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A comme Absolu



Décidément la vie est captivante.

J’aime ses clins d’oeil, les reflets en ricochet, les échos qui rebondissent et l’imprévisible tellement bien organisé.

Hier soir, en compagnie d’un très érudit compagnon, je découvrais le vent mis en scène, le vent testé, mesuré, appliqué, numérisé, le vent « visibilisé »!

« Comment la poussière pourrait-elle s’élever d’elle-même?
…Tu vois pourtant la poussière et pas le vent »

Visiteuse VIP, j’apprenais avec avidité, comme il est si facile d’apprendre dans les yeux des autres, à travers la parole vivante et multidimensionnelle de ceux qui savent.
Apprendre toujours plus et plus loin est une quête, une quête que je ne peux concevoir sans la présence présente des autres.
Alors, après m’être abreuvée directement à leur source, la curiosité peut m’entrainer dans les entrailles de la toile, au milieu des pages des livres spécialisés. J’ai besoin de douter pour préciser, pour avancer, pour enregistrer.
Une question entraine cent questions et c’est avec ravissement que je me laisse emporter dans ces explorations où le temps n’existe plus, car entre l’infiniment petit et l’infiniment grand il est soluble dans sa propre relativité.

Dans le « nuage de tags » visible à côté des billets ici abandonnés, le mot « absolu » arrive en tête non seulement grâce à son « A » mais surtout parce que de nombreux billets sont ainsi « tagués ».
La quête de l’absolu m’habite joyeusement.
Que dis-je?
Elle dirige mes pas, mes recherches, mes actions.
Elle les dirige parce que « c’est comme ça » pour moi.
Et c’est une direction amicale, douce, joyeuse, plaisante à laquelle je me soumets de bonne grâce.

Pourtant, parce que le temps tellement relatif est si drastiquement affiché sur nos montres, il est un fait que des choix s’imposent quand les journées ne font que 24h.

Alors, quand ce matin, une chère amie pose la question « Lit-on toujours pour apprendre? » je me la pose franchement entre quatre yeux.
Et d’autres questions surgissent en réponse.
Des questions au sujet du plaisir, au sujet de mes exigences, au sujet de mes quêtes et de ce qui m’attire inexorablement vers la source, puis la source de la source et encore plus loin, dans tous les sens.
Et je regarde la pile de bouquins sur mon bureau et l’absence remarquable de « romans ».

Les romans, les dessins animés, les films fleurissent spontanément sans que je les convoque. Ils apparaissent, impalpables,  principalement lorsque je marche, lorsque je rame, lorsque mes mains sont occupées à sculpter, à attendre, à bricoler, à jardiner.
Ils sont toujours d’un richesse incroyable, ciselés dans le moindre détail, turbulents, imprévisibles. Je les vis dans une multitude de dimensions qui dépasse largement et celles du papier parfois si parfaitement glacé et celles des images si magnifiquement léchées.

Bien entendu, je lis avec grande bienveillance les ouvrages de littérature, les romans qui me sont offerts ou ceux qui me sautent dans la main de gares en aéroports.
Bien entendu, je vais au cinéma parfois, rendant hommage à quelques réalisateurs de talent qui savent me faire flotter bien au delà de la salle noire.
Mais ce sont autant d’escapades ravissantes qui me ramènent à la quête de l’absolu, cette quête que je conçois uniquement constituée de rencontres « en live », d’expériences sur le terrain et de lectures appliquées.

C’est comme ça depuis si longtemps que je ne cherche plus à me contrarier!

Ecouter pousser les fleurs (2)

Le héron s’est envolé.
En entendant huer des cris rauques, j’ai levé les yeux. Ils étaient trois, tournoyant au dessus du bassin Saint Félix.
Le conflit était déjà réglé lorsque j’entrai au Lieu Unique.

J’ai pris un café au comptoir avant de m’avancer vers « la » personne.
Il était temps de monter au pic,
Je n’avais aucun moyen d’évaluer ni la hauteur, ni la puissance de la vague.
Je savais seulement que j’étais au bon endroit à la bonne heure et que la suite était à vivre.

