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Instant présent (bis)

Deuxième billet avec ce même titre et comme par hasard, le précédent était illustré bien à propos pour aujourd’hui.

A la fin du mois d’octobre, j’avais pris soin de « ma » pirogue, du « va’a » qui m’a tant offert dans ces dix dernières années. Depuis qu’un certain virus est entrée dans nos vies, ma pirogue est sortie de la ville, elle m’a entrainée sur l’océan. Là, encore davantage que sur l’eau dormante de la rivière, elle m’a montré à quel point elle est telle un cheval qu’il convient d’apprivoiser afin qu’en chaque circonstance il soit possible de garder un cap.

Combien de personnes m’ont ainsi entendu argumenter que je préférais mille fois le va’a traditionnel aux pirogues américaines pour la simple et bonne raison que j’aime son côté « cheval sauvage », ses initiatives qui ne sont pas toujours les miennes et qu’il me faut « gérer » pour avancer plus loin autant que pour rentrer à bon port ?

Depuis que je l’ai remise en état, pour un faisceau de raisons, je n’ai pas eu l’occasion de la chevaucher à nouveau.
Et dans le même temps, plusieurs fois par semaine, je vais chevaucher un petit appaloosa.
Clin d’oeil, je reste en noir et blanc!

Samedi, dans l’air limpide et froid, seule avec le petit cheval, j’ai respiré la nature comme je respire l’océan, immensément, juste posée entre terre et ciel, passionnément, comme dans un poème, exactement située dans l’instant présent.
Hier dimanche, bis repetita.
Comme le veille j’ai pensé au va’a.

Pourtant, hormis l’assemblage du noir et du blanc, pour tout un chacun, rien ne ressemble moins à un va’a qu’un cheval et rien ne ressemble moins à un cheval américain qu’une pirogue polynésienne.
Sauf que pour moi, il est question de relation, de confiance et de moments passés ensemble pour l’une comme pour l’un, pour l’un comme pour l’une, seuls ensemble, seuls entre tout et rien.
C’est très métaphysique, tout à fait impalpable, donc difficile à expliquer, mais c’est pareil.

La pirogue était entrée dans ma vie par hasard, comme ces rêves qui se laissent attraper.
Le cheval y est revenu de même.

L’été dernier, alors même que j’ignorais tout de l’automne à venir, j’ai songé qu’il était temps de vendre ma pirogue.

Je pense que l’heure est venue.
Il y a encore de belles aventures à vivre pour elle.
Et pour moi,
Dans un univers différent,
Mais pareil aussi.

Question de point de vue


Ca fait quelques années que j’ai commencé à faire des tas de cailloux en passant, des tas en équilibre précaire qui ont pour mission de s’écrouler dès que j’ai le dos tourné à moins que je ne les démonte après la captation d’image si ni le vent ni les vagues ne peuvent s’en charger.

Pour écrire ce billet j’ai une fois de plus plongé dans les entrailles de ce blog, à la recherche de billets plus anciens, de souvenirs ou d’arguments déjà avancés. J’ai retrouvé Melchior avec plaisir mais il y en a tant d’autres, celui-ci par exemple et d’autres et d’autres. C’est que je suis inquiète à l’idée de radoter et puis, finalement je suis heureuse de lire qui je suis depuis un bout de temps, racontant toujours les mêmes histoires en les pimentant du présent tout en les conservant à mon image.

J’ai déjà titré « Points de vues« . A deux « S » près, cette fois-ci je questionne davantage.

Davantage et plus loin, je questionne l’équilibre.
D’équilibre aussi il est souvent question dans ce blog jusqu’à parler de l’effort nécessaire pour y parvenir. Maintes fois, mille fois, dix milles fois au cours d’une journée nous sommes en équilibre et nous passons d’un équilibre à un autre sans nous en apercevoir sans le noter, aussi automatiquement que nous marchons. nous passons d’une posture à une autre et cela nous semble si « normal » que nous n’y prêtons aucune attention.

Donc.

Quand je construis un tas de cailloux, je recherche un équilibre éphémère.
Et,
Je suis attentive au point de vue, c’est à dire à l’angle sous lequel je vais capter l’image afin que la fragilité de l’équilibre soit bien visible.
Une fois que la construction me parait achevée, je tente de l’enregistrer dans mon APN, espérant que j’en garderai le souvenir préalablement imaginé. C’est difficile car entre l’imagination, la réalité et l’image enregistrée, tout un registre s’écrit.
Si le vent m’en laisse le temps, je tente parfois de prendre une photo sous un autre angle, histoire d’avoir un point de vue différent.

L’autre jour, dans la lumière d’avant le crépuscule, dans la paix d’un lagon vidé par la marée, j’ai joué avec les cailloux et la lumière.
La photographie visible sous le titre de ce billet fut celle que j’ai prise juste avant de tourner le dos et d’entendre le « plouf » caractéristique d’un « démontage automatique ».
Le point de vue est donc celui que je n’avais pas prévu enregistrer, le côté pile en somme.
En le regardant le soir sur grand écran, il m’apparu d’une grande stabilité. Impossible de passer à côté de cette notion de « point de vue » alors. Je connaissais la fragilité de mon édifice, je l’avais entendu s’écrouler spontanément sous la faible brise du soir et surtout j’avais l’autre point de vue sous les yeux.

