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Communication et intention

Sans nul doute, regarder « à travers les yeux des chevaux » est une invitation à découvrir un peu plus loin l’humain que nous sommes.

Tandis que notre tendance naturelle à l’anthropomorphisme nous pousse à imaginer qu’un cheval serait capable de « penser comme nous », à l’inverse, j’aime essayer d’imaginer ce qui se passe dans la tête d’un animal dépourvu d’intentions, dans la tête d’un animal qui a seulement des besoins, qui les exprime sans frein, un animal qui n’a aucun objectif, qui ne prépare ni les cadeaux de Noël, ni la prochaine compétition de son cavalier ; un cheval qui raconte efficacement, sans mentir et avec tout son corps, son bien-être comme son mal-être.

L’action de communiquer, la communication est un sujet qui me passionne.
Un billet avait déjà abordé cette histoire de « communiquer » avec un cheval.
Etant redevenue propriétaire d’un cheval, avec toutes les responsabilités qui m’incombent de ce fait, j’expérimente à nouveau quotidiennement, donc plus passionnément encore, ce qui contribue à la réalité d’une communication entre individus fondamentalement différents.

Chez nous, les humains, il faut bien avouer que communiquer est intrinsèquement corrélé aux intentions.
Des intentions qui souvent relèvent du moyen ou long terme, par exemple :
– Je communique avec mon cheval parce que j’aimerai qu’il devienne mon « ami »
– Je communique avec mon cheval parce que j’ai envie de « faire des résultats » en sa compagnie
– Je communique avec mon cheval parce que je désire lui faire « plaisir »

Que pourrait donc être l’amitié, le plaisir ou la satisfaction pour un cheval?
Une sensation procurée par une dégoulinade hormonale?
Les mêmes molécules messagères produisent-elles les mêmes effets chez l’humain et le cheval?
Rien n’est moins certain.
C’est déjà tellement variable d’un humain à l’autre.

Capables de marcher et de chercher où se nourrir dès leur naissance, le besoin de sécurité des équidés est différent de celui des jeunes animaux nidicoles (dont nous sommes), pour eux, nul besoin de la chaleur maternelle pour s’endormir, nul besoin de câlins ni de toilettes bien léchées, ce qui est important, c’est leur capacité de fuite!

Les chevaux, animaux domestiqués depuis plusieurs millénaires, sont actuellement hébergés par les humains en quête de loisir (dans nos contrées, les chevaux sont moins qu’autrefois des outils de travail), ils se sont fort bien adaptés à nos exigences, ils n’en demeure pas moins qu’ils ne nous ne font pas la conversation pour raconter un spectacle ou une compétition passée.
De même, s’ils savent manifester leur goût pour la nourriture, c’est qu’ils ont irrésistiblement besoin de manger mais aucun cheval n’offrirait aucune carotte à un congénère, n’est-ce pas?
Et aucune de nos intentions les plus « aimables » n’amènent pour eux aucune reconnaissance telle que nous l’espérons si souvent.

Pourtant, afin de communiquer avec nos chevaux, nous mettons en place un certain nombres de codes de même que de nombreux « codes de communications » sont élaborés au sein des différentes sociétés humaines.
C’est le propre de toute vie en communauté où il est essentiel de savoir communiquer.

Nous avons, en commun avec les chevaux, ce même besoin de communiquer, il en va de notre survie comme de la leur.

Eux sont extrêmement compréhensifs, en ce sens qu’il « prennent avec eux » tous les signaux qu’ils savent capter : l’odeur de nos émotions, les expressions faciales et corporelles de notre bien ou mal-être, l’intonation de notre voix, notre empressement, notre colère latente, etc.
Et nous, très souvent, nous nous contentons de « faire passer » nos intentions à travers nos « aides », fussent-elles non réalistes, fussent-elle des « mensonges » que nous nous faisons à nous même.

« Je vais lui montrer qui c’est le plus fort » !
What?
Je fais 60kg et lui en fait 500… Y’a pas photo, non ?
Arfffff…
Comment on se la raconte parfois.

Si mon cheval est incapable d’avoir et d’exprimer aucune reconnaissance, si son mode de communication reste celui qui lui est propre, très différent du mien, je suis cependant infiniment reconnaissante à la vie de m’avoir fait rencontrer les chevaux.
Leur grande taille et toutes leurs différences m’obligent à pointer ma vulnérabilité, ma faiblesse, mon impuissance réelle.
Dans la vie de tous les jours…

Questionner l’objectif


Lundi 14 octobre 2024

Après avoir questionné le verbe « aimer », voilà que s’impose un questionnement au sujet de l’objectif, du but, de l’intention, du dessein.

Monter à cheval, pratiquer l’équitation sur l’air de « j’aime ça » devrait imposer une réflexion un tantinet plus approfondie.
Ce matin, j’ai successivement regardé d’un air distrait le compte rendu du dimanche d’un jeune cavalier et écouté avec reconnaissance les mots d’un cavalier professionnel :
« If you want to shine in front of every body, you have to work in front of nobody« 
Ces mots, posés sur fond d’une vidéo où le cheval, monté sans aucune pression, passe en toute décontraction une ligne de mécanisation à l’obstacle, venaient en écho de ce que je radotais la veille et de tout ce qui m’était passé par la tête l’avant-veille en proposant un nouvel exercice de gymnastique à Prodi, nouveau pour lui je précise!