Une heure plus tard, nous nous sommes salués sur l’idée d’un nouveau RV à la fin du printemps.
En passant j’avais noté les mains fines, parlantes et sensibles de mon interlocuteur.
J’avais aussi souri à l’intérieur en constatant sa prise de notes semblable à la mienne.
Une prise de note sur papier volant attrapé au vol quand l’urgence de noter le nécessite.
Une prise de note en « puzzle » où les petits carrés côtoient les rectangles plus ou moins allongés, à l’endroit et à l’envers parce que la feuille se remplie et que le moindre espace est utilisé.
Tout en répondant à ses questions, je le regardais.
Je voyais des reflets silencieux passer dans ses yeux, je le voyais alternativement écrire ou écouter.
Consciemment, Je posais des « blancs » observant ses « relances » et, en même temps, je l’imaginais en train de jouer avec ce puzzle dans le but de ranger ses réflexions.
Je me voyais dans cet exercice si souvent exécuté après un recueil de données, tournant ma feuille dans tous les sens, barrant d’un trait diagonal chaque carré exploité…
« La prochaine fois, si tu veux bien, je ferai un enregistrement » avait-il conclu avant de me saluer en ajoutant : « Si tu viens au spectacle, tu verras comment je travaille »

Je suis partie tout droit vers l’exposition.
« Le point de vue de nulle part – semiconductor »
Il faudra que j’y retourne, j’ai adoré!
Ne suis-je pas une spécialiste en matière de point de vue de nulle part?

L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Je me moque de savoir si un nouveau contact verra le jour ou non.
Je ne connais rien de plus au sujet des objectifs artistiques de cette personne et j’ai la conviction qu’il ne sait pas encore quel sera l’usage donné aux matériaux collectés.
Quelque chose murmure que nous étions l’un et l’autre en train d’écouter pousser les fleurs.
Et même en écoutant avec beaucoup d’attention, il reste impossible de savoir à quoi ressemblera la fleur, il reste même impossible de savoir si elle verra ou non le jour.

L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Mais… je suis curieuse et n’ayant pas de programme spécial pour le vendredi soir, j’avais décidé d’aller écouter « l’aparté », un entretien entre lui et la directrice du théâtre.
En ligne, je n’avais pas pu trouver de place libre pour le spectacle. D’abord rien ne me disait que j’avais envie d’aller au spectacle, je suis tellement plus fan du spectacle de la vraie vie que des montages bien léchés et tellement trop conceptuels.

Arrivée dans le hall, cinq minutes avant l’heure, je l’ai vu.
Il terminait son sandwich en se léchant les doigts.
Nos regards se sont croisés et j’ai fait un signe de la main comme j’aurais fait « coucou » à un enfant.
Chacun a fait un pas vers l’autre.
« Tu t’es perdue? »
J’ai pas compris cette question. J’ai répondu :
« Je suis venue à pieds »
Il a enchainé :
« Tu viens voir le spectacle?
-Ben non, seulement l’aparté
-Faut que tu viennes au spectacle »
Et il m’entraina devant la billetterie pour trouver une solution.

Il ne me restait plus qu’à envoyer un sms à la maison pour dire que j’allai rentrer plus tard que prévu et qu’il fallait, en conséquence, fermer les volets.

Le plus amusant dans l’histoire, c’est qu’il s’est mis à pleuvoir et que la question de rentrer à pieds, soit 45mn sous le pluie sans équipement spécial, se posait.

