle de vent sur le village où j’avais dormi.
En dépassant les dernières maisons, je pouvais voir une grande flaque d’eau abandonnée par la marée. elle était aussi lisse qu’un miroir. En suivant mon chemin, je la contournais et en la contournant, je voyais défiler à la surface du miroir aussi bien le paysage alentours que le ciel.
Un oiseau est venu se poser au bord de la flaque, en picorant le sable, il dessina une ride autour de lui, une mini vaguelette qui engendra un autre cercle, en poussant un autre puis un autre, tant et tant que la surface de la flaque en était transformée, marquée par ces cercles absolument concentriques qui finissaient par s’échouer sur le sable.
J’ai marché encore.
Devant moi, les deux éoliennes qui d’habitude, soumises au souffle du vent, tournent de concert étaient immobiles, stoppées chacune dans une direction, semblant attendre que le vent donne à nouveau un ordre fort pour s’aligner et se remettre à tourner.
J’ai marché encore.
Pas très loin.
Là, un creux dans les rocher,
Un creux à l’abri des vagues,
Découvert par le jusant
Plein d’une eau parfaitement limpide,
Un creux était là,
Qui m’appelait
Comme si là, se trouvaient toutes les réponses
A toutes les questions
Qui me troublaient.
Une heure plus tard, je faisais surface.
Il était temps de rentrer.
Dans ma tête se côtoyaient, des vagues et un miroir, la lave si noire, le corail tellement blanc, la montagne et le ciel, l’objet et son reflet, l’oiseau qui passe dans le ciel et sur le miroir à la même vitesse et s’efface et reste en mémoire comme les sons, les odeurs, les couleurs, les ombres, les lumières…
J’ai pensé un instant, que peut-être la sagesse n’est rien de plus qu’une recette très personnelle dont chacun garde le secret, une recette qui permet de trouver l’équilibre quand tout s’agite un peu trop fort, une recette qui permet de faire croire aux personnes crédules que rien ne bouge, que tout est simple et lisse comme une image…
Chercher la source
Hier matin.
Sur la page d’un « ami » FB,
Le titre était ronflant et il faisait écho à mes convictions.
En plus, il était en anglais, c’est dire s’il paraissait sérieux à mes yeux de gauloise.
J’ai donc remonté le fil.
L’article était à minima en lien avec le titre, c’était moins pire que parfois.
En le parcourant en diagonale mais attentivement, j’en tirais un nom mais pas de sources plus précises.
La publicité était bien là et comme d’habitude d’autres titres conduisaient vers des billets d’une teneur tout aussi douteuse, la couleur tonitruante des images attirant la curiosité comme la lumière attire les papillons.
Il m’a fallu environ 30′ pour trouver la « new research » qui « claimait » dans le titre.
30′ c’est hyper long.
Généralement je trouve en deux secondes.
C’est que la recherche « nouvelle » datait de 2011… C’est drôle.
Comme d’habitude, c’est une recherche un peu bidon qui avançe des statistiques très générales à partir de l’étude d’un échantillon de… 16 personnes… Le monde entier, quoi!
L’article partagé par l’ami FB n’est pas daté, mais tiré d’une « open source », un article à peine meilleur daté de deux mois en arrière, lequel fait toujours allusion à la même « new research » datant de 2011
Bref. N’ayant pas de temps à perdre, j’ai stoppé là une curiosité qui relevait du futile.
Sans aucune illusion.
Il y aura encore maintes duplications interprétatives de cette « source » lointaine que personnes n’est jamais allé regarder plus loin que « l’abstract ».
Et toutes mettront « à la une » une belle image et un titre ronflant pour vendre du temps de cerveau disponible aux publicitaires!
Et les personnes friandes de ce qui a trait à leur microcosme se précipiteront pour partager, affichant, en fait, seulement et rien de plus que leur conviction (le titre du billet) sans autre preuve tangible que leur croyance, tout en étant fière de « voir » leur croyance validée sur la toile!
Pourquoi parler de « ça ».
Parce que : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/11/13/ca-doit-se-savoir-alter-sante-libre-info-un-seul-homme-derriere-un-reseau-de-desinformation_5382951_4355770.html
et aussi :
En fait, je n’ai jamais été capable de me contenter de « croire ».
Derrière les titres, il y a généralement un site qui raconte parfois, une histoire même pas en rapport avec le titre et, qui toujours balance une tonne de publicité. Je reste sans voix à chaque fois et encore plus quand la personne qui m’y a conduit « en partageant » est une personne que j’apprécie.
Ca me rend triste.
Est-il possible d’apprendre aux enfants et aux ados à chercher les sources quand, parent, on est (ou parait être ?) crédule ?
Est-il possible d’apprendre aux enfants à ne partager que ce dont-ils sont certains, que ce qu’ils ont eux-même créé plutôt que ce qui ne leur appartient pas et ce qu’ils ne maitrisent pas?
Je ne sais pas.
