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D comme Dard ou D comme Douleur

J’ai croisé ce matin un petit billet qui m’a rappelé un souvenir extra-ordinaire.
Il y a bien longtemps, j’avais fait partie d’une équipe médicale qui avait accepté, non sans difficultés, l’idée de laisser naître un enfant qui n’avait que quelques heures de vie devant lui.
Sa mère étant une de nos collègues, personne jusqu’au plus haut grade de l’administration n’avait eu le courage de s’opposer avec force à son projet.
Il est clair que l’aréopage à la tête du service avait, depuis des mois, validé une opération relevant de ce que personne n’ose vraiment nommer « le tri sélectif ».
Il est vrai qu’au point où nous en sommes dans notre société, ce tri, relève d’une nouvelle écologie.
Là n’est ni l’heure ni l’endroit pour en débattre.

Cette femme et son compagnon ont donc achevé leur grossesse, donné naissance « dans la douleur » et accompagné leur enfant pendant ses quelques heures de vie avant de pleurer toutes les larmes des peines multipliées.
Et nous, nous étions là.
Difficile de savoir exactement « pourquoi » et affirmer que nous étions là « parce qu’elle l’avait demandé » est une manière de détourner la question.

J’ai croisé ce matin un petit billet écrit de la main d’une femme qui elle aussi a choisi d’enfanter sans dopage « anti-douleur », et d’accompagner son enfant jusqu’à le laisser partir.

Au jour d’aujourd’hui, beaucoup diraient que c’est « la double peine ».
Au jour d’aujourd’hui, les soignants harcelés au quotidien afin d’évaluer les douleurs et de les éradiquer autant que possible, ces soignants qui font de leur mieux comprennent difficilement que des personnes « recherchent » la douleur dans une situation où « elle ne sert à rien ».

Car aujourd’hui, ce qui est important c’est de « savoir à quoi ça sert ».

Qu’un sportif, soit-il médicalement amélioré pour repousser le seuil de la douleur, expose sur les réseaux sociaux sa face grimaçante sous les dards de son effort non-humain au moment où il franchit en vainqueur la ligne d’arrivée et c’est un héros.

Qu’une personne lambda, accepte la vie, ses fleurs et ses épines nous parait beaucoup plus incongru. Qu’en plus ce soit « pour rien » soulève des tas de questions.

Parce que nous en sommes là : franchir une ligne d’arrivée en vainqueur est un but, d’autant plus que la ligne est bien rémunérée par les retombées publicitaires escomptées.

Avant d’ouvrir le laptop, ce matin, j’avais en tête une petite prose autour du thème : la face du monde a changé le jour où le lait en poudre est devenu moins cher que le lait récolté frais directement à la source.
Je pense que je ne suis pas si loin du sujet!

Violence


Nul doute que ce mot résonne aux oreilles de chacun.
Violence.
Du latin violentus.
Et instantanément, chacun sens monter une émotion forte en écho d’un ou plusieurs souvenirs, d’une ou plusieurs visions, d’une ou plusieurs lectures, d’une ou plusieurs oeuvres d’art.

Je suis encore incapable de déterminer précisément dans quel ouvrage je me suis lancée.
Je sais que pendant quelques semaines ou quelques mois, chaque nouvelle journée qui s’affichera sur la calendrier m’offrira un moment où il faudra que je me fasse une douce violence pour avancer plus loin sur le projet.

C’est qu’il y a pas moins de 25 chapitres, suivant l’ordre de l’alphabet, de A comme Averti à Z comme Zeste en passant par E comme Empreinte, I comme Idéal et V comme… Violence.

Il y aura peut-être ici quelques éclaboussures ?
Peut-être pas.

Aujourd’hui, j’ai ouvert le chapitre 22 qui commence par V.
V comme Violence.
Oui, je fais ce que je veux, dans l’ordre qui m’inspire, en fonction de ce que je lis, de ce que j’entends, de ce que je ressens.
Il n’y a qu’une limite que je m’impose : faire rentrer chaque chapitre dans un chapitre et éviter d’en faire un livre entier!
Et pour « ça » il faut que j’use de la force et que je me fasse violence!

La vie d’artiste

Copyright C.B, artiste non déclaré

Ainsi va la vie d’artiste, que le talent ne porte pas de nom mais se contente de laisser fleurir l’émotion à la grâce de l’instant.

A l’instant même où cette photo s’est affichée en grand écran sur mon laptop, le frisson qui se levait grandit encore. La légende indiquait « trouvé sur le net » sans le moindre copyright associé.

A mes yeux, une image aussi belle ne pouvait cependant qu’être l’oeuvre d’un artiste au regard de poète, un artiste patient sachant accrocher la lumière quand elle passe et disposant, en plus, de moyens techniques très pointus.
Rien qu’à l’idée de penser que cette merveilleuse photo allait être partagée, que d’autres allaient peut-être se vanter de l’avoir créée, je sentais poindre l’épée de l’injustice.
Et l’injustice est mon ennemie, le « truc » qui me fait sortir de mes gonds en toute circonstance.

Il me fallait trouver la source, féliciter et honorer celui/celle qui avait capté, affiné et partagé ce chef d’oeuvre (de mon point de vue), j’étais incapable de me contenter d’un « trouvé sur le net » pour tout un tas de raisons très résonnantes, donc raisonnables.

L’enquête fut lancée illico.
Et l’affaire fut très rapidement résolue, j’ai pu féliciter l’auteur en direct.

Pour autant j’ai poursuivi la navigation dans le ressac conséquent levé par diverses réflexions dont j’ai le secret.