Donc quand, me dirigeant vers la bar pour boire une bière en attendant le spectacle, une dame me demanda : « On s’est déjà vues, non? » tout en déclinant sa spécialité ; j’ai saisi l’occasion en rétorquant : « Je sais pas... En conférence, c’est possible… Au fait, je cherche quelqu’un pour me ramener à la maison après le spectacle… Je suis venue à pieds et il pleut... » et hop, le problème du retour était résolu.
Deux minutes plus tard, son homme la rejoignait dans la queue vers les bières et les frites.
Immédiatement nous nous sommes captés sur la même longueur d’ondes… Une histoire de vie, de mise au monde de respect réciproque… encore… toujours…
Cet homme là, j’en avais beaucoup entendu parler sans jamais le rencontrer ni avoir envie de le rencontrer. C’est la faim et la soif qui nous a déposés l’un à côté de l’autre ce soir là!
Dans le même temps, la directrice du théâtre s’approchait avec l’idée de me présenter… comme par hasard… aux deux personnes avec qui je parlais déjà.
Que dire sinon que j’ai parfois l’impression de surfer dans un monde parallèle!
Et qu’ajouter sinon que j’aime ça?

Vécu, analogie, métaphore et… Passage



L’arbre et la pirogue…

Les captifs de la toile ont peut-être déjà croisé une histoire d’arbre et de pirogue qui se partage en un clic sur l’air de « mouais, c’est pas mal ce truc ! Je vais partager et hop, c’est quoi le suivant? » C’est signé « mythe mélanésien de l’île de Vanuatu »…
A la source, il y a un travail effectué en vue d’une thèse de recherche de Joël Bonnemaison, et c’est un peu plus complexe que la métaphore colportée ne le laisse entendre.
Comme d’habitude quoi!

Sous nos latitudes, il y a belle lurette que les pirogues monoxyles sont rentrées dans les musées quand elle ne sont pas l’oeuvre récente de quelques gentils bricoleurs qui jouent avec le bois plus qu’ils ne navigueront jamais.

Je possède une pirogue, elle est en « composite », c’est à dire que c’est un assemblage de tissus en fibre de verre et de résines polyester… Pas vraiment des « trucs » directement cueillis dans la nature, donc…

Pourtant, ma pirogue, un va’a sans gouvernail, je la compare volontiers à un cheval qu’il faut apprivoiser, un « truc vivant » plus puissant que moi.
Car elle m’emporte, elle décide de sa trajectoire sur les vagues, elle n’obéit jamais à des ordres simples et tranchants, elle a besoin d’être habitée, elle a besoin que je sois « avec » elle, que je l’apprivoise à chaque sortie, que mes propositions soient douces et déterminées.
Les moments de grâce sont ceux où je suis à la fois moi, l’océan et la pirogue !
Ils existent.
Et comment en parler sinon en usant de métaphores?

Ce long préambule pour essayer de décrire le lendemain d’une « organisation » réalisée.
Qui osera lire et suivre chacun des liens jusque dans ses profondeurs pourra peut-être un peu comprendre. Un peu seulement! 😉

Dimanche soir, de retour dans la vie « normale » il y eut comme toujours un « vidage de carte mémoire ».
C’est subtil ce genre de vidage.
La symptomatologie  est claire et précise : j’arrive face à une personne en disant « je voulais te dire quelque chose à propos de l’évènement et je sais plus du tout ce que c’était ».
Il y a un instant de silence où j’essaye de rembobiner, un regard probablement vide, le mot FIN qui flash devant mes yeux et hop, j’actualise sur le temps présent.
Tout ce que j’avais consciencieusement enregistré en double, à la fois sur le laptop et dans ma mémoire, tout ce qui s’était amoncelé au point d’encombrer mon bureau, ma chambre et mes pensées s’envole instantanément sans être perdu pour autant.

Et qui dit vidage, dit vidange.
Aucune vie n’est jamais vide tant qu’elle est vivante!
Qui dit vidange parle aussi de remplissage, non?

Donc, le lundi était jour de remplissage.
Imaginez un réservoir qui se remplit à grande vitesse, imaginez le flot qui entre, imaginez les turbulences qui se créent au contact des parois, imaginez les vagues, imaginez une vaine tentative pour réguler le débit, le trop plein qui guette… imaginez mon lundi!

Puis, le calme revint en surface, il revint d’autant plus apparent que tout était rangé : le matos, la maison, mon bureau en bois et mon bureau virtuel.

