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Rêver

En guise de voeux, j’ai posé cette image, offerte à l’imagination des passants.

Afin d’en préciser l’environnement, j’ai ajouté celle-ci.

Et en ricochet, le rêve s’est invité.

Alors, je suis venue ici-même, dans mon antre de prose et j’ai cherché des éclats de « Rêve » au milieu des articles.
J’ai retrouvé ce billet là, comme un clin d’oeil au passage des étrennes que nous traversons à cette date précisément.
Pourtant il ne contient pas ce que j’ai, aujourd’hui , envie de proser au sujet du rêve.
Ou alors un peu, partiellement, en filigrane, pas tout à fait, peut-être mais plus loin.
Pour moi le mot « rêve » contient « inaccessible étoile » et si un certain Jacques s’en vient inévitablement à la suite de ces deux mots, si résonnent sa voix et différentes orchestrations, il n’en demeure pas moins que je différencie avec grande attention chaque parcelle du bazar provoqué par l’emballement des pensées qui débarquent.

Nous sommes passés d’une année à l’autre, en famille, dans un pays où la tradition exige que l’on fasse un voeu en avalant un grain de raisin à chaque coup de minuit : au total il y a donc 12 voeux pour douze grains avalés.
Afin de protéger le sommeil des enfants et aussi parce que nous préférons jouer dans les vagues que trainer dans la nuit, nous avons croqué dans les raisins à neuf heure du soir, chacun prenant la liberté de faire autant de voeux qu’il mangeait de grains, ou comme je le fis, se contentant de savourer le nectar sucré en observant les rêveurs rêver.

Ma petite fille, celle qui affiche ses six ans et ses dents de lait branlantes, accorda beaucoup d’importance à cette « cérémonie ».
Les mains jointes, les yeux levés vers le ciel, elle ouvrit la danse, psalmodiant avec la grâce toute enfantine de son âge associée à des talents cultivés de comédienne : « Je souhaite de tout mon coeur avoir cette année toutes les boites de « jouenmouvement » du monde ».
Visiblement, elle souhaitait de tout son coeur.
Visiblement, elle se voyait au milieu d’un monceau de boites à déballer.

Voilà ce que j’appelle un rêve.
… Un souhait absolument flou, irraisonné, sans résonance, absolument non réalisable, un brouillard cotonneux à saveur chamallow à texture manipulable dans tous les sens…
Un « rêve » se construit à partir du réel, tout comme les songes se construisent pendant le sommeil grâce aux bribes d’expériences vécues dans l’éveil, et il en dépasse instantanément les frontières.

L’humain sait inventer des utopies, il a des besoins, il a des désirs.
Et parfois il rêve.

Il m’arrive de penser que je suis un drôle d’animal.
Quand j’entends des gens énumérer leurs »rêves » les plus chers, les plus fous, les plus onéreux, je cherche quels sont les miens.
Je cherche en vain.
J’ai des besoins d’air, d’eau, de nourriture.
J’ai des désirs.
Des désirs simples, de vents, d’océans, de gourmandises, de mouvements.
Ils donnent un sens au fil de ma vie.
Ils tendent le fil, le cours de mon existence
Au point de la rendre vibrante
Juste comme j’en ai besoin
Sans risquer la chute.

Prudente je suis, peut-être parce que j’ai toujours entendu dire qu’à trop rêver on peut tomber de haut!

Prudente et pourtant pas sage!

Précipitations


Ah combien les précipitations peuvent faire baisser la tête, quand bien même l’herbe alentours est parfaitement verte!

Oui, le jardin m’inspire, c’est certain.

Et tête baissée les gens marchent, foncent parfois.
Et tête baissée, ils tombent dans le panneau, deviennent victimes.
Victimes de « trop vite », victimes de « sans nuance », victimes d’enfermement dans leur microcosme qu’ils voient comme la réalité du monde entier.

Le monde est vaste, large, en mouvement, imprévisible, passionnant, merveilleux, formidable.

Le passé n’existe que par les histoires qu’on s’en fait, l’à venir est inconnu, le présent passe et nous échappe.
Ce qui donne sens à chaque vie, ce sont les projets. Ils se nourrissent de nos histoires passées nous entrainent dans des rêves d’avenir et accaparent le présent.

Chacun ses projets,
Faire des enfants,
Construire une maison,
Changer de peau,
Quand ce n’est pas changer le monde!
Aller plus loin…
Toujours plus loin.

Oui, toujours plus loin.
Mais, pas à pas, à vitesse humaine,
Sans hâte,
Sans précipitation.

Comment avancer?
Comment se trouver?
Sinon en laissant le temps faire son oeuvre lente?

Il est si difficile pour moi de « comprendre » tous ces gens qui s’agitent, attachés aux apparences affichées dans l’air du temps, tous ces gens qui militent (même racine que « militaire » je le rappelle)  un jour dans un camp, dans un autre le suivant, d’un genre puis d’un autre, poursuivant une idée fixe puis une autre, à toute vitesse, à très grande vitesse, formidablement impatients, soumis à la technologie,  accrochés aux voix des autres sans en mesurer l’opportunisme mercantile…

Très chers paradoxes



J’aime résumer l’état de bien-être à un état dans lequel je suis en équilibre entre mes paradoxes.
J’aime aussi affirmer que je suis funambule entre deux mondes : le mien et celui des autres.
Et j’ajoute que plus le fil est tendu plus le mouvement est facile et que sans mouvement, la vie n’existe plus.

