En marge 25
Tandis que fleurissent les publicités pour le grand déballage consummériste du solstice d’hiver, deux mots s’imposent au pinacle d’un pseudo bonheur quand ils s’associent au sésame « sans frais » : échanger-rembourser.
Je ne radoterai pas au sujet de cette gratuité qui nous coûte si cher.
Je ne dirai rien au sujet des miroirs aux alouettes.
Non.
Quand j’ai entamé mon périple ligérien j’ai vu se dessiner, dans le regard des premiers passants rencontrés, la plus grande incrédulité. Affirmer au fin fond de la Haute-Loire que mon projet consistait à ramer jusqu’à la plage ressemblait à une farce, ça se lisait dans les yeux.
Je n’en rajouterai point.
Non.
Ce qui m’importe c’est la persistance de la notion d’engagement, la notion de serment et la volonté de cultiver AVEC vents et marées, nuages et orages, soleil et arcs en ciel, ce qui fonde notre « humanité ».
Cette année 2012 fut une merveilleuse traversée, elle a été marquée par un passage à nul autre pareil. A ce point, ma prose doit laisser la place à celle d’une autre, si belle et si précise qu’il serait vain de parler à sa place. Les citations qui suivent sont celles de C.Singer dans « Eloge du mariage, de l’engagement et autres folies » (Albin Michel Editeur, 2000)
« Ce qui rend le mariage si fort et si indestructible, c’est qu’il réunit un homme et une femme autour d’un projet.
D’un projet fou.
Souvent voué à l’infortune.
D’un défi quasi impossible à réaliser et impérieux à oser.
Le drame serait de ne pas tenter l’impossible, de rester une vie entière, à la mesure de ce qu’on peut »
« Les lois existent.
Les lois de l’être.
Pourquoi nous faire croire par de faux et pervers ménagements que les pas que nous posons sur cette terre ne nous engagent à rien, que nos actes n’ont pas d’ombre portée ? »
« Il y a aujourd’hui un irrespect de l’engagement qui fige la moelle dans les os.
Entrer au service de la vie est un devoir d’honneur.
Mais qui a songé à le dire ? A dire aux époux qu’il partent sans ticket de retour pour une odyssée et que le voyage va les mener à travers des forêts sombres, des steppes désertiques ? et qu’ils vont connaitre la lassitude, la sensation de devenir étranger l’un à l’autre et à soi-même ? qu’ils traverseront des contrées dont la langue leur sera inconnue et où tout ce qu’ils auront appris ne servira à rien ? et qu’il y aura des moments peut-être où ils seront plus seuls -ensembles- que seul dans une nuit d’orage, au bout d’une digue battue par les vagues ? Qui a songé à leur dire qu’une seule chose les portera : la fidélité à leur plus haute espérance – à ce qui leur a été donné de pressentir en l’instant où ils ont le plus aimé ! Qu’ils sachent que cette folie là, cette fulgurance, cette clairvoyance qui n’aura peut-être duré que le temps de battre des cils est pourtant le seul roc sur lequel se construit une vie, et qu’il n’est de fidélité qu’à cette folie – parce qu’elle seule est à la (dé)mesure de l’amour »
Hier soir, bien longtemps après le jour de novembre où j’avais signé un engagement sur un registre, hier soir deux compagnons de route ont affirmé leur fidélité à cette « plus haute espérance ». Riches d’expériences, il « savent » plus, beaucoup plus qu’ils en savaient ce si lointain jour de novembre…
Il fallait « faire » un « quelque-chose », un geste, un souvenir
Il fallait « le faire » simplement, juste pour dire que c’est possible et que plus loin est à venir 🙂
Alors… depuis hier soir le temps coule un peu plus luxueusement.