Invisibles aux yeux, inaudibles, il ne persiste que doux frémissement intérieur, intense et bien connu. Il n’est que pensées qui tournent, vagues de questions qui déferlent inlassablement, bosquets qui ramifient à foison, envie d’écrire, doutes, hésitations, certitude de solitude.
Ma routine, quoi!

Très chers paradoxes



J’aime résumer l’état de bien-être à un état dans lequel je suis en équilibre entre mes paradoxes.
J’aime aussi affirmer que je suis funambule entre deux mondes : le mien et celui des autres.
Et j’ajoute que plus le fil est tendu plus le mouvement est facile et que sans mouvement, la vie n’existe plus.

Avez vous remarqué que les plus « anti-système », les plus écolos, les plus anarchistes, les plus complotistes, les plus « contre » sont ceux qui utilisent le plus facilement les réseaux sociaux pour s’exprimer, pour rabattre le monde vers leurs sites, leurs croyances, leurs publicités propres?

En écrivant sur ce blog, en acquittant chaque année des droits d’hébergement, je me suis donné les moyen d’une certaine indépendance.

Mais, le monde est ainsi fait qu’il est impossible de lui échapper. Les réseaux sociaux nous captent et eux seuls transmettent des signaux qui nous attrapent à grande vitesse.
Ce matin, j’ai donc lancé un nouvel essai « pour vivre avec mon temps » en pensant à ma grand-mère qui était fière de s’adapter rapidement aux changements apportés par le siècle derniers.
Rien n’est gratuit, je sais qu’en ouvrant un groupe sur FB, je participe au fonctionnement d’un géant, j’impose des publicités à mes lecteurs, je leur mets sous le nez des propositions de « semblables » (là je rigole un peu en imaginant ce que FB peut trouver qui me ressemble!!!), prenant le risque de les inviter à glisser plus loin, plus loin, à s’embourber, à tout abandonner et surtout à m’abandonner, « moi-je »!
Qu’importe, tout est expérimentation et j’aime ça.

Les paradoxes sont les moteurs de notre vivance, c’est un fait et j’avance sans jamais me lasser de les observer.

Ainsi, hier au supermarché, une image surréaliste est entrée dans mon champ de vision.
Une femme jeune, parfaitement maquillée, entièrement drapée dans une « robe » beige d’excellente qualité, une robe qui l’enveloppait de par dessus les cheveux jusque par dessus les pieds, était dans le même rayon que celui où je m’empressais de passer.
Elle prenait son temps, poussant son chariot déjà bien rempli et bavardant « toute seule ».
Toute seule?
Non.
Un magnifique téléphone pommé assorti à sa robe était glissé contre son oreille et fermement maintenu par la grâce des plis de tissus qui enveloppaient sa tête.

Malicieuse, j’imaginais instantanément qu’un être transcendant avait prévu cette situation et avait même transmis ses intentions auprès d’un messager obligeant.
Ainsi cette recette était exclusivement réservée aux femmes afin de leur permettre de bavarder de tout et de rien partout et n’importe quand, y compris au supermarché en poussant un chariot chargé de produits ultra-transformés.
Trop fort!

De la ponctuation

Lorsqu’il s’agit de s’exprimer à travers l’écrit, il est d’usage d’intercaler des signes de ponctuation entre les mots afin de favoriser une meilleure « écoute » pour le lecteur.
De manière récente, il est devenu possible d’introduire des idéogrammes (on appelle ça  « emoji » en langage facebookien), des « sticker » et même des « gif » en plus des traditionnels signes de ponctuation.
De fait, il serait possible d’imaginer que la communication écrite est en passe de devenir de plus en plus précise, c’est à dire, de plus en plus semblable à la communication parlée.

Las !

En se complexifiant, la communication se dilue.
Je me demande si nos pensées ne suivent pas le même chemin, stimulées qu’elles sont de toutes parts, dans toutes les dimensions et tous les sens ?

