J’avais déjà choisi ce titre pour un billet il y a dix ans.
A quoi ça sert ?
En voilà une question !
C’est en premier celle d’un enfant curieux face à un objet inconnu.
C’est ensuite celle d’un adolescent rempli de doutes face aux injonctions qui l’importunent
C’est celle d’un adulte en manque de sens devant la vie formidablement routinière.
C’est celle d’un vieillard ou d’un malade incurable quand la mort devient l’unique horizon.
C’est une question récurrente que tout un chacun soulève un jour ou l’autre, dans une dimension ou dans une autre.
A quoi ça sert ?
Combien de fois cette question se pose t-elle lorsque je me regarde agir, écrire, ramer, parler, apprendre, marcher, inventer… vivre même ?
C’est dire combien trouver un sens est viscéral, l’humain est un animal pensant et peut-être trop pensant sur ce sujet particulier.
Dix ans plus tard, je peux encore écrire « ça ne sert à rien et c’est donc super important »
C’est super global, donc globalement faux et globalement vrai en même temps et ça m’amuse.
Le passant qui lit peut se dire que j’écris pour ne rien dire.
Peut-être?
Certainement pour quiconque cherche une réponse bien dorée, une recette magique, un secret qui rapporte gros.
Je viens d’achever provisoirement une liste de petites fiches que j’avais préalablement listé sur un sommaire (oui, bis repentira placent : liste et lister… ha ha ha !!!)
Un « truc » absolument sans autre intention que celle de satisfaire ma propre curiosité. Un « truc » qui ne rapporte rien (pas un kopeck, en plus ça bouffe de l’énergie, c’est pas « éco-logique »)
Un « truc » que j’avais besoin de faire pourtant.
Et c’est une fois réalisé, c’est « après » que je réalise à quel point j’ai appris en allant chercher, par exemple, le nom caché derrière les abréviations d’auteurs utilisées en taxonomie végétale, puis en suivant les liens tout faits ou en sollicitant mon moteur de recherche sur des noms encore non « wikipediatisés », puis en explorant les fiches de sites plus officiels ou plus savants, etc.
J’ai voyagé de lien en lien, de site en site, j’ai voyagé dans le temps, imaginant les médecins et pharmaciens d’antan et leurs quêtes de plantes « soignantes », puis les explorateurs sponsorisés par de grandes fortunes à la recherche de faire-valoir, les riches amateurs passionnés arpentant des chemins exotiques et je suis arrivée à nos jours où des gens bossent dans des laboratoires, découpant l’ADN pour en extraire des gènes et poser des verdicts qui n’éteignent pas les discussions infinies.
Mon imagination galopante a visionné une grande quantité de métaphores, disserté sur plein de sujet philosophiques, et espéré encore d’autres trouvailles, pour avancer plus loin dans cet imaginaire de folie qui donne sens à mes actes.
Voilà, ça sert peut-être à rien ou ça sert seulement à « ça » et oui, voilà ce qui fait que c’est super important!
Et quand vient un commentaire en reflet… Wahooooooo, alors là, c’est la cerise sur le gâteau et il est bien connu que je suis super gourmande de cerises !
Alors, collectionneuse de questions, je me demande : « N’est-ce pas ce qui est rare qui est précieux? »
Et « ça » c’est un autre sujet récurrent!
PS: Ce qui est rare est précieux. Combien de fois ai-je murmuré ou lancé cette affirmation et dans combien de contextes et d’environnements. La phrase elle même ne devint jamais encore le titre d’un billet, mais en tapant « précieux » en mot clé dans mon site, voilà ce que j’ai trouvé, en clin d’oeil du matin 😉
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A propos des vacances
La vie de maman active est plus que nulle autre une vie où il faut user de super pouvoirs afin de rester dans la danse.
Consciente de ce fait, aspirant souvent à des espaces « rien qu’à moi » longtemps cantonnés dans la compétition sportive, donc loin de tout repos, j’avais posé l’idée d’une pause nécessaire.
Pensant que l’adolescence se termine aux alentours de l’âge de la majorité civile, j’avais dit à qui voulait m’entendre que j’allais lever le pied une fois que notre dernier fils aurait atteint vingt ans.
Soit en 2010.
J’ai fait preuve de patience, le simple fait d’avoir noté cette date m’apaisait et me permettait de cultiver la patience.
Ce n’est qu’en 2012 que le temps a commencé à s’élargir, s’ouvrant sur de nouveaux possibles et de véritables vacances.