Je voyais ce point « faible » et « fort » à la fois sur lequel reposait une bonne partie de l’édifice. Ce point terriblement fragile.

Comment oublier que la vie toute entière est ainsi construite, en équilibre entre forces et faiblesses ?
Comment oublier que tout est question de point de vue ?
Comment faire abstraction de la relativité en toute chose, de la variabilité des points de vue, de l’incessant renouvellement des postures ?

Définitivement, c’est en questionnant toujours plus loin que j’avance, en équilibre (forcément instable) sur le fil tendu entre mes paradoxes.

C’est le chemin qui est important

C’est le chemin qui est important.

Je vous dis pas le nombre de fois où ces mots assemblés apparaissent sur les réseaux sociaux, dans des cadres sans âme, signés par des célébrités ou des anonymes, rappelant Lao-Tseu, Goethe ou n’importe qui, souvent dans un but de fourrer un peu plus la locution « développement personnel » laquelle ne signifie souvent rien de plus que « votre argent m’intéresse ».

Oui, la délicatesse et moi, ça fait deux!

Et oui, sur cette image, c’est le chemin qui prend toute la place.
Et c’est le chemin qui prend toute la place particulièrement grâce au long bout de chemin qui est absent à l’image, celui qui est déjà parcouru.

Vous suivez ?

Depuis quelques temps, je fouille sur la toile du côté du microcosme « cheval » et c’est exactement comme fouiller dans un quelconque microcosme, il y a de tout, du pire, du moins pire, beaucoup de copier-collés et… le dressage de mon moteur de recherche ne permettant pas encore l’accès au « mieux », il faut que je cherche encore.

Car depuis quelques temps, précisément depuis que j’avais prévu d’offrir une balade en ma compagnie à une petite fille, je savais qu’inéluctablement j’allais réveiller un virus endormi.

Tout en le sachant, je me questionnais fort.
Pas vraiment au sujet de « vais-je me souvenir?  » car un cheval offrant un devant et un derrière, il suffit de se poser sur son dos dans le bon sens et hop, il se met en marche.
Je me questionnais à propos d’un autre sens.
A propos du sens que je pouvais trouver pour avancer plus loin à proximité des chevaux.
N’avais-je pas décidé un jour que c’est en liberté qu’ils sont les plus beaux et le mieux respectés?
Ce jour là j’avais décidé de vendre Grand Lama, un pur sang bai réformé des courses et acheté dans les couloirs de l’abattoir, un brave cheval, plutôt doué sur les barres. En sa compagnie après plusieurs mois d’exercices et d’entrainements au concours hippique, j’avais pu vivre la quintessence de la complicité jusqu’à ne plus avoir besoin ni de selle ni de bride pour partir sur son dos et le laisser jouer à sa guise. (1)
Alors évidemment, en posant ces décisions, je ne faisais que danser sur le fil tendu entre mes paradoxes : je vendais un cheval à un cavalier qui allait « l’exploiter » et je gardais pour moi le principe de laisser les chevaux tranquilles. Oups….

Depuis ce jour déjà lointain, les centres équestres se sont multipliés, le nombre des cavaliers aussi et l’élevage des chevaux destinés aux loisirs des citadins, puis à l’équarrissage (terminer à la boucherie n’est plus envisageable) s’est lui aussi agrandi.

Oui, la délicatesse et moi, ça fait deux!
Bis repetita placent.

Car si les chevaux sont réputés « travaillant », en France il existe très peu de travaux utilisant les chevaux pour une quelconque utilité laborieuse.
Les chevaux sont en ultra majorité des animaux produits pour le loisir des loisirants.
Les loisirants cavaliers sont des personnes qui soumettent des animaux qu’ils « vénèrent » à leurs bon vouloir pour… rien.
C’est une sacré aventure contemporaine quand même, non?

Car, oui, remonter à cheval, c’est comme remonter à vélo, il faut sa plier aux obligations de sécurité en cours, il faut mettre un casque.
Car, non, remonter à cheval, c’est pas comme remonter à vélo : un cheval est un animal sensible qui ne demande qu’à brouter jusqu’à la fin de ses jours.

Alors, quel sens donner à cette histoire ?
Pour quelle raison « avoir à nouveau le désir » de monter à cheval ?
Pour me balader avec A. ?
Ok, ça peut rester très ponctuel.
Et puis, d’ici un an ou deux ans elle n’aura vraiment plus aucun goût pour caracoler auprès d’une vieille grand-mère qui préfère le pas au galop débridé.

Comme d’habitude, j’ai donné du mou et laissé les questions se débrouiller entre elles. J’ai changé de sujet tout en tapotant sur la toile pour voir s’il y avait des chevaux qui cherchaient une cavalière aussi bizarre que moi.

