Vendredi 6 septembre 2013 : La Croix-Valmer (Cap Lardier) – Saint Aygulf (plage de Saint Aygulf)
Cette étape là était par avance particulière : elle me permettait de regarder « côté mer » un espace souvent parcouru « côté sentier ». En effet, c’est dans ce coin que se court la traditionnelle SUP Race cup, c’est dans ce coin qu’il FAUT rester dans les 300m, c’est dans ce coin que j’ai découvert le plaisir de monter sur une planche de SUP, etc, etc…
Pour l’anecdote, voici le souvenir de mon premier essai en SUP. C’était en 2010 lors de la SUP Race Cup où j’étais allée en spectatrice encourager mon rejeton.
Un participant suisse, qui n’avait pas froid aux yeux, m’avait prêté sa planche afin que je puisse me faire une idée au sujet de cette activité tout à fait naissante.
Je suis montée dessus sans problème et à coup de pagaie timide, j’ai décollé de la plage jusqu’à me retrouver « assez loin » avec soudain, l’apparition d’une question existentielle : « mais comment fait-on pour tourner avec ce truc? » Comme ce n’est pas sorcier, j’ai finalement trouvé une réponse parmi d’autres. J’ai rapporté indemne la planche et, illico, j’ai acheté une première, allround pour commencer… c’était la préhistoire du SUP… Depuis, j’ai ramé par monts et par flots avec beaucoup de plaisir avant de finir par raccrocher : la maison étant un peu loin du bord de l’eau, il devenait de plus en plus pesant de mettre la planche sur le toit de la voiture. Je me contente maintenant de cultiver ma flemme sur différents va’a polynésiens, lesquels résident directement sur les berges, me dispensant au quotidien de laborieux chargements/déchargements.
Ce matin là, suite à la « visite » nocturne, j’ai bien regardé l’aspect des broussailles qui dévalaient la pente et en regardant TRES attentivement, j’ai bien vu qu’un passage se dessinait, de ces passages animaliers presque imperceptibles.
Joyeusement, j’ai pensé que je ne laissais pas de trace derrière moi, une odeur certainement (mais pas un parfum entêtant de molécules chimiques de grande marque, non, une odeur « animale » seulement détectable par les animaux) un matelas de posidonies à peine tassé, aucune empreinte, aucun déchet.
Chaque jour je suis arrivée sur un bivouac, chaque jour j’en repartais, en silence et presque sans traces, ce fut chaque jour une délicieuse expérience.
L’eau était parfaitement lisse dans le coin abrité qui m’avait accueilli, puis elle s’est mise à dansait sous le soleil levant une fois la pointe tournée, à clapoter sous le vent d’est et se désorganiser sous l’effet du ressac à chaque passage de cap, mais sans heurt pour mes petits bras. Une seule question accaparait mon esprit « Comment allais-je traverser ce foutu golfe de Saint-Tropez, cette voie à grande circulation de yacht rapides et énormes ? »
Le long de la plage de Pampelonne, il y avait de jolies vaguelettes. Je cherchais le « Tahiti plage » recommandé et je le trouvais, tout au fond, presque à la fin de la plage. Mettant pied à terre bien avant l’heure du déjeuner, j’étais face à une sandwicherie fermée. Juste un peu de patience plus loin, j’ai fait la connaissance de J. un surfeur et de sa femme, ce fut une rencontre lumineuse. J’ai ensuite croqué dans le plus énorme sandwich le plus énormément protéiné que je n’avais jamais mangé. C’était un moment magique d’autant plus magique que l’endroit était tout a fait « décalé » par rapport au quotidien dans lequel je me plaisais déjà.
Arrivée « face à la traversée », les conseils du surfeur s’imposèrent en un clin d’oeil « traverse au large »… Yeapppp, allez, hop, c’était parti!
Rapidement, en suivant des yeux les trajectoires des bateaux, j’ai trouvé l’emplacement du chenal et de leur passage. Je savais qu’il me faudrait être prudente en le traversant mais qu’il n’y avait pas de risque ailleurs, sinon celui de me faire remonter les bretelles à cause des « 300m ». Mais d’expérience, je savais déjà que les patrouilles patrouillent plus volontiers près de la foule qu’au milieu de nulle part. Force est de constater, qu’il n’y a jamais personne « au milieu ».