Certains enfant naissent-ils avec un goût pour la recherche, l’exploration et l’aventure autonome plus fort que d’autres ?
Je ne sais pas.
7 août 2018
Oui, d’un vol à venir, je forme le présent
En le faisant sortir d’un passé nonchalant
Et voici mon toujours qui débarque à ma plume
Avec ce qu’il y faut de soleil et de brumes
Jules Supervielle, Oublieuse Mémoire (1949) dans La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire, Editions Gallimard, 1987, ISBN 978-20703244-1-5
Je me suis réveillée en pleine forme après quelques heures d’un bon sommeil.
En pleine forme et en sachant ce que j’allais faire de ma journée.
Marcher.
Marcher où aucun touriste ne marche
Marcher à la découverte de la vie des gens
Il fallait surtout que j’expérimente les possibilités locales en matière de marche à pied.
En effet, j’avais une dizaine de jours devant moi dont je ne voulais rien « perdre ».
En effet, des centaines de questions étaient nées au cours des visites des semaines précédentes et j’en attendais au moins autant en réponse.
De fait, je savais qu’il y aurait une décision à prendre rapidement : voiture ou pas voiture ?
Je suis partie le long de la route.
Le bas côté est large et il était facile d’avancer en sécurité sans être frôlée par les voitures.
De surcroit, la plupart des automobilistes roulent tranquillement et en plus, il n’y a pratiquement pas de poids lourds.
Là, j’étais seule, face à moi-même.
Je suis sortie à la première intersection. Depuis le premier jour où nous avions passé cet endroit, j’étais curieuse de savoir ce qu’il y avait « dessous ».
J’ai découvert un nid d’habitations sous la bannière verte sang et or qui décore les « monuments » autochtones. C’était aussi un entassement de vieilles carcasses, des chiens pelés hurlant au bout de leur chaine pour signaler mon passage, des personnes maigres portant des fringues éculées qui écartaient le rideau servant de porte pour « voir » ce qui provoquait un tel chahut.
Jusqu’au bord du bord de l’eau, il y avait une succession de véhicules rouillés transformés en habitations. Certains disposaient même d’un jardinet soigneusement clôturé à leur abord.
Penser que ce lieu précisément est le départ du « maliko run », qu’au fond de cette baie précisément, embarquent ceux dont l’unique préoccupation, les jours de vent, consiste à se faire pousser par les éléments, juchés sur quelques onéreux jouets en carbone dessinait dans mes réflexions un abîme aussi formidable que les falaises du volcan plongeant dans l’océan.
J’ai poursuivi ma quête sous la falaise, passant de pierre en pierre, de bloc en bloc, attentive aux possibles éboulis. Quand il fut impossible d’avancer davantage, je suis restée un bon moment concentrée sur la construction d’un improbable montage de fer et de pierres, bercé par le puissant grondement d’un méchant shore-break : il ne faisait aucun doute que malgré le ciel bleu, une perturbation était au loin, la houle montait.
Après avoir fait le chemin dans l’autre sens, il était temps de viser Hookipa, d’y arriver comme on débarque d’un autre monde, sans voiture, de faire cette expérience là et d’observer alentours guidée par les sens tout à fait particuliers qui apparaissent dans l’éloge de la lenteur.
Etant partie équipée de mon seul appareil photo, je n’avais ni eau ni vivres. En fait, je n’avais pas prévu de « trainer » aussi longtemps et il fallait bien constater que je m’étais laissée portée par une joyeuse curiosité. Il fallait donc que je passe à la maison pour étancher la soif qui s’agrandissait et me sustenter un minimum.
ce fut fait.
Et hop, je suis partie de l’autre côté de la route, plongeant dans le premier chemin venu, transgressant l’impressionnante pancarte interdisant le passage.
Là, au milieu des hautes cannes qui chantaient dans le vent, j’imaginai un monde disparu : celui des plantations, des travailleurs harassés, de la coupe. Mes souvenirs d’autres îles sucrières remontaient jusqu’à l’odeur âcre du brûlé qui précède la récolte, jusqu’à la saveur douce du bâton végétal dans lequel on croque. La découverte d’un cimetière chinois abandonné ne fit que stimuler mon imagination.
Je n’ai pas réussi à atteindre la côte, barrée par de belles propriétés.
Sur le chemin du retour, j’ai visité Haiku, le village le plus proche de mon logement, découvrant l’école tellement ouverte et fermée à la fois.
Sans GPS, sans carte, malgré les routes sinueuses et les croisements silencieux, j’ai retrouvé sans peine la propriété de mes hôtes. Au fond de leur jardin, il n’y avait que paix, calme et douceur.
Après une journée complète de marche, ayant exploré la droite et la gauche, j’ai décidé que je n’avais pas d’autre choix raisonnable que de louer une voiture.
J’ai ouvert le laptop.
Je me laissais encore deux jours d’exploration lente et je réservai pour le vendredi une « petite voiture économique ».