Et voilà que j’ai finalement vu apparaitre un cheval d’indien, à moins que ce ne soit un cheval de cirque, un cheval blanc à taches noires, tout à fait assorti à la couleur de ma chevelure, un appaloosa selon le nom de sa race. (noter que pour les animaux, la notion de race demeure…)
Il habite en rase campagne nantaise, chez des particuliers. il vit au pré sans rien demander mais sa propriétaire-cavalière aimerait qu’il se bouge un peu plus que deux fois par semaine, rien d’autre.

Banco !
Donner un coup de main, en voilà un truc sensé !

Et hop, l’affaire fut vite conclue entre les deux parties, le cheval n’avait rien à dire, un peu comme un vélo… donc !

Ce qui est magique, à l’image de ma vie, c’est que dès que je suis sortie seule avec ce cheval, j’ai vu tout ce que m’offre l’horizon.
Et surtout j’ai vu que le potentiel qui s’offre est envisageable seulement parce que le temps est passé, patiemment, parce que j’ai plein d’expériences tellement différentes, parce que je suis tout à fait à la marge, parce que je suis … moi.

Bref, je remonte à cheval.
Le cheval d’une personne qui « aime » son cheval.
Et aussi, je marche à côté de ce cheval et je cours aussi lorsque je lui impose de trotter…
Et je monte,
Et je parle,
Et il écoute.
Le chemin est devant.
Vers plus loin.


(1) Je précise que si ces moments furent le résultat spontané d’une relation très particulière poussée vers ces « jeux » qui n’avaient jamais été proposés en devanture des réseaux sociaux, lesquels n’existaient pas encore. Il ne fut jamais question de « challenge » ni d’exhibition. J’allais voir Grand Lama, généralement au crépuscule, à l’heure où tout s’apaise, je lui disais « on y va », j’ouvrais la barrière, je m’aidais d’une souche pour l’escalader et nous y allions. Où ? Où le vent nous portais, à travers les champs moissonnés. C’était sans aucune autre intention que « nous y allons ». Quand il en avait terminé avec ses expressions de joie, il partait au petit galop quelques foulées, il s’arrêtait, repartait au trot ou au galop, s’arrêtait, broutait un brin et rentrait au petit trot quand il décidait qu’il y aurait plus de nourriture à grappiller « chez nous » que dans la nature aride du coin… C’était fort simple. Je n’imagine pas que ce soit reproductible d’un simple claquement de doigts. Nous l’avons vécu. C’est tout.

Et… Les spécialistes

Dans un billet récent, j’ai eu envie de parler des « spécialistes » et voilà que pour compléter, j’ai envie de parler de spécialistes.

Les spécialistes!
Pour commencer, il fallait faire un tour du côté de la lexicographie, envisager les différentes définitions, vérifier que celle que j’envisage à l’instant est la bonne.

J’ai souri en lisant car, oui, je me souviens de mon enfance et de ces visites chez LE spécialiste. C’était à l’époque du médecin de famille, de ce « bon docteur » dont on prononçait le titre avec ferveur. Aller voir un spécialiste, c’était uniquement pour le cas où le médecin de famille sentait ses compétences dépassées. Il fallait aller en ville et l’affaire était grave. Dans mon enfance l’état de maladie était rarement exprimée, le services des urgences de l’hôpital se limitait aux cas vraiment très graves et les  » bon docteurs » oeuvraient jour et nuit dans de multiples domaines. Combien de fois suis-je passée derrière l’écran de radio de « notre docteur », dans son cabinet et nulle part ailleurs?

Finalement cette anecdote est assez représentative de ce que nous vivions au milieu du siècle dernier par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui.
Côté médecine de ville, les noms de spécialités médicales sont dans la bouche de chacun, au fin fond des campagnes les médias rapportent qu’il n’y a pas d’ophtalmologue, pas de dermatologue, pas -logue, etc, plus personne ne parle du « spécialiste des yeux » par exemple et encore moins de spécialiste en général ! Il existe des mots et dans ce domaine ils sont connus et communément utilisés.

C’est à nouveau en me débattant pour la rédaction des billets orchidéens que cette histoire de spécialistes s’est mise à tourner en boucle au point de devoir l’attraper pour la poser noire sur blanc afin de la faire taire.

Car s’il fut un temps où n’existait que des fleurs, puis des Orchis, puis maintes familles d’orchidées, nous en sommes aujourd’hui à plus de 30 000 espèces d’orchidées sauvages de par le monde.
Impossible de comprendre les mystères d’un si grand nombre d’espèces sans acquérir une spécialité, sans devenir spécialiste pour une espèce en particulière, pour une carte génétique particulière, pour « un truc » particulier qui permet de cadrer, de cibler, de limiter au moins dans un premier temps.

Car, en aparté, je suis convaincue que pour pouvoir sortir du cadre, il faut en premier y entrer… Et c’est encore une autre histoire !

Tout ça pour dire que j’ai eu vraiment de la chance d’habiter en Loire-Atlantique, dans un département où les orchidées sauvages sont rares, localisées, répertoriées, cartographiées et faciles à identifier, d’autant plus que leur rareté sur le terrain limite la quantité d’hybrides fantaisistes.
Pendant le temps des premières recherches, je me suis presque sentie « forte », capable de reconnaitre à coup sûr, capable de nommer sans hésitation.