La ponctuation, pour revenir au sujet de ce billet, est chose subtile dans le monde mondial. En effet, les règles sont différentes d’une langue à l’autre et parfois il n’en existe même pas. (un digest ici )

Pour « moi-je », il est plus facile de lire et de comprendre les personnes que je connais en vrai : les attitudes, les intonations, les paradoxes sont inscrits en filigrane dans ce que je lis d’elles.
C’est aussi le cas pour les personnes non accessibles, les grandes figures, les auteurs renommés : le fait de les entendre parler (vous connaissez ma radio préférée ? … On y parle beaucoup, beaucoup! ) m’incite à les lire sous des angles constamment renouvelés.

Dans la prose que je produis, il y a un tas de mots et aussi un paquet de signes de ponctuation.
Les mots ont une signifiance à mes yeux et je sais que chacun les interprète ensuite en fonction de son environnement propre.
La ponctuation, selon les règles établies en langue française, est généralement posée avec attention et il n’est pas rare que je modifie après lecture (et relecture), comme je modifie certains mots et/ou leur agencement dans la phrase.
Les « emoji » sont les grains de folie qui peuvent entrainer plus loin tant leur traduction est éminemment personnelle !
J’aime les points de suspension car il sont à mes yeux une ouverture vers plus loin. Mais, je sais qu’il faut les éviter et je les évite au maximum.
Il serait nécessaire, dans les faits, de poser un point d’interrogation après chacune de mes phrases tant chaque alignement de mots constitue, de mon point de vue, un questionnement qui débouche sur un autre questionnement sans que jamais aucune réponse ne survienne en temps que réponse « certaine et définitive ». C’est évidemment non-envisageable.
Alors… J’ose imaginer que les personnes qui m’ont un jour croisé ont repéré mes inlassables questionnements.

Les enfants, bien avant l’âge de raison, affirment « je sais » et les parents les regardent de haut en affirmant à voix basse : « comment pourrais-tu savoir ? ».
C’est que les enfants sont bien dressés et que dire « va te faire foutre je vais expérimenter dans mon coin » fait partie des « interdits ».
C’est que les parents sont bien formatés et suffisamment suffisants pour oublier de douter au sujet de leur toute-puissance parentale.

Quand j’étais »petite », j’ai traversé cette période où j’ajoutais « je sais » après chaque proposition parentale. Mon père ne manquait pas de me le faire remarquer sur l’air de « madame-je-sais-tout ».
J’avais le bac en poche quand cette chanson là est entrée au hit-parade de l’époque et bien que ma note de philo ait été magnifiquement proche de zéro, je commençais à poser les questions qui n’amènent que des questions et à entrer dans un véritable « raisonnement philosophique » au sujet de la vie.

Plus de quarante ans plus tard, j’en suis seulement un peu plus loin, toujours en train d’essayer d’escalader l’arc en ciel, toujours en train d’essayer d’attraper les étoiles alors que « je sais » (= « il est scientifiquement prouvé ») que l’arc en ciel n’est qu’un effet lumineux et que les étoiles qu’on voit briller sont mortes depuis longtemps…

Jenesaispasquelleestl’histoiredelavieenvraie.

J’aime infiniment observer, explorer, observer encore, explorer plus loin.

Jesaiseulementquejesuisenpleindedanslavraievie.

La crème et le piment


Il fallait un jeu pour qu’un autre commence.

Il fallait que le fruit soit mûr pour qu’il tombe à l’instant même où j’approchais la main dessous pour le cueillir!
Les spécialistes de Jung dissertent au sujet de la synchronicité, je préfère parler de mes errances et des grands moments de bonheur aussi simples qu’une ballade égrainée par le vent qui se faufile dans le jardin.

J’imagine que toutes les personnes pour qui les mots sont autant de perles à mettre sur des fils, autant d’éclats de couleur à poser dans un tube à reflets multiples, autant de pièces à monter en pyramides improbables, j’imagine que toutes ces personnes gribouillent comme moi des textes qui s’accumulent sans jamais voir autre chose que la direction d’une archive ou d’une autre.