« finger in the nose », je suis arrivée « en face » pile poil en vue du trajet de la longue distance de la dernière SUP race Cup. Intrépide, je n’ai pas cherché à m’approcher du bord et j’ai piqué en direction des Issambres.
Au large de la plage « des cigales », un « marin » en voilier-laser, tirant des bords dans la brisounette, s’approcha de mon équipage pour tailler une bavette. Nous parlions d’écologie, de silence et de glisse lorsqu’une grosse vedette vint faire des vagues à quelques mètres.
Pas le moindre salut.
« POLICE! ….VOUS… Vous avez un engin de plage… 300 m! c’est par là » (Note : depuis ce temps lointain, la « division 240 » a pris en compte les planches de SUP, leur accordant dans une certaine mesure le statut de « navire »)
Je n’avais pas du tout l’intention de discuter une telle autorité, cependant, je lui signifiais aimablement que me dirigeant vers les Issambres, je n’avais aucune raison d’aller « par là », c’est à dire sur la plage des cigales, c’est à dire en arrière…
« PAR LA » répéta t-il obstinément.
Je comprenais parfaitement qu’il puisse ne pas avoir l’imagination suffisante pour entrevoir le voyage d’un « engin de plage équipé de sacs marins et d’une pagaie de rechange bien visible ». Je prenais ostensiblement (et mollement cependant) la direction de la côte en lui lançant « Pas de soucis, puisque c’est le règlement, j’y vais, mais de ce coté, puisque je vais « par là » »
Il parut satisfait puisqu’il fit demi-tour dans une gerbe d’écume.
L’homme au petit voilier qui s’était prudemment écarté (il n’avait pas de gilet de flottaison) revint et notre conversation repris… tout comme notre cap vers les Issambres … A environ… au pif 514,23 m de la ligne du bord de l’eau, autant dire au large!
Mais, soyez rassurés, citoyens : la police veille et suit ses « affaires ». Nous n’étions pas très loin d’arriver à notre destination (lui sur sa plage et moi à la pointe où se trouve un supermarket) quand un vrombrissement survint. Cette fois-ci, la vedette municipale fit un cercle complet autour de nous sans vraiment réduire sa vitesse. Je suppose que c’est un test : ceux qui ne sont pas immédiatement noyés sont censés être sur un engin de plage et DOIVENT en conséquence IMMEDIATEMENT se ranger dans les 300m! D’ailleurs, c’est à l’orée de cette fameuse limite que se posa la vedette. En rigolant, j’imaginais le capt’aine qui faisait les « gros yeux »… Tranquillement j’ai donc ramé vers « ma » zone d’évolution, sachant que je faisais un heureux qui se coucherait tranquille en ayant accompli son boulot… C’est important de respecter les gens. Sérieusement, je le pense.
Hop, hop, hop, j’ai débarqué, fais les emplettes du jour et appelé le pote qui m’avait arraché une nouvelle promesse : lui dire où je me trouvais à 15h30! Et bien, j’étais ici.
Les conditions étant parfaites pour avancer facilement, je n’ai guère attendu « trop » longtemps avant de repartir.
C’est « plus loin » que j’ai été interpellé par le copain, courant sur les rochers, bondissant comme un gamin sur l’air de « Vas y, je te suis ». J’ai adoré! Il prenait des photos sous tous les angles!
Délicieux moment à nouveau, j’en souris encore.
Il m’a « suivie » jusqu’à la plage où j’ai monté mon bivouac, juste à proximité d’un restaurant de plein air, dans la région il n’y avait pas d’autre choix.
La journée était « particulière » dès le départ.
Samedi 7 septembre 2013 : Plage de Saint-Aygulf – Antibes (Club Nautique)
Pour pouvoir dormir à proximité d’une piste de danse, il a bien fallu que j’arrive à fermer mes oreilles avant de réussir à fermer l’oeil, et puis, le silence a fini par envahir la plage et c’est parfaitement reposée que j’émergeai de ma « chambre » après l’aube de ce 5ème jour.
Il faut bien avouer que mon avancée n’était jamais très notable le matin. En fait je ne devenais réellement efficace qu’une fois le soleil au zénith, étant régulièrement en manque de carburant dans les premières heures de la journée.