Enfin, je pouvais disposer de quelques semaines vidées des habitudes quotidiennes, libérées des personnes connues, enfin je pouvais vivre quelques semaines sans la moindre routine, uniquement riche des incontournables contraintes inhérentes à mes seuls choix.
En 2012, je suis montée à la source, j’ai déboulé une centaine de kilomètres à pieds puis debout sur un frêle esquif, j’ai suivi le fil de l’eau, et j’ai fini sur la plage.
Heureuse.
En solitaire.
Autonome.
Je n’avais qu’une envie : recommencer.
Il fallait attendre les prochaines vacances, celles que je m’accordais enfin : les miennes, rien qu’à moi sans personnes sur qui veiller, sans personne à suivre sinon moi-même!
En 2013, j’ai vérifié que tous les chemins mènent à Rome.
En 2014, je suis partie explorer des îles au large des côtes africaines.
En 2015, j’ai décidé de porter ma planche à proximité des sommets en explorant les lacs alpins.
En 2016, de rivière en fleuve et en méditerranée, je suis allée jusqu’à Barcelone.
Et alors, je n’ai plus eu la moindre imagination pour donner un sens à une quelconque randonnée « debout sur l’eau ». Les plus belles « choses » doivent se terminer pour que d’autres puissent naître.
La planche elle-même était fatiguée, incapable de repartir. Je l’ai accroché au mur.
Puis, j’ai envisagé la marche, les sentiers et leurs détours, le sac toujours trop lourd aussi léger soit-il, les chemins plein d’empreintes où le monde tintinnabulle à travers une multitude d’itinéraires.
En 2017, mon escapade reliait la méditerranée à l’atlantique.
En 2018, pour le plaisir de suivre un de nos fils dans un de ses exercices, j’ai fait un pas de côté et abandonné la solitude en partant vers Hawaï à la découverte de l’inconnu.
En 2019, La Loire m’appelait et je suis partie à sa rencontre dans ses gorges les plus sauvages, dans son lit le mieux caché. Ce fut une merveilleuse randonnée qui m’a entrainée sur des versants magiques que je n’espérais même pas.
En 2020, sous le règne d’un certain Sras-Cov-2ème, il y avait beaucoup trop d’incertitudes pour envisager sereinement une balade hors des sentiers battus.
En 2021, j’ai eu un énorme besoin de verticalité minérale. Un créneau météorologique favorable m’a conduit dans les Pyrénées en juillet et en septembre je suis partie le long des côtes rocheuses Normandes et Bretonnes.
La suite est à vivre, plus loin!
Little Bird vit sa vie (2)
Au ras des pâquerettes (que ma petite voisine nomme « pâte à crèpes ») mais pas encore dans le groupe de ceux qui sucrent les fraises, Little Bird s’est un peu agacé ce matin en écoutant un de ces « scientifiques » invité par l’actualité. Une de ces personnes dont la manchette est remplie de titres « glorieux » et que le temps a préservée afin qu’elle sache parler pour ne rien dire.
Parler pour ne rien dire.
Pendant que je buvais calmement mon café, je voyais l’oiseau piaffer et me lancer des clins d’oeil comme s’il souhaitait m’inviter de son côté.
« Ce que l’on sait – ce que l’on ignore », c’était le thème proposé sur cette radio nationale.
J’avais levé l’oreille, avide d’en apprendre davantage : c’est toujours un plaisir d’avoir de nouveaux fils à tirer par ces temps de non-conversation en live.
Malgré la pantomime de mon petit compagnon, je restais impassible.
J’écoutais avec amusement l’animateur essayer de relancer son invité, le pousser en vain à parler sans langue de bois. Je le sentais irrité lui aussi, mais il devait faire son job sans sourciller et il le fit comme il a l’habitude de le faire. N’est-il pas parfaitement préparé à l’exercice ? Y compris en présence de personnages politiques très doués pour occuper la place, pour vendre un livre ou de la propagande ?
Là, il y avait un livre à vendre.
En tout cas, vu le nombre de fois où il en fut fait allusion, j’imagine que la maison d’édition avait poussé son poulain devant le micro de manière très opportuniste, afin de faire remonter les ventes, par exemple.
Hé, hé… Little Bird qui lit par dessus mon épaule est écroulé de rire, il sifflote dans mon oreille qu’une certaine compagnie cavalière vient de fermer ses entrepôts français. Et il a encore raison, le volatile : pas de libraires, pas d’amazone, comment diantre les gens pourraient-ils acheter le bouquin?
