Communiquer!
Ce fut déjà le titre d’un billet paru en janvier 2020.
Un billet que j’ai eu plaisir à relire et comme souvent, je reste d’accord avec ce que j’ai écrit. De l’avantage du soliloque direz-vous! Il est assez simple d’être d’accord avec soi-même, n’est-ce pas ?
Communiquer ?
Depuis que j’ai à nouveau posé mon derrière sur le dos d’un brave cheval qui ne demandait rien d’autre que de rester tranquille dans son pré, je mesure combien ce « retour » était certainement inéluctable.
J’ai questionné le sens.
Question de bon sens, évidemment!
Et chaque fois que je termine la séance avec le petit appaloosa, j’ai l’impression d’avoir effectué à la fois un voyage dans le passé et à la fois un « rangement » du présent. Comme s’il avait été nécessaire de mettre de l’ordre dans la foule de connaissances accumulées depuis des années et posées en vrac à l’image des piles qui s’entassent parfois sur les bureaux, le document du dessus faisant disparaitre ceux du dessous tout en les conservant.
Vous suivez ?
Communiquer.
Oui.
Monter à cheval, c’est apprendre à communiquer.
A l’école d’équitation, pour qui débute, il est d’abord nécessaire de réussir à être bien dans son assiette ! C’est un long cheminement assorti de chutes, de refus et de victoires.
Certes, « on » vous explique qu’il y a des aides ! Mais pour commencer, l’assiette n’en étant pas une alors que c’est la principale, « on » vous parle des autres aides et chacun en fait des pieds et des mains. Car « on » vous explique qu’il « faut » communiquer avec l’animal chevauché. En fait, généralement, l’animal suit ses congénères, et suit la voix de l’enseignant, donc du maître.
Ainsi l’apprenti écuyer cultive son impression de diriger quelque chose tandis qu’il s’installe progressivement dans un certain « confort » du postérieur.
La communication arrive bien plus tard.
Quand elle arrive.
Car, exactement comme les humains, le cheval est un animal grégaire et sensible. Il relationne avec son environnement, avec les autres animaux (humains compris) et en tire des conclusions indispensables à son bien-être instantané.
Comment ne pas repenser aux mots de Dorian Astor posés là avec cette phrase qui résonne fort :
« Les mots ne désignent jamais les choses, mais nos relations aux choses, nos tentatives de saisir des choses insaisissables.«
Etablir une relation avec un cheval, établir une relation avec tout être sensible, dans le but de réussir à communiquer est une aventure improbable où ni les mots dits ni les gestes faits ne pèsent aussi lourd que l’insaisissable.
La désespérance est à la hauteur de l’espoir programmé et jamais atteint.
L’horizon est tout aussi insaisissable que l’arc en ciel, peut-être faut-il avoir beaucoup voyagé pour en avoir ancré l’expérience au plus profond de notre être.
Il reste l’assise, là maintenant, tranquille, paisible et c’est cette base qui offre la possibilité d’une relation accordée,
Ephémère,
Précieuse,
Rare.
A suivre…
Je me dis que tu adorerais Lacan
Je me dis aussi que monter un cheval aujourd’hui est une expérience qui n’a plus rien à voir avec celle que tu vivais autrefois… Ce n’est pas la même equi-aventure. Car aujourd’hui tu montes avec toutes ces feuilles posées sur le bureau, que l’on ne voit plus sous celle en cours, mais qui pourtant sont « belles » et bien là…
J’ai aussi en tête, tout ce qui se passe avec Okami quand nous ne parlons pas… Enfin nous … Moi
Oui, Lacan, je t’ai déjà entendue m’en parler.
Je suis donc souvent partie picorer/butiner à son sujet sans vraiment ressortir convaincue de l’aventure tant ce monsieur est intimement lié à la santé mentale, ses écrits étant certainement utiles aux professionnels des soins spécifiques à ce domaine.
Tu me connais plus admiratrice de certains philosophes et tu sais combien le lien de Lacan à la philosophie est discuté.
Et oui, je suis différente de « dans le temps » et terriblement semblable en même temps. Au fur et à mesure que reviennent les sensations équestres du profond du lointain, je me fais la réflexion que j’ai gagné en pouvoir d’analyse, en capacité d’expression et surtout en indépendance, mes propres expériences ayant élargi ma confiance autant qu’elle m’invitent à un constant questionnement. Un questionnement toujours positif, qui, s’il écarte définitivement l’existence d’une vérité immuable venant « d’en haut » (quel que soit ce qui est défini comme étant « supérieur ») invite toujours à la curiosité, donc à la découverte et inexorablement à des questions nouvelles.
C’est peut-être en ce sens que la vieillesse est un « retour vers l’enfance »? 😉
Et oui, j’entends presque d’ici « tout ce qui se passe » lorsque tu regardes Okami. Tout ce qui peut te passer par la tête, toutes les réflexions 100% humaines qui naissent sous l’effet des dégoulinades hormonales induites à la grâce des différents organes des sens. 🙂
Et un cheval est un animal différent du chien de famille. Un cheval comme celui que je monte en ce moment vit au pré en compagnie d’autres chevaux, j’interviens en temps qu’animal humain (donc avec mon cadre de référence humain) seulement quelques heures, si peu par rapport à la durée des heures passées à brouter. Il fut un jour débourré, j’oserais presque dire acculturé (pour faire dans l’anthropomorphisme facile) et supporte désormais avec une certaine placidité le fait d’être dans l’inconfort (mon poids sur son dos et mes exigences sur son psychisme) de rares moments dans sa vie.
Et c’est consciente de cet ensemble complexe, remplie de paradoxes que je regarde sa tête d’appaloosa (cette race est assez présente dans les dessins animés) juste avant de lui tourner le dos et de monter dans ma voiture…