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Little Bird vit sa vie (2)

Au ras des pâquerettes (que ma petite voisine nomme « pâte à crèpes ») mais pas encore dans le groupe de ceux qui sucrent les fraises, Little Bird s’est un peu agacé ce matin en écoutant un de ces « scientifiques » invité par l’actualité. Une de ces personnes dont la manchette est remplie de titres « glorieux » et que le temps a préservée afin qu’elle sache parler pour ne rien dire.

Parler pour ne rien dire.

Pendant que je buvais calmement mon café, je voyais l’oiseau piaffer et me lancer des clins d’oeil comme s’il souhaitait m’inviter de son côté.

« Ce que l’on sait – ce que l’on ignore », c’était le thème proposé sur cette radio nationale.
J’avais levé l’oreille, avide d’en apprendre davantage : c’est toujours un plaisir d’avoir de nouveaux fils à tirer par ces temps de non-conversation en live.

Malgré la pantomime de mon petit compagnon, je restais impassible.

J’écoutais avec amusement l’animateur essayer de relancer son invité, le pousser en vain à parler sans langue de bois. Je le sentais irrité lui aussi, mais il devait faire son job sans sourciller et il le fit comme il a l’habitude de le faire. N’est-il pas parfaitement préparé à l’exercice ? Y compris en présence de personnages politiques très doués pour occuper la place, pour vendre un livre ou de la propagande ?
Là, il y avait un livre à vendre.
En tout cas, vu le nombre de fois où il en fut fait allusion, j’imagine que la maison d’édition avait poussé son poulain devant le micro de manière très opportuniste, afin de faire remonter les ventes, par exemple.

Hé, hé… Little Bird qui lit par dessus mon épaule est écroulé de rire, il sifflote dans mon oreille qu’une certaine compagnie cavalière vient de fermer ses entrepôts français. Et il a encore raison, le volatile : pas de libraires, pas d’amazone, comment diantre les gens pourraient-ils acheter le bouquin?

Magie de la programmation.
Parfois elle « tombe » mal!

16 avril 2020. Privée de la liberté d’aller et venir depuis 30 jours. Une espèce de liberté conditionnelle annoncée pour le 11 mai.

Tous les chemins mènent à Rome (8)

Lundi 16 septembre 2013 : Lerici (Club de Voile) – Viarregio (gazon municipal)  

Le lundi 16 septembre, l’épopée avait débuté depuis deux semaines.
J’en étais approximativement à mi-parcours. J’avais théoriquement le temps d’arriver à Rome dans le mois que je m’étais offert, mais il ne fallait pas trainer et la météo ne jouait plus vraiment le jeu.

Néanmoins, ce lundi à l’aube, j’entendais un silence relatif. Le vent était tombé, il était temps de reprendre la mer.

Je suis sortie par la porte de secours avec mes sacs et pagaies, j’ai consciencieusement refermé derrière moi le portail en inox de la terrasse, j’ai vérifié le verrouillage, noté la mise en service de l’alarme, j’ai récupéré ma planche (elle avait dormi au milieu des dériveurs) et hop, j’étais à nouveau sur l’eau.
Il est impossible de décrire le sentiment de liberté que j’ai ressenti en prenant à nouveau le large !
Le ciel était relativement clair, le vent juste caressant.

Dès la sortie du port, une belle houle ronde m’accueillait, elle était parfaitement orientée. La mer était verte, comme en souvenir des accès de colère de la veille.
J’ai parcouru les premiers kilomètres « à toute vitesse » et sans le moindre effort.

Au niveau de Carrare, j’ai noté que même les falaises étaient en marbre.

J’ai noté aussi que la côte rocheuse s’arrêtait et que l’embouchure de la rivière marquait une « frontière ». De l’autre côté, la côte était basse, visiblement sablonneuse.
Je me suis réjouie.
«  C’est la fin du ressac le long des falaises » ai-je pensé. J’avais si souvent été ballotée par le ressac ! J’avais si souvent eu l’impression de naviguer pendant qu’un grand géant invisible s’amusait à « touiller » la mer de manière absolument anarchique. La pensée d’en avoir terminé était euphorisante.
D’ailleurs, je filais bon train.
La grosse houle ronde m’offrait une succession de toboggans.
Je n’en finissais pas de glisser et c’était délicieux.