Magie de la programmation.
Parfois elle « tombe » mal!
16 avril 2020. Privée de la liberté d’aller et venir depuis 30 jours. Une espèce de liberté conditionnelle annoncée pour le 11 mai.
Le retour de Little bird
(image réalisée dans la rue sans trucage)
Et bien il était grand temps qu’il atterrisse pour m’aider à réfléchir ce Little Bird.
Il a fallu qu’il revienne se blottir dans ma poche pour que je mesure à quel point j’avais besoin de son regard afin de naviguer en paix au coeur de ce temps étrange.
Par quel mystère a t-il débarqué dans la ville?
Il était posé devant le commissariat central, je l’ai immédiatement reconnu!
J’étais en vélo, le temps que je stoppe, il s’était envolé et regardait par dessus le parapet, visiblement inquiet.
Je me suis approchée sur la pointe des pieds, redoutant de le voir plonger, sous l’effet d’un vent de surprise.
Il ne bougeait pas.
Hop, d’un geste prompt ressurgit du passé, je l’ai pris en main, caressé avec tendresse et hop, je l’ai mis dans une poche que j’ai consciencieusement refermée.
Une fois à la maison, il a vite retrouvé ses marques, c’est comme si nous ne nous étions jamais quittés!
Il m’a raconté à quel point il ne comprenait plus rien à ce monde.
Alors, cousu de silences, de mélodies et de poésies, nous avons refait notre monde juste à nous.
L’heure a tourné.
L’heure d’une nouvelle sortie « dehors » sonnait.
J’ai essayé de lui expliquer les rues terriblement vides ; les petites archi-vieilles, celles qui ont actuellement interdiction formelle de mourir, jacassant à distance l’une de l’autre ; le gars masqué qui ôte son masque pour parler avec une personne de sa diaspora ; les passants tête baissée, les affiches sur les devantures, etc.
Je suis pas certaine d’avoir pu lui permettre de comprendre la situation d’un seul coup d’oeil.
D’ailleurs, lorsque je lui ai proposé d’aller discuter avec une passante masquée, histoire de lui prouver que c’était bien une humaine qui était derrière, il accepta avec joie, persuadé que c’était une « soignante ». Ne lui avais-je pas expliqué que cet accessoire est aussi inutile, en balade, pour lui que pour moi ?
Il s’empressa de poser la question « toi, tu soignes les gens, n’est-ce pas? »
Et ben non.
Alors, logiquement il demanda « tu es malade? »
Et ben non.
« Tu as peur »
Oh…. Que oui!
Et hop, Little bird se retrouva prestement posé par terre!
Il en avait vu d’autres et il a bien gardé la tête sur les épaules.
Soucieuse, je lui ai expliqué qu’il fallait que je le « décontamine » après ce passage sur des gants improbables.
Il s’est laissé faire, tristement.
J’ai bien l’impression qu’il va falloir un bout de temps et mille questions avant qu’il ne trouve le courage de s’envoler à nouveau!
Ou pas!
Tissage
Certaines rencontres entrainent, en toute simplicité, vers des chemins semés d’ordinaire tout à fait fabuleux.
Il suffit parfois d’une phrase pour qu’une étincelle allume la mèche et que j’ai envie de tirer le fil pour aller voir d’où il vient.
Et ensuite , merveilleusement, un fil étant en lui-même une oeuvre participant à un ouvrage qui le dépasse, il n’y a qu’un pas de la simplicité à la complexité.
Une histoire de femme commence à Nantes au coeur des années folles.
Une alliance se signe à la frontière nord de la citée ligérienne à la sortie de la guerre.
Une nichée grandit à proximité de la frontière sud pendant les trentes glorieuses.
Mille souvenirs flottent aujourd’hui entre la Normandie et l’Occitanie.
Et me voici embarquée dans une longue navigation vers un cap si lointain qu’il serait vain d’essayer d’en dessiner les contours.
Pour commencer, je vais me contenter d’avancer à vue, en tirant des bords dans les risées.
Ces quelques semaines d’août étant particulièrement tranquilles, dénuées d’interférences assourdissantes, j’ai commencé le voyage plus tôt que j’avais pu l’imaginer.
C’est ainsi qu’entre deux coups de pagaie, je relie (j’ai bien écrit « relie »!) les notes, écoute le magnéto, fouille les archives et je note consciencieusement les questions qui débarquent.
