Mardi 10 septembre 2013 : Arma di Taggia (à côté Piccolo Lido) – Alassio (Club Nautique)
Après un rapide petit déjeuner, j’ai plié, rangé et sécurisé tout mon matos afin de prendre, à pieds, la direction de la citée balnéaire. J’espérais que les boutiques n’ouvrent pas trop tard.
En tenue « marine », nus pieds, un p’tit sac étanche sur l’épaule (en guise de sac à main contenant toute ma fortune) et APN à la main, ce matin là, j’étais une touriste en marche!
Premier arrêt pour un cappuccino, deuxième arrêt pour des pizzas, troisième pour des fruits bio, quatrième pour des fromages de chez le fromager, cinquième chez l’opticien qui ouvrait tout juste…
… En fait, c’était la matinée pour faire chauffer la carte bancaire
A dix heures, j’étais à nouveau sur l’eau.
Pendant ce trip j’ai vécu plusieurs fois des moments de plénitude absolue et il faut bien reconnaitre qu’ils naissaient souvent des conséquences de cette « autonomie-sans assistance » qui m’est tellement indispensable.
Etre sur ma planche au milieu d’une baie (loin du monde), sans obligations, sans pression de timing, avec l’impression d’avoir absolument tout ce dont j’ai besoin, c’est à dire : eau, nourriture, vêtements secs, hôtel du soir avec vue sur la mer… et carte bancaire okazou (fondamentale la carte bancaire, c’est elle qui me différencie du « SDF à la rue ») est un « truc » immense dont la prise de conscience, libère dans mon dos de délicieux frissons de bonheur
Une digue apparut devant moi, juste après cette digue, j’allais passer en vue de la ville d’Impéria. A ce moment précis, j’ai décidé que le jeu du jour consistait à « faire une pointe par heure ». Le jeu s’est poursuivi toute la journée avec succès! En trois heures, j’étais donc au pied d’Impéria (pointe de San Stefano – Pointe de San Lorenzo – Imperia)
J’avançais en douceur, le paysage était magnifique. Je m’émerveillais sans compter à chaque découverte et chaque découverte me rendais impatiente d’aller voir derrière la prochaine pointe.
Certaines pointes étaient elles-mêmes des oeuvres d’art dont l’image rend très mal la dimension réelle
Une fois une pointe franchie, je visais déjà la suivante.
Il était environ 17h, c’est approximativement à mi chemin entre deux caps
que j’ai aperçu « un truc qui bougeait au ras de l’eau » dans ma direction. Ce n’était pas un SUP. Petit à petit je distinguais un kayakiste, étonnée d’un voir un à cette heure-ci car si j’avais parfois croisé des kayakistes à la pêche, ils stationnaient rarement en « milieu » de baie et jamais le soir. Petit à petit, je voyais le pagayeur, il avait un chapeau noir à large bord et mon imagination galopante s’est empressée d’y voir un « Zorro » kayakiste. Il se dirigeait droit sur « moi-je »… tatatadammmmmmm…
« Buonasera
– Buonasera… I am Joelle, do you speak english?
– Yes, yes… et je parle français aussi, vous allez où comme ça?
(ben M*rde, il est si mauvais que ça mon anglais??? )
– A Rome!
– Et bien, moi, je vais à Bruxelles!
– Non, mais je rigole pas, c’est vrai, je vais à Rome.
– Je ne rigole pas, je vais vraiment à Bruxelles, je vais porter une pétition au Parlement Européen etc, etc… Et toi? Je peux te tutoyer, hein? Tu fais « ça » pourquoi?
– Moi? Pour mes vacances!
– Non… Mais tu fais quand même « ça » pour quelle que chose, non?
– OUI, je fais ça pour mes vacances. «
S’ensuivit un dialogue un peu surréaliste en plein milieu de nulle part entre un kayakiste suréquipé, chapeau de zorro surmonté d’une caméra, gps à la main, écouteurs aux oreilles et une joelle droit dans ses bottes (oui, oui, en l’écrivant, je pense à mes très belles bottes comme dans la pub de get-sup-mag, version liberty de chez l’oiseau qui plane !: Bon, bon… Je suis une fille quoi! )
Très sympa, le gars… et il semblait sincèrement content de rencontrer mon brin de folie… Nous nous sommes salué et nous sommes partis chacun dans notre direction. Il ajouta en partant : « Tu verras, ça se fait bien « Rome », j’ai mis un mois pour arriver là »
Un rapide calcul m’horrifia J’allais jamais y arriver à temps, j’étais partie depuis une semaine, il n’en restait « que » trois… Mais il ajouta « je fais environ 20 km par jour, aujourd’hui j’ai traîné »
Ouffffffffffffffff! C’est donc que je vais y arriver pensais-je!