Le vent s’affirmait cependant, de plus en plus de travers et la houle suivait  
En restant suffisamment au large, j’étais à l’abri du déferlement des vagues.
Au bord, il y avait des surfeurs. En petit groupes, comme autant de points de suspension, ils ponctuaient le paysage monotone.

Il devenait évident que s’il était possible d’envisager un atterrissage en catastrophe, il était vain d’envisager un décollage à suivre. Je n’avais pas d’autre choix que d’avancer.

La lecture des zones de déferlement m’indiquait précisément les hauts-fonds et c’est en zig-zag que je longeais la plage.
De loin.

Quand j’ai aperçu un phare, posé sur l’horizon brumeux, j’ai concentré toute mon attention vers lui.
De vert, la mer était passée à vert de gris, remuant inlassablement le fond sablonneux, le long de l’interminable plage, infiniment plate et grise.

Il restait plusieurs kilomètres à tirer. J’avais plusieurs fois sorti le tube de lait concentré, m’abreuvant de nutriments à dose presque homéopathique dans l’attente de pouvoir me restaurer plus efficacement. Il n’y avait pas d’autre solution que d’aller droit devant, vers le phare.
Quand j’ai vu un très joli yacht sortir du port, quand je l’ai vu mettre les gaz et filer à toute vitesse vers le nord, je me suis dit que c’était quand même une drôle d’idée d’aller se promener par ce temps !

Enfin l’entrée du port était là. Sur la digue, il y avait du monde. Sur ma gauche, les vagues déferlaient.
Sur ma droite, la digue faisait lever une belle vague, déferlant elle aussi, dans un jaillissement d’écume.
Au milieu, il y avait un passage, il me restait plus qu’à bien viser, avec le bon tempo et hop, hop, j’étais certaine de réussir une arrivée digne sous l’oeil forcément admiratif de la foule en délire (oui, oui, moi aussi j’ai parfois parfois un égo sur-dimentionné!)  
Las…
Une coup de trompe interrompit mon rêve.
Je me retournais et horreur, le yacht que j’avais vu sortir était à mon cul, à toute vitesse!   
Il visait lui aussi l’entrée du port !

Vite, vite, vite, je m’écartais vers le large, faisant fi de mon cap idéal.

Wahooooo, les passages successifs du yacht (qui avait à peine ralenti) et de sa vague me mirent à genoux.
Estomaquée, je le regardais virer en dérapage, freiner, puis glisser sur son élan.
Ce n’est que plus tard, en découvrant l’ensemble du chantier naval qui occupe le port, que j’ai compris : il s’agissait vraissemblablement d’un simple essai « in live »!  

Vite, vite, il fallait que je me ressaisisse pour entrer dignement. Il était encore temps de viser le centre entre deux séries de vagues.
Quelques coups de pagaie plus loin, j’étais à l’abri, encore quelques coups de pagaie et j’étais au ponton.
Il était grand temps de me sustenter avec quelque chose de solide !
Le vent montait encore d’un cran.
A la sortie du port, il y avait maintenant une barre. L’entrée était fermée, la sortie… aussi !

Nous étions en début d’après-midi, je n’étais pas du tout fatiguée.
Pourtant ma route semblait devoir s’arrêtait à Viarregio ce jour là.  

Alors, pour passer le temps, je me suis aventurée et j’ai suivi le canal de Burlamacca pour pénétrer la ville. Au retour, j’ai amarré ma planche à couple d’un bateau (visiblement à l’abandon) pour mettre pied à terre. J’ai regardé la plage, j’ai regardé vers le large…

ET… j’ai cherché un coin pour dormir.

C’est finalement sur le gazon municipal, sous le nez de la capitainerie, de la douane et de la police, que dès la tombée du jour, je me suis plantée au milieu des arbustes décoratifs.