Quand mes yeux sont fatigués, j’enfourche le vélo et je fonce sur le terrain à la recherche du moindre indice, une date, un objet, des lettres : tout ce qui pourrait entrainer mon imagination dans un passé que je n’ai pas connu et dont la mémoire s’est déjà presque effacée.
A la manière des investigateurs dans les séries policières, je commence la lente accumulation d’images, de récits, de dates, de jours et même d’heures.
Il en faut une quantité astronomique et cette quête me passionne. Comme toute recherche, elle entraine ma curiosité au delà du nécessaire, me forçant régulièrement à changer de focale pour revenir au sujet en question.
Je suis à la fois pressée et tranquille.
Comme toujours c’est dans l’entre-deux que tout va se jouer.
Remarquablement, c’est une première car je n’ai aucune idée de l’endroit où je vais alors même que j’y vais, cueillant déjà sur le bord du chemin de savoureuses surprises.
Tous les chemins mènent à Rome (1)
Lundi 2 septembre 2013 : prologue Marseille-Marseille
Le dimanche soir, j’avais débarqué chez un hôte dont je ne connaissais pas grand chose de plus que l’adresse.
Dans les semaine précédentes, alors que j’avais envisagé plusieurs possibilités pour loger à proximité du point de départ, un inconnu m’avait envoyé un message pour proposer un accueil, j’avais dû répondre ce que je réponds souvent aux propositions : « c’est noté ».
C’est ainsi que se construisent mes aventures, en souplesse, sans contrainte : je note toutes les informations et in fine, je vais « où le vent me conduit ».
D’autres parleraient de hasard, mais il n’en est rien. La liberté première est celle de choisir, elle comprend même la liberté de choisir un mauvais plan. Le second volet de la liberté consiste à envisager les possibilités réellement existantes et à choisir une nouvelle fois. (pour ceux qui aiment la lecture, je conseille les réflexions sur la liberté proposées par le philosophe Robert Misrahi dans ce titre « La jouissance de l’être, Le sujet et son désir », Editions Encre Marine ou dans une autre partie de son oeuvre).
Donc, j’ai débarqué chez un hôte riche de plus d’une aventure au long cours. D’emblée, je me sentais parfaitement à l’aise, j’avais l’assurance d’être « comprise » et l’histoire pouvait commencer à la mesure de ce qu’elle devait être.
Le soleil était au rendez-vous, aucun vent mauvais n’était annoncé, il était l’heure de goûter l’ambiance de la Méditerranée en visitant Marseille côté mer. D’autres années, à plus d’une occasion (congrès et autre visites), j’avais erré dans la ville et ses fascinants quartiers. Ce que j’ai découvert ce lundi matin était pourtant absolument nouveau, rentrer dans Marseille par la mer offre un point de vue absolument différent et magique.
Il restait les sacs à préparer. Il restait à prendre une décision quant à la pagaie qui ferait les kilomètres en ma compagnie.
Mais auparavant, il fallait que je monte sur la colline comme le faisaient certainement ceux qui prenaient la mer à l’époque où il n’y avait ni GPS, ni météo marine officielle, il fallait bien s’en remettre au ciel, n’est-ce pas?
Donc, j’ai suivi leurs pas et je peux vous assurer que la lecture de quelques uns des milliers de « ex-voto » placardés sur les murs de « La bonne mère » mérite le détours.
Puis vint l’heure du repas, puis vint l’heure d’aller dormir.
Mardi serait le jour du départ : une calanque à Marseille, au lever du soleil, nous ne savions pas encore laquelle
Demain était à vivre.
Mardi 3 septembre 2013 : Marseilles (calanque Morgiou) – La Seyne-sur-mer (plage du Jonquet)
J’étais prête, archi prête.
Après une bonne nuit, je m’étais réveillée à l’aube sans la moindre sonnerie sinon « c’est aujourd’hui, c’est parti. »
Après un rapide p’tit-déj mon hôte sonna le moment solennel de charger la voiture.
Mais où allais-je prendre la mer?
A cette question, mon hôte malicieux ne savait que répondre dans l’instant. Pour l’heure, il n’était pas encore décidé : « on verra où tourne la voiture »!
Yeap… Ca m’allait carrément bien comme réponse!
Et… la voiture se dirigea vers les Baumettes ! Le point de mise à l’eau serait donc la Calanque Morgiou, la plus belle, un écrin spécial « point de départ », la porte de l’aventure.