Et puis, je suis partie en voyage.
J’ai commencé à chercher plus loin.
Et je poursuis ma quête avec joie.

Simplement, je ne sais plus, j’hésite souvent, j’ai besoin d’apprendre beaucoup plus dans le détail pour finalement rester dans le doute souvent.

Clairement, comme dans tout ce que la vie m’a permis d’expérimenter, je peux dire que plus j’avance, plus l’immensité me parait immense et moins je suis capable d’affirmer sur un ton péremptoire.

Et voilà ce qui fait mon bonheur.

Peut-être que les jeunes enfants ont besoin de croire savoir pour prendre de l’assurance ?
Peut-être que les enfants vieillissants ont besoin de la certitude de ne rien savoir pour rester curieux et vivre encore un peu plus loin?

Le temps passé

Passer du temps à trier le temps passé.

Voilà… s’il fallait définir ou résumer le boulot qui consiste à vider une maison, ce sont ces mots précis que j’utiliserais : passer du temps à trier le temps passé!

Soulever la poussière amassée sans que personne ne s’en préoccupe,
Découvrir l’improbable dans les coins les plus obscurs,
Déplier des kilos de papiers jaunis venant « d’avant avant » et précieusement stockés,
… pour servir… à rien!
Constater le bazar amoncelé et mesurer ce besoin auquel personne ne déroge,
Trouver d’étonnants objets*,
Caresser des dentelles non-mécaniques en fil 100% bio non labellisé,
Ecouter à nouveau des histoires raconter le temps passé,
Ecouter les histoires,
Et passer le temps,
A traverser les vies,
Banales,
Tout en triant,
Pour jeter… beaucoup et encore plus… mais surtout dans le bon container!

Et imaginer demain.
Imaginer les jeunes d’aujourd’hui devant ce même labeur,
Demain.

Demain cet inconnu.

Quelle traces de « mon » temps passé laisseront une empreinte et combien de temps sera passé à les abandonner aux vents d’après?

C’est l’inconnu!
Et c’est « tout » ce qui fait que j’aime intensément l’aventure offerte par la vie,
Joyeusement imprévisible, joueuse avec ses propres règles,
Chaque instant surprenante,
Et merveilleuse,
Parce que surprenante!




* La cuillère à absinthe, par exemple. J’ai adoré découvrir son usage et ressentir une certaine ivresse en « voyant » les mouvements de l’opalescente boisson en train de se préparer.

Entre-deux


Depuis longtemps, je suis particulièrement sensible à ce qui se passe dans les espaces où il est habituel de ne rien décrire.

Ces espaces sont multiples, ce sont des espaces temps, des espaces lieux, des espaces palpables ou indicibles. Ils sont omniprésents et n’emportent que rarement notre attention.
Lors d’un voyage, par exemple il est habituel de considérer uniquement ce qui s’est passé « là-bas » et ce qui se passe, se passait ou se passera « ici ».
Dans les aéroports, je me laisse volontiers flotter dans l’entre-deux qui est constitué par l’attente des bagages.
Je me souviens des reproches qui m’accueillaient parfois à la porte de sortie « Ben dis donc, tu as pris tout ton temps! »
Oui, j’avais pris tout mon temps, j’avais eu besoin de sentir, de ressentir, de laisser monter tout ce qui est à enregistrer dans l’espace « qui n’a pas d’importance », dans cet endroit où il ne se passe apparemment rien d’autre que le défilement des valises sur un tapis et pourtant tant et tant.
Qu’elle est difficile à comprendre cette non-hâte. (autre exemple, celui de l’ultime bivouac de 2012)

L’exemple de la mise au monde d’un enfant est tout aussi éclairant. Les projecteurs sont dirigés vers la gestation, puis vers le nouveau-né.
J’ai toujours été touchée par l’entre-deux, c’est à dire ce moment absolument remarquable où une partie du corps de l’enfant est sortie quand l’autre est encore à l’intérieur de la mère. Le petit humain est encore foetus d’un côté et déjà bébé de l’autre. J’ai toujours pensé que c’est un moment liminal entre la naissance et la mort, un moment dont la puissance est formidable. Un moment où s’exprime la Vie toute entière.
Et en routine, c’est à ce moment que se concentrent toutes les paniques, toutes les hâtes, au point d’annihiler au maximum tout ressenti de l’espace fascinant qu’il représente.

Et que se passe t-il dans l’espace entre deux personnes?
Dans ce « rien » qui est tout sauf du vide.
Certaines personnes, même inconnues l’une de l’autre peuvent s’approcher très près l’une de l’autre, face à face sans ressentir le moindre trouble. D’autres ont besoin de conserver une distance pour se sentir à l’aise, comme s’il existait « un truc » impossible à compresser entre elles et l’autre.
Je me suis beaucoup amusée à observer « ça » tout le temps de l’évolution du règne de sir Sars-Cov 2ème : alors que des obligations de distances étaient partout affichées, les « entre-deux » étaient très très variables, sans doute à la mesure du ressenti des personnes, au-delà d’un quelconque raisonnement.

