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Histoire d’aimer


Un matin, j’ai croisé cette question : « C’est quoi aimer son cheval? »

En lisant les commentaires qui suivaient, j’ai éprouvé le besoin d’aller faire un tour dans mon dictionnaire préféré afin de vérifier que ma notion de « aimer » était bien celle que je connais.
Bingo.
Définition de « aimer » : Éprouver, par affinité naturelle ou élective, une forte attirance pour quelqu’un ou quelque chose.
Ouf, je suis vieille mais pas complètement gâteuse, aucun des commentaires ne répondait vraiment à la question posée.
Le sentiment bizarre que j’avais discerné en les découvrant, chacun faisant sa propre liste des soins apportés à son cheval, ce sentiment bizarre était donc raisonnable.

J’aime les mots, pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils deviennent, pour ce qu’ils cachent.
J’aime les macarons à la pistache, les bonbons noirs au fort gout de réglisse, la chasse aux orchidées sauvages, les gens, les chevaux, la vie, etc.
J’aime.
Et parfois j’Aime.
Et c’est d’une toute autre dimension,
De l’ordre de l’indicible.

Ce matin là, en croisant cette question, je me suis retrouvée face à une forêt d’autres questions.
Celles-ci par exemple :
Quelle est la différence entre aimer son cheval et aimer l’équitation?
Et aussi pourquoi les personnes qui aiment les chevaux aiment souvent monter à cheval… ou pas?

Ce dimanche, après la session effectuée en extérieur sur le dos de mon p’tit cheval, j’ai avalé un sandwich et je me suis embarquée dans la voiture en ordonnant au GPS de m’indiquer la voie la plus rapide pour me rendre sur un terrain de cross. Là-bas, des cavaliers et cavalières de l’écurie s’étaient donné rendez-vous avec leurs montures pour une journée d’entrainement, CSO le matin, cross ensuite.

En une heure j’étais sur place.
La pluie avait faibli mais elle commença à redoubler tandis que le vent enflait. J’avais prévu le coup et j’étais bien équipée, tout à fait décidée à observer.

Sur le parcours de cross, mon attention naviguait d’un cheval à l’autre, des cavaliers aux accompagnants, des indications du coach aux actions des cavaliers, des visages épanouis à ceux complètement fermés.

C’est quoi « aimer »?

C’est quoi ce mot français complètement fourre-tout, les langues étrangères ayant dans leurs bagages plusieurs mots qui se traduisent en français avec le même « j’aime » qui à force d’être utilisé sans y penser ne signifie plus rien.

Que signifie « j’aime » quand je « like », quand je pose un pouce bleu sous un commentaire ou en recevant un message virtuel ? Signifie t-il « j’ai lu », « j’ai compris », « j’éprouve une attirance pour ces mots », j’approuve, ou quoi encore? Un fait est certain, j’aime/je like à tour de bras !

Au lendemain du dimanche, j’ai vu défiler mille questions en écho de « C’est quoi aimer son cheval ? « 

J’ai même vu passer des questions tristes.
Oui, tristes.
Oui, car,
J’ai eu le coeur qui s’est serré l’autre jour, lorsque je suis passée à côté d’une cavalière au visage fermé en train de préparer son cheval pour monter dans le van du retour.
Je suis passée à côté, j’ai passé ma main sur l’encolure du cheval que j’avais vu évoluer de son mieux et j’ai dit en m’adressant à l’animal qui grappillait des brins de foin : « Tu mérites bien ton foin ».
C’était ma façon de compatir, j’avais vu ce qu’il venait de donner sans rien demander en échange, sans même rien espérer.
Je sais qu’il ne fut probablement pas réceptif à ma compassion, le foin lui suffisait pour être heureux à l’instant présent.
Mais la cavalière, elle qui certainement « aime » son cheval, la cavalière me regarda d’un regard noir.
« NON, il mérite pas! »
Et j’ai senti l’immensité de son dépit, de son sentiment de non-réussite, de tout ce qui chez elle, de son point de vue ne méritait « rien ».

Aimer son cheval
Aimer l’équitation
S’aimer soi-même…

Ce sont des questions récurrentes dans mes réflexions sans fin.

Il est clair que je suis attirée par les chevaux, n’était-ce pas seulement une attirance irraisonnée qui me poussait, enfant, à chercher le cheval qui avait laissé une trace de sabot dans la boue ?
Dans ces temps déjà lointains, il n’existait pas d’autre solution, pour aller au plus près des chevaux, que celle qui consistait à s’inscrire dans une école d’équitation.
J’ai pris goût à l’équitation parce que j’aimais les chevaux.
Et de l’école d’équitation au champ de course en passant par le cirque, j’ai fini par avoir mon propre cheval parce que c’était l’unique solution envisageable pour rester à côté d’un être dont j’avais encore tant à découvrir. Prendre soin des chevaux des « autres » m’avait déjà appris mille choses, mais devenir responsable de « mon/mes » chevaux offrait une nouvelle dimension, particulièrement en matière d’éducation que je pouvais mener à ma guise. Ainsi, d’erreurs en succès, j’agrandissais ma connaissance de l’objet de mon attirance : le cheval!