Sur le parking, l’inévitable « pt’ite dame qui promène son chien » vint nous « intimer » l’ordre de nous garer serré à côté de l’unique voiture déjà présente à cette heure matinale : « soyez tranquille, nous ne faisons que passer » lui ai-je rétorqué sans imaginer un instant que j’allai répéter maintes fois presque les mêmes mots en accostant à peu près n’importe où
Enfin le départ. Au Cormier, j’avais testé l’accrochage des sacs et de la pagaie de secours, mais je sais parfaitement, que seul le voyage en détermine l’emplacement juste, et que les premiers jours servent toujours d’expérience « in situ ».
Allez, hop… le soleil montait tranquillement, il était temps d’y aller. Quelques photos et c’étaient les premiers coups de pagaies sur la « belle bleue ». D’abord prudente entre les barques, retenue pour laisser le photographe photographier, je n’avais qu’une hâte : partir!
Un signe de la main, quelques coup de pagaie plus appuyés… je regardais le « compagnon de départ – photographe » courir sur le chemin comme un gamin, et profitant encore de l’abri de la calanque, je me réjouissais de ce moment partagé.
Puis, en entrant dans le soleil, je tournais vers l’est, vers l’inconnu.
Voilà, j’étais vraiment partie!
Le massif des calanques m’impressionna beaucoup moins vu d’en bas que parcouru à la marche. Je n’avais pas la tête à m’y attarder et puis, j’avais le soleil de face : plus j’avançais plus il s’élevait, devenant plus ardent mais moins éblouissant.
Une fois Cassis dépassé, la couleur des roches tourna au rouge.
En arrivant en vue de La Ciotat, la faim m’a ramenée à la côte pour un arrêt sandwich bienvenu. Il était 11h, je n’était pas du tout fatiguée.
J’avalais la moitié du pain, en me promettant de « déguster » le reste un peu plus loin.
A 13h, dans la crique de Port D’Alon (Saint-Cyr-sur-mer) chauffée à blanc, j’ai trouvé un perchoir à l’ombre, c’était l’heure de la sieste!
Vers 15h, malgré la chaleur, j’étais de nouveau intenable, j’avais envie d’avancer.
Sur ce terrain, je ne pouvais m’empêcher de penser « à ceux d’ici » vantant leurs trajets au vent portant : sur la même trajectoire ce jour là le vent était absent, j’étais chargée… et lente!
Ayant tourné le cap Sicié j’ai aperçu pirogues, SUP et kayaks.
Visiblement il y avait un « club de pagaie » dans le coin.
Mon « soucis » du moment était entièrement contenu dans ce qui restait de ma réserve d’eau et je cherchais non seulement un endroit pour dormir, mais surtout un endroit où faire le plein du précieux liquide.
C’est un kayakiste qui m’a donné l’information : « il y a une source sur une plage là-bas! ». Il fallait que je retourne un peu en arrière, mais ça valait le coup, l’idée d’une plage loin de la ville et « juste pour moi » était absolument plaisante et réjouissante.
La chute de l’espoir
Quand je raconte ma vie scolaire dans une école de banlieue Lyonnaise en affirmant que nous étions seulement 6 filles sur 45 à faire notre entrée au Lycée après le CM2 (oui, le collège n’était pas encore inventé, le lycée commençait en 6ème), j’ai l’impression que personne ne peut me croire.
En retrouvant ce Diplôme que mon père a obtenu sans mention à l’âge de 15 ans, c’est une trace de la société moderne qui vient s’afficher sur ce blog-note à l’image de la société postmoderne que nous habitons aujourd’hui.
L’agitation actuelle faisant les choux gras des médias, je ne peux y échapper et une fois de plus je constate que les camps se construisent, chacun s’arque-boutant sans nuance sur un mot ou un autre, incapable de s’asseoir pour réfléchir et envisager la réalité sous un autre angle que celui du combat.
L’espèce humaine est certainement l’une des espèces animales la plus combative, la plus cruelle et le pacifisme n’est de mise que dans les livres quand il n’y a vraiment rien d’autre à faire.
Ce n’est pas le sujet de ce billet, je vais en venir au fait.
Le fait, c’est qu’après avoir échafaudé des espoirs, les empilant l’un sur l’autre par dessus le vide pendant des années et des années, tout est en train de se casser la figure.
Mon père avait fait mieux que son propre père, lequel n’avait pas décroché ce prestigieux diplôme. Oui, « prestigieux » : je me souviens de fermes familiales au sol en terre battu où ces diplômes soigneusement encadrés trônaient accrochés au dessus de l’âtre, parsemés de crottes de mouches.
