Je sais, je sais!

Oui, je sais, je sais.

Qui n’a jamais entendu ces mots sortir de la bouche d’un enfant haut comme trois pommes?
Qui n’a jamais entendu la version un tantinet plus agacée partant du haut d’un teenager dégingandé ?
Et qui n’a jamais lu ici ou là des affirmations péremptoires sur autant de sujets que de personnes capables de dire « moi je sais »?

Enfant, j’usais et abusais de cette locution : « je sais ».
Si je m’en souviens si bien c’est que je me souviens du jour où j’ai cessé de la proférer. Je devais avoir six ou sept ans et mon père, certainement à bout d’arguments m’avait sèchement cloué le bec en disant « Non, tu ne sais pas ».
Dans ma tête d’enfant, ce moment résonne encore comme une chance. Il m’avait fort à propos bousculée et une quantité de nouvelles portes s’étaient instantanément ouvertes.
Car, en disant « je sais » à cet âge là je revendiquais, non pas un quelconque savoir, mais plutôt la possibilité de découvrir par moi même.
Je refusais le tout cuit, le prêt à croire, la soumission à un quelconque discours et j’avais envie de faire mes propres expériences, grappillant ça et là.

Quand vint le temps de l’adolescence, je savais un certain nombre de choses.
Plus de douze ans d’expérience dans une vie, c’est pas rien, n’est-ce pas ?

Par exemple il était clair que ma meilleure amie était la solitude.

Pour autant, j’avais soif d’apprendre partout (sauf à l’école, c’est notable).
J’étais de ces personnes qui répondent un hâtif « oui » aux conseils et autres « enseignements académiques » tout en pensant « je ferai ce que je veux », « je vais vérifier ce que tu racontes ».

Cependant, j’avais la certitude d’avoir déjà quelques connaissances dans de multiples domaines et j’étais plutôt du genre à la ramener quand les circonstances me le permettaient.
Et en même temps, une petite voix me chantait « non tu ne sais pas ».
C’était une chanson douce, paisible, et parce qu’elle était là, elle me permettait d’avancer mes pions avec grand sérieux et sans vraiment me prendre au sérieux.

Avec le temps qui est passé, j’ai eu l’immense chance de rencontrer des personnes extra-ordinaires. Et il devenait vraiment clair que j’étais une minuscule « sachante » par rapport à elles.
Pourtant, à force d’être à leurs côtés et sans comprendre quel rôle m’était assigné, je constatais à l’envi que ces personnes là étaient en quête de savoir, remettant sans cesse en question le leur ; que ces personnes étaient fort enclines à partager leurs questions, qu’elles avaient peu de réponses ou alors des réponses du genre « Aujourd’hui, ceci est connu et tout peu changer très vite en fonction des découvertes à venir. »
Ces personnes étaient admirables à mes yeux et j’avais vraiment envie de leur ressembler bien que je n’aie ni leur étoffe, leur niveau intellectuel, ni leur expérience.

Aujourd’hui, le temps poursuit inexorablement son avancée.
Je marche paisiblement vers mon ultime naissance.
Je connais le nombre d’expériences qui m’ont fait devenir qui je suis.
Je suis définitivement capable de dire « Je l’ignore » ou « J’en sais rien » en me sentant parfaitement bien, tout à fait à ma place.
Je navigue de question en question comme je mets un pied devant l’autre, tranquille et sans hâte, curieuse et avide d’apprendre encore, de partager mes questionnements et de cueillir ceux des autres.

J’ai bien compris qu’il existe des personnes qui considèrent, à leur idée, ce que je raconte.
Certaines imaginent « elle sait », d’autres pensent vraiment fort : « elle parle d’un sujet sans le connaitre aussi bien que moi ».

Ma réalité est autre.

Je dirais que je suis certainement beaucoup trop fascinée par ce monde en mouvement pour avoir envie de me bloquer, de m’immobiliser définitivement sur d’éphémères certitudes et encore moins pour « croire » confortablement ce qui se raconte.

Dès que je ne bouge plus, je me sens insécure.

Et oui, parfois, c’est fatigant, je sais!

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