Mardi 17 septembre 2013 :  Viarregio « journée dépression »

Avant même de donner le premier coup de pagaie, j’avais imaginé avoir besoin de contourner certains endroits. J’avais imaginé avoir besoin de quelqu’un pour passer le golfe de Saint-Tropez, j’avais imaginé avoir besoin d’une solution terrestre pour passer le port de Gênes. Je n’avais jamais imaginé me sentir prise au piège dans un coin où les surfeurs affluaient de toute part.  
Depuis dimanche matin (où je fus bloquée à Lerici), je rêvais de trouver une possibilité pour aller directement à Livourne. Impossible d’expliquer pourquoi, mais il est un fait que j’avais comme une sourde impression : cette météo pourrie était liée à la géographie du coin.  

C’est sur ces pensées que je m’étais endormie. C’est avec ces pensées que je me réveillai, à l’heure où s’éteignirent les lampadaires.

Après m’être vivement secouée pour « libérer » le gazon municipal, après avoir rangé la planche sous un buisson et les sacs sous la planche, après avoir attaché les pagaies avec l’ensemble, je suis partie voir la plage.

Puis, comme tout un chacun, je suis passée à la boulangerie et au café afin d’attaquer ma journée dans les meilleures conditions.

Michel avait écrit :
« La météo ne s’arrange pas, une dépression est sur le golfe de Gênes.
Demain matin vent nord force 5 et localement 6 avec houle de 2,4 m, l’après-midi NW force 4 et houle WSW 1,9m « 


A la capitainerie, le bulletin météorologique confirmait le SMS de Michel. Et en interrogeant à droite comme à gauche, il me fut dit que rien ne changerait avant deux ou trois jours
Quelques semaine plus tard, relatant cette journée, bien installée devant mon bureau, voilà ce qui sortait en face de Viarregio:
« Les vents principaux viennent du sud-est, les vents de sud-ouest et d’ouest qui soufflent durant deux ou trois jours de suite causent de violentes tempêtes maritimes. »
Je l’ignorais alors, mais ce qui était certain, c’est que j’aurais donné cher pour sortir de ce coin.  

J’ai erré toute la journée.
J’ai longé les alignements de plages privées où les employés nettoyaient les atteintes de la tempête.
J’ai parcourue l’interminable avenue marchande où déambulaient de rares touristes.
J’ai trainé du côté du port où se construisent les yachts les plus prestigieux.
J’ai découvert des rues pleines d’ateliers au service des chantiers, des rues ouvrières et travailleuses où les bars sont les espaces « à vivre ».

Puis…

Je me suis installée sur « mon » banc.
J’ai observé le va et vient des surfeurs. Invariablement, ils descendent à la hâte de leur voiture, invariablement, ils en partent au pas de course, short-board ou malibu sous le bras et invariablement, ils reviennent très lentement, semblant plongés dans d’insondables pensées, tête presque basse. Ils se changent infiniment lentement, avec maintes précautions. Puis ils montent en voiture, branchent la « musique » à fond et démarrent en trombe !  

J’étais sur « mon » banc. (c’est fou comme on s’approprie vite le moindre espace! )
La journée touchait à sa fin et je m’étais moulée dans l’idée de rester ici. Pise n’était pas si loin, afin d’éviter de moisir, je pouvais envisager de faire un peu de tourisme en train : après une journée de dépression profonde, j’avais repris du poil de la bête et de l’entrain en quantité suffisante pour aborder paisiblement une ou deux journées « immobiles ».

Et il est arrivé  
Quelque chose était différent chez lui, une zenitude particulière peut-être.
Il commença par s’étirer consciencieusement, tranquillement, gardant un oeil attentif vers tout ce qui se passait autour.
Il jeta plusieurs fois un regard en direction de la planche qui dépassait du buisson.
Comme il roulait une petite clope, je décidais de tenter une petite conversation.
Comme je lui expliquais mon trip et ma situation « météorologique », il répondit sobrement :
« Je téléphone à un ami de Livorno » L’ami ne répondait pas, il devait encore être en train de surfer.
« Bon, je vais manger maintenant, je travaille ce soir. Je vais le rappeler, je te dis quand je reviens à la voiture »

C’était une conversation parfaitement surréaliste.    