Mes parents n’avaient qu’une idée fixe pour nous : que nous n’ayons pas à revivre la guerre qu’ils venaient de traverser et que nous « fassions mieux qu’eux ». Mai 68 ayant contribué à lever beaucoup de verrous, le meilleur était permis : le Brevet, le Baccalauréat (on disait le mot en entier à l’époque et il y en avait plein la bouche d’éloge et/ou d’envie), l’Université, et plus loin pourquoi pas l’une ou l’autre des quelques prestigieuses Grande Ecole ?
Loin de moi l’idée d’affirmer que subir les espoirs des parents était chose facile.
Néanmoins, l’espoir était là, partout, tout alentours et bien palpable et il tissait un filet invisible qui nous poussait à regarder plus loin, plus haut et vaillamment.
Et tout s’est emballé!
Beaucoup de filles de ma génération ne se sont pas contentées de « faire un peu mieux » que leur mère, beaucoup de garçons ne se sont pas contentés de « faire un peu mieux » que leur père. Nous avons poussé loin nos études et bousculé « la tradition ».
Je vais éviter de brosser le tableau de ce que j’observe aujourd’hui dans la société sur laquelle j’ouvre ma fenêtre chaque matin.
Je connais les aventures de mes fils.
Aux dernières nouvelles, après huit ans d’études et beaucoup d’errances, le plus jeunes semble trouver une voie et cherche du côté du jardinage biologique. « Jardinier », comme mon arrière grand-père ! Je suis tellement fière et heureuse de le voir enfin donner (peut-être) un sens à sa vie avec ce choix.
Et pour en revenir à l’actualité, quand les gens s’affrontent et se crispent sur certains mots, ils en oublient la voie du milieu, dissertant au sujet des sources d’énergie pour faire rouler leur char plutôt que de poser le problème, plutôt que d’envisager l’à venir avec désespoir ( je suis lectrice passionnée de Comte-Sponville) et donc plein de possibles : avoir une boulangerie proche et donc marcher à pied pour acheter le pain quotidien, viser un simple diplôme de fin d’étude (mes parents lisaient énormément et écrivaient sans aucune fôte d’ortaugrafe) et aller à l’école en vélo, se nourrir au fil des saisons et de la production locale, le tout sans négliger le nourriture spirituelle, etc…
Mais que tout ceci est simple à écrire pour qui, comme moi a réussi un long passage de vie.
Comme tout ceci est simple à prêcher pour ceux qui vivent grâce à leurs prêches.
Comment donc, bon nombre de grands enfants trop gâtés, comment donc tant de personnes préférant les liens d’argent aux liens familiaux, comment donc ces personnes croulant sous les crédits sur l’air de « tu possèdes donc tu es », comment donc toutes ces personnes peuvent-elle comprendre et entendre que demain est toujours différent d’aujourd’hui et encore plus d’hier ?
Chercher la source
Hier matin.
Sur la page d’un « ami » FB,
Le titre était ronflant et il faisait écho à mes convictions.
En plus, il était en anglais, c’est dire s’il paraissait sérieux à mes yeux de gauloise.
J’ai donc remonté le fil.
L’article était à minima en lien avec le titre, c’était moins pire que parfois.
En le parcourant en diagonale mais attentivement, j’en tirais un nom mais pas de sources plus précises.
La publicité était bien là et comme d’habitude d’autres titres conduisaient vers des billets d’une teneur tout aussi douteuse, la couleur tonitruante des images attirant la curiosité comme la lumière attire les papillons.
Il m’a fallu environ 30′ pour trouver la « new research » qui « claimait » dans le titre.
30′ c’est hyper long.
Généralement je trouve en deux secondes.
C’est que la recherche « nouvelle » datait de 2011… C’est drôle.
Comme d’habitude, c’est une recherche un peu bidon qui avançe des statistiques très générales à partir de l’étude d’un échantillon de… 16 personnes… Le monde entier, quoi!
L’article partagé par l’ami FB n’est pas daté, mais tiré d’une « open source », un article à peine meilleur daté de deux mois en arrière, lequel fait toujours allusion à la même « new research » datant de 2011
Bref. N’ayant pas de temps à perdre, j’ai stoppé là une curiosité qui relevait du futile.
Sans aucune illusion.
Il y aura encore maintes duplications interprétatives de cette « source » lointaine que personnes n’est jamais allé regarder plus loin que « l’abstract ».