Avez vous remarqué que les plus « anti-système », les plus écolos, les plus anarchistes, les plus complotistes, les plus « contre » sont ceux qui utilisent le plus facilement les réseaux sociaux pour s’exprimer, pour rabattre le monde vers leurs sites, leurs croyances, leurs publicités propres?

En écrivant sur ce blog, en acquittant chaque année des droits d’hébergement, je me suis donné les moyen d’une certaine indépendance.

Mais, le monde est ainsi fait qu’il est impossible de lui échapper. Les réseaux sociaux nous captent et eux seuls transmettent des signaux qui nous attrapent à grande vitesse.
Ce matin, j’ai donc lancé un nouvel essai « pour vivre avec mon temps » en pensant à ma grand-mère qui était fière de s’adapter rapidement aux changements apportés par le siècle derniers.
Rien n’est gratuit, je sais qu’en ouvrant un groupe sur FB, je participe au fonctionnement d’un géant, j’impose des publicités à mes lecteurs, je leur mets sous le nez des propositions de « semblables » (là je rigole un peu en imaginant ce que FB peut trouver qui me ressemble!!!), prenant le risque de les inviter à glisser plus loin, plus loin, à s’embourber, à tout abandonner et surtout à m’abandonner, « moi-je »!
Qu’importe, tout est expérimentation et j’aime ça.

Les paradoxes sont les moteurs de notre vivance, c’est un fait et j’avance sans jamais me lasser de les observer.

Ainsi, hier au supermarché, une image surréaliste est entrée dans mon champ de vision.
Une femme jeune, parfaitement maquillée, entièrement drapée dans une « robe » beige d’excellente qualité, une robe qui l’enveloppait de par dessus les cheveux jusque par dessus les pieds, était dans le même rayon que celui où je m’empressais de passer.
Elle prenait son temps, poussant son chariot déjà bien rempli et bavardant « toute seule ».
Toute seule?
Non.
Un magnifique téléphone pommé assorti à sa robe était glissé contre son oreille et fermement maintenu par la grâce des plis de tissus qui enveloppaient sa tête.

Malicieuse, j’imaginais instantanément qu’un être transcendant avait prévu cette situation et avait même transmis ses intentions auprès d’un messager obligeant.
Ainsi cette recette était exclusivement réservée aux femmes afin de leur permettre de bavarder de tout et de rien partout et n’importe quand, y compris au supermarché en poussant un chariot chargé de produits ultra-transformés.
Trop fort!

De cette actualité instantanée et durable à la fois

« Qu’est-ce que l’éternité ? Pas un temps infini (car alors ce serait terriblement ennuyeux) mais un présent qui reste présent. C’est donc le présent même, dont nous sommes ordinairement séparés par le regret ou la nostalgie, l’espoir ou la crainte. L’éternité n’est pas l’immuabilité, mais la perduration toujours actuelle du devenir. Non la permanence, mais l’impermanence en acte et en vérité ! Il ne s’agit pas de vivre dans l’instant, ce que nul ne peut, mais d’habiter le présent qui dure et change. Quel que jour qu’on soit, c’est toujours aujourd’hui. Quelle que soit l’heure, c’est toujours maintenant. Et ce perpétuel maintenant est l’éternité même. C’est cela, que la philosophie m’a aidé à penser, la méditation m’aide à le vivre, y compris quand je fais tout autre chose que méditer ! On ne court le plus souvent qu’après l’avenir. Mais on ne court qu’au présent. »
Entretiens entre André Comte-Sponville et François L’Yvonnet, C’est chose tendre que la vie, Albin Michel, 2015, ISBN 978-2226314895

La routine a repris.
Après être passée par « Les matins » de France Culture, c’est l’heure du café.
Là, je parcours les réseaux sociaux comme j’ouvrirais une fenêtre sur le monde.

Et c’est (presque) toujours un moment triste, un moment qui m’émotionne du côté de la souffrance. Il arrive que j’ai besoin de réagir et le mur sur lequel « ça » tombe peut parfois trembler, bien que je fasse toujours tout pour me retenir.

C’est que j’ai beaucoup de difficultés à accepter le vide exposé sur les réseaux sociaux.
Et quand le vide fait le plein, c’est à la limite du supportable pour « moi-je ».
C’est d’autant plus difficile lorsque je le vois ce genre d’affichage sur la page d’une personne que j’estime pour son intelligence, son sens critique, son regard large.

Que se passe t-il donc?

Sur le plan pratique, je retire du fil d’actualité les personnes qui me font trop souvent bondir, de fait la publicité s’installe à leur place.
Et de fait, je reste calme.
Mais de fait, ma fenêtre est moins ouverte.

Que se passe t-il donc?

Sur un autre plan, je m’interroge.
Par quel tour de magie, par quelle intention, une information instantanée peut-elle durer et se propager, sans varier d’une once, pendant des heures, des jours parfois?
Jusqu’à l’essoufflement.
Jusqu’à ce qu’une autre information instantanée prenne la pas, anéantissant la précédente, la jetant aux oubliettes sans la moindre considération pour le temps d’affichage dont elle a courageusement fait preuve.

Et petit à petit je comprends que c’est le fil virtuel trop impalpable entre instantané/fragile et durable/certain qui me fait souffrir.

Ce qui se propage sur les réseaux sociaux à grand coup d’émoticônes et de partages compulsifs ne correspond en rien au présent et pourtant un sacré paquet de monde veut croire que c’est le présent.

Je peux pas.