A l’heure où j’en ai terminé avec le statut social de « femme active », à l’heure où j’ai enfin accepté le fait de vivre « sponsorisée » par les milliers de personnes qui travaillent quotidiennement, ces actifs qui jonglent entre vie de famille, vie amicale, loisir et temps passé à « gagner de l’argent », j’ai acheté celui qui sera probablement « mon dernier cheval ».
Grâce à lui qui se moque bien de mes cheveux blancs, de mes rides, de mes « faiblesses » de vieille, j’existe encore toute entière, je reste la gamine que je n’ai pas cessé d’être, celle qui est tellement attirée par les chevaux.

Sa première ligne


Oui, oui, nous sommes bien au rayon cheval!

Hier, j’ai présenté à mon p’tit cheval sa première ligne.
Il faut bien commencer un jour.
Et mon principal objectif était le suivant : qu’il kiffe!
Car ce qui me fait plaisir, c’est qu’il « s’amuse » afin de rester toujours partant aussi calme que pétillant.

A l’image des enfants pour qui écrire est avant tout un jeu, de ces enfants qui utilisent tous les bouts de papiers qui trainent pour y poser les mots qui leur passent par la tête.
A l’image de tous ceux qui ont besoin de faire des lignes pour avancer.

Première ligne pour Prodi, donc.
Pas si simple à organiser en réalité, pour moi qui monte souvent à l’heure où « les autres » sont absents, car pour la bonne réalisation d’une ligne, il faut un peu d’aide, à minima une personne disponible pour ajuster les barres.
Car « une ligne » c’est une succession de barres judicieusement placées, à distance mesurée, à hauteur appropriée.
Hier, nous avons bénéficié de la présence d’A. qui nous a offert un peu de son temps.

Prodi n’avait jamais sauté plus d’un obstacle.
Mon goût pour le calme et l’impulsion juste avait écarté jusque là toute tentative tendant à prouver je ne sais quoi à je ne sais qui. C’est aussi une question de respect de l’animal à mes yeux. Qui exigerait d’un jeune enfant qu’il réalise une page d’écriture parfaite avant même d’avoir appris à écrire en souplesse ? Même s’il dispose d’un talent naturel pour les gribouillages, il a toujours besoin de temps avant d’arriver à « trouver son écriture ».

Faire sauter les chevaux plus haut que nécessaire, les faire galoper vite et loin avant même la fin de leur croissance est certainement nécessaire à des fins commerciales, mais pour moi qui vient de m’offrir le dernier cheval de ma vie, ça parait plus incongru que jamais.

Je suis en train de vivre un passage de vie absolument surprenant avec ce Prodi. Pour la première fois de ma vie de cavalière, je n’ai sincèrement aucune attente particulière en sa compagnie.
J’en ai fini avec la compétition, avec « faire la preuve », avec « il faut qu’il soit prêt pour telle échéance », j’avance au jour le jour et je me réjouis de ce qu’il m’offre sans le savoir. C’est « tout petit » parfois ce qu’il m’offre, mais tellement grand en même temps.
Je suis très lucide, jamais je n’aurai pu tenir ce discours avant désormais.
Je comprends vraiment et avec le coeur ce qui tiraille les jeunes cavaliers, les cavaliers plus avancés et même parfois les vieux cavaliers débutants.
Il faut vraiment avoir traversé pas mal de pays, pas mal d’aventures avant de se poser avec plaisir. Simplement.
J’ai cette chance.

Hier le p’tit cheval a sagement traversé au pas la ligne de barres posées au sol.
Il a vu et reconnu cette succession « d’obstacles » comme un exercice que j’allais lui proposer à nouveau.
Pourtant,
Il ne le savait pas encore,
Que nous passerions et repasserions.
Mais en passant au pas il écartait la probabilité d’un danger surgissant de chaque barre autant que de l’alignement en lui même.
Nous sommes revenus, donc, puisque c’est ce que j’avais prévu.
A dix mètres le la première barre, je l’ai arrêté afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il a fait, encolure haute, oreilles dressées.
Puis, doigts ouverts sur des rênes juste au contact, je lui ai demandé de trotter, sans passer par le pas, directement, ce qu’il a fait et il a franchi toute la ligne, tranquillement, certain qu’une fois arrivé au bout il aurait le temps de respirer, qu’une fois au bout il n’avait aucune raison de se stresser, de s’agacer d’aucune façon.
Alors, il était temps de soulever un peu les barres (merci A.)

A dix mètres le la première barre, je demande un arrêt afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, il se fait la ligne en choisissant un simple enjambement, c’est visiblement trop bas, il est agile le petit pur sang.
A. augmente un peu la hauteur.
A dix mètres le la première barre, j’arrête afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, cette fois-ci, il saute franchement, part au galop à la réception, sort au galop, tranquille, serein et je lui demande de passer au pas après un demi-cercle à main gauche.
Je questionne A. « Qu’en penses-tu, on reste là dessus? »
« Vous pouvez faire une fois de plus » me suggèra t-elle.
« Oui, tu as raison c’était peut-être un coup de chance cette première réussite » ai-je acquiescé.

Et nous sommes repassés tout pareil et nous sommes passés au pas après un demi-cercle à main droite.

Evidemment, la hauteur était faible, évidemment la perfection est à atteindre car le geste est encore brouillon, il faudra répéter, répéter encore avec patience, et encore de la patience.
Les chevaux sont très patients.
Et moi aussi.

Rien ne nous presse.
J’ai beaucoup d’émotions qui se bousculent en écrivant ces mots là.
Beaucoup de reconnaissances aussi.