Alternances
Le spectacle des iris qui s’épanouissent me ravit.
Il y a d’abord les feuilles, simples, élancées, volontiers diaphanes dans le soleil rasant.
Il y a ensuite le bouton, élancé, simple, épuré.
La fleur s’ouvre d’un coup et il est absolument impossible d’en saisir l’ensemble.
Sa grandeur oblige
Sa symétrie est relative, trois est un chiffre non-pair
Son parfum est subtil, à nul autre pareil.
Puis, la fleur passe, elle se ferme, se recroqueville, sèche et tombe.
Il reste une tige, élancée, simple laissant chanter dans la brise un calice marcescent élégamment froissé.
Vient la fin de saison et l’absence.
De longs mois plus tard
Pointent les nouvelles feuilles
Et l’espoir.
Amoureuse des mots
Je les redoute.
( Redouter, vient de l’ancien français douter, c’est à dire craindre… De quoi élargir la dissertation au sujet du … doute)
Je les crains car je connais leur versatilité,
Je sais leur envol lorsque je les abandonne
Et j’ignore tout du sens
Qui leur sera donné
A l’endroit où ils atterrissent parfois.
Amoureuse des mots
Des fleurs
Du mouvement
De la Vie
Il s’en fallut de peu pour que je laisse aujourd’hui
Seulement une image
En reflet, au sujet de l’alternance
De tout, de chaque vivance et de chaque instant
De cette alternance
Qui fait mon bonheur
Intense.
A comme Absolu
Décidément la vie est captivante.
J’aime ses clins d’oeil, les reflets en ricochet, les échos qui rebondissent et l’imprévisible tellement bien organisé.
Hier soir, en compagnie d’un très érudit compagnon, je découvrais le vent mis en scène, le vent testé, mesuré, appliqué, numérisé, le vent « visibilisé »!
« Comment la poussière pourrait-elle s’élever d’elle-même?
…Tu vois pourtant la poussière et pas le vent »
Visiteuse VIP, j’apprenais avec avidité, comme il est si facile d’apprendre dans les yeux des autres, à travers la parole vivante et multidimensionnelle de ceux qui savent.
Apprendre toujours plus et plus loin est une quête, une quête que je ne peux concevoir sans la présence présente des autres.
Alors, après m’être abreuvée directement à leur source, la curiosité peut m’entrainer dans les entrailles de la toile, au milieu des pages des livres spécialisés. J’ai besoin de douter pour préciser, pour avancer, pour enregistrer.
Une question entraine cent questions et c’est avec ravissement que je me laisse emporter dans ces explorations où le temps n’existe plus, car entre l’infiniment petit et l’infiniment grand il est soluble dans sa propre relativité.
Dans le « nuage de tags » visible à côté des billets ici abandonnés, le mot « absolu » arrive en tête non seulement grâce à son « A » mais surtout parce que de nombreux billets sont ainsi « tagués ».
La quête de l’absolu m’habite joyeusement.
Que dis-je?
Elle dirige mes pas, mes recherches, mes actions.
Elle les dirige parce que « c’est comme ça » pour moi.
Et c’est une direction amicale, douce, joyeuse, plaisante à laquelle je me soumets de bonne grâce.
Pourtant, parce que le temps tellement relatif est si drastiquement affiché sur nos montres, il est un fait que des choix s’imposent quand les journées ne font que 24h.
Alors, quand ce matin, une chère amie pose la question « Lit-on toujours pour apprendre? » je me la pose franchement entre quatre yeux.
Et d’autres questions surgissent en réponse.
Des questions au sujet du plaisir, au sujet de mes exigences, au sujet de mes quêtes et de ce qui m’attire inexorablement vers la source, puis la source de la source et encore plus loin, dans tous les sens.
Et je regarde la pile de bouquins sur mon bureau et l’absence remarquable de « romans ».
Les romans, les dessins animés, les films fleurissent spontanément sans que je les convoque. Ils apparaissent, impalpables, principalement lorsque je marche, lorsque je rame, lorsque mes mains sont occupées à sculpter, à attendre, à bricoler, à jardiner.
Ils sont toujours d’un richesse incroyable, ciselés dans le moindre détail, turbulents, imprévisibles. Je les vis dans une multitude de dimensions qui dépasse largement et celles du papier parfois si parfaitement glacé et celles des images si magnifiquement léchées.
Bien entendu, je lis avec grande bienveillance les ouvrages de littérature, les romans qui me sont offerts ou ceux qui me sautent dans la main de gares en aéroports.
Bien entendu, je vais au cinéma parfois, rendant hommage à quelques réalisateurs de talent qui savent me faire flotter bien au delà de la salle noire.
Mais ce sont autant d’escapades ravissantes qui me ramènent à la quête de l’absolu, cette quête que je conçois uniquement constituée de rencontres « en live », d’expériences sur le terrain et de lectures appliquées.
C’est comme ça depuis si longtemps que je ne cherche plus à me contrarier!