Et toutes mettront « à la une » une belle image et un titre ronflant pour vendre du temps de cerveau disponible aux publicitaires!
Et les personnes friandes de ce qui a trait à leur microcosme se précipiteront pour partager, affichant, en fait, seulement et rien de plus que leur conviction (le titre du billet) sans autre preuve tangible que leur croyance, tout en étant fière de « voir » leur croyance validée sur la toile!
Pourquoi parler de « ça ».
Parce que : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/11/13/ca-doit-se-savoir-alter-sante-libre-info-un-seul-homme-derriere-un-reseau-de-desinformation_5382951_4355770.html
et aussi :
En fait, je n’ai jamais été capable de me contenter de « croire ».
Derrière les titres, il y a généralement un site qui raconte parfois, une histoire même pas en rapport avec le titre et, qui toujours balance une tonne de publicité. Je reste sans voix à chaque fois et encore plus quand la personne qui m’y a conduit « en partageant » est une personne que j’apprécie.
Ca me rend triste.
Est-il possible d’apprendre aux enfants et aux ados à chercher les sources quand, parent, on est (ou parait être ?) crédule ?
Est-il possible d’apprendre aux enfants à ne partager que ce dont-ils sont certains, que ce qu’ils ont eux-même créé plutôt que ce qui ne leur appartient pas et ce qu’ils ne maitrisent pas?
Je ne sais pas.
Certains enfant naissent-ils avec un goût pour la recherche, l’exploration et l’aventure autonome plus fort que d’autres ?
Je ne sais pas.
7 août 2018
Oui, d’un vol à venir, je forme le présent
En le faisant sortir d’un passé nonchalant
Et voici mon toujours qui débarque à ma plume
Avec ce qu’il y faut de soleil et de brumes
Jules Supervielle, Oublieuse Mémoire (1949) dans La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire, Editions Gallimard, 1987, ISBN 978-20703244-1-5
Je me suis réveillée en pleine forme après quelques heures d’un bon sommeil.
En pleine forme et en sachant ce que j’allais faire de ma journée.
Marcher.
Marcher où aucun touriste ne marche
Marcher à la découverte de la vie des gens
Il fallait surtout que j’expérimente les possibilités locales en matière de marche à pied.
En effet, j’avais une dizaine de jours devant moi dont je ne voulais rien « perdre ».
En effet, des centaines de questions étaient nées au cours des visites des semaines précédentes et j’en attendais au moins autant en réponse.
De fait, je savais qu’il y aurait une décision à prendre rapidement : voiture ou pas voiture ?
Je suis partie le long de la route.
Le bas côté est large et il était facile d’avancer en sécurité sans être frôlée par les voitures.
De surcroit, la plupart des automobilistes roulent tranquillement et en plus, il n’y a pratiquement pas de poids lourds.
Là, j’étais seule, face à moi-même.
Je suis sortie à la première intersection. Depuis le premier jour où nous avions passé cet endroit, j’étais curieuse de savoir ce qu’il y avait « dessous ».
J’ai découvert un nid d’habitations sous la bannière verte sang et or qui décore les « monuments » autochtones. C’était aussi un entassement de vieilles carcasses, des chiens pelés hurlant au bout de leur chaine pour signaler mon passage, des personnes maigres portant des fringues éculées qui écartaient le rideau servant de porte pour « voir » ce qui provoquait un tel chahut.
Jusqu’au bord du bord de l’eau, il y avait une succession de véhicules rouillés transformés en habitations. Certains disposaient même d’un jardinet soigneusement clôturé à leur abord.
Penser que ce lieu précisément est le départ du « maliko run », qu’au fond de cette baie précisément, embarquent ceux dont l’unique préoccupation, les jours de vent, consiste à se faire pousser par les éléments, juchés sur quelques onéreux jouets en carbone dessinait dans mes réflexions un abîme aussi formidable que les falaises du volcan plongeant dans l’océan.
J’ai poursuivi ma quête sous la falaise, passant de pierre en pierre, de bloc en bloc, attentive aux possibles éboulis. Quand il fut impossible d’avancer davantage, je suis restée un bon moment concentrée sur la construction d’un improbable montage de fer et de pierres, bercé par le puissant grondement d’un méchant shore-break : il ne faisait aucun doute que malgré le ciel bleu, une perturbation était au loin, la houle montait.
