Du rêve à la réalité (2)

A traits communs 10

 

Il faut bien en convenir,  choisir un petit tirage, une production locale et une bonne qualité oblige à consentir un certain sacrifice.
J’ai la vraie chance d’aimer les travaux pratiques bien davantage que les élans qui ne coûtent rien. Je suis parfois admirative (cf étymologie) en voyant mon entourage se passionner pour les pétitions virtuelles où il suffit d’un clic de souris pour acheter une bonne conscience! C’est certainement utile, je me permet d’en douter souvent, et j’avoue qu’il me plairait de pouvoir accéder aussi facilement à la paix de l’esprit et du monde… Ceci était une digression…

Il me fallait donc définir le prix d’un rêve.

C’est impossible, évidemment. Pourtant il fallait remplir le formulaire…
J’ai l’habitude de remonter autant que possible à la source. Pour construire un livre, il faut du papier et de l’encre. L’encre est végétale, j’ignore où et comment elle se fabrique. J’ignore aussi la provenance du papier recyclé.  L’encre et le papier sont les inconnus. C’est l’imprévisible, l’innommable, ce qui m’échappe en toute chose et ce dont je me réjouis, car sans humilité la vie serait trop lourde à assurer…
Le reste c’est le travail des hommes. Certes, ils utilisent beaucoup de machines dont la fabrication se fait loin de nos regard et échappe ainsi au jugement. Nous vivons dans ce monde où ce qui est loin demeure indolore, incolore et sans saveur. Finalement le sacrifices des autres nous importe beaucoup moins que le nôtre… Et oui… Voilà le cheminement de mes pensées à chaque instant… Parfois, je me fatigue moi-même, la plupart du temps j’en souris…
Donc… le travail des hommes…
Voilà un pan de l’architecture du livre sur lequel je voulais agir: fournir du travail à des artisans locaux et passionnés de livres et de beaux objets. Il ne se produit plus rien de « bon marché » en France lorsque les entreprises respectent les salariés. Pour que les hommes travaillent avec fierté et debout, il faut qu’ils en soient honorés suffisament.
Je souhaitais un « vrai » livre, à la solide couverture, cousu et façonné, orné de tranchefile, un livre objet, un livre qui dit « on peut encore le faire »!
Je suis heureuse d’avoir rencontré les photograveurs, ils s’éloignent peu à peu de leur spécialité initiale avec l’envahissement du numérique. Nous leur avons confié des photos argentiques et un dessin « à la main ». C’est émouvant de penser qu’ils seront reproduits grâce à eux.
Le chemin se poursuivra en imprimerie, puis dans un atelier de façonnage. Plusieurs fois, les bras humains seront sollicités pour remplir des cartons avec la précieuse réalisation!
Je suis fascinée par l’aventure technique au point d’oublier une fois de plus ce que nous avons mis de notre âme dans cet objet. C’est pourtant la pierre angulaire qu’il fallait que je considère avec attention.

Tout ce qui dépasse le prix de revient est donc le résultat de la production de nos élans reliées. A combien les évaluer? Comment expliquer aux inconnus et aux passants que ce livre est tout, sauf un vulgaire assemblage?
La politique internationale nous a fait miroité des mots magiques « Yes, we can »
Yeahhhhhhhhhhhh!
Ça me fait sourir!
Combien ça coûte?

« Mon » rêve sera moins onnéreux qu’un après midi chez le coiffeur, qu’un tee shirt de marque ou qu’un ballotin de bons chocolats. Il sera plus coûteux qu’un bouquet de 100 roses acheté sur internet, Avec la somme que j’ai fixé, un esclave qui cueille des roses à vendre sur internet peut survivre pendant un mois et mon fils mange 18 repas au resto U!
Parler de prix et de coût me fait tourner la tête!

Pendant ce temps, le monde va sa propre ronde.