En effet, samedi, tout en notant que j’étais devenue propriétaire du p’tit cheval exactement six mois auparavant, j’avais préparé une séance destinée à le faire progresser en douceur.
Chaque jour je prépare une séance.
En fonction de l’air du temps, elle se réalise ou nécessite des adaptations, voir son abandon. Ainsi va le chemin de l’éducation d’un jeune cheval, à l’impossible personne n’est tenu.
Samedi, l’air était transparent et lumineux, la Loire était lisse comme un miroir et une aimable personne avait accepté de m’assister pour ajuster la hauteur des barres en cours d’exercice.

Tout s’est passé facilement, en douceur, à un point tel que j’ai eu besoin de prévenir quelques personnes que j’allais une fois de plus changer d’avis, que dans un avenir pas si lointain j’allais probablement faire sauter de véritables hauteurs à Prodi… un truc que je me refusais jusqu’alors, sur l’air de « je suis trop vieille pour prendre ce risque ».
Remarquablement, en écho et sur le ton de la plaisanterie, j’ai vu passer le mot « concours » comme si « hauteur » et « concours » allaient de paire. Et là est venu ce questionnement sur l’objectif.

La compétition a fait partie de ma vie.
Compétition sportive.
Compétition pour être vraiment un homme comme les autres.
Compétition pour exister, simplement.

Désormais, la compétition est rangée dans le tiroir des souvenirs, j’ai arrêté de ramer, je laisse glisser.
Je rêve encore et toujours, oui, je rêve encore,
Et aucun concours, aucune compétition n’est plus capable de me faire rêver.
C’est que j’ai cessé de courir après des rêves fous.
Peut-être parce que la vie m’en a offert beaucoup à vivre ?

Réaliser une séance d’exercices en compagnie de Prodi est un cadeau et une énième cerise sur la gâteau.
J’ai beau creuser les questions, je ne vois aucun objectif très précis en matière d’équitation sinon passer du temps à côté des chevaux et des gens qui y sont bien.
Clairement, aujourd’hui je récolte les fruits d’un labeur au long cours, celui tout simple qu’offre la vie à qui se remonte les manches.
J’en ai terminé avec les levers avant l’aube, avec les batailles contre le temps, les confrontations entre humains qui sont toujours déplaisantes à mes yeux.
Tout « ça » fut certainement nécessaire.
Il fallait que j’expérimente.
Tout.
A fond.
Avec passion et gourmandise à la fois.

Désormais je suis en roue libre.
Et c’est vraiment délicieux.

Histoire d’aimer


Un matin, j’ai croisé cette question : « C’est quoi aimer son cheval? »

En lisant les commentaires qui suivaient, j’ai éprouvé le besoin d’aller faire un tour dans mon dictionnaire préféré afin de vérifier que ma notion de « aimer » était bien celle que je connais.
Bingo.
Définition de « aimer » : Éprouver, par affinité naturelle ou élective, une forte attirance pour quelqu’un ou quelque chose.
Ouf, je suis vieille mais pas complètement gâteuse, aucun des commentaires ne répondait vraiment à la question posée.
Le sentiment bizarre que j’avais discerné en les découvrant, chacun faisant sa propre liste des soins apportés à son cheval, ce sentiment bizarre était donc raisonnable.

J’aime les mots, pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils deviennent, pour ce qu’ils cachent.
J’aime les macarons à la pistache, les bonbons noirs au fort gout de réglisse, la chasse aux orchidées sauvages, les gens, les chevaux, la vie, etc.
J’aime.
Et parfois j’Aime.
Et c’est d’une toute autre dimension,
De l’ordre de l’indicible.

Ce matin là, en croisant cette question, je me suis retrouvée face à une forêt d’autres questions.
Celles-ci par exemple :
Quelle est la différence entre aimer son cheval et aimer l’équitation?
Et aussi pourquoi les personnes qui aiment les chevaux aiment souvent monter à cheval… ou pas?

Ce dimanche, après la session effectuée en extérieur sur le dos de mon p’tit cheval, j’ai avalé un sandwich et je me suis embarquée dans la voiture en ordonnant au GPS de m’indiquer la voie la plus rapide pour me rendre sur un terrain de cross. Là-bas, des cavaliers et cavalières de l’écurie s’étaient donné rendez-vous avec leurs montures pour une journée d’entrainement, CSO le matin, cross ensuite.

En une heure j’étais sur place.
La pluie avait faibli mais elle commença à redoubler tandis que le vent enflait. J’avais prévu le coup et j’étais bien équipée, tout à fait décidée à observer.

Sur le parcours de cross, mon attention naviguait d’un cheval à l’autre, des cavaliers aux accompagnants, des indications du coach aux actions des cavaliers, des visages épanouis à ceux complètement fermés.

C’est quoi « aimer »?

C’est quoi ce mot français complètement fourre-tout, les langues étrangères ayant dans leurs bagages plusieurs mots qui se traduisent en français avec le même « j’aime » qui à force d’être utilisé sans y penser ne signifie plus rien.