Quelque soit le temps passé, l’attention apportée, les ciselures essayées, je sais que le regard des passants sur les mots est généralement ultra rapide, attirés qu’il est par mille sollicitations toutes plus précises les unes que les autres,  occupé qu’il est par des requêtes multicolores créées pour séduire de manière certaine, scotché qu’il est aux invitations pressantes, aux mouvements répétitifs excitant plus fort encore une curiosité qui pourrait finir par s’émousser.

Alors, entre deux salves de mots
Je joue.

Et je viens d’inventer un nouveau jeu : laisser tomber les couleurs pour les mettre encore plus en valeur, pour les laisser à portée de l’imagination instantanée des passants pressés.

Ca commence aujourd’hui, là-bas.

Il n’y a aucune règle du jeu.

Inertie, effort et combat

Lumineux et froid dimanche de fin novembre.

Dans quelques heures…
Les vagues vont poser les règles du jeu.
La température va imposer une durée non-dépassable.
La gourmandise va déposer du piquant à la sortie.

En digression, débarque « inertie », parce que l’inertie est une force immense, parce que c’est grâce à son inertie que ma pirogue va glisser longuement sur les vagues, parce que l’inertie est une propriété physique, parce que, parce que… s’arracher et  lutter sont  des verbes associés au vocabulaire de la violence autant qu’à cette « inertie »!

Et voilà que les mots se bousculent, qu’ils partent dans tous les sens, cavalent sur des branches, créent des sous-branches, font pousser une multitudes de brindilles qui cassent ou s’emmêlent et que je suis là au milieu de ce fatras, actrice et observatrice à la fois, amusée et dépitée à la fois.
Je suis là.

Tout en sifflant la pause pour tenter de contenir la bousculade, je décide de regarder ce qui se raconte dans ma bibliothèque.
Deux livres me font de l’oeil.

 » Autrement dit, ce que j’affirme aujourd’hui de l’effort, n’est pas forcément ce que j’en ai pensé autrefois, ni comment je l’ai pratiqué. Peut-être l’équilibre advient-il de l’analyse des déséquilibres? Peut-être est-il même composé de déséquilibres? »
Isabelle Queval, Philosophie de l’effort, Editions nouvelles Cécile Defaut, 2016, ISBN 978-2-35018-3879

 » Si le corps n’a pas à être recréé, mais seulement protégé contre la souffrance et la mort, l’esprit, la personnalité et l’existence ont au contraire la tâche de se dépasser eux-même et de se recréer ainsi eux-même d’une façon permanente pour combattre toujours mieux le malheur et la violence, et pour accéder toujours plus à la jouissance et à la joie »
Robert Misrahi, Le philosophe, le patient et le soignant, Editions Le seuil, collection « Les empêcheurs de penser en rond », 2006, ISBN 978-2-84671-154-2

Deux livres.
Deux auteurs.
Un homme d’âge vénérable.
Une femme dans la force de la maturité.
La philosophie.
Les mots.

Les mots.

Et ils vont et ils viennent les mots lorsqu’il s’envolent de l’empreinte noire sur blanc tracée sur l’écran ou sur la papier.
Et ils se cognent.
Et sans se déformer le moins du monde, il changent de sens.
Et repartent.
Insaisissables au long cours.

Lumineux et froid dimanche de fin novembre.

Il y a quelques heures…
L’océan offrait son ample respiration hivernale, le vent piquait et je laissais glisser ma pirogue sans tenter de la bousculer.
Ma pirogue,
Elle me rappelle les chevaux, à un détail près.
C’est elle qui a dû m’apprivoiser, me forcer à accepter sa fantaisie, ses accélérations sur la moindre vagues, ses refus dans le vent, sa rigidité et son agilité.
Ma pirogue,
Elle attend simplement que je lui ouvre le terrain de jeu et elle m’embarque.
Elle n’a aucun gouvernail, elle est insoumise.
Elle est tout à fait pacifique.
Jamais je n’ai imaginé un combat contre une pirogue.

