Que signifie « protéger » ?

Que signifie « protéger » une espèce, protéger des individus, protéger des monuments, protéger la planète, et tout et tout ?

Protéger est un mot à la mode.
Suite à ma tentative d’écriture autour des orchidées sauvages, tout en élaborant une petite prose dédiée à chaque espèce rencontrée, j’ai souvent noté « espèce protégée » et inévitablement j’ai essayé de réfléchir à cette idée de protection.
Au sujet de la « protection de la nature » j’ai lu des propositions innovantes, telles que celles exposées par Baptiste Morizot, par exemple (Raviver les braises du vivant, Acte Sud, 2020 ISBN 978-2-330-13589-8), en pensant qu’il serait certainement possible de changer de paradigme, mais que l’hypothèse de base reste la-même : une espèce humaine régnante, décidante, gérante. Même si elle s’affiche désormais « protectrice », cette espèce reste très, très invasive vis à vis des autres espèces, de la planète et donc d’elle-même.

Afin d’éviter de rentrer dans des considérations politiques au sujet, entre autre, de la liberté et de l’actualité covidienne par exemple, je vais me contenter d’avancer un peu sur le sujet de la protection… des orchidées sauvages.
Et oui, c’est ciblé.
Chacun pourra ensuite digresser, métaphorer et antropomorphiser selon son bon plaisir.

Pour commencer, j’ai dû me pencher sur la lexicographie. En effet en fonction de l’âge des bouquins que je consulte, je vois les mots apparaitre, disparaitre, se transformer en semblant signifier la même chose. Et naturellement en me baladant sur la toile, je fais la même constatation, chacun dévidant sa prose en s’appuyant sur ce qui existe et sur ce qui a existé.
Par exemple, j’ai choisi « orchidées sauvages » comme titre.
Pourquoi donc?
Parce que « sauvage » me parle, parce que j’ai moi-même un côté difficile à domestiquer et parce que c’est l’adjectif qui m’est venu au sujet de ces jolies plantes que je trouve lors de mes balades, loin des jardins où règne un jardinier.

Pourtant sur les sites bien mis à jour, il est question d’orchidées indigènes.
Indigènes?
Oui.
Une espèce dite indigène est une espèce arrivée « naturellement » à l’endroit où elle est observée. Noter que « naturellement » signifie, dans ce contexte des espèces, « en l’absence d’une intervention humaine intentionnelle ou non intentionnelle » ce qui sous-entend qu’un humain qui transporterait des graines (par exemple) dans sa chevelure (donc sans le savoir) et permettrait à ces graines de s’installer loin de l’endroit où poussait la plante qui les avait produites, serait à l’origine de l’introduction d’une plante « exotique ». ALORS qu’un oiseau qui transporterait les mêmes graines dans son plumage ne ferait que déplacer naturellement une plante peut-être endémique et pour le coup devenant indigène.
Vous suivez?
Et espiègle comme toujours, j’ai complexifié en ajoutant « exotique » et « endémique » à la sauce !

Une espèce dite endémique est avant tout une espèce indigène, débarquée sur une place vierge (île volcanique par exemple, sortie de nulle part) en ayant été transportée « naturellement » (bon, il s’agit probablement d’une époque hyper lointaine à l’échelle humaine, donc dépourvue soit d’humains soit d’avions transporteurs).
Trouvant un terrain à son goût, l’espèce s’est installée et s’est tranquillement transformée afin de s’adapter finement aux conditions locales au point qu’aujourd’hui, elle vit et prospère SEULEMENT à cet endroit là.

Parler aujourd’hui d’orchidées indigènes c’est englober les espèces qui vivent à différents endroits et aussi celles qui sont strictement attachées à un espace géographique déterminé, ceci en étant conscient que le monde bouge « naturellement » et qu’une espèce endémique n’est pas attachée à un territoire à la manière des humains avec passeport, contrôles de police et tout et tout. Donc, elle peut devenir indigène.

Et donc les histoires de protection ?

C’est une histoire principalement humaine, même si l’humain voyant le monde à travers sa propre nature est porté à décréter (dans la presse grand public) un truc du genre « les abeilles protectrices de la biodiversité », un truc qui se termine par « protégeons les abeilles »…
La notion de protection est enchainée à la notion de « dominant », de plus fort, de « qui sait mieux », de « chef », donc.

Alors, dans ma pauvre tête où tout essaye de rentrer afin de me donner la possibilité de comprendre, tout se bouscule.

Quand je vois un botaniste « gestionnaire de réserve » arracher une plante en cherchant mon regard pour affirmer  » Ahhh, les invasives, c’est insupportable » alors que je sais qu’un bon nombre d’espèces qui forment aujourd’hui des populations envahissantes ET nuisibles ont été introduites par des botanistes, je suis songeuse. (Voir un article assez exhaustif ici , vive la rédaction collaborative dans ce cas)
Quand je constate la création d’espaces artificiels qui seraient destinés à permettre le maintien d’une espèce en perdition, ça me questionne.
Quand j’entends autour de moi « On est en sursis, Il faut protéger la planète, on doit faire quelque chose », l’abondance des pronom indéfinis me fait rire!

Les histoires de protection demeurent des histoires de supériorité ressentie, de domination réfléchie, concertée et réalisée à la mode humaine. Souvent j’aurais plaisir à sentir un peu plus d’humilité, une plus grande conscience, chez toutes ces personnes, qui chacune à leur échelle, à leur niveau se sentent investies d’un rôle protecteur.
Trouver l’équilibre entre les deux injonctions sociétales que sont « protection » et « respect », chercher puis trouver cet équilibre sur le plan individuel, sur tous les autres plans plus généraux est certainement une aventure à nulle autre pareille.



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