Que signifie « j’aime » quand je « like », quand je pose un pouce bleu sous un commentaire ou en recevant un message virtuel ? Signifie t-il « j’ai lu », « j’ai compris », « j’éprouve une attirance pour ces mots », j’approuve, ou quoi encore? Un fait est certain, j’aime/je like à tour de bras !

Au lendemain du dimanche, j’ai vu défiler mille questions en écho de « C’est quoi aimer son cheval ? « 

J’ai même vu passer des questions tristes.
Oui, tristes.
Oui, car,
J’ai eu le coeur qui s’est serré l’autre jour, lorsque je suis passée à côté d’une cavalière au visage fermé en train de préparer son cheval pour monter dans le van du retour.
Je suis passée à côté, j’ai passé ma main sur l’encolure du cheval que j’avais vu évoluer de son mieux et j’ai dit en m’adressant à l’animal qui grappillait des brins de foin : « Tu mérites bien ton foin ».
C’était ma façon de compatir, j’avais vu ce qu’il venait de donner sans rien demander en échange, sans même rien espérer.
Je sais qu’il ne fut probablement pas réceptif à ma compassion, le foin lui suffisait pour être heureux à l’instant présent.
Mais la cavalière, elle qui certainement « aime » son cheval, la cavalière me regarda d’un regard noir.
« NON, il mérite pas! »
Et j’ai senti l’immensité de son dépit, de son sentiment de non-réussite, de tout ce qui chez elle, de son point de vue ne méritait « rien ».

Aimer son cheval
Aimer l’équitation
S’aimer soi-même…

Ce sont des questions récurrentes dans mes réflexions sans fin.

Il est clair que je suis attirée par les chevaux, n’était-ce pas seulement une attirance irraisonnée qui me poussait, enfant, à chercher le cheval qui avait laissé une trace de sabot dans la boue ?
Dans ces temps déjà lointains, il n’existait pas d’autre solution, pour aller au plus près des chevaux, que celle qui consistait à s’inscrire dans une école d’équitation.
J’ai pris goût à l’équitation parce que j’aimais les chevaux.
Et de l’école d’équitation au champ de course en passant par le cirque, j’ai fini par avoir mon propre cheval parce que c’était l’unique solution envisageable pour rester à côté d’un être dont j’avais encore tant à découvrir. Prendre soin des chevaux des « autres » m’avait déjà appris mille choses, mais devenir responsable de « mon/mes » chevaux offrait une nouvelle dimension, particulièrement en matière d’éducation que je pouvais mener à ma guise. Ainsi, d’erreurs en succès, j’agrandissais ma connaissance de l’objet de mon attirance : le cheval!

A l’heure où j’en ai terminé avec le statut social de « femme active », à l’heure où j’ai enfin accepté le fait de vivre « sponsorisée » par les milliers de personnes qui travaillent quotidiennement, ces actifs qui jonglent entre vie de famille, vie amicale, loisir et temps passé à « gagner de l’argent », j’ai acheté celui qui sera probablement « mon dernier cheval ».
Grâce à lui qui se moque bien de mes cheveux blancs, de mes rides, de mes « faiblesses » de vieille, j’existe encore toute entière, je reste la gamine que je n’ai pas cessé d’être, celle qui est tellement attirée par les chevaux.

Sa première ligne


Oui, oui, nous sommes bien au rayon cheval!

Hier, j’ai présenté à mon p’tit cheval sa première ligne.
Il faut bien commencer un jour.
Et mon principal objectif était le suivant : qu’il kiffe!
Car ce qui me fait plaisir, c’est qu’il « s’amuse » afin de rester toujours partant aussi calme que pétillant.

A l’image des enfants pour qui écrire est avant tout un jeu, de ces enfants qui utilisent tous les bouts de papiers qui trainent pour y poser les mots qui leur passent par la tête.
A l’image de tous ceux qui ont besoin de faire des lignes pour avancer.

Première ligne pour Prodi, donc.
Pas si simple à organiser en réalité, pour moi qui monte souvent à l’heure où « les autres » sont absents, car pour la bonne réalisation d’une ligne, il faut un peu d’aide, à minima une personne disponible pour ajuster les barres.
Car « une ligne » c’est une succession de barres judicieusement placées, à distance mesurée, à hauteur appropriée.
Hier, nous avons bénéficié de la présence d’A. qui nous a offert un peu de son temps.

Prodi n’avait jamais sauté plus d’un obstacle.
Mon goût pour le calme et l’impulsion juste avait écarté jusque là toute tentative tendant à prouver je ne sais quoi à je ne sais qui. C’est aussi une question de respect de l’animal à mes yeux. Qui exigerait d’un jeune enfant qu’il réalise une page d’écriture parfaite avant même d’avoir appris à écrire en souplesse ? Même s’il dispose d’un talent naturel pour les gribouillages, il a toujours besoin de temps avant d’arriver à « trouver son écriture ».

Faire sauter les chevaux plus haut que nécessaire, les faire galoper vite et loin avant même la fin de leur croissance est certainement nécessaire à des fins commerciales, mais pour moi qui vient de m’offrir le dernier cheval de ma vie, ça parait plus incongru que jamais.