Il y a quelques heures, dans une lumière de théâtre, grâce aux vagues bien formées, soumise au vent établi, j’ai tiré fort sur mes vieux muscles, c’était véritablement délicieux.
Certains jours, certaines heures, l’effort est source de joie.
Une joie simple et forte et nourrissante.

Les voiles dehors

Brassage de photographies anciennes.
Anciennes?
Pas plus loin que le siècle dernier, autant dire que je ne remonte pas au moyen-âge.
Et c’est dans nos bonnes régions de France que je me balade, pour les deux images affichées, c’est précisément en Loire-Inférieure, précisément où je vis actuellement.

La jeune fille en blanc est devenue une arrière-grand-mère qui commande ses courses en tapotant sur sa tablette. C’est une femme coquette qui n’hésite pas à dénuder ses bras et son décolleté lorsque l’été est là.
La grand-mère aux cheveux soigneusement tirés sous la petite coiffe, elle, s’en est allée depuis longtemps sans jamais connaitre ni ses arrières petits-enfants ni la joie des réseaux sociaux au bout des doigts.

J’entends souvent le monde parler autour de moi et ce qui revient au sujet des apparences vestimentaires, c’est un leitmotiv : « d’abord, je fais comme je veux »

C’est que depuis une époque lointaine où j’ai habité (Et oui (soupir)  Je suis carrément préhistorique! ) beaucoup de choses ont changées.
Sérieusement, je vais rester dubitative quant à la « libération » des femmes. C’est tout juste si l’apport de la contraception chimique légale ne les a pas propulsées d’un enfermement à l’autre, de l’obligation de la reproduction à l’obligation de jubiler dans les jeux intimes du mélange des corps.
Inutile de s’aventurer sur ce terrain miné.

Surtout, ce qui a changé, c’est la multiplication des boutiques de mode.
C’est la multiplicité des courants.
C’est l’internationalisation des inspirations.
C’est la réalité de la consommation à moindre coût.

Un « truc » était impossible dans le monde préhistorique des femmes présentées en photographie, comme dans celui de mon enfance, ce « truc » c’était le choix vestimentaire.

On portait ce qu’il y avait, ce que savait coudre la couturière du coin, ce que raccommodait la mère, ce qu’ajustait la grand-mère, ce qui était recyclable.
On détricotait, on re-tricotait jusqu’à ce que la laine elle-même soit tellement usée qu’il n’était plus possible d’en faire même un carré en vue de l’assembler à un autre carré.
Quand une fillette portait une jupe ultra courte, c’était juste parce qu’elle avait grandit trop vite, que les finances de ses parents ne pouvaient pas suivre ou qu’il n’y avait plus le moindre centimètre d’ourlet à défaire.

Et pourtant, j’espère que l’imagination des passant(e)s peut imaginer à quel point la séduction existait, partout, pour tous et chacun.
Pas seulement chez les personnes les mieux nanties en « pouvoir d’achat ».
C’est peut-être ce qui poussait à utiliser le proverbe « l’habit ne fait pas le moine »?
Je ne sais pas.

Aujourd’hui, l’habit fait le moine, la teinture fait les punks, les prothèses en tout genre font le job.
Il est indispensable de « faire comme je veux » et si possible comme tout le monde autour, donc comme dans « mon microcosme ».
Ce « mon microcosme » fusse t-il totalement virtuel, il n’en est pas moins réel.

C’est drôle.

Et franchement, si j’en ponds un billet, il n’y a pas de quoi en faire un fromage.
Il suffit de laisser le temps faire son oeuvre.
Tout passe.
Sauf le désir de séduction.
Sauf la peur.
Sauf l’exploitation des peurs et des désirs.

J’ai écouté hier l’émission de France Culture : d’âge en âge, voiles proposés, voiles imposés et c’était magnifique d’entendre une femme d’un âge certain affirmer « Je me sentais tellement séduisante avec mon foulard sur la tête » et ajouter plus loin  » Et puis la soie, c’est doux au toucher et son frottement sur la joue était agréable ».