Ces jours là

Sans que rien ne l’annonce, soudainement il s’arrête.
J’ignore comment il s’y prend,
Il pressent, il sent, il joue d’un appeau musical et silencieux rameutant les invisibles,
Je n’en sais rien
Mais dans les secondes qui suivent cet arrêt,
Un vautour fend l’air, un essaim s’échappe ou le vent se lève.


Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Dufour, Editions Stock, 2023



Ces jours, là, ces instants là, je sais immensément ce qui m’a poussée à revenir auprès des chevaux.
Je sais dans le fond de mon coeur,
Dans le fond de mes tripes,
Sans pouvoir l’exprimer précisément
Ni le partager aux personnes qui ne savent pas.

Car c’est sans aucun doute le chemin déjà parcouru
Qui met en valeur le chemin de l’instant
Et le petit bout qui reste
A parcourir
Plus loin.

La session d’aujourd’hui était délicieuse.
Celle d’hier était étrange.

Hier,
La sortie du paddock fut « comme d’habitude » : Prodi est venu à ma rencontre, il a glissé le bout de son nez dans le licol offert et il est sorti pour aller brouter l’herbe bien plus verte plus loin, exactement comme d’habitude.
C’est pendant le moment du pansage que j’ai noté son attitude « différente ».
Il se figeait, tête haute, yeux grand ouverts, oreilles dressées, bouche serrée.
J’écoutais avec mes pauvres oreilles humaines.
Rien.
Rien d’autre que le vent.
Un vent d’Est, certes,
Mais seulement du vent.

Je l’ai préparé comme d’habitude, tout en constatant qu’il restait tendu, pas comme d’habitude où il s’abandonne complètement jusqu’au moment où je l’invite à sortir vers l’aventure du jour.
Sellé, bridé, il est sorti d’une traite, sans marquer l’arrêt qu’il marque d’habitude en entrant dans la lumière.
Le soleil était resplendissant, une douce chaleur automnale s’était installée, le vent caressait les arbres, vigoureusement certes, mais nous avions déjà vécu bien pire.
Cependant, je décidais de commencer la session par une balade en main, juste afin de prendre le temps d’observer avant d’enchainer sur le programme du jour.
Nous partîmes gaillardement, d’un bon pas.
Soudain, il s’arrêta.
Figé, tête haute, yeux écarquillés, oreilles en avant, bouche hyper serrée.
Statufié, il était.
J’ai attendu avant de lui proposer sans succès d’avancer au moins un pas.
J’ai sorti toutes mes antennes afin d’écouter le vent, de sentir le vent.
En vain.
Je suis tellement nulle par rapport à lui quand il s’agit d’utiliser ces sens là.
Que voyait-il dans le vent?
Il accepta facilement de tourner ses hanches, d’un côté puis de l’autre, sous une minuscule pression de mon index pointé.
Et il se figea à nouveau.

Il devenait clair que mon programme du jour tombait à l’eau.
Je sollicitai un nouveau demi-tour sur les épaules afin de le mettre dans la direction de l’écurie et il se décida à faire un pas, puis deux, puis il avança dans la direction que je lui proposai, celle du montoir.
Là, il accepta de se laisser monter et d’aller en direction des carrières.
Il se figea à nouveau deux fois avant d’y arriver, repartit parce qu’il est déjà bien éduqué à obéir mais il restait très tendu malgré toute la décontraction que mon corps, mes mains, mes jambes lui posait en miroir.
Que voyait-il dans ce vent d’Est forcissant?
Une fois dans la petite carrière, il se laissa guider sur un cercle, puis un autre et bloqua encore, puis se débloqua sans enthousiasme. Il m’accorda une volte, une demie-volte et je considérai qu’il en avait assez fait. Je le fis sortir pour aller le déshabiller puis je l’ai ramené à poil et en licol afin de voir ce qu’il allait faire en liberté dans la carrière.
Il grignota un brin d’herbe de manière compulsive, comme certaines personnes plongent leur main dans un sachet de bonbons les jours de stress, sans y porter grande attention, puis il leva à nouveau la tête, inspectant droit devant lui et renâclant bruyamment.
Comme il restait sur place, à la voix, je l’invitai à marcher à mes côtés, puis à trotter, ce qu’il fit presque facilement.

C’était hyper étonnant de le voir exécuter aussi facilement ce que je lui demandais, aussi étonnant que de le constater tellement accaparé par « je sais pas quoi ».
J’ai considéré qu’il avait beaucoup « donné » de sa gentillesse dans ces circonstances qu’il était incapable de m’expliquer et nous sommes restés là dessus.

Une fois dans son paddock, il n’a ni bu, ni mangé mais je l’ai vu se détendre un peu.

Les chevaux, les animaux nous parlent avec leurs attitudes sans que nous puissions vraiment comprendre ce qu’ils racontent. Toute forme d’empathie, telle que nous pourrions l’exprimer à un humain, est vaine, eux non plus ne comprennent pas ce que nous racontons.

Mais je suis certaine d’une chose, les chevaux savent parfaitement le respect que nous leur exprimons de tout notre coeur et à leur façon ils nous en sont reconnaissants, sans limites.

Les chevaux, lorsque nous les respectons, nous font toucher l’absolu.



Equilibre



Avant de titrer un article, je fais systématiquement un tour des archives du site. Ainsi j’ai le plaisir de relire des vieux billets, de sourire souvent et toujours de constater à quel point mon cap reste le même malgré le temps qui passe.
J’ai trouvé pas moins de 60 billets contenant le mot « équilibre » et pas un seul ne porte ce mot en titre.
Je peux donc tranquillement l’afficher aujourd’hui.
Si je m’apprête à examiner ce sacré mot à travers le regard des chevaux et de l’équitation, je ne résiste pas à partager ce lien qui raconte une bribe de mon chemin de vie, de l’équilibre que je cherche et que je trouve parfois, funambule sur un fil tendu entre mes paradoxes.