Je suis en train de vivre un passage de vie absolument surprenant avec ce Prodi. Pour la première fois de ma vie de cavalière, je n’ai sincèrement aucune attente particulière en sa compagnie.
J’en ai fini avec la compétition, avec « faire la preuve », avec « il faut qu’il soit prêt pour telle échéance », j’avance au jour le jour et je me réjouis de ce qu’il m’offre sans le savoir. C’est « tout petit » parfois ce qu’il m’offre, mais tellement grand en même temps.
Je suis très lucide, jamais je n’aurai pu tenir ce discours avant désormais.
Je comprends vraiment et avec le coeur ce qui tiraille les jeunes cavaliers, les cavaliers plus avancés et même parfois les vieux cavaliers débutants.
Il faut vraiment avoir traversé pas mal de pays, pas mal d’aventures avant de se poser avec plaisir. Simplement.
J’ai cette chance.

Hier le p’tit cheval a sagement traversé au pas la ligne de barres posées au sol.
Il a vu et reconnu cette succession « d’obstacles » comme un exercice que j’allais lui proposer à nouveau.
Pourtant,
Il ne le savait pas encore,
Que nous passerions et repasserions.
Mais en passant au pas il écartait la probabilité d’un danger surgissant de chaque barre autant que de l’alignement en lui même.
Nous sommes revenus, donc, puisque c’est ce que j’avais prévu.
A dix mètres le la première barre, je l’ai arrêté afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il a fait, encolure haute, oreilles dressées.
Puis, doigts ouverts sur des rênes juste au contact, je lui ai demandé de trotter, sans passer par le pas, directement, ce qu’il a fait et il a franchi toute la ligne, tranquillement, certain qu’une fois arrivé au bout il aurait le temps de respirer, qu’une fois au bout il n’avait aucune raison de se stresser, de s’agacer d’aucune façon.
Alors, il était temps de soulever un peu les barres (merci A.)

A dix mètres le la première barre, je demande un arrêt afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, il se fait la ligne en choisissant un simple enjambement, c’est visiblement trop bas, il est agile le petit pur sang.
A. augmente un peu la hauteur.
A dix mètres le la première barre, j’arrête afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, cette fois-ci, il saute franchement, part au galop à la réception, sort au galop, tranquille, serein et je lui demande de passer au pas après un demi-cercle à main gauche.
Je questionne A. « Qu’en penses-tu, on reste là dessus? »
« Vous pouvez faire une fois de plus » me suggèra t-elle.
« Oui, tu as raison c’était peut-être un coup de chance cette première réussite » ai-je acquiescé.

Et nous sommes repassés tout pareil et nous sommes passés au pas après un demi-cercle à main droite.

Evidemment, la hauteur était faible, évidemment la perfection est à atteindre car le geste est encore brouillon, il faudra répéter, répéter encore avec patience, et encore de la patience.
Les chevaux sont très patients.
Et moi aussi.

Rien ne nous presse.
J’ai beaucoup d’émotions qui se bousculent en écrivant ces mots là.
Beaucoup de reconnaissances aussi.

Les animaux ne savent pas lire l’heure


Toutes les personnes qui possèdent un animal domestique savent que les animaux passent beaucoup de temps à dormir ou à somnoler, bref… à ne rien « faire », à ne rien produire.

Les chevaux, s’il passent très peu de temps à dormir couché, passent beaucoup de temps à somnoler debout.

C’est peut-être parce que les animaux ne savent pas lire l’heure qu’ils sont de merveilleux compagnons ?
Les animaux nous apprennent à prendre le temps et à rester immobile.
Car temps et mobilité sont liés.

Le temps s’est accéléré avec les progrès technologiques.
Les horloges ont éclaboussé leur précision de machine lorsque des gares ont été construites pour accueillir les trains. Et les trains avaient changé les repères en dépassant largement les vitesses de voyage en vigueur avant eux. Du pas de l’homme, du galop des lourds chevaux postiers, l’humanité passait soudain à la vitesse de la machine, démesurée. La mobilité qu’elle apportait rangeait la mobilité humaine au grade de quasi immobilité en quelque sorte.
Et tout s’est accéléré au fil du 20 ème siècle, puis encore plus par la suite avec des informations capables de parcourir le monde en quelques minutes seulement!
Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne était visionnaire et il est largement dépassé aujourd’hui.

Sociologues et philosophes se sont emparés de ce sujet contemporain à l’instar de l’allemand Hartmut Rosa dans son livre : Accélération. Une critique sociale du temps » (Beschleunigung. Die Veränderung des Zeitstrukturen in der Moderne)Traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte, 2010

Nos animaux ne savent pas lire l’heure.
En leur compagnie, nous apprenons leur monde.

Qui n’a jamais passé un long moment à seulement caresser son chien, à rêvasser avec un chat ronronnant sur les genoux, à faire briller la robe d’un cheval patient ignore cet enseignement.

Avons nous conscience de ce qui nous est offert là?
Cette clé d’un temps très relatif?
Je n’en suis pas certaine.
Trop souvent,
Ces instants pausés,
Sont autant de simples bulles qui nous mènent vers la bousculade sur l’air de « Oups, j’ai pas vu le temps passer, j’ai tant à faire, viiiiiiiiite…. »

Prodigalité



J’avais en tête le mot générosité pour ce billet tout en me disant que c’est quand même très « humain » la notion de générosité.
En cherchant parmi mes billets, un seul utilise le mot « générosité » et c’est tout à la fin du billet qu’il débarque, et c’est un extraordinaire souvenir qui remonta en le lisant.
Il date de 2019 et je n’avais pas encore renoué avec les chevaux.