Il revint avant que je n’aie commencé à installer mon campement. (Il y avait foule sur la terrasse du Club Nautique et je ne souhaitais pas jouer la provoc en plantant ma tente presque sous le nez de tous ces gens « biens »  ).

Directement et droit dans les yeux, il s’adressa à moi :
« J’ai eu mon copain, je vais demain matin à Livorno, je t’emmène. 7H30 ici, tu seras là ? 
– Oui, je dors là. Je serai là.
– Tu dors ici ?
– Oui.
– Sérieusement?
– Oui, où veux-tu que je dorme?
– Alors à demain »


Et hop, il était parti.

Incroyable !

Je me suis endormie en me promettant d’être prête à l’heure dite. Et si ce n’était qu’une blague, s’il ne venait pas, j’avais décidé d’aller à Pise voir la tour qui penche !
J’étais enfin parfaitement sereine.

Mercredi 18 septembre 2013 : Livorno – Forte di Biobona

7h15 : J’étais prête, assise sur « mon » banc j’attendais, confiante et sans « y » croire à la fois.

7h17 : la voiture arrive.

« Hey, tu es prête ?
Oui, tu vois tout est plié… Et puis j’ai dormi là !
Oui, je sais, je suis passé voir après le boulot, dans la nuit… J’ai bien vu »

Ainsi, il avait douté !  

A la place du malibu sur le toit, il avait un shortboard à l’intérieur de sa voiture. Nous avons chargé mon maxi-long-board, les pagaies et les sacs.
Embarquement immédiat.
Passage au café pour un petit noir sur le zinc et c’était parti.

Certaines rencontres sont étonnantes quand on fait la liste des coïncidences, celle-ci l’était vraiment.  
Il m’a posée dans le premier coin abrité et il a filé vers son spot sans attendre.
J’avais parcouru par la route l’étape que je n’avais pas pu faire par la mer la veille, une quarantaine de kilomètres, ma moyenne quotidienne, rien de plus.

Une fois encore, j’ai eu un immense sentiment de joie et de liberté en montant sur ma planche !

Le ciel était parfaitement limpide devant moi. Sur la côte, il y avait de jolis spots de surf autour des rochers, avec de belles vagues bien propres, bien bleues. C’était vraiment autre chose que le chantier de Viarregio, clairement Fabio avait fait le bon choix en venant surfer dans le coin.

De temps en temps je regardais derrière, j’étais comme « en fuite », je surveillais la dépression pour vérifier qu’elle restait bien sagement bloquée au nord. Et je pagayais « comme une voleuse » pour être certaine de lui échapper!

Au loin, un très long débarcadère avançait vers le large, signalant Vada et son port industriel.

Juste après l’avoir passé, j’ai eu l’impression de me trouver sur une immense piscine absolument plate et couleur turquoise, le contraste avec le « terrain » qui avait précédé était étonnant et je ne parle même pas de ce que j’avais laissé à Viarregio!

Je continuais à regarder derrière régulièrement, j’avais l’impression de me faire rattraper par les nuages.
Je me forçais alors à regarder l’horizon tout bleu à l’avant. Fabio m’avait dit que j’allais arriver dans une zone très différente où la pointe de la Corse faisait déjà office de barrage, limitant l’effet de la dépression.
Je voulais y croire.
La côte était redevenue rectiligne et sablonneuse, mais aucune vague ne levait de loin, il y avait une profondeur suffisante pour que je navigue tranquille.

Après une pause à Cecina, j’avais parcouru « ma » quarantaine de kilomètres et c’est parce que le vent de travers commençait à me fatiguer que je me suis arrêtée sur la plage de Forte di Biobona

Les nuages commençaient à me rattraper.
Certes, ce n’était pas le couvercle noir que j’avais laissé en rade, mais je sentais que le vent allait forcir et qu’il serait vain de jouer contre lui.