Après avoir fait le chemin dans l’autre sens, il était temps de viser Hookipa, d’y arriver comme on débarque d’un autre monde, sans voiture, de faire cette expérience là et d’observer alentours guidée par les sens tout à fait particuliers qui apparaissent dans l’éloge de la lenteur.
Etant partie équipée de mon seul appareil photo, je n’avais ni eau ni vivres. En fait, je n’avais pas prévu de « trainer » aussi longtemps et il fallait bien constater que je m’étais laissée portée par une joyeuse curiosité. Il fallait donc que je passe à la maison pour étancher la soif qui s’agrandissait et me sustenter un minimum.
ce fut fait.
Et hop, je suis partie de l’autre côté de la route, plongeant dans le premier chemin venu, transgressant l’impressionnante pancarte interdisant le passage.
Là, au milieu des hautes cannes qui chantaient dans le vent, j’imaginai un monde disparu : celui des plantations, des travailleurs harassés, de la coupe. Mes souvenirs d’autres îles sucrières remontaient jusqu’à l’odeur âcre du brûlé qui précède la récolte, jusqu’à la saveur douce du bâton végétal dans lequel on croque. La découverte d’un cimetière chinois abandonné ne fit que stimuler mon imagination.
Je n’ai pas réussi à atteindre la côte, barrée par de belles propriétés.
Sur le chemin du retour, j’ai visité Haiku, le village le plus proche de mon logement, découvrant l’école tellement ouverte et fermée à la fois.
Sans GPS, sans carte, malgré les routes sinueuses et les croisements silencieux, j’ai retrouvé sans peine la propriété de mes hôtes. Au fond de leur jardin, il n’y avait que paix, calme et douceur.
Après une journée complète de marche, ayant exploré la droite et la gauche, j’ai décidé que je n’avais pas d’autre choix raisonnable que de louer une voiture.
J’ai ouvert le laptop.
Je me laissais encore deux jours d’exploration lente et je réservai pour le vendredi une « petite voiture économique ».
Le jardin et la politique
Et hop, dès ces quatre mots posés en guise de titre, mes réflexions s’envolent dans tous les sens alors même que j’imaginais pouvoir ainsi les contenir sous un seul angle.
Car qu’est que le jardin?
Est-il préférable d’utiliser l’article « le » ou l’article « un », et pourquoi pas « les » ou « des »?
Car que signifie le mot politique et d’où vient-il?
Est-il préférable d’y adjoindre un article? Défini ou indéfini?
Car pourquoi utiliser une conjonction de coordination?
Laquelle?
Est-il préférable d’utiliser un signe de ponctuation?
Lequel?
Quatre mots et tant de possibles, tant de visions, cent différences, autant de semblances,
Aucune certitude.
Pourtant je répète que le jardin est un livre ouvert.
Mon livre préféré.
Avec celui de l’océan
Et celui du vent et du ciel
Et tous ces livres où l’ombre et la lumière interdisent
Une lecture en noir sur blanc.
J’imaginais être en mesure d’aborder « le jardin et la politique » comme j’aborde une plage, simplement en pointant l’étrave de ma pirogue dans la « bonne direction », puis en ramant avec détermination.
Las.
Pourtant, ce matin, me sentant despote en pleine possession de mon règne sur le jardin, j’étais au coeur du chapitre politique du ce grand livre.
Sans cesse, je déplace des populations, j’en détruis certaines, j’en contiens d’autres dans de jolis pots brillants, je rase, je dédaigne, je non-respecte, je protège, je valorise, je porte aux nues je voue aux gémonies, etc.
En deux mots : je règne.
Et si je règne… C’est évidemment pour « le bien » de cette communauté végétale…
Enfin, c’est pour leur bien, parce que leur bien est mon désir, mon plaisir, mon besoin.
Pfff, encore des mots à définir, à préciser, des mots que je joue à pile ou face sans savoir d’avance sur quelle face chacun les verra tomber.
Quelle aventure.
Et, Ô combien j’admire parfois les personnes qui n’ont que noir et blanc dans leur vocabulaire.
Noir et blanc, bien et mal, oui et non.
Et, Ô combien dans le même instant, je suis en joie de n’avoir pas d’autre choix que de ramer sans cesse.
Ramer vers plus loin, vers l’inconnu,
Poussée vers d’inabordable rivages,
Aventurière de cap en cap,
Me délectant de baies accueillantes et de courants contraires, d’eau limpides et de vagues déferlantes,
Inexorablement en mouvement,
Je reste vivante.