Etonnante rencontre.
Je regardais ma montre : 15 mn de conversation, hop, hop, hop je remettais le jeu en route, allez 30mn pour atteindre la pointe, chiche ? Chiche…
Une tortue à l’horizon ?
Juste en face de « la tortue » (Isola Gallinara) j’ai trouvé un parfait endroit bien au calme, pour poser mon bivouac du soir après cette journée tranquille.
Mercredi 11 septembre 2013 : Alassio (Club Nautique) – Vado Ligure
Je n’avais pas encore plié la tente quand Marco arriva en appelant doucement « Joelle, Joelle ».
Marco, il avait terminé son entrainement de natation la veille au soir, peu après mon installation et nous avions bavardé. Marco est un ancien véliplanchiste de l’équipe Italienne, il aime tout ce qui parle de la mer
Là, il venait m’inviter à visiter la ville et à aller prendre un petit déjeuner « normal ».
Ni une, ni deux, j’ai plié à toute vitesse, nous avons embarqué sacs et pagaies dans son véhicule et c’était parti pour une virée dans Alassio avec un guide passionné.
Bien nourrie par cette surprise du matin, je ne regrettai pas la « mise à l’eau » un peu retardée jusqu’à l’heure où se leva le vent et l’horrible clapot qui allait de paire.
C’était à hauteur de Pietra Ligure.
Au loin se dessinait une pointe à tourner et ne sachant pas ce qui m’attendait derrière, je décidais de me poser sur une plage et d’attendre que tout s’apaise pour avancer sans me défoncer
C’est donc à Borgio Verezzi que je tentais (et réussissais) un splendide atterrissage surfé.
Fière de moi j’étais.
Je sautais allègrement de la planche pour la rattraper au vol et avant même d’avoir pu arriver à en attraper le nose, les deux « sauveteurs » du « banio » m’entouraient et tentaient de tirer en vain la planche sur le sable (chargée, elle pèse un peu lourd et l’un des « sauveteurs » était une fille tandis que l’autre sortait à peine de l’adolescence )
« Tout va bien, pas de problème » me demanda la fille en anglais (tout au long du parcours italien, je fus souvent prise pour une « américaine »… tant que je n’ouvrais pas la bouche, of course!)
« Pas de problème du tout, je viens juste pour manger un peu et me reposer parce qu’il y a trop de vent… »
« Il FAUT vous pousser, ici c’est une plage privée, vous devez aller là, là, c’est public »
Ahurie, je comprenais enfin ce comité d’accueil. J’avais visé le meilleur endroit pour surfer, mais il s’avérait que j’arrivais 150 cm trop à gauche et que c’était intolérable et qu’il fallait que je déplace tout et illico 150 cm à droite!
Je détachais mes bagages et la fille s’en empara pour les poser à 150cm EXACTEMENT tandis que le grand ado essayait de trainer la planche sur le sable par le leash, ce dont je le décourageais instantanément en portant moi-même la planche du genre « tire toi, je m’en occupe »
L’incident était clôt, chacun était à sa place et tout était parfait.
J’ai déballé ma nourriture, étalé mon pique-nique et mis mon linge à sécher sur LA PLAGE PUBLIQUE, oufffff.
Je tiens à souligner que c’est l’unique fois où ce genre d’accueil m’a été réservé. En fait, après avoir discuté à droite à gauche, il est un fait que certains propriétaires de plages privées exercent sur leurs employés (donc les sauveteurs) une autorité quasi despotique qui entraine parfois les employés à faire du zèle.
J’ajoute et c’est important, que j’ai toujours reçu un accueil très bienveillant de la part des sociétaires de ces plages privées.
Le vent montait et j’étais super contente d’être sur la plage, d’autant plus qu’un orage venait en rajouter.
Une fois l’orage passé, le clapot s’est aplati et le vent est devenu carrément portant pour mon trajet, il ne fallait pas en perdre une miette. Je suis repartie, non sans faire attention à l’endroit où je posais les pieds sur la plage… mais décidément, il fallait que je me mette à l’eau dans la zone « privée ». Comme je partais, tout le monde s’en moquait.
En finissant de passer le cap qui suit Finale Ligure, je me suis félicitée de ne pas avoir pris le risque de le passer sous un grain.
Et finalement c’est en vue des installations portuaires de Vado Ligure que j’ai cherché un endroit où planter ma tente. Mine de rien, j’avais encore parcouru une belle distance ce jour là!