En réfléchissant plus attentivement, le titre de ce site m’a sauté aux yeux : passage!

Oui, entre deux, il y a bien le passage de l’un à l’autre et c’est tout à fait ce qui est important.

Dans un bouquin, en 2008, j’avais écrit ces mots :
« Le plus grand enseignement que j’ai reçu d’un maitre en yoga fut celui qu’il ne donnait pas »
C’est à dire que ce que j’avais appris était tout entier contenu entre nos deux présences et la réalité de ce qui nous avait rassemblé.
Juste une page avant, il y avait « ça » :
« (…)
Et je pense au grand écart du funambule entre les racines et les ailes
Donner la vie ?
Jeter dans l’entre-deux ?

Entre la naissance et la mort
Où les lisières sont invisibles
Où se dansera la mémoire
D’une existence pleine et contenue
Toute entière
Dans une promesse »

J’aime les lire aujourd’hui et constater que le sens reste le même.

Alors me vient l’image si précieuse d’un duvet posé à la surface de l’eau, sur l’immensité d’un lac ou de l’océan.
Combien de fois ai-je stoppé ma course pour m’y arrêter, pour observer, fascinée ?

Car, en s’approchant très près, sous le duvet si léger, la trace de la présence de l’interface est visible, un léger creux, une surface non horizontale à la surface de l’eau supposée la plus horizontale.
Entre l’eau et la plume il « se passe quelque chose » sans que ni l’eau ni la plume n’aient une quelconque intention.
Entre l’eau et la plume il se passe quelque chose qui existe, qui est observable seulement parce que c’est cette eau là, ce jour là et cette plume là à cet instant précis.

Oui, ça me fascine. C’est une émotion, c’est à dire un précieux mouvement de mes pensées qui entre en scène à la vue d’un duvet posé à la surface de l’eau.
Chaque fois, dans les arcanes de mon cerveau se forment instantanément et simultanément plusieurs dessins animés sur le thème de l’interface, de l’entre-deux, chacun reprenant des objets (ou des personnages) de différents gabarits et de masses diverses situés dans des conditions (météorologiques, temporelles) variables ou spécifiques.

Tant et si peu

Impossible d’oublier cette si merveilleuse aventure!

Bientôt sept années seront écoulées depuis sa réalisation et pourtant, chaque grain de chaque instant vit encore dans chacune de mes cellules.

Le mois dernier, là-bas sur « mon » île, j’ai rencontré une personne dont j’ignorais tout de l’existence. Avant qu’elle ne me soit présentée, j’avais entendu dire qu’elle me connaissait.
C’est toujours étrange de se trouver dans cette situation, d’entendre dire qu’une personne qui vous est inconnue vous connait.

De quand, de quoi, que connaissait-elle « de moi » cette personne ?

L’unique piste que j’avais était « Escuela Nautica » et j’avais beau creuser mes souvenirs à cet endroit précis, rien ne remontait.
J’étais impatiente d’en savoir plus.
Tellement impatiente que pas plus de deux minutes s’écoulèrent entre le moment où je le vis et le moment où je lui posai la question.
« Oui, je t’ai vu, c’était quand tu partais avec ta planche! » Répondit-il en souriant.

Instantanément, en entendant ces mots, le temps se rembobina et je revoyais ce jour de départ sans tambours ni trompettes et je l’imaginais passant par là, sur le port de ce petit village où tout le monde connais tout le monde. Je l’imaginais en parler à sa soeur, plus tard et j’allais jusqu’à imaginer que sa soeur avait pu lui dire que j’étais la mère d’un de ces potes!
Ainsi il me « connaissait »!
Amusée, j’ai dû balbutier un truc du genre : « Ooooh… oui, oui, je me souviens de cette aventure » et j’ai embrayé sur autre chose. Non, en fait, il m’ a demandé de « faire le GPS » pour aller sur notre lieu de randonnée. Et « ça » c’était un « truc » super important qu’il me confiait. Non seulement il est pilote dans la vraie vie, mais en plus il est accro de la haute technologie. J’ai donc « fait GPS » avec ma plus douce voix et sans même penser à sortir mon téléphone. De toute manière, il ignorait où je l’emmenais, donc il suivait!
En toute confiance!

Pour l’anecdote : De retour en France, jai appris par mon fils, qu’il avait discuté avec lui (par hasard) le veille de cette petite randonnée et qu’ils avaient ensemble parié sur le fait que j’allais sûrement le faire sortir de sa zone de confort. C’est drôle d’avoir une réputation! Heureusement que je ne savais rien. J’ignore ce que j’aurais pu en faire.

Ce jour dont il avait été question, ce jour où je partis, fut plus exceptionnel pour les personnes qui m’y voyaient que pour moi qui prenait le large.
Je me souviens avoir tranquillement arrimé mes bagages sur la planche, sans la moindre inquiétude. J’avais bien étudié les conditions météorologiques, le temps était super calme jusqu’à l’horizon et je partais moins loin que l’horizon puisque j’allais simplement « là-bas », sur l’île d’en face. Le temps était clair, il me suffisait de viser le phare, là-bas, de l’autre côté, il n’y avait que 20 kilomètres d’océan à traverser.