Ce mot « équilibre » sonne, résonne, questionne, interroge le monde de l’équitation, infiniment!
Il suffit d’aller faire un tour du côté de la lexicographie pour réaliser à quel point chacun peut raisonner selon la définition qu’il choisit et se trouver facilement en désaccord avec l’interlocuteur qui pense selon une définition voisine.
Ce serait finalement une situation assez commune, ne méritant pas de s’y attarder, si ce mot là ne constituait pas une des bases de l’enseignement équestre et une des préoccupations majeures de tout cavalier souhaitant progresser.

Equilibre du cheval,
Dans son corps, dans sa tête, dans son environnement.
Equilibre du cavalier,
Dans son corps, dans sa tête, dans son environnement.
Equilibre du couple, c’est à dire équilibre du cheval monté par son cavalier,
Cheval et cavalier ensemble, corps et mentaux conjugués, dans l’environnement x, à l’instant t !

Les manèges résonnent souvent d’une litanie de sentences :
« T’es pas en équilibre »
« Ton cheval n’est pas en équilibre »
« Cherche l’équilibre »
etc
Et au milieu des injonctions diverses et variées le cavalier se perd, cherche en vain, espère un compliment tandis que ni lui, ni sont cheval ne tombent, ce qui laisse imaginer qu’il existe un certain équilibre quelque part !

Avec le développement des hautes technologies, des ingénieurs s’affairent et publient des données afin d’essayer de définir un équilibre scientifique.
Dans le même temps, de manière tout à fait empirique, des cavaliers s’affairent avec leurs chevaux afin d’atteindre « leur équilibre avec leur cheval » dans la discipline convoitée, poussant parfois l’audace jusqu’à souhaiter le meilleur dans des disciplines aussi différentes que le dressage et le cross, courant après un « équilibre en général » qui n’existe qu’en particulier.

Dans ce microcosme parfois uniquement équin, parfois aussi équestre, comme dans tous les autres, les spécialistes sont désormais aussi nombreux que les pages offertes par les réseaux sociaux. Et tous s’affirment spécialistes très compétents en recherche.
Dans un autre microcosme qui fut mien, j’avais pu constater, vivre, expérimenter, le formidable effet de l’accès à la toile pour la « démocratisation » de l’information… et de la désinformation associée.

« L’outil électronique Internet offre l’opportunité de surmonter ces obstacles pour une communication libre. Il signifie la chance historique pour faire progresser de la liberté de la presse à la liberté de communication et de ce fait démocratiser l’information (bien que cela implique aussi la démocratisation de la désinformation): Tout citoyen a le droit de publier information dans tout le monde, et tout autre citoyen a le droit de recevoir, de juger, et de l’utiliser lui-même, sous sa propre responsabilité. »
PhD E.Winkler 2003

Et voilà donc que je poursuis l’aventure de la recherche assidue de l’équilibre, au sujet de l’équilibre !
Curieuse et gourmande, je me plais à lire tout ce qui passe, et à le situer, et à y porter une grande attention sous tous les angles pour finalement à revenir à mes classiques, et surtout au juste milieu qui m’est si cher.
C’est formidable.
C’est passionnant.
Effrayant aussi.

C’est une porte grande ouverte sur une immense solitude.
Car si je peux passer d’un raisonnement individuel à un raisonnement général en étant au fait des biais cognitifs à franchir, je suis absolument incapable de passer d’un raisonnement manichéen à une recette convenant à tous.


Choisir c’est renoncer



Toujours!
Choisir c’est renoncer.
J’étais en train de trier mes photos ce matin, lorsque s’est imposée cette locution.

Ce matin, premier jour d’une campagne électorale express où pleins d’individus préfèrent penser qu’il est possible de choisir sans renoncer.
Plein d’individus… des grands et des petits, des connus et des inconnus, plein…

J’étais en train de trier mes photos.
Mes pensées vagabondaient allant de souvenir lointains à souvenirs récents.
Je pensais à très longtemps « avant » lorsque les images étaient rares et je touchais du bout de mes sens la saveur des souvenirs sans images.
Et je voyais défiler les centaines d’images capturées lors de la dernière balade et je supprimais allègrement des lignes entières, de ces lignes qui apparaissent sur l’écran selon le choix fait du nombre d’images qu’elles doivent contenir. Sur mon écran, il est possible de choisir entre 3 et 39 et j’ai choisi 15 parce que ça va bien avec mon acuité visuelle présente, renonçant à la possibilité de voir en détail mais acceptant celle de pouvoir supprimer assez rapidement par multiple de 15.

Choisir.
Choisir de garder, choisir d’abandonner.
Prendre le risque d’oublier,
Comme si chaque image était si importante qu’il fallait absolument ne jamais les supprimer.

L’abondance nous enserre,
L’abondance nous étouffe, nous aveugle, nous dépasse et nous perd dans une consommation infernale dont nous oublions les sources et repoussons au très loin les poubelles.
Nous habitons en France au 21ème siècle.
C’est un fait avec lequel nous vivons.
C’est un fait avec lequel nous vivons souvent sans en avoir conscience.
Combien de comparaisons avec un avant disparu ?
Combien de comparaison avec un « ensuite » dont nous ignorons absolument tout?