En parcourant la lexicographie à la recherche d’un mot mieux ajusté à mon propos, j’ai trouvé « prodigalité » et comme, tout à fait par hasard, le p’tit pur sang à l’origine de ma réflexion s’appelle Prodi. (abrégé de Prodigal Son) j’ai validé le titre bien qu’il soit un peu imparfait à mon goût.

En ce mois de juillet très humide, je vais parfois cueillir des chanterelles après ma session à cheval. Grâce aux pluies printanières et désormais estivales, la forêt a retrouvé un état de fraicheur qu’elle avait perdu les années précédentes et les plantes en profitent avec exubérance parfois, les chanterelles aussi.
Je vais donc « sur mon spot » et je ramasse uniquement ce dont j’ai besoin pour ma poêlée du diner. Inutile de faire des stocks ; je suis heureuse de prendre une toute petite part en reconnaissant qu’elle sera bien suffisante pour me régaler.
J’ai l’impression de « respecter la nature » en agissant ainsi.

Mais quel est le rapport entre mes cueillettes, les chevaux, l’équitation et le p’tit Prodi ?
J’y viens.
Il y a un peu plus d’une semaine, un dimanche comme un autre, j’étais en fin de session équestre et je tentais pour la première fois une transition trot-trot plus lent-trot (nous sommes encore très loin des termes pompeux, le p’tit n’a que 4 ans). Et là, il y eu un instant suspendu. Dans la demande de ralentissement, Prodi a trouvé le moyen de me sortir trois foulées merveilleuses, en parfait équilibre, relevées, souples, gracieuses. J’ai aussitôt ouvert les doigts afin qu’il aille de l’avant, je savais l’effort physique qu’il donnait pour réaliser « ça » et il n’est pas encore prêt pour « tenir » longtemps.
J’avais cependant des étoiles plein le ventre : « wahoooo, il sait faire ça, wahooo ».
Après un tour du manège, au même endroit, je lui ai redemandé et, banco, il me redonna !
Magique.
Nous sommes restés là-dessus, et je lui ai indiqué la direction du fond de la propriété, là où l’herbe est bien grasse, là où il aime brouter.
Le reste de la semaine, j’ai suivi mon programme, celui qui prévoit des exercices simples, à la portée du jeune cheval. Mais à partir du mardi, il devint un peu bizarre, moins allant, un peu rechignant à l’ouvrage.

C’est à cause du temps maussade me dit l’une sous la pluie
C’est à cause de la chaleur m’a proposé une autre le lendemain sous le soleil.
Cette année, les chevaux sont « mal » avec cette météo bizarre finit par conclure une troisième qui passait par là.

Mouais… Je connais l’influence des conditions météorologiques sur mon énergie, mais là il se passait autre chose, j’en était certaine.
Et c’est grâce à ma cueillette de chanterelles que j’ai compris.

Parce qu’il m’avait donné, sans intention, simplement donné/offert comme seul sait le faire un animal dénué de la moindre intention humaine, j’ai pensé que je pouvais prendre un peu plus.
Prendre un peu plus, c’est à dire le considérer d’un coup plus grand qu’il était.

C’est amusant d’écrire « ça » moi qui fut considérée pour « plus grande » que mon âge simplement à cause de ma taille élevée de petite fille ! Certes je me suis adaptée coûte que coûte mais je me souviens encore des « interdictions » qui en découlaient sur l’air de « tu es grande » alors que dans ma tête j’avais seulement l’âge de mes artères. J’en ai souffert et j’ai fait avec, fièrement.
Mais fi d’antropomorphisme !

J’ai la chance d’avoir trouvé un cheval « tout neuf » qui s’exprime sans arrières pensées.
Et j’ai la chance d’avoir tellement de temps, tellement pas d’objectifs, tellement de plaisir à l’accompagner comme il est, que je l’écoute attentivement.
Après cette « révélation » de ma « lourdeur » à son égard, j’ai redonné des rênes dès le lendemain et « mon Prodi » est redevenu le p’tit cheval plein d’entrain et de générosité que je connais.
Pas plus tard qu’hier, il est venu de lui-même se « placer » pour me dire une nouvelle fois qu’il saura faire, un jour, quand il sera plus grand.


L’amour n’est rien d’autre qu’une joie concomitante à l’idée d’une cause extérieure
Baruch Spinoza, Éthique, III, 13

Equilibre



Avant de titrer un article, je fais systématiquement un tour des archives du site. Ainsi j’ai le plaisir de relire des vieux billets, de sourire souvent et toujours de constater à quel point mon cap reste le même malgré le temps qui passe.
J’ai trouvé pas moins de 60 billets contenant le mot « équilibre » et pas un seul ne porte ce mot en titre.
Je peux donc tranquillement l’afficher aujourd’hui.
Si je m’apprête à examiner ce sacré mot à travers le regard des chevaux et de l’équitation, je ne résiste pas à partager ce lien qui raconte une bribe de mon chemin de vie, de l’équilibre que je cherche et que je trouve parfois, funambule sur un fil tendu entre mes paradoxes.