Tant et si peu.

J’ignorais ce que me prévoyait l’imprévisible, j’ignorais ce qu’il y avait en approchant le phare et ce qu’il y avait de l’autre côté. J’avais décidé de commencer le tour de là-bas par la côte ouest, la « plus méchante » celle qui reçoit le vent du large, la houle du large, la puissance de l’immensité dans toute sa puissance. J’ignorais où j’allais dormir.
J’étais tout à fait sereine. j’avais une petite provision d’eau, j’avais des vivres et ma planche était à mes yeux un confortable navire.

Tant et si peu.

De l’avion, je regarde toujours ce passage.
A chaque voyage.
L’autre jour, deux ferries s’y croisaient, deux minuscules points.
Alors, j’ai pensé qu’un jour, j’avais été, dans ces parages, bien moins que ces points blancs, tout a fait invisible, en fait.

Tant et si peu.

Joindre

Bien plus au sud que je ne le suis dans mon quotidien nantais, loin de l’agitation citadine qui résonne sans bruit jusqu’au fond de mon antre, je suis en ce moment sur « mon » île.
Là, le soleil darde, le vent balaie, le bleu règne entre les moutons blancs qui s’égrainent dans le ciel et la houle qui écume en s’écrasant sur le rivage.
Là, en quelques pas, j’accède au désert.

Avec le temps qui passe et l’âge qui gagne, je suis plus gourmande que jamais, comme s’il était essentiel de prendre ce qui est offert, consciencieusement, de m’en nourrir, de tresser, de tisser sans fin avec attention chaque brin d’une toile complexe afin d’en toucher toujours mieux la simple simplicité.

Partir marcher, dormir dans un pli de montagne ou dans dans le recoin d’une plage puis marcher encore, voilà un luxe qui me ravit.

Depuis plusieurs années, j’avais envie de partir explorer un massif situé à l’est de l’île, une zone dépourvue de sentiers, certes traversée par quelques pistes, mais globalement déserte. Car, le tourisme se développant à grande vitesse, il y a de moins en moins de coins qui échappent aux explorateurs intrusifs, ceux-là qui aiment laisser des traces et qui se précipitent ensuite pour mettre leurs images sur les plans go.ogle. Si cette zone montagneuse reste réservée, je sens bien qu’elle est en sursis.

Difficile de marcher plus de deux jours en autonomie car ici l’eau douce potable est une création humaine, sortie tout droit de l’usine de désalinisation. Il faut donc emporter la quantité nécessaire à la survie confortable et la porter et en supporter le poids à chaque instant.
Je suis minimaliste, parce que c’est ainsi que je garde la liberté de gambader : moins de trois litres d’eau pour deux jours, de quoi manger (du pain et du fromage), une mini-tente et un duvet, un pull pour le soir, une brosse à dent, mon APN et ça roule.

Une fois de plus ce fut magique.

J’ai suivi des sentiers de chèvres en sachant qu’ils débouchent seulement sur des sentiers de chèvres, parfois en extrême bordure de falaise, là où le passage se réduit souvent à une dizaines de centimètres contenant difficilement ma trace et risquant de s’ébouler sans prévenir. Suivre ce genre de sentier, c’est toujours se questionner en paix, s’apprêter à faire demi-tour, évaluer une possible sortie escaladée par « le haut » et néanmoins considérer le choix possible d’avancer plus loin avec sagesse, sans adrénaline dangereuse, juste calme et déterminée, sur le fil comme un funambule.
Jamais je n’encouragerais personne à faire de même, pas plus que je me risquerais sur les traces de certaines jeunes téméraires dont je n’ai plus du tout l’âge.

Et si d’aventure une personne souhaitait « me suivre » et découvrir ces lieux que j’Aime, je choisirais avec tout mon coeur un chemin accessible pour la plus grande sécurité du « couple » ainsi formé.

Car, en toute circonstance, danser sur un fil est un exercice solitaire, unique, exécuté dans l’instant d’un jour donné.

Maintes fois, j’ai pensé à ce que je lis en ce moment sur ces « pages secrètes » d’un réseau sociale tentaculaire, ce que je lis au sujet du passage de vie qui consiste à mettre un enfant au monde.
Je me sens tellement à côté, tout en étant dans ce monde, à cette époque là.
Je cherche l’entre-deux.
Je cherche à joindre ce qui semble injoignable.
La terre et le ciel tellement différents et pourtant absolument en continuité.
L’avant et l’aujourd’hui sans commune mesure et pourtant indissociables.
Le moins pire pour le plus grand nombre et le meilleur auquel chacun aspire.

Ce fut magique une fois de plus.
Indescriptible car ce qui se vit est de l’ordre de l’intime.
L’essentiel ne se partage pas.