De quoi méditer, relativiser, sourire…

La quadrature du cercle enfin réalisée

Chercher la quadrature du cercle passionne les mathématiciens depuis l’antiquité et continue à faire couler de l’encre.
Chercher la pierre philosophale passionna les alchimistes depuis l’antiquité jusqu’à l’apparition de la chimie moderne, mais on en parle encore.

Et voilà que je croise cette affiche publicitaire alléchante qui me prouve que tout est possible, la quadrature du cercle comme la transmutation des métaux.

Parce que, vous l’avouerez, une boite de conserve au goût de conserve fabriquée dans une usine ultra moderne, même une boite « nouvelle à l’ancienne », c’est toujours une boite de conserve au goût de conserve fabriquée dans une usine ultra-moderne.
La différence n’est qu’une différence de prix!
Et il est bien probable que de nombreuses personnes vont succomber à la tentation ce qui potentialise la transformation du plomb en or!

Il est certain que cette affiche fut réjouissante à rencontrer, plus que tout autre.
La publicité va de paire avec la consommation, elle explose sous nos yeux jusque sur nos tablettes, nos téléphones, dans les moindres recoins.
Il est difficile d’y échapper.
Elle sait merveilleusement se faire subliminale, au point de nous atteindre dans les méandres de notre inconscient, au point de modifier notre bon sens en profondeur.

Il y a un bon bout de temps que je me gausse avec bienveillance de toutes ces modes « à l’ancienne », dans tous les domaines, de toutes ces modes qui totalement innovantes et contemporaines et intrinsèquement liées à notre société d’aujourd’hui surfent sur la nostalgie d’un paradis perdu.
Alors, voir les antonymes s’afficher, en si gros et côte à côte, sous mes yeux stimula mon imagination au plus haut degré.
Et les digressions allèrent bon train, c’est sans dire.

Ce qui me rend triste, c’est toujours la même chose : les personnes les plus crédules sont les personnes les plus fragiles, à moins que ce ne soit l’inverse.
Car rien ne touche davantage que l’expression minimaliste.
Dans un monde complexe, il est rassurant de se raccrocher aux pensées simplistes.

Je suis assez fan des oxymores dans ma prose, parce que la surprise (pour les personnes sensibles aux figures de style) permet de mettre de la poésie dans le propos comme un clair obscur dans un photographie.
Je sais aussi que manié à propos, il souligne l’absurdité de manière très abrupte.

Bref… C’était la photo du jour!

🙂

Visible et Non-visible


« Toucher, c’est se toucher »
Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 308.

Il y a un peu moins qu’une année, j’avais partagé cette citation tirée des notes de Merleau-Ponty compilées dans un recueil dont le titre est à lui seul toute une aventure : Le Visible et l’invisible.

Ce matin, dans un commentaire au sujet de cet empilage (celui de la photo) je soulignais la précarité de l’équilibre réalisé. J’effleurais le temps que j’avais mis pour y parvenir.

Les plus perspicaces ont certainement imaginé les chutes, le fracas associé, la balle qui rebondit, les roues qui roulent, etc…
Peut-être pas!

Car l’invisible ne se voit pas.

Et, selon Merleau-Ponty, (page 295 du recueil Le visible et l’invisible), le visible doit être décrit comme invisible. Imaginez!

Dans chaque image, l’invisible est contenu, il se dérobe à la vue des passants pressés qui regardent le regard vide, mais il est là.

Ce qui est est passionnant, de mon point de vue, c’est la possibilité offerte d’un passage à la limite entre visible et invisible.

Ce fil tendu dont je parle et reparle, ce fil si présent et pourtant impalpable, ce « plus loin » si souvent écrit ne constituent rien d’autre que le passage possible, de l’un à l’autre, de l’un vers l’autre, sans que rien ne soit jamais acquis, alors que tout demeure possible.