C’est amusant de trier les photos et de me retrouver en train de poser quelques mots sur un billet que pas grand monde ne lira.
En cherchant d’autres billets sur le même sujet, je me suis relue, je me suis reliée à l’essentiel, à ce qu’aucune photographie ne montre vraiment, à ces moments « en équilibre » que j’ai l’immense chance de pouvoir vivre consciemment et qui jamais ne s’effacent dans ma tête et qui pourtant disparaitrons, à l’heure où je m’effacerai définitivement.

De l’imprévisible (bis)


Il s’appelle Prodigal Son.
Son père est un étalon de renom.
Sa mère, Pearls of Wisdom (perles de sagesse) est anglaise.

Si les chevaux avaient la moindre conscience de ce qu’ils sont devenus dans l’actuelle industrie des loisirs, celui-ci pourrait aller faire un tour chez le psy afin de chercher à comprendre l’imprévisible qui lui est tombé dessus : Comment, lui, fils de star, porteur des plus grands rêves, a-t-il pu se retrouver si près de la fin avant même ses quatre printemps ? En quoi avait-il « fauté » pour en arriver là ? Et est-ce vraiment une chance d’avoir été récupéré dans le couloir de la mort pour atterrir en bord de Loire, désormais dépourvu de ces attributs mâles qui faisaient une partie de sa valeur ?

Voilà deux semaines et trois jours que j’ai fait la connaissance de ce cheval. Le lendemain je devenais officiellement sa propriétaire, c’est à dire que le numéro du transpondeur électronique qu’il porte sous la peau depuis son plus jeune âge est passé du nom de son propriétaire « naisseur/éleveur/entraineur » au mien.

Un cheval est davantage un objet qu’un sujet.
Et, c’est un véritable sujet de réflexion.

Tout autant que cet imprévisible qui reste tellement présent dans mes pensées et survient inévitablement sans… prévenir!

Lorsque j’ai vendu « mon dernier » cheval, abandonnant l’idée de compétition et du « travail » des chevaux en ce sens, je n’imaginais pas un jour replonger.
Je me suis contentée de collectionner les chevaux « objets » de décoration et évertuée à refuser toute proposition consistant à m’approcher du moindre cheval.
C’était en fait une tentative folle destinée à oublier qu’il existe un virus qui touche l’âme elle-même et dont il est impossible de guérir, un virus que je ne saurais décrire avec des mots, un virus qui s’exprime très différemment d’une personne à une autre… mais un sacré virus!

J’entends parfois que l’avancée en âge facilite l’accès à la sagesse.
Autrefois j’aurais pu parler de folle sagesse, mais aujourd’hui, le terme est malmené par les gurus commerçants.
Alexandre Jollien, lui, joue avec la locution « Sagesse espiègle » entremêlant sage folie et folle sagesse dans une prose tournée vers une « spiritualité » contemporaine de type « fast-food » que je ne peux pas comprendre.
Exit donc et la sagesse et la folie.
Mais…
… Que m’arrive t-il dans ce passage vers l’adolescence de l’autre extrémité de la vie ?
Difficile d’en parler sans risque.

L’autre jour tandis que j’annonçais au propriétaire de l’écurie (dans laquelle j’ai débarqué il y a environ neufs mois) que j’allais finalement acheter un cheval, il me renvoya quelques mots tout en me regardant du fond de son coeur : « je vois bien que tu aimes ça » et à ces mots, mon coeur est remonté au fond de ma gorge, formant cette « boule » un peu spéciale qui fait monter les larmes aux yeux. « Oui, tu peux dire ça comme ça » ai-je répondu en baissant la tête pour masquer l’émotion qui m’envahissait.

Et L’imprévisible alors ?

Et bien, c’est certainement cette urgence de vivre encore plus loin, urgence qui m’a poussée à devenir une fois encore propriétaire d’un cheval.
Je ne l’ai pas du tout vue venir.

Une urgence sans objectifs.

Et avec beaucoup de temps pour demander peu, demander souvent comme les anciens maîtres l’exigeaient.
Et avec une force physique déclinante, obligée d’exiger délicatement, avec une précision d’orfèvre.
Et avec au fond de mon âme une immense reconnaissance.


« Monter à cheval, c’est partager sa solitude »
Bartabas, D’un cheval l’autre, Gallimard 2020



Histoire d’adolescence


Le temps qui passe apporte son lot de questions, sans questions il serait terne.

En 2023, j’ai accepté l’idée d’abandonner l’état « actif » ce qui signifie que sur les listes proposées à la fin des interrogatoires statistiques, je dois cocher l’ultime case, celle dans laquelle il est « normal » de mettre toutes les personnes qui vivent au crochet des « actifs », ceux qui cochent les cases d’au dessus. Dans ces bas-fonds, plus question de titres ni de diplômes, plus question de qualification, c’est l’antichambre vers l’oubli.

Les « boomers », ces « vieux schnocks » d’aujourd’hui disparaissent petit à petit, les plus célèbres offrant un espace aux spécialistes en nécrologie d’autant plus qu’ils se sont désespérément accroché à leur célébrité. Car certains sont incapables de laisser leur place aux jeunes, que ce soit en politique, dans le showbizz, partout où l’existence est intimement liée à l’exposition médiatique.