Que dire donc?
Peut-être décrire l’instant super fugace?
Cet instant où je mastiquais mon pain sec, assise sous la pleine lune, les jambes étendues devant moi sur le sable du « barranco » sec. J’ai à peine senti un effleurement, j’ai baissé mon regard pour voir une minuscule gerboise aller son chemin. Elle venait de passer sur ma jambe sans me voir, sans me prendre en compte, elle allait son chemin de gerboise et moi, j’étais là.


PS : L’image où je figure fut prise à un autre moment.
A mon retour, en effet, j’ai partagé mes découvertes. Et puisque que ce site, bien qu’invisible pour les passants, était approchable, pas trop loin d’une piste accessible en voiture, nous avons décidé d’y aller ensemble.

C’est le bouquet! (2)

(Image tirée de la médiathèque et datant de 2019)

Comme je l’avais écrit à la fin de l’article précédant, il régnait un certain tintamarre dans ma tête entre « faut pas pousser », une conférence à préparer pour dans longtemps et les questions d’actualité.
Une zone de vacances étant à l’approche, il devenait nécessaire de faire le ménage afin qu’une musique plus paisible puisse m’offrir la chance d’être plus sereine.
Il F A L L A I T donc urgemment que je rencontre la réalisatrice du film, que je lui parle en direct live, que je sente, que je dise, que je ressente suffisamment pour faire taire une partie des questions débarquées suite à tous les fils déjà tirés et occasionnant le brouhaha consécutif.
En insistant un peu, j’ai obtenu un créneau hier à 17h.
La journée avait été chargée et ce n’est qu’avant de partir que j’ai découvert un @ qui, comme part hasard faisait suite au visionnage du sacré film.
 » Alors, le soir, je loue le documentaire et là… surprise! Te voilà! Je déguste avec plaisir cette scène bien tournée où je reconnais ta façon de poser des mots doux sur des choses simples. »
Il était trop tard et trop nuit pour que je file en vélo au rendez vous, la piste étant trop couvertes de feuilles pour m’y risquer sans risques.
Enfermée dans la voiture, les yeux rivés sur le GPS pour éviter les plus gros embouteillages, j’ai laissé s’élargir ce message et l’ensemble de ce qu’il contenait comme autant d’échos à ce que je pense profondément depuis bien longtemps.

La rencontre fut cordiale.
Comme je m’y attendais un peu, la réalisatrice fut étonnée d’entendre que j’avais été bousculée par son attitude cavalière. A la manière des personnes qu’elle pourrait facilement juger pour leur empressement à agir sans explication, elle me disait « oui, oui je comprends » avec son corps qui disait  » y’a quand même pas mort d’homme, et puis j’ai eu une super idée en utilisant ces images inutilisées, non? »
La rencontre fut néanmoins très cordiale.
Et surtout, elle a tout à fait rempli le rôle que je lui avait attribuée : boucler une boucle, passer d’un bouquet à l’autre et en sortir rassérénée.

Le sommeil paisible de la nuit dernière fut à la hauteur du calme revenu.

Et ce matin s’est ouvert sur les restes éparpillés.
Comme il faut impérativement recycler et surtout ne rien jeter, je me suis mise à l’ouvrage devant le clavier.
Je suis à nouveau partie à l’aventure à travers les incroyables pages souterraines hébergées par le géant FB affichant désormais un sigle infini en face du préfixe « méta », c’est un signe encourageant, cet infini tout puissant, n’est-ce pas? Et hop, voilà que je digresse à nouveau.

Donc, comme il FAUT montrer patte blanche pour entrer dans les espaces de blanches brebis où je n’ai jamais posé les pieds, il a bien fallu que je sorte des étiquettes.
C’est que les jeunes reines qui règnent sur ces essaims contemporains ignorent tout de mes passages lointains, de ces pas alignés à la marge dans la préhistoire de l’internet. A l’époque, nous étions une poignée à converser autour du monde, à écrire de looooooongs messages, remplis de mot complexes qu’il fallait prendre le temps de lire sur le grand écran d’un lourd PC familial. Désormais, tout se « fait » en quelques lignes sur l’écran du smartphone, il faut vivre avec son temps!

Me voyant déjà pareille au vieux loup dans la bergerie, voilà que je ne sais plus trop sur quel pied danser et il va pourtant falloir que je sorte un discours qui à la fois me ressemble et à la fois ne blesse pas, pas trop en tout cas.

Me voilà, à l’orée d’une prise de distance, dansant sur le fil tendu entre mes propres paradoxes.
Bouquet final!

PS : l’image utilisée fut déjà utilisée, elle avait donné lieu à un article au sujet des « fleurs coupées »

Que signifie « protéger » ?

Que signifie « protéger » une espèce, protéger des individus, protéger des monuments, protéger la planète, et tout et tout ?

Protéger est un mot à la mode.
Suite à ma tentative d’écriture autour des orchidées sauvages, tout en élaborant une petite prose dédiée à chaque espèce rencontrée, j’ai souvent noté « espèce protégée » et inévitablement j’ai essayé de réfléchir à cette idée de protection.
Au sujet de la « protection de la nature » j’ai lu des propositions innovantes, telles que celles exposées par Baptiste Morizot, par exemple (Raviver les braises du vivant, Acte Sud, 2020 ISBN 978-2-330-13589-8), en pensant qu’il serait certainement possible de changer de paradigme, mais que l’hypothèse de base reste la-même : une espèce humaine régnante, décidante, gérante. Même si elle s’affiche désormais « protectrice », cette espèce reste très, très invasive vis à vis des autres espèces, de la planète et donc d’elle-même.