Ce mot « équilibre » sonne, résonne, questionne, interroge le monde de l’équitation, infiniment!
Il suffit d’aller faire un tour du côté de la lexicographie pour réaliser à quel point chacun peut raisonner selon la définition qu’il choisit et se trouver facilement en désaccord avec l’interlocuteur qui pense selon une définition voisine.
Ce serait finalement une situation assez commune, ne méritant pas de s’y attarder, si ce mot là ne constituait pas une des bases de l’enseignement équestre et une des préoccupations majeures de tout cavalier souhaitant progresser.

Equilibre du cheval,
Dans son corps, dans sa tête, dans son environnement.
Equilibre du cavalier,
Dans son corps, dans sa tête, dans son environnement.
Equilibre du couple, c’est à dire équilibre du cheval monté par son cavalier,
Cheval et cavalier ensemble, corps et mentaux conjugués, dans l’environnement x, à l’instant t !

Les manèges résonnent souvent d’une litanie de sentences :
« T’es pas en équilibre »
« Ton cheval n’est pas en équilibre »
« Cherche l’équilibre »
etc
Et au milieu des injonctions diverses et variées le cavalier se perd, cherche en vain, espère un compliment tandis que ni lui, ni sont cheval ne tombent, ce qui laisse imaginer qu’il existe un certain équilibre quelque part !

Avec le développement des hautes technologies, des ingénieurs s’affairent et publient des données afin d’essayer de définir un équilibre scientifique.
Dans le même temps, de manière tout à fait empirique, des cavaliers s’affairent avec leurs chevaux afin d’atteindre « leur équilibre avec leur cheval » dans la discipline convoitée, poussant parfois l’audace jusqu’à souhaiter le meilleur dans des disciplines aussi différentes que le dressage et le cross, courant après un « équilibre en général » qui n’existe qu’en particulier.

Dans ce microcosme parfois uniquement équin, parfois aussi équestre, comme dans tous les autres, les spécialistes sont désormais aussi nombreux que les pages offertes par les réseaux sociaux. Et tous s’affirment spécialistes très compétents en recherche.
Dans un autre microcosme qui fut mien, j’avais pu constater, vivre, expérimenter, le formidable effet de l’accès à la toile pour la « démocratisation » de l’information… et de la désinformation associée.

« L’outil électronique Internet offre l’opportunité de surmonter ces obstacles pour une communication libre. Il signifie la chance historique pour faire progresser de la liberté de la presse à la liberté de communication et de ce fait démocratiser l’information (bien que cela implique aussi la démocratisation de la désinformation): Tout citoyen a le droit de publier information dans tout le monde, et tout autre citoyen a le droit de recevoir, de juger, et de l’utiliser lui-même, sous sa propre responsabilité. »
PhD E.Winkler 2003

Et voilà donc que je poursuis l’aventure de la recherche assidue de l’équilibre, au sujet de l’équilibre !
Curieuse et gourmande, je me plais à lire tout ce qui passe, et à le situer, et à y porter une grande attention sous tous les angles pour finalement à revenir à mes classiques, et surtout au juste milieu qui m’est si cher.
C’est formidable.
C’est passionnant.
Effrayant aussi.

C’est une porte grande ouverte sur une immense solitude.
Car si je peux passer d’un raisonnement individuel à un raisonnement général en étant au fait des biais cognitifs à franchir, je suis absolument incapable de passer d’un raisonnement manichéen à une recette convenant à tous.


De l’imprévisible (bis)


Il s’appelle Prodigal Son.
Son père est un étalon de renom.
Sa mère, Pearls of Wisdom (perles de sagesse) est anglaise.

Si les chevaux avaient la moindre conscience de ce qu’ils sont devenus dans l’actuelle industrie des loisirs, celui-ci pourrait aller faire un tour chez le psy afin de chercher à comprendre l’imprévisible qui lui est tombé dessus : Comment, lui, fils de star, porteur des plus grands rêves, a-t-il pu se retrouver si près de la fin avant même ses quatre printemps ? En quoi avait-il « fauté » pour en arriver là ? Et est-ce vraiment une chance d’avoir été récupéré dans le couloir de la mort pour atterrir en bord de Loire, désormais dépourvu de ces attributs mâles qui faisaient une partie de sa valeur ?

Voilà deux semaines et trois jours que j’ai fait la connaissance de ce cheval. Le lendemain je devenais officiellement sa propriétaire, c’est à dire que le numéro du transpondeur électronique qu’il porte sous la peau depuis son plus jeune âge est passé du nom de son propriétaire « naisseur/éleveur/entraineur » au mien.

Un cheval est davantage un objet qu’un sujet.
Et, c’est un véritable sujet de réflexion.

Tout autant que cet imprévisible qui reste tellement présent dans mes pensées et survient inévitablement sans… prévenir!

Lorsque j’ai vendu « mon dernier » cheval, abandonnant l’idée de compétition et du « travail » des chevaux en ce sens, je n’imaginais pas un jour replonger.
Je me suis contentée de collectionner les chevaux « objets » de décoration et évertuée à refuser toute proposition consistant à m’approcher du moindre cheval.
C’était en fait une tentative folle destinée à oublier qu’il existe un virus qui touche l’âme elle-même et dont il est impossible de guérir, un virus que je ne saurais décrire avec des mots, un virus qui s’exprime très différemment d’une personne à une autre… mais un sacré virus!