Je me suis adaptée : en premier, j’ai mis un tube de lait concentré dans le sac à dos (En passant aux Issambres, j’avais fait un stock!) ce qui permit, à partir de ce moment de combler « les coups de mou ».
Dès que je sentais mon coup de pagaie devenir un « automatisme inutile qui n’avançait à rien » c’est qu’il fallait remettre du « pétrole » !
Ensuite, j’ai trouvé un rituel pour marquer le temps d’une pause : coincer la pagaie le long des sacs, m’agenouiller, détacher le sac à dos, sortir le tube de nectar, l’ouvrir, m’en délecter, le refermer, le ranger, remettre le sac à dos, prendre une photo, décoincer la pagaie, me redresser et hop… repartir avec un tonus tout neuf.
A la réflexion, j’ai toujours fonctionné ainsi, avec des rituels qui donnent la cadence et des jeux qui provoquent l’improvisation.
Ce samedi, le jeu consistait à solliciter des gens sur l’eau afin qu’ils me photographient. (je vous fait grâce des subjonctifs imposés par la concor-danse des temps )
J’ai demandé à Bob. Bob, sanglé dans un impeccable uniforme blanc à galons dorés, il semblait s’ennuyer ferme, appuyé contre la balustrade du rez de chaussée d’un yacht dont je tairais le nom C’était à Cannes, dans le passage vers l’ïle Marguerite, là ou s’ancrent les plus énormes palaces flottants. Crevette au milieu des mastodontes, je fonçais néanmoins en direction de lui, Bob, dont j’ignorais encore le prénom : mon jeu du jour était-il envisageable avec lui ?
Arrivant à portée de voix, je lui demandais en anglais s’il acceptait de prendre une photo, il me répondit que c’était possible mais qu’il n’avait pas l’appareil photo. Comme je lui montrais le mien, il leva la tête en direction du deuxième étage où un homme gras était accoudé. Un signal d’acquiescement a certainement été envoyé et Bob a bombardé au point où j’ai un instant pensé qu’il allait au choix vider la batterie ou remplir la carte mémoire! Il aurait été vain de lui parler d’économies!
Dans cette zone remarquable de la Riviera, ce samedi à la fin de l’été, l’ambiance était encore à la parade. Il y avait des bateaux qui allaient et venaient, comme autant de fusées, à proximité de la côte comme pour que personne ne puisse les rater ; le ballet était incessant.
Je n’ai pas compris s’il s’agissait de participer au concours de la plus grosse vague ou à tout autre chose. Un sentiment m’effleura : circuler avec ma planche et son chargement au milieu de cet étalage ne relevait-il point de la gageure?
Je restais néanmoins super tranquille, j’avais ma place au soleil comme tout un chacun.
D’ailleurs, pour le goûter, je n’hésitai pas à me « garer » à l’intérieur d’une piscine naturelle qui me tendait les bras, à l’aplomb d’une majestueuse résidence. (laquelle me semblait fermée et dénuée de caméras de surveillance surplombant la plage… Pas complètement folle, noméo!)
Cependant, quand vint l’heure de chercher une jolie place pour planter ma tente, force était de constater que les places étaient chères et escarpées. Rançon du luxe!
En contournant le Cap D’Antibes, j’ai vu apparaître une dame en SUP gonflable. C’est elle qui se précipita à ma rencontre au point que j’ai un instant imaginé la connaitre, mais non.
Le ressac l’agitait et hop, arrivée à ma hauteur, c’est avec un « plouf » qu’elle me salua d’un grand sourire, tout juste ébrouée, accrochée au travers de son support.
J’avais faim de gourmandise, donc je lui demandais où « trouver ça » et où « trouver la place pour dormir » dans cette zone un peu particulière. Immédiatement, elle me donna les deux réponses : il y avait « là-bas », « à environ une heure pour moi » une pâtisserie exceptionnelle et juste à côté un club de voile « où les gens sont super sympa »…
Direction là-bas!
Et, comme j’ai beaucoup de chance, il y avait « fête des piroguistes » au Club Nautique et encore mieux, mon nom n’était pas inconnu !
Devant l’abondance du buffet, je trouvais toutes les gourmandises dont j’avais besoin en plus de la chaleur de l’accueil. Au milieu de la nuit, un feu d’artifice éclata…
Pfiouuuuu… Fin d’été et week-end sur la Riviera, nuit sonore bis repetita…