Il faut avouer que cette question de la définition du  « statut d’artiste »  flotte souvent, entre deux eaux au milieu des pensées en vadrouille.
Un seul billet avait vu le jour à ce sujet jusqu’à présent.
En voici en second.

Mais tout d’abord, alors que je vais m’abstenir de définir le mot « artiste » (afin d’épargner des lignes de surcroit non exhaustives) je partage une réflexion au sujet du statut de héros. Pour certaines personnes, certains artistes ne sont-ils pas portés au nues comme leurs héros du quotidien ?

Finalement tout est dit en quatre minutes!

Mais… je suis bavarde!

Il était une époque pas si lointaine où rien ne valait mieux qu’un boulot fixe, un petit gagne-pain régulier sans beaucoup d’ambition et cependant indispensable. Les parents rêvaient en imaginant leur rejeton prendre la relève de la petite affaire familiale.
Aucun de leurs rêves les plus fous ne voyaient la « vie d’artiste » comme une chance pour l’à venir.
C’est qu’il n’y avait aucune différence, ou si peu, entre la vie d’artiste et celle de saltimbanque, de bohémien, de sans domicile fixe, de sans le sou, de pauvre hère.
Et voilà que nous sommes entrés dans un nouveau siècle.
Et voilà que dès qu’un enfant chante mieux que faux, on le voit déjà sous les sunlight
Et voilà que dès trois vers posés sans disharmonie, on pense déjà à en faire un recueil à succès.
Et voilà que dès les premiers coups de pinceaux, dès les premières notes envolées, beaucoup se rêvent artistes à nul autre pareil, donc very succefull!

Et c’est la précipitation.
Et c’est la voie.
D’aucuns y voient une chance de gagner beaucoup d’argent à l’horizon.
Car, c’est une réalité, les « grands » artistes sont assez semblables à des « chefs d’entreprise » et disposent de nombreuses personnes travaillant dans leur ombre.

Las.
Les places sont rares, très rares.

Les artistes qui ont pignon sur rue restent l’exception. Quant à passer à la postérité, quant à survivre 50, 100 ou mille ans, c’est encore une autre histoire!
Comme pour les héros, ce ne sont pas des humains qui sont portés au statut d’artiste, c’est seulement l’histoire qui s’écrit/s’écrira à leur sujet, une histoire faite pour se propager et attirer et faire parler ou rêver au long cours.

Pourtant,

Pourtant, dans ce monde mondial,
Sur la toile gigantesque virtuellement tressée, pas un jour ne passe sans que je croise des oeuvres que je peux sans conteste nommer « oeuvre d’art ».

Quid des « artistes » alors?
Et quelle différence entre artiste et artisan?
Ne sommes nous pas tous, un jour ou ‘autre, artiste/poète, artisan/bricoleur, artiste/bricoleur voire poète/artisan?
J’en suis certaine!

Le « métier » d’artiste oblige à produire. C’est alimentaire, puis, c’est aussi une lutte contre l’oubli, une lutte pour la survie du « métier ».
La production s’associe difficilement avec la grâce.
Avec la constance de l’état de grâce.

Les anonymes, eux sont libres, libres de poser leurs regards, leurs notes, leurs pinceaux, libres de les promener, de les exposer sans le moindre risque, les anonymes exercent un métier ou une activité qui n’a rien à voir avec leur don artistique , un métier simple ou glorieux, une activité nourrissante ou marginale, peu importe.

Ils sont financièrement libres et c’est ce qui permet à la grâce de poser son coup de patte.
Compter ne sert à rien dans ce domaine.
Il n’est question que d’élan, de passion, de plaisir.

« Ils peuvent tout faire entrer dans leurs calculs sauf la grâce, et c’est pourquoi leurs calculs sont vains. »
Christian Bobin, Ressusciter, Editions Gallimard 2001, ISBN 2-07-042710-2

Précipitations


Ah combien les précipitations peuvent faire baisser la tête, quand bien même l’herbe alentours est parfaitement verte!

Oui, le jardin m’inspire, c’est certain.

Et tête baissée les gens marchent, foncent parfois.
Et tête baissée, ils tombent dans le panneau, deviennent victimes.
Victimes de « trop vite », victimes de « sans nuance », victimes d’enfermement dans leur microcosme qu’ils voient comme la réalité du monde entier.

Le monde est vaste, large, en mouvement, imprévisible, passionnant, merveilleux, formidable.

Le passé n’existe que par les histoires qu’on s’en fait, l’à venir est inconnu, le présent passe et nous échappe.
Ce qui donne sens à chaque vie, ce sont les projets. Ils se nourrissent de nos histoires passées nous entrainent dans des rêves d’avenir et accaparent le présent.

Chacun ses projets,
Faire des enfants,
Construire une maison,
Changer de peau,
Quand ce n’est pas changer le monde!
Aller plus loin…
Toujours plus loin.

Oui, toujours plus loin.
Mais, pas à pas, à vitesse humaine,
Sans hâte,
Sans précipitation.

Comment avancer?
Comment se trouver?
Sinon en laissant le temps faire son oeuvre lente?

Il est si difficile pour moi de « comprendre » tous ces gens qui s’agitent, attachés aux apparences affichées dans l’air du temps, tous ces gens qui militent (même racine que « militaire » je le rappelle)  un jour dans un camp, dans un autre le suivant, d’un genre puis d’un autre, poursuivant une idée fixe puis une autre, à toute vitesse, à très grande vitesse, formidablement impatients, soumis à la technologie,  accrochés aux voix des autres sans en mesurer l’opportunisme mercantile…