Il y a quelques semaines G. , poète reconnu, me fit l’amitié de partager un moment de son temps lors d’un passage à Nantes.
Ce fut bref.
Mais comme c’est toujours le cas lorsque la relation est sincère, ce fut intense et délicieux.
Une fois dans le train qui le reconduisait dans son sud-ouest, il m’envoya un message qui contenait ces lignes :
« Lors de notre bref échange, je me suis aperçu que nos mémoires n’ont jamais cessé de dialoguer.
Là réside l’essentiel sur cette terre des vivants »
Est-il utile d’ajouter que je fus immensément touchée ?
Est-il utile d’ajouter que cet ami garde, du fond de son Afrique natale, un puissant et réel lien à ce qui a été presque entièrement radié de notre vivance citadine ?
Est-il utile… ?
Il était vain d’ajouter quoique ce soit.
Il reste vain.
Dans la vibration du présent, l’onde de la réalité s’agrandit,
Simplement.
Ce matin, le soleil illumine mon appartement.
La lumière exacerbe l’ombre et fait scintiller la poussière accumulée.
Dans un élan,
J’ai sorti le chiffon afin de soulever cette poussière,
Afin de la mettre en mouvement,
D’initier une respiration printanière.
Ce faisant, j’ai caressé chacun des chevaux présents,
Tout d’abord machinalement dans un geste assuré de ménagère,
Puis d’un coup,
Les paroles de G. ont fait surface,
J’ai regardé le cheval en bronze que je tenais à pleine main,
Ce cheval que je vois maintes fois dans chaque journée,
Puis,
J’ai pensé aux chevaux que je rencontre à nouveau,
Bien vivants chez les personnes qui les hébergent,
Et,
J’ai soudain réalisé que nous ne nous étions jamais quittés,
Nous n’avons jamais cessé de dialoguer.
Ils étaient là.
Et j’en fus émue.
« nos mémoires n’ont jamais cessé de dialoguer.
Là réside l’essentiel sur cette terre des vivants »
Il suffit d’un cheval, d’une orchidée, d’un souvenir ranimé, et le tour est joué, le lien se nourrit, se perpétue,c’est si vrai.