Enfant, je regardais les films western sur l’unique chaine de la télévision qu’il me fallait aller regarder chez ma grand-mère les jours sans école. Aucun salon ni aucun canapé à l’époque, c’est assise sur une chaise en paille devant la table de « salle à manger » que nous regardions la boite magique en sirotant du « pschitt » et en mangeant une tartine « beurre-chocolat ».
J’étais toujours « pour » les indiens.
J’étais fascinée par ces « sauvages ».
Un jour, je fus marquée par l’histoire d’une vieille femme qui s’éloignait de la tribu. Devenue inutile, elle partait finir ses jours au loin, seule afin d’éviter de devenir un poids pour les siens.
Je fus marquée.
Marquée au point de me dire que j’en ferai autant, un jour, lorsque le moment viendra.
Las, le temps des « indiens » est terminé.
Ni l’environnement sociétal ni l’environnement tout court ne se prête plus à ce genre de « disparition ».

Aujourd’hui, de mon point de vue, la personne vieillissante, vit une espèce d’adolescence à l’envers, un temps entre l’âge adulte (époque de productivité et de cotisations sociales) et l’ultime vieillesse croupissante qui parfois s’étiole infiniment dans les établissements spécialisés parce qu’il est interdit d’achever les humains, quand bien même ils ne sont devenus que charges et soucis incapables de communiquer.

Donc, me voilà vaillamment et joyeusement entrée dans cette drôle d’adolescence !
2024 marque mon retour en adolescence.
Une preuve s’il en était besoin : je monte à nouveau à cheval quasiment chaque jour.

Car le mot « adolescence » est une affaire de bavardage, de signifiant donc comme l’écrit le psychanalyste B.Nominé :

Et, je remarque que la première partie de l’article telle qu’elle apparait sur l’image ci-dessus pourrait tout à fait être plausible en remplaçant « jeune » par « vieux » ainsi il serait possible d’écrire :
« Je propose donc de situer l’adolescence entre la réalité biologique de la « ménopause/andropause » qui est un évènement du corps qui s’étiole, et le bavardage. »
Et plus loin :
« Ce qui va donner un statut à la vieillesse, et c’est la qu’on va trouver l’adolescence, c’est le fait de séparer les vieux des adultes au moyen de la retraite. »

Ca me fait rire.
Ce genre d’humour me comble sans jamais me désoler.

A propos du bien-être, un cas.


23 février 2024

Nous devrions rendre grâce aux animaux pour leur innocence fabuleuse et leur savoir gré de poser sur nous la douceur de leurs yeux inquiets sans jamais nous condamner.
Christian Bobin, Ressusciter, Gallimard, 2001, page 87.

Le bien-être…
Un truc à la mode !
C’est quoi ?
Comme tous les trucs à la mode, « ça » se vend à toutes les sauces.
Mais c’est quoi alors ?
Ben… Après avoir cherché une définition, j’en ai trouvé à la pelle.
Mais j’ai été incapable d’en trouver une seule bien précise.
Et comme s’il fallait compliquer « la chose » le bien-être humain étant à l’origine de bien des guerres, des révolutions, des grèves, des revendications mettant souvent à mal … le bien-être d’autres humains, voilà que les histoires de bien-être animal sont entrées dans la danse, bousculant des millénaires d’histoire de la domestication et du sens même de cette histoire.

Inévitablement la question du bien-être des chevaux est posée sur la table, d’autant plus vivement que de nos jours si les chevaux sont des outils de travail pour un petit nombre de professions, c’est parce qu’ils sont destinés quasiment exclusivement aux loisirs d’un très grand nombre de personnes.
Souvent, je lis qu’il faut éviter toute forme d’anthropomorphisme, que les chevaux sont des chevaux et qu’ils doivent être vus en temps que tels. Sauf qu’il suffit de se promener dans n’importe quelle grande surface dédiée au « bien-être » du cavalier et de sa monture pour constater (si besoin en était) que le détenteur de la carte bancaire étant humain, c’est à ses besoins à lui qu’il faut plaire. Pour vendre une couverture, par exemple, c’est bien à « la sensation de bien-être » du propriétaire d’un cheval qu’il faut parler, c’est bien l’humain qu’il faut convaincre et c’est en vérité le bien-être de l’humain qui va diriger la notion de « bien-être animal ».

