Ubérisation

Conséquence des faits précédemment exposés, c’est la deuxième fois que je me fais livrer de quoi préparer à manger.
C’est cool d’habiter en ville, mon garde-manger peut se remplir plus vite en cliquant sur un écran qu’en allant au magasin!

Je déteste ce principe.
Et pourtant, ces jours-ci, je suis bien contente d’en « profiter ».

Dans le temps, il était possible de solliciter le petit voisin, une petite pièce et hop il était tout heureux de rendre service et puis, la famille était souvent juste à côté, bien obligée de se soumettre « aux obligations familliales ».
C’était « dans le temps », ou plus loin, ou ailleurs.
J’en suis à aujourd’hui, dans les conditions de vie que j’ai moi-même choisi pour mon plus grand bonheur.
De fait,
Ma grand-mère qui affirmait « il faut vivre avec son temps » aurait-elle apprécié cette formidable ubérisation ?
Aurait-elle apprécié le bruit du scooter qui arrive à fond sur les pavés?
Qu’aurait-elle pensé du petit black casqué de noir, habillé de noir, articulant difficilement trois mots de français pour exiger un numéro de code avant d’ouvrir son sac et de délivrer les courses commandées ?
Je l’ignore.

Moi, je déteste.

Mais nous en sommes là. Beaucoup de personnes voyant ma limitation actuelle me disent « N’hésite pas si tu as besoin de quelque chose » ce qui signifie en fait :
« Surtout, hésite bien à me demander quoique ce soit, j’ai autre chose à faire »

Et puis, c’est vrai, j’ai les moyens de payer!
Mais que personne ne vienne me parler d’attention, de bien-être animal, de la fin de l’esclavage parce que j’aurais de quoi argumenter…

D’ailleurs si j’affirme volontiers que les gens sont naturellement serviables, je modère mon propos en rajoutant qu’il faut un peu leur forcer la main.
Parce que l’individualisme est une présence ordinaire.
Mardi dernier, lorsque j’ai sollicité un comprimé d’anti-douleur avant de prendre sereinement la route, j’ai bien senti que la personne sollicitée préférait me raconter sa vie et lorsque j’ai insisté après l’avoir patiemment écoutée, elle sembla tellement exténuée à l’idée d’aller chercher « le truc » dans sa maison (à 5mètres) que je l’ai libérée sur l’air de « Laisse tomber, ça va le faire sans ».
Et quand trois jours plus tard, je lui ai fait un bilan de l’aventure, histoire de lui signifier que je la reverrai pas de sitôt, après m’avoir sollicitée pour l’aider dès que possible, elle ajouta : « C’est bête, tu aurais pu me demander des béquilles, j’en avais à la maison. »

Heureusement que l’échange fut réalisé par message électronique sans nécessiter de réponse, car en direct live, j’aurais difficilement pu retenir un « scud joellien » de derrière les fagots!

Bon, d’accord, en certaines choses, l’absence de choix est flagrante et, oui… il faut vivre avec son temps!

3 réflexions sur « Ubérisation »

  1. Frédérique

    Oups ! Prise en flagrant délit de flemme. Le copier-coller ne fonctionnant pas, j’ai résumé, à tort. Mea culpa !

    Cependant, pour être honnête, il peut m’être parfois difficile de m’abstenir de proposer mon aide, non pas quand je sais que ça va me casser les pieds mais quand je suis déjà moi-même fatiguée (et donc potentiellement en recherche d’aide) ou indisponible émotionnellement. C’est difficile quand j’ai un fort lien affectif (familial) avec la personne qui est également en recherche d’aide et dans ce cas, je peux rentrer en conflit avec moi-même.

    En ce qui concerne « et puis c’est vrai, j’ai les moyens de payer »… certes… mais cela n’empêcherait pas un coup de main salutaire !

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  2. Frédérique

    Moi aussi je déteste et le fait de vivre en dehors d’une grande agglomération me soustrait à ce genre de « services ».
    Néanmoins travaillant dans la même grande agglomération, je les croise souvent ces coursiers en scooter ou à vélo, en majorité d’ethnie africaine, pressés de livrer… je me doute qu’ils sont payés au lance pierre, en tout cas certainement pas à la hauteur des heures travaillées et des risques pris pour livrer en temps et en heure. Bref… Uber, mais aussi Amazon… et d’autres. Il faut vivre avec son temps et ces « services » ne prospèrent que parce que des personnes les utilisent de façon suffisamment intensive pour que ce soit rentable. La boucle est donc bouclée.

    J’ai été un peu chagrinée de lire que « n’hésite pas si tu as besoin » signifie « surtout ne me sollicite pas ». Quand je propose mon aide, elle est sincère et je sais que je peux y répondre en cas de besoin. Dans le cas contraire je préfère m’abstenir, de façon à ne pas décevoir en cas de sollicitation… mais aussi pour ne pas être moralement prise dans un piège que j’aurais tendu moi-même, obligée d’aider de mauvaise grâce car j’aurais proposé mon aide sans réfléchir, par politesse mais sans sincérité… donc faux. Je n’aime pas être en désaccord avec moi-même

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    1. Joelle Auteur de l’article

      « J’ai été un peu chagrinée de lire que « n’hésite pas si tu as besoin » signifie « surtout ne me sollicite pas ».
      Hé, hé, où ai-je écris ça?
      Enfin « ça » exactement ?
      Je suis très à cheval sur les mots, tu le sais 😉
      Il est un fait que parler de manière positive est beaucoup plus engageant. Dire par exemple « si tu as besoin d’aide, appelle moi, je viendrai » est une formule que je préfère.
      Et je suis certaine que tu proposes ton aide avec sincérité.
      Pour ma part, lorsque je le fais, j’ajoute systématiquement que c’est avec plaisir et que personne ne m’oblige à faire la proposition.
      Car…
      Je suis 1000% d’accord avec toi, j’aime être en accord avec moi-même et je m’abstiens de proposer quoique ce soit lorsque je sais que ça va me casser les pieds.

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