J’ai choisi un coin bien à l’abri du souffle d’Eole et je me suis amusée en jouant la touriste allongée sur le sable

Sans attendre la tombée du jour, j’ai installé ma maison, heureuse d’avoir absolument tout ce dont j’avais besoin.

Tout était si tranquille ce soir là que je me suis offert quelques postures de yoga au soleil couchant, ne me décidant à « rentrer » qu’après l’extinction des dernières braises  

Le SMS de Michel faisait un point météo mi figue mi raisin.
Demain serait un nouveau jour.

Tous les chemins mènent à Rome (12)

Mercredi 25 septembre 2013 : Marina di San Nicola – Fregene – Rome

Dernier bivouac
Dernier matin, regard tourné vers l’horizon, en direction du but, désormais bien visible.
Dernière mise à l’eau avec tout ce « bazar », le minimum à la fois indispensable et largement suffisant pour affronter toutes les situations qui s’offraient.
A chaque départ je regardais derrière « de peur » d’oublier quelque chose, à chaque départ, juste après ce coup d’oeil en arrière, j’étais heureuse en me disant que TOUT tenait à si peu de chose, prenant à la fois tant d’importance et si peu de place.

Je longeais la plage et la ville était en filigrane, en fond sonore et visuel. Tout au long du trajet, des hommes s’affairaient à enlever les corps-morts qui maintenaient en place les bouées de l’été.
J’avais l’impression « qu’on » pliait derrière moi, j’arrivais vers mon but et le spectacle était terminé

Fregene est une petite ville de banlieue, une petite station balnéaire sans immeubles en front de mer. Il fallait trouver la plage « Miraggio » sur laquelle j’avais prévu d’arriver, j’ai donc longé très lentement la succession des plages privées encore endormies, cependant visiblement plus luxueuses les unes que les autres.
Pourquoi « Miraggio » et pas une autre?
Certainement parce que s’y tient un club de SUP.
Quand j’avais croisé celui qui l’anime, lors d’une compétition à la fin juin, je lui avais fait part de mon projet italien/romain. Il l’avait accueilli avec un enthousiasme tout méditerranéen.
Au fil des semaines et des messages sans réponse, mon inquiétude était tombée, l’accueil serait tel que je le souhaitais « sans tambour ni trompette ».  

Cette plage restait cependant « la » plage que je devais viser parce qu’il fallait bien décider d’un point d’atterrissage.  

Il ne fait aucun doute que j’avais fait le bon choix. Bien qu’arrivant « comme tombée de la lune », j’ai trouvé sur cette plage un « salvataggio » incroyablement cordial et compréhensif, maîtrisant parfaitement la langue de Molière.
Le « hasard » fait décidément parfaitement son boulot!  

Les « champions » locaux étant en partance pour la BOP c’est un « associé » qui se retrouva, au saut du lit et après un appel téléphonique surprise, avec mon encombrante arrivée à gérer.
Il choisit finalement de ne pas déléguer l’affaire, bien qu’il eut visiblement de nombreux autres chats à fouetter!  
Il me restait à l’attendre.
Avant de le voir arriver, j’ai eu tout à loisir le temps de ranger mon matos, de prendre une douche froide, de m’habiller en citadine et de manger le pain qui me restait et même d’aller remercier le gars de la plage m’avait vu débarquer. Il m’avait bien aidée en téléphonant à « l’associé » pour lui expliquer ce dont j’avais besoin : rentrer à la maison!

Peu après, « l’associé » me posait en haut d’un passage souterrain qu’il fallait franchir pour atteindre la billetterie de la gare de banlieue et retournait à ses affaires.
La planche était restée au club.
Je n’avais plus que mes deux sacs et mes deux pagaies pour terminer le voyage, j’étais à nouveau en autonomie et sans assistance.  
Il me restait une pomme, des amandes, une canette et tout le temps qu’il fallait : à la mi-journée, les trains ne passaient que chaque 45 mn et j’en avais raté un!

