Sa première ligne


Oui, oui, nous sommes bien au rayon cheval!

Hier, j’ai présenté à mon p’tit cheval sa première ligne.
Il faut bien commencer un jour.
Et mon principal objectif était le suivant : qu’il kiffe!
Car ce qui me fait plaisir, c’est qu’il « s’amuse » afin de rester toujours partant aussi calme que pétillant.

A l’image des enfants pour qui écrire est avant tout un jeu, de ces enfants qui utilisent tous les bouts de papiers qui trainent pour y poser les mots qui leur passent par la tête.
A l’image de tous ceux qui ont besoin de faire des lignes pour avancer.

Première ligne pour Prodi, donc.
Pas si simple à organiser en réalité, pour moi qui monte souvent à l’heure où « les autres » sont absents, car pour la bonne réalisation d’une ligne, il faut un peu d’aide, à minima une personne disponible pour ajuster les barres.
Car « une ligne » c’est une succession de barres judicieusement placées, à distance mesurée, à hauteur appropriée.
Hier, nous avons bénéficié de la présence d’A. qui nous a offert un peu de son temps.

Prodi n’avait jamais sauté plus d’un obstacle.
Mon goût pour le calme et l’impulsion juste avait écarté jusque là toute tentative tendant à prouver je ne sais quoi à je ne sais qui. C’est aussi une question de respect de l’animal à mes yeux. Qui exigerait d’un jeune enfant qu’il réalise une page d’écriture parfaite avant même d’avoir appris à écrire en souplesse ? Même s’il dispose d’un talent naturel pour les gribouillages, il a toujours besoin de temps avant d’arriver à « trouver son écriture ».

Faire sauter les chevaux plus haut que nécessaire, les faire galoper vite et loin avant même la fin de leur croissance est certainement nécessaire à des fins commerciales, mais pour moi qui vient de m’offrir le dernier cheval de ma vie, ça parait plus incongru que jamais.

Je suis en train de vivre un passage de vie absolument surprenant avec ce Prodi. Pour la première fois de ma vie de cavalière, je n’ai sincèrement aucune attente particulière en sa compagnie.
J’en ai fini avec la compétition, avec « faire la preuve », avec « il faut qu’il soit prêt pour telle échéance », j’avance au jour le jour et je me réjouis de ce qu’il m’offre sans le savoir. C’est « tout petit » parfois ce qu’il m’offre, mais tellement grand en même temps.
Je suis très lucide, jamais je n’aurai pu tenir ce discours avant désormais.
Je comprends vraiment et avec le coeur ce qui tiraille les jeunes cavaliers, les cavaliers plus avancés et même parfois les vieux cavaliers débutants.
Il faut vraiment avoir traversé pas mal de pays, pas mal d’aventures avant de se poser avec plaisir. Simplement.
J’ai cette chance.

Hier le p’tit cheval a sagement traversé au pas la ligne de barres posées au sol.
Il a vu et reconnu cette succession « d’obstacles » comme un exercice que j’allais lui proposer à nouveau.
Pourtant,
Il ne le savait pas encore,
Que nous passerions et repasserions.
Mais en passant au pas il écartait la probabilité d’un danger surgissant de chaque barre autant que de l’alignement en lui même.
Nous sommes revenus, donc, puisque c’est ce que j’avais prévu.
A dix mètres le la première barre, je l’ai arrêté afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il a fait, encolure haute, oreilles dressées.
Puis, doigts ouverts sur des rênes juste au contact, je lui ai demandé de trotter, sans passer par le pas, directement, ce qu’il a fait et il a franchi toute la ligne, tranquillement, certain qu’une fois arrivé au bout il aurait le temps de respirer, qu’une fois au bout il n’avait aucune raison de se stresser, de s’agacer d’aucune façon.
Alors, il était temps de soulever un peu les barres (merci A.)

A dix mètres le la première barre, je demande un arrêt afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, il se fait la ligne en choisissant un simple enjambement, c’est visiblement trop bas, il est agile le petit pur sang.
A. augmente un peu la hauteur.
A dix mètres le la première barre, j’arrête afin qu’il prenne le temps de regarder, ce qu’il fait, encolure haute, oreilles dressées.
Départ au trot, cette fois-ci, il saute franchement, part au galop à la réception, sort au galop, tranquille, serein et je lui demande de passer au pas après un demi-cercle à main gauche.
Je questionne A. « Qu’en penses-tu, on reste là dessus? »
« Vous pouvez faire une fois de plus » me suggèra t-elle.
« Oui, tu as raison c’était peut-être un coup de chance cette première réussite » ai-je acquiescé.

Et nous sommes repassés tout pareil et nous sommes passés au pas après un demi-cercle à main droite.

Evidemment, la hauteur était faible, évidemment la perfection est à atteindre car le geste est encore brouillon, il faudra répéter, répéter encore avec patience, et encore de la patience.
Les chevaux sont très patients.
Et moi aussi.

Rien ne nous presse.
J’ai beaucoup d’émotions qui se bousculent en écrivant ces mots là.
Beaucoup de reconnaissances aussi.

Une réflexion sur « Sa première ligne »

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