J’entends parfois que l’avancée en âge facilite l’accès à la sagesse.
Autrefois j’aurais pu parler de folle sagesse, mais aujourd’hui, le terme est malmené par les gurus commerçants.
Alexandre Jollien, lui, joue avec la locution « Sagesse espiègle » entremêlant sage folie et folle sagesse dans une prose tournée vers une « spiritualité » contemporaine de type « fast-food » que je ne peux pas comprendre.
Exit donc et la sagesse et la folie.
Mais…
… Que m’arrive t-il dans ce passage vers l’adolescence de l’autre extrémité de la vie ?
Difficile d’en parler sans risque.

L’autre jour tandis que j’annonçais au propriétaire de l’écurie (dans laquelle j’ai débarqué il y a environ neufs mois) que j’allais finalement acheter un cheval, il me renvoya quelques mots tout en me regardant du fond de son coeur : « je vois bien que tu aimes ça » et à ces mots, mon coeur est remonté au fond de ma gorge, formant cette « boule » un peu spéciale qui fait monter les larmes aux yeux. « Oui, tu peux dire ça comme ça » ai-je répondu en baissant la tête pour masquer l’émotion qui m’envahissait.

Et L’imprévisible alors ?

Et bien, c’est certainement cette urgence de vivre encore plus loin, urgence qui m’a poussée à devenir une fois encore propriétaire d’un cheval.
Je ne l’ai pas du tout vue venir.

Une urgence sans objectifs.

Et avec beaucoup de temps pour demander peu, demander souvent comme les anciens maîtres l’exigeaient.
Et avec une force physique déclinante, obligée d’exiger délicatement, avec une précision d’orfèvre.
Et avec au fond de mon âme une immense reconnaissance.


« Monter à cheval, c’est partager sa solitude »
Bartabas, D’un cheval l’autre, Gallimard 2020



Histoire d’adolescence


Le temps qui passe apporte son lot de questions, sans questions il serait terne.

En 2023, j’ai accepté l’idée d’abandonner l’état « actif » ce qui signifie que sur les listes proposées à la fin des interrogatoires statistiques, je dois cocher l’ultime case, celle dans laquelle il est « normal » de mettre toutes les personnes qui vivent au crochet des « actifs », ceux qui cochent les cases d’au dessus. Dans ces bas-fonds, plus question de titres ni de diplômes, plus question de qualification, c’est l’antichambre vers l’oubli.

Les « boomers », ces « vieux schnocks » d’aujourd’hui disparaissent petit à petit, les plus célèbres offrant un espace aux spécialistes en nécrologie d’autant plus qu’ils se sont désespérément accroché à leur célébrité. Car certains sont incapables de laisser leur place aux jeunes, que ce soit en politique, dans le showbizz, partout où l’existence est intimement liée à l’exposition médiatique.

Enfant, je regardais les films western sur l’unique chaine de la télévision qu’il me fallait aller regarder chez ma grand-mère les jours sans école. Aucun salon ni aucun canapé à l’époque, c’est assise sur une chaise en paille devant la table de « salle à manger » que nous regardions la boite magique en sirotant du « pschitt » et en mangeant une tartine « beurre-chocolat ».
J’étais toujours « pour » les indiens.
J’étais fascinée par ces « sauvages ».
Un jour, je fus marquée par l’histoire d’une vieille femme qui s’éloignait de la tribu. Devenue inutile, elle partait finir ses jours au loin, seule afin d’éviter de devenir un poids pour les siens.
Je fus marquée.
Marquée au point de me dire que j’en ferai autant, un jour, lorsque le moment viendra.
Las, le temps des « indiens » est terminé.
Ni l’environnement sociétal ni l’environnement tout court ne se prête plus à ce genre de « disparition ».

Aujourd’hui, de mon point de vue, la personne vieillissante, vit une espèce d’adolescence à l’envers, un temps entre l’âge adulte (époque de productivité et de cotisations sociales) et l’ultime vieillesse croupissante qui parfois s’étiole infiniment dans les établissements spécialisés parce qu’il est interdit d’achever les humains, quand bien même ils ne sont devenus que charges et soucis incapables de communiquer.

Donc, me voilà vaillamment et joyeusement entrée dans cette drôle d’adolescence !
2024 marque mon retour en adolescence.
Une preuve s’il en était besoin : je monte à nouveau à cheval quasiment chaque jour.

Car le mot « adolescence » est une affaire de bavardage, de signifiant donc comme l’écrit le psychanalyste B.Nominé :

Et, je remarque que la première partie de l’article telle qu’elle apparait sur l’image ci-dessus pourrait tout à fait être plausible en remplaçant « jeune » par « vieux » ainsi il serait possible d’écrire :
« Je propose donc de situer l’adolescence entre la réalité biologique de la « ménopause/andropause » qui est un évènement du corps qui s’étiole, et le bavardage. »
Et plus loin :
« Ce qui va donner un statut à la vieillesse, et c’est la qu’on va trouver l’adolescence, c’est le fait de séparer les vieux des adultes au moyen de la retraite. »

Ca me fait rire.
Ce genre d’humour me comble sans jamais me désoler.

