Tous les chemins mènent à Rome (11)

Mardi 24 septembre 2013 : Tarquinia Lido – Marina di San Nicola

5h15 : L’air est immobile, il fait nuit. Je n’arrive plus du tout à dormir et je suis tout à fait reposée. L’idée de partir avant l’aube pour traverser le port de Civitavecchia avant que la brise ne se lève se fait de plus en plus forte. Je valide et je plie

J’ai adoré ce départ dans la pénombre, puis le lever du soleil pas à pas, coup de pagaie après coup de pagaie!

Je visais la grande cheminée de la centrale électrique (once more), le port est juste à côté.

Passer « à travers » ces grands ports aura toujours été à la fois stressant et réjouissant. La mer était d’huile à cette heure et je n’avais donc aucun soucis de « manoeuvre », je pouvais tranquillement guetter les mouvements des bateaux et adapter ma trajectoire. A l’instant où j’arrivais le long de la digue, donc à l’instant où j’étais sortie de la zone de passage, j’ai senti un « truc » dans mon dos.
Un paquebot !

C’était drôle de voir tous ces gens sur le pont, ils arrivaient « à Rome », dans quelques instants ils allaient débarquer, monter dans des bus et déambuler dans les rues.
J’allais à Rome, moi aussi.  

En longeant la digue, je ne perdais pas des yeux l’exposition de résidences flottantes et la vue d’un grand toboggan suspendu entre mer et ciel m’amusa.

Et voilà, ce fut, j’avais passé le port.  

Peu après, je découvrais une zone de riches villas, visiblement des résidences secondaires.
Décidément « ça » sentait la ville.  
A mes pieds, l’eau était absolument limpide, contrastant avec l’eau sale de la traversée du port et j’ai pris le temps d’étirer le temps pour profiter à fond de ce passage.

D’étranges alignements mettaient de la couleur paisible le long de la route grise d’où s’envolait une impression de forte circulation.
La direction de la brise, puis du vent était parfaite 3/4 arrière et j’attendais que le 3 bft passe au 4 annoncé, c’était juste délicieux d’avancer aussi facilement. Cependant je m’inquiétais de savoir où viser exactement, c’était tellement agréable que je n’avais pas envie d’en finir mais pas envie non plus de me laisser porter vers un cap qui me forcerait à ramer contre le vent.

C’est alors que j’ai vu un yacht à l’ancre un peu plus au large. Ni une, ni deux, je me dirigeai vers lui bien décidée à vérifier mon chemin. C’était un petit yacht certes, mais déjà un très beau bateau. Deux hommes m’accueillirent et m’indiquèrent approximativement le cap à suivre, dans l’axe du vent. Mais avant que je reparte, ils interrogèrent : « Vous venez d’où comme ça? » Je leur expliquais en deux mots et alors, ils se firent curieux : « Voulez vous prendre un café? »  
Comment refuser?
Quelques secondes plus tard, je tendais mon bout d’amarrage, je montais sur « la terrasse » en teck, puis un peu plus haut j’accédais au salon de plein air aux belles et profondes banquettes blanches.
Incroyable!
Comment aurais-je pu rêver ou même simplement imaginer qu’il était possible de boire un café dans un yacht au beau milieu d’une trajectoire au vent portant!
C’était juste magique.  
Pendant ce temps le vent s’affirmait à 4bft et c’était juste génial . Il était temps de repartir!

En fin de matinée, j’avais besoin de me restaurer et je me suis arrêtée sur une plage au hasard. Je n’ai pas trouvé de boulangerie, les passants ne pouvaient rien m’indiquer d’autre que la grande surface la plus proche, à 5mn en voiture!  Je me suis contenté du café de la plage et des pains pré-emballés que la gentille dame m’a soldé à deux pour le prix d’un : « c’est parce que la saison est fini, on ferme demain » Ouf, Il était temps!

C’est à ce moment que j’ai décidé de simplement laisser glisser, prendre encore plus de plaisir. Il était inutile de viser directement Fregene.
Arriver le soir et bivouaquer là-bas en attendant le matin n’avait aucun sens.
De vent 3/4 arrière, je suis passée à vent arrière
Et j’ai atterri sur une plage de la Marina San Nicola!
Il était encore tôt.
Comme d’habitude, dès ma « descente de planche », j’ai cherché à qui demander l’autorisation de « rester pour la nuit », sans imaginer un seul instant l’accueil qui allait m’être réservé.

Les gars étaient tout simplement extraordinaires, hyper chaleureux et aux petits soins. Après le pot d’accueil, j’ai vu arriver une assiette de fruits (juste le truc dont je rêvais) avec ces mots d’excuse « C’est tout ce qui nous reste, nous sommes en train de fermer le club »… Mais c’était ce dont j’avais besoin, rien de plus… Nous avons parlé, refait le monde, pris des photos souvenir.
La nuit tombait.
Je commençais à préparer mon emplacement de bivouac quand l’un des gars vint me chercher « Vient par là »… Il me fit entrer dans le bar du club, les autres étaient là… Il me tendirent une flûte de boisson gazeuse et nous avons trinqué!
Champagne!
Ca c’était fait, avec le coeur, chaleureusement, sincèrement, je n’aurais jamais pu rêver plus simple et plus grand à la fois.  
Je touchais le but.
Le lendemain ne serait que « formalités » et retour aux contraintes et soumission à la « météo des gens ».
Je le savais.
Je savourais infiniment cette soirée là.