Hier, j’ai vécu un moment que je n’avais jamais eu l’occasion de vivre dans toute ma (longue) vie de côtoyeuse de chevaux.
Les conditions météorologiques étaient tempétueuses.
Je suis arrivée aux écuries entre deux fortes averses, le vent violent agitant seulement quelques gouttes résiduelles, mais après avoir salué les personnes présentes, le ciel recommençait à nous tomber sur la tête.
Ayant d’autres activités prévues dans l’après-midi, mon temps sur place étant compté, j’ai décidé d’aller chercher le petit pur-sang sans plus attendre et malgré la pluie battante.
En arrivant, longeant son paddock en voiture, j’avais remarqué qu’il avait le nez dans son foin, face au vent. Les chevaux ayant naturellement le réflexe de se mettre dos au vent pour s’en protéger, je m’étais dit que l’animal restait placide, préférant la gourmandise à l’abri.
J’étais donc sur le chemin pour aller à sa rencontre, mes bottes de pluie se moquant des flaques, mon bonnet enfoncé jusqu’aux yeux et le ciré fermé jusqu’au menton lorsqu’à travers les rafales j’entendis le son vibrant du hennissement qui me salue habituellement. Vibrant… plus que d’habitude en vérité, mais étant encore loin je n’attachais que peu d’importance à ce fait.
A l’approche, je constatais que le petit pur-sang restait figé sans venir à ma rencontre.
La pluie redoublait.
Il était à quelques mètres de son abri, dos au vent, queue plaquée, pattes arrières sous lui, comme pour mieux résister à la poussée de l’air mauvais, tête basse.
Figé.
J’avançais à sa rencontre, il était tremblant.
Tremblant de tout ses membres.
Tremblant de tout son corps.
Jamais je n’avais vu un cheval tremblant ainsi, à l’image d’un gamin qui sort de l’océan après y avoir un peu trop trempé.
Il fit un pas vers moi.
C’était émouvant car ce faisant, il prenait le vent de travers.
Visiblement, il avait envie de me suivre mais il était impossible de le toucher, donc de lui mettre son licol. C’était comme si sa peau trempée était devenue hyper-hyper sensible, refusant le moindre contact.
J’ai songé un instant à aller dans son abri… afin qu’il s’abrite… mais il avançait à pas piteux vers l’entrée du paddock, donc vers la sortie. Là il accepta le licol.
Il me suivit sur le chemin, d’un pas que je n’avais jamais vu aussi actif.
Je restais super attentive, je le sentais si tendu que tout pouvais arriver.
Son compagnon du paddock d’à côté souffla à notre passage, comme effrayé par je ne sais quoi.
Les rafales redoublèrent d’un coup, ronflant autour des bâtiments.
Il fallait avancer quelques pas encore pour être à l’abri.
Ce fut fait sans hésitation.
Là, sous le hangar, le petit pur-sang dégoulinant et archi-trempé s’arrêta, refusant de faire un pas de plus. Il tremblait encore. Jamais je n’avais vu un si grand animal trembler ainsi.
Impossible de le toucher, donc de le sécher.
Je lui ai approché un peu de foin qu’il accepta de manger et j’ai attendu.
Je l’observais, il n’y avais rien d’autre à faire que ne rien faire.

Il cessa de trembler.
Les rafales perdirent de leur intensité.
la pluie tambourina moins fort.

Après un coup de brosse pour la forme, j’ai conduit le petit pur-sang jusqu’au manège, tout nu, sans autre intention que d’aller passer un bout de temps à l’observer.
Dès le seuil, je l’ai libéré de l’attache qui nous liait.
Il s’est éloigné immédiatement, en trottinant, la queue en panache, le nez en l’air.
A l’autre bout du manège, il s’est couché pour se rouler. Dans la sciure du manège, il a frotté son dos avec délectation d’un côté, de l’autre, puis il s’est relevé, a lancé une gracieuse cabriole, s’est secoué et est venu vers moi, au pas, décontracté.
Je ne lui ai rien demandé de plus.

Nous sommes repassés par l’abri du hangar, pour la forme, et parce que je considère que « le cadre » est super important pour la sécurité affective du cheval.
Tant qu’il n’est pas tout à fait serein, chaque séance rentre dans un cadre strict, toujours le même, un cadre dessiné à minima entre pansage d’avant la séance et pansage d’après la séance.
La sciure est donc restée agglutinée dans épais pelage, formant une espèce de carapace qui le rendait tout à fait non-présentable.
Il était temps de le « rentrer » au pré.

Là-bas, il s’est tranquillement dirigé vers son foin.
Il a plongé son nez dedans.
… comme si rien ne s’était passé!

Comme si rien ne s’était passé,
Comme si je ne l’avais jamais vu tremblant de toutes ses cellules,
Comme si aucune tempête n’avait traversé les écuries,
La vie a continué dans les jours suivants,
Paisiblement,
Sans le moindre accro de santé,
Ni pour lui, ni pour moi.

Le bien-être c’est ça!


Voeux



1er janvier 2024

Le premier janvier fut longtemps le jour des étrennes dans notre civilisation.
Les étrennes.
J’ai vécu dans mes tripes ce mot. Je l’ai vécu avec la tournée familiale du jour de l’an où nous visitions la famille afin de les récolter, ces tout petits cadeaux, en échange de nos bons voeux.
Pour moi, c’était très lourd.
Comme tout ce qui relève de l’obligation obligée.
Embrasser des gens quasi inconnus, grimper sur les genoux des vieilles tantes, attendre dans leurs appartements trop chargés en odeurs étranges, remplis d’objets surannés, dans la grisaille des jours d’hiver était presque un supplice.
Et attendre la pièce promise en restant sagement assise pendant que les hommes buvaient leur « petite » eau-de-vie était un triste moment.
Parfois, il y avait une bouteille merveilleuse dans laquelle trempait soit un fruit soit un pantin animé, soit une cathédrale… c’était cool, je pouvais m’y perdre pendant que le temps s’écoulait.
C’était autrefois, un temps disparu.
L’idée des étrennes, c’est aussi et toujours et chaque année le souvenir de ce poème d’Arthur Rimbaud, celui qui arrive en entrée des « Oeuvres complètes » publiées par La Pléiade :
Les étrennes des orphelins.

1er janvier 2024

Les voeux s’échangent virtuellement.
Regardez vos mails, il est probable que les entreprises commerciales les plus incisives vous ont envoyé leurs « bon voeux ».
A quoi rime cette histoire ?
Quel en est le moteur ?
Je suis tellement mal à l’aise depuis toujours avec tout ce « genre de truc ».