Le petit pur-sang



Et hop, depuis hier nous entrons dans un nouveau cycle, le solstice d’hiver est passé, désormais les journées vont aller en s’allongeant et je suis super contente d’avoir, une fois de plus survécu à ce passage de l’année où la nuit est trop longue.
Ca fait un bout de temps que je connais mon besoin viscéral de lumière et il est fort probable que mon goût prononcé pour les activités d’extérieur en soit la conséquence.

En parlant de cycle, je me permets de faire le lien avec le billet précédent, car le présent ne saurait être saisi sans avoir pris connaissance de celui qui vient avant, avec tous les liens qu’il contient et certainement davantage.

A peine quelques semaines après avoir mis en ligne un billet dans la section Cheval, ma « routine » avait déjà changé. Je laissais B. et I. sans aucun regret. Après environ neuf mois passés, auprès d’eux et de leur propriétaire, il était grand temps de m’enfuir, j’avais besoin de liberté renouvelée.

S. le petit pur-sang était là.
Il est encore là.
Pour combien de temps ?

Les rêves sont faits pour être vécus et j’en ai vécu des centaines !
Pourtant,
J’ai jamais été bien douée pour dire à quoi je rêvais.
Par contre, j’ai toujours eu et des besoins et des désirs.
Posséder un cheval fut un désir fort.
J’ai assouvi ce désir des années durant.

Alors que le crépuscule de ma vie est bel et bien arrivé (en ce sens lexical de ce qui décline, décroit, doit progressivement disparaître), posséder un cheval correspond à un passé sans plus d’avenir. En conséquence, je « partage » désormais les chevaux et donc le petit pur-sang S.
Je « partage » en étant du côté consommatrice, l’autre côté appartient au propriétaire.
Comme en toutes choses, il y a des avantages et des inconvénients.

Il a fallu que je trouve l’équilibre entre mes paradoxes.
Et pour arriver à un semblant d’équilibre, il faut toujours accepter de tomber.

Et c’est là que la vie fut, une fois de plus très espiègle!

Jamais dans ma vie de cavalière je n’ai été confrontée à des chutes graves, coup de bol sans doute.
En fait, la chute ne fut pas un « truc » fréquent pour moi et pourtant, j’ai passé beaucoup, beaucoup d’heures à cheval.
Alors, en cette année écoulée, me retrouver par trois fois séparée d’une monture est un évènement que j’ai bien noté et même surligné.
Si je peux analyser ces « séparations de corps » et en remettre la faute entière sur mon propre dos (qui se porte tout à fait bien, merci l’air-bag pour les deux dernières), je dois remarquer que la dernière a tutoyé le ridicule au point qu’une adorable cavalière spectatrice, en me tendant les rênes d’un S. tout sage dit innocemment « Tu fais le clown, hein? C’est ça ? »

Je pense sincèrement qu’il fallait que j’en arrive là.

Non seulement il me fallait accepter de tomber (y compris symboliquement) mais surtout, il fallait absolument que je laisse tout tomber.
(Cette année 2023 n’est-elle pas aussi l’année où je suis rentrée dans le groupe des personnes profitant de l’argent « cotisé » par les « actifs » ? Arffff… ce qui signifie que je suis devenue non-active! Pffffff)
– les projets que j’ai plus mais que mon imagination s’acharne à dessiner en filigrane
– l’audace de revendiquer un certain savoir partageable
– toute forme de prétention en tout et rien
– etc

Oui, j’en souris encore.
J’ai fait le clown
Probablement dès le premier jour où j’ai débarqué aux écuries, encore boiteuse, appuyée sur une béquille.
Ai-je jamais été vraiment sérieuse?
J’ai passé l’âge, non?
Seuls les enfants et les plus jeunes ont la certitude de leurs convictions.
Plus tard, chacun joue le jeu, et y croire en fait sûrement partie.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.

Ces derniers jours, lorsque S. voit arriver ma silhouette du fond de son pré, il lève la tête et pousse un petit hennissement. C’est nouveau.
Peut-être est-ce sa mode du moment avec toute personne arrivant en sa direction?
Je l’ignore.
Au son de ce hennissement, je sais qu’il ne manifeste ni crainte ni agressivité, mais en déduire quoique ce soit d’autre relèverait de mon interprétation émotionnelle humaine.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.
Oui, je répète!

Et certainement qu’en laissant tomber un bon paquet de « trucs » au fil du temps, j’ai laissé tomber aussi pas mal d’attachements vains.

La suite reste à vivre.
Passionnément
Avec gourmandise,
Et des journées qui s’allongent à nouveau!


PS : j’avais écrit « petit » appaloosa comme j’écris aujourd’hui « petit » pur-sang.
Jamais je n’ai mis ce qualificatif accolé avec I ou B, eux que je qualifiais de « couple princier »!
C’est que « petit cheval », à l’image de « petit vieux » est détaché de la taille mesurée.
Petit signifie : origines modestes, vie normale sans coup d’éclats, aptitudes ordinaires.
Qui est « petit » doit coûter à minima et si par hasard un « petit cheval » finit par rapporter un peu plus qu’il ne coûte, il deviendra peut-être un « bon petit cheval »!
Tout est contenu dans le regard que l’humain qui le côtoie lui porte.