Une fois dans le train, en moins de 5mn c’était l’entrée et la traversée de Rome. En passant au dessus du Tibre, j’ai pensé que j’avais été bien inspirée de ne pas tenter d’y naviguer, la couleur de l’eau n’était pas vraiment attirante.  
La gare centrale Roma Termini est gigantesque.
Dans la rue, j’ai posé une photo en souvenir.

Puis, j’ai traîné mes sacs bien lourds vers le guichet où l’employé tenait absolument à me vendre le billet le moins cher, j’ai déposé les bagages à la consigne et j’ai traîné mes guêtres (enfin mes tongs) en ville.  
Guère motivée par le tourisme monumental, j’ai cédé devant les gourmandises sucrées.
La journée s’achevait.
Après un passage dans un cybercafé, je suis retournée à la gare.
Il n’était plus question d’attendre que le vent se calme, il fallait attendre l’arrivée du train de nuit… C’était déjà presque une autre histoire.


La chasse


Rien de mieux pour loisirer que de partir à la chasse.
Loisirer?
Oui, l’opposé de « trepallium », du « travail » tellement à la mode, voire même de l’ouvrage à la sueur du front!
Loisirer, c’est seulement pour le plaisir et c’est totalement inutile.
Loisirer c’est quand le garde-manger est bien plein, quand la maison est bien rangée, quand les papiers sont en ordre.
Alors… Partir à la chasse est très délassant!

Il y a la chasse aux champignons, la chasse aux papillons, la chasse aux belles images, la chasse à rien et en ce moment la chasse aux orchidées sauvages.

Le truc le plus important pour un chasseur sachant chasser, c’est de rapporter une « proie ».
La « proie » est destinée à être partagée afin que chacun puisse « profiter » des talents du chasseur sachant chacher, du chasseur sassant chasser, bref… Du marcheur qui sait ramer!
De « moi-je » en somme!

Et le bonheur actuel est tout entier dans la haute technologie, dans les réseaux sociaux et dans cette possibilité de partage virtuel dont je fais grand usage, en exploratrice chercheuse sageuse que je suis.

J’y retourne aujourd’hui.
Désolée la saison est courte.

Oui, chasser est délassant pour la tête.
Il suffit de marcher en dehors des chemins,
Il suffit de déployer ses antennes
Et de regarder avant de poser les pieds.

Avec quelques indications et un peu de chance,
Au milieu de l’exubérante flore printanière
Se dresse une timide belle
Qui s’en distingue par son absence de souplesse
Par sa prétention à la différence
Par sa présence étonnante
Fascinante
Merveilleuse
Silencieuse.
Alors le temps s’arrête.
La « proie » est là,
Le face à face est impitoyable
il faut choisir la capture ou l’ignorance
Prendre une photo ou aller plus loin.

Parfois comme hier, la chasse est organisée pour profiter du paysage
Dans un endroit que j’aime intensément
Et qui m’embarque dans une énergie ravissante
Forçant mon regard à naviguer entre très loin et très près,
Au dedans même souvent.

Et pour partager aussi un peu du croustillant dont je ne saurais me lasser
Immanquablement
C’est l’aventure.
Quand fatiguée d’essuyer le vent et la pluie, je demande un raccourci
Après trois heures de marche
Quand le brave gars m’indique une direction
Et qu’un sentier se dessine,
Je fonce, confiante.
Et en confiance, j’avance, car le sentier s’ouvre à travers les broussailles.
Pas de soucis pour ma tenue plutôt citadine
Mes sandales de marche assurent le pas et l’absence de sac à dos
Facilite l’avancée.
Et me voilà contournant un plan d’eau
Et me voilà escaladant
Et me voilà traversant la voie ferrée
A un endroit où seuls passent les fugitifs et les animaux
Et me voilà bloquée par un grillage, cherchant la faille
La trouvant et me glissant sous le grillage en rampant
Comme d’autres humains l’ont fait et le feront.
Et La Loire est au bout
Et flotte un sourire
Typiquement joellien!