1er janvier 2024

J’avais publié ce billet « Haute voltige » en ouverture de 2019, c’est toujours le fond de ma pensée.

Le petit pur-sang



Et hop, depuis hier nous entrons dans un nouveau cycle, le solstice d’hiver est passé, désormais les journées vont aller en s’allongeant et je suis super contente d’avoir, une fois de plus survécu à ce passage de l’année où la nuit est trop longue.
Ca fait un bout de temps que je connais mon besoin viscéral de lumière et il est fort probable que mon goût prononcé pour les activités d’extérieur en soit la conséquence.

En parlant de cycle, je me permets de faire le lien avec le billet précédent, car le présent ne saurait être saisi sans avoir pris connaissance de celui qui vient avant, avec tous les liens qu’il contient et certainement davantage.

A peine quelques semaines après avoir mis en ligne un billet dans la section Cheval, ma « routine » avait déjà changé. Je laissais B. et I. sans aucun regret. Après environ neuf mois passés, auprès d’eux et de leur propriétaire, il était grand temps de m’enfuir, j’avais besoin de liberté renouvelée.

S. le petit pur-sang était là.
Il est encore là.
Pour combien de temps ?

Les rêves sont faits pour être vécus et j’en ai vécu des centaines !
Pourtant,
J’ai jamais été bien douée pour dire à quoi je rêvais.
Par contre, j’ai toujours eu et des besoins et des désirs.
Posséder un cheval fut un désir fort.
J’ai assouvi ce désir des années durant.

Alors que le crépuscule de ma vie est bel et bien arrivé (en ce sens lexical de ce qui décline, décroit, doit progressivement disparaître), posséder un cheval correspond à un passé sans plus d’avenir. En conséquence, je « partage » désormais les chevaux et donc le petit pur-sang S.
Je « partage » en étant du côté consommatrice, l’autre côté appartient au propriétaire.
Comme en toutes choses, il y a des avantages et des inconvénients.

Il a fallu que je trouve l’équilibre entre mes paradoxes.
Et pour arriver à un semblant d’équilibre, il faut toujours accepter de tomber.

Et c’est là que la vie fut, une fois de plus très espiègle!

Jamais dans ma vie de cavalière je n’ai été confrontée à des chutes graves, coup de bol sans doute.
En fait, la chute ne fut pas un « truc » fréquent pour moi et pourtant, j’ai passé beaucoup, beaucoup d’heures à cheval.
Alors, en cette année écoulée, me retrouver par trois fois séparée d’une monture est un évènement que j’ai bien noté et même surligné.
Si je peux analyser ces « séparations de corps » et en remettre la faute entière sur mon propre dos (qui se porte tout à fait bien, merci l’air-bag pour les deux dernières), je dois remarquer que la dernière a tutoyé le ridicule au point qu’une adorable cavalière spectatrice, en me tendant les rênes d’un S. tout sage dit innocemment « Tu fais le clown, hein? C’est ça ? »

Je pense sincèrement qu’il fallait que j’en arrive là.

Non seulement il me fallait accepter de tomber (y compris symboliquement) mais surtout, il fallait absolument que je laisse tout tomber.
(Cette année 2023 n’est-elle pas aussi l’année où je suis rentrée dans le groupe des personnes profitant de l’argent « cotisé » par les « actifs » ? Arffff… ce qui signifie que je suis devenue non-active! Pffffff)
– les projets que j’ai plus mais que mon imagination s’acharne à dessiner en filigrane
– l’audace de revendiquer un certain savoir partageable
– toute forme de prétention en tout et rien
– etc

Oui, j’en souris encore.
J’ai fait le clown
Probablement dès le premier jour où j’ai débarqué aux écuries, encore boiteuse, appuyée sur une béquille.
Ai-je jamais été vraiment sérieuse?
J’ai passé l’âge, non?
Seuls les enfants et les plus jeunes ont la certitude de leurs convictions.
Plus tard, chacun joue le jeu, et y croire en fait sûrement partie.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.

Ces derniers jours, lorsque S. voit arriver ma silhouette du fond de son pré, il lève la tête et pousse un petit hennissement. C’est nouveau.
Peut-être est-ce sa mode du moment avec toute personne arrivant en sa direction?
Je l’ignore.
Au son de ce hennissement, je sais qu’il ne manifeste ni crainte ni agressivité, mais en déduire quoique ce soit d’autre relèverait de mon interprétation émotionnelle humaine.

Ce qui est puissant dans le regard des animaux, c’est le détachement qu’il impose.
Oui, je répète!

Et certainement qu’en laissant tomber un bon paquet de « trucs » au fil du temps, j’ai laissé tomber aussi pas mal d’attachements vains.

La suite reste à vivre.
Passionnément
Avec gourmandise,
Et des journées qui s’allongent à nouveau!


PS : j’avais écrit « petit » appaloosa comme j’écris aujourd’hui « petit » pur-sang.
Jamais je n’ai mis ce qualificatif accolé avec I ou B, eux que je qualifiais de « couple princier »!
C’est que « petit cheval », à l’image de « petit vieux » est détaché de la taille mesurée.
Petit signifie : origines modestes, vie normale sans coup d’éclats, aptitudes ordinaires.
Qui est « petit » doit coûter à minima et si par hasard un « petit cheval » finit par rapporter un peu plus qu’il ne coûte, il deviendra peut-être un « bon petit cheval »!
Tout est contenu dans le regard que l’humain qui le côtoie lui porte.