Afin d’éviter de rentrer dans des considérations politiques au sujet, entre autre, de la liberté et de l’actualité covidienne par exemple, je vais me contenter d’avancer un peu sur le sujet de la protection… des orchidées sauvages.
Et oui, c’est ciblé.
Chacun pourra ensuite digresser, métaphorer et antropomorphiser selon son bon plaisir.

Pour commencer, j’ai dû me pencher sur la lexicographie. En effet en fonction de l’âge des bouquins que je consulte, je vois les mots apparaitre, disparaitre, se transformer en semblant signifier la même chose. Et naturellement en me baladant sur la toile, je fais la même constatation, chacun dévidant sa prose en s’appuyant sur ce qui existe et sur ce qui a existé.
Par exemple, j’ai choisi « orchidées sauvages » comme titre.
Pourquoi donc?
Parce que « sauvage » me parle, parce que j’ai moi-même un côté difficile à domestiquer et parce que c’est l’adjectif qui m’est venu au sujet de ces jolies plantes que je trouve lors de mes balades, loin des jardins où règne un jardinier.

Pourtant sur les sites bien mis à jour, il est question d’orchidées indigènes.
Indigènes?
Oui.
Une espèce dite indigène est une espèce arrivée « naturellement » à l’endroit où elle est observée. Noter que « naturellement » signifie, dans ce contexte des espèces, « en l’absence d’une intervention humaine intentionnelle ou non intentionnelle » ce qui sous-entend qu’un humain qui transporterait des graines (par exemple) dans sa chevelure (donc sans le savoir) et permettrait à ces graines de s’installer loin de l’endroit où poussait la plante qui les avait produites, serait à l’origine de l’introduction d’une plante « exotique ». ALORS qu’un oiseau qui transporterait les mêmes graines dans son plumage ne ferait que déplacer naturellement une plante peut-être endémique et pour le coup devenant indigène.
Vous suivez?
Et espiègle comme toujours, j’ai complexifié en ajoutant « exotique » et « endémique » à la sauce !

Une espèce dite endémique est avant tout une espèce indigène, débarquée sur une place vierge (île volcanique par exemple, sortie de nulle part) en ayant été transportée « naturellement » (bon, il s’agit probablement d’une époque hyper lointaine à l’échelle humaine, donc dépourvue soit d’humains soit d’avions transporteurs).
Trouvant un terrain à son goût, l’espèce s’est installée et s’est tranquillement transformée afin de s’adapter finement aux conditions locales au point qu’aujourd’hui, elle vit et prospère SEULEMENT à cet endroit là.

Parler aujourd’hui d’orchidées indigènes c’est englober les espèces qui vivent à différents endroits et aussi celles qui sont strictement attachées à un espace géographique déterminé, ceci en étant conscient que le monde bouge « naturellement » et qu’une espèce endémique n’est pas attachée à un territoire à la manière des humains avec passeport, contrôles de police et tout et tout. Donc, elle peut devenir indigène.

Et donc les histoires de protection ?

C’est une histoire principalement humaine, même si l’humain voyant le monde à travers sa propre nature est porté à décréter (dans la presse grand public) un truc du genre « les abeilles protectrices de la biodiversité », un truc qui se termine par « protégeons les abeilles »…
La notion de protection est enchainée à la notion de « dominant », de plus fort, de « qui sait mieux », de « chef », donc.

Alors, dans ma pauvre tête où tout essaye de rentrer afin de me donner la possibilité de comprendre, tout se bouscule.

Quand je vois un botaniste « gestionnaire de réserve » arracher une plante en cherchant mon regard pour affirmer  » Ahhh, les invasives, c’est insupportable » alors que je sais qu’un bon nombre d’espèces qui forment aujourd’hui des populations envahissantes ET nuisibles ont été introduites par des botanistes, je suis songeuse. (Voir un article assez exhaustif ici , vive la rédaction collaborative dans ce cas)
Quand je constate la création d’espaces artificiels qui seraient destinés à permettre le maintien d’une espèce en perdition, ça me questionne.
Quand j’entends autour de moi « On est en sursis, Il faut protéger la planète, on doit faire quelque chose », l’abondance des pronom indéfinis me fait rire!

Les histoires de protection demeurent des histoires de supériorité ressentie, de domination réfléchie, concertée et réalisée à la mode humaine. Souvent j’aurais plaisir à sentir un peu plus d’humilité, une plus grande conscience, chez toutes ces personnes, qui chacune à leur échelle, à leur niveau se sentent investies d’un rôle protecteur.
Trouver l’équilibre entre les deux injonctions sociétales que sont « protection » et « respect », chercher puis trouver cet équilibre sur le plan individuel, sur tous les autres plans plus généraux est certainement une aventure à nulle autre pareille.