Les fleurs coupées


Hier, j’ai reçu un bouquet de fleurs coupées, un bouquet de fleuriste.
Les fleuristes sont à chaque coin de rue, mettant un arc en ciel de couleurs forcées dans la grisaille citadine.
Les fleurs « artificielles » sont bien réelles, élevées en nombre parfois à des milliers de kilomètres, envoyées par brassées dans des marchés de gros, entassées dans des seaux afin de contenir leur soif. Leur sort est réglé d’avance, de même que leur stérilité, elle seront finalement  jetées sans considération.

« Wahoooo, c’était pas la peine » ai-je dit comme « ça se fait » en recevant la gerbe craquante de papier cristal.
Et je me suis empressée de rajouter comme pour me convaincre qu’il n’y avait pas d’autre issue:
« J’aime les fleurs, merci » presque rougissante de tant d’hypocrisie polie.

Oui, il m’arrive de confectionner des bouquets quand le jardin regorge de fleurs.
C’est un luxe offert par le jardin, aucune plante n’est sacrifiée. C’est presque un cérémonial que d’aller choisir les fleurs qui passeront au salon plutôt que de rester cachées à mon regard en attendant d’être passées.

Je vais pas en écrire des tonnes, ni raconter l’époque révolue où il était aimable d’apporter une brassée de fleurs du jardin et un cake maison en se rendant à une invitation.
Ces attentions d’un charme désuet étaient propres à la classe manoeuvrière à laquelle j’appartenais, une classe sociale qui se dirigeait déjà vers la moyenne en rêvant de grandeur et de luxe et de bouquets magnifiques comme « dans les châteaux »!
L’iconographie était réduite à l’époque.
Il y avait pour rêver des bouquets « de château » et des bouquets japonais bien trop exotiques pour paraître « beaux » au yeux des braves gens.
Non, je vais m’abstenir d’en écrire des tonnes…

Ce billet vient par là, parce que j’ai reçu un bouquet de fleuriste hier.
Ce billet vient par là parce que l’image  (et la sensation) de « fleurs coupée d’origine indéterminée » est revenue plusieurs fois dans la semaine passée et encore hier soir dans un commentaire ici-même.
Parce que la quête de sens, indispensable pour « aller plus loin », entraine facilement notre société de consommation à s’abreuver à l’eau du vase plutôt qu’à la source.
C’est plus simple, plus rapide et tellement moins complexe que de se relier à l’expérience, aux racines bien ancrées, aux cycles immémoriaux de la nature.
De fait, dans notre hâte, il est fréquent de tomber en admiration devant une fleur « artificielle » coupée de son histoire, d’en prendre soin aussi longtemps qu’elle ne flétrit point, puis de la jeter lorsqu’une autre nous tend les bras.
Il en va de nos certitudes parfois et des affirmations qui en découlent.
C’est une réalité tellement contemporaine.
Nous sommes inondés d’informations, de propositions, de philosophies prêtes à porter et de tant de tentations, nous sommes environnés par tant de modes éclectiques que nous nous trouvons tou(te)s et chacun(e)s bien souvent déconnecté(e)s de nos racines, du « bon » sens et de la réalité impermanente qui forgent notre présent.

Et… poussent les fleurs

C’est normal,
Il suffit de les écouter!

Ca fait combien d’années que je griffonne sur des papiers?
A l’encre bleue, à l’encre noire
Ca fait combien d’années que je tapote sur un clavier ?
Un clavier qwerty,  un clavier azerty ou un peu paumé
Quelle importance?

Le truc, c’est que je raconte toujours la même chose
D’une manière ou d’une autre
Mais jamais pareil
Parce que le temps est singulier
Toujours différent
Parce que les personnes sont uniques
Jamais les mêmes.
Et puis, je ne sais faire que suivre,
Suivre mes idées, l’air du temps et parfois les gens,
Suivre… vers plus loin!

Ces dernier temps
C’est le printemps

L’an passé en avril,
J’écrivais ça… et plein d’autres réflexions
Puis, j’ai fait le ménage,
Puis j’ai fait imprimer une nouvelle carte avec seulement mon prénom,
Devenant « sans étiquette » et sans nom
Et je me suis sentie super sereine.

C’est que depuis longtemps
Trop longtemps
Si longtemps
J’étais vraiment à l’étroit entre le nom de mon père
Et le nom de mon époux,
Entre une casquette et une autre et d’autres encore
Mais aucune à ma ressemblance
Toutes n’étaient qu’apparences.

Il y avait un bout de temps que j’étais incapable de répondre
A la question « Et? Tu fais quoi? »
(Proposition de traduction : « En fait c’est quoi ton boulot? Ton métier, ta profession, quoi?)
Une question qui est posée en routine
Au point que la réponse n’a pas d’importance
Sûrement pas plus d’importance que le bulletin des prévisions météorologiques
Parce que finalement ce qui compte c’est ce qu’on gagne dans l’histoire.

Comment expliquer en un seul mot ou en cochant une case ce qui me permet de gagner ma vie?
Je sais pas faire.

Après « stare » et « Adèle est née« ,  tout en écoutant pousser les fleurs, en passant de long moments au téléphone ou devant le clavier, en buvant du thé et du café en bonne compagnie, en voyant pleins de projets  non-attendus se dessiner, après deux jours passés à prendre soin du jardin,
J’ai enfin trouvé la réponse.
La réponse qui est celle qui me ressemble et ne rentre dans aucune case.
La « bonne » réponse,
Celle dont tout le monde se moque parce que ce qui est vraiment important c’est d’en savoir plus au sujet des prévisions météorologiques.

Non communiquer

Pour une fois, je ne trouve aucune image à placer.
Il serait possible de laisser un blanc.
Il m’arrive fréquemment de poser des blancs dans les conversations, c’est ma manière de les colorer!
Mais l’illustration serait imparfaite car j’ai envie d’aborder le brouillard, c’est à dire l’art de brouiller les cartes sans rien changer au paysage.

C’est brumeux ce que tu radotes, allez vous me rétorquer avec raison.

J’explique.
Ce matin, ma tasse de café à la main comme d’habitude, j’ai ouvert mon écran sur le monde du jour. A la veille des agapes de fin d’année, certaines vidéo prolifèrent et voilà que j’ai monté le son sur une pub pour la CNV.
Pour attirer le chaland il  était, au départ, question d’une recette sensée assurer une forme de survie aux réunions de famille.
Vous me connaissez, quand je regarde un truc, je regarde jusqu’à la fin, histoire de dévisager la chute en face et de comprendre le déroulement qui précède. Et dans cette vidéo, il s’agissait de faire de la pub!

Pas de soucis.
Je respecte.

En visionnant cette promotion sous le logo CNV dont l’acronyme suggère dans ma tête bien plus de violence que sa traduction voudrait le faire croire, je songeais qu’il s’agit en fait de formater les gens à  la CNH (Communication Non Humaine) .
Je me suis mise à rêver.
Je m’imaginais en train de faire une analyse située ( google est votre ami) de l’usage de la CNV dans une assemblée sans expérience.
N’ayant plus l’âge ni de publier ni de gloser plus loin que sur cet espace retiré, j’ai rapidement souri en réalisant qu’il n’y a pas besoin de méthodologie bien précise pour démontrer à quel point les beaux discours ne fonctionnent qu’en démonstration.
Vous savez, c’est un peu comme ces « trucs » prétendument magiques qu’on vous vend sur les marchés et qui perdent tout leur pouvoir une fois dans votre cuisine (oui, ce sont souvent des « outils » de cuisine…).
Les bons vendeurs savent faire miroiter ce qu’ils doivent vendre, c’est à dire tout et n’importe quoi. L’essentiel pour eux consiste à émoustiller le désir, à suggérer le besoin dans l’unique but de vendre. L’usage qui suivra ne les concerne pas.

Pas de soucis.
Je respecte.

Et je pensais aux braves gens qui allaient tenter d’essayer les recettes proposées par la vidéo.
Je leur souhaite une belle grosse carapace faite d’humour sans le moindre égo, ainsi, ils ont une chance de bien rire!
En silence et sous cape, bien entendu!