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Oui. Et…


« Oui. Et que t’inspire cette vidéo? » fut le premier commentaire posé sous une vidéo partagée sur les réseaux sociaux.
Une vidéo qui laissait penser que nous construisons à chaque instant un avenir dont nous ignorons tout.

En ce moment, je raconte des contes aux enfants.
La grande dame Education Nationale a mis les contes au programme pour les petites sections d’école primaire. De fait, les fonctionnaires suivent le programme indiqué. C’est la loi de notre société.

Des contes.
Par exemple « Le petit Chaperon rouge »
Charles Perrault (1628-1703), publia en 1697 un recueil « Histoire et contes du temps passé », figeant noir sur blanc des contes qui ne circulaient jusqu’alors qu’oralement. « Le petit Chaperon rouge » faisait partie du lot.
Perrault était un moraliste, et ses contes, comme les fables de Jean de la Fontaine (1621-1695) étaient suivis d’une morale.

Dans le livre de mon enfance, l’histoire du chaperon rouge, se termine avec cette phrase :

« Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et le mangea. »

La morale n’apparait plus. Le conte est tout sec, la moralité a été supprimée par la postérité.

En 1976, Bruno Bettelheim (1903-1990)  publiait : « Psychanalyse des contes de fées« .
Psychologue et pédagogue américain d’origine autrichienne, son étude attentive des contes populaires l’avait amené a tenter de démontrer à quel point chacun d’eux reflète des conflits ou des angoisses, lesquelles apparaissent à chacun des stades spécifiques du développement. Il alla jusqu’à suggérer que les contes aident les enfants à découvrir le sens profond de la vie tout en les divertissant et en éveillant leur curiosité!

OK.
D’où probablement l’idée de mettre les contes au programme de l’Education Nationale.
Mais lesquels?
Quels contes? Avec quelle chute?

« Le petit Chaperon rouge », par exemple, rien que lui, a fait l’objet de multiples interprétations, particulièrement en ce qui concerne la fin. N’est-il pas trop cruel de « faire croire » aux enfants que les loups peuvent les manger? Ne vaudrait-il pas mieux que l’histoire puisse s’achever sur une note optimiste?
Ce sont les frères Grimm qui modifient (au 19ème siècle) la version de Perrault en faisant intervenir le chasseur.
Depuis, il existe maintes autres versions de plus en plus « gentillettes ».
Que devient alors la théorie de Bettelheim avec nos contes revus à la manière « bisounours »?

Je ne sais pas.

Trouver, l’autre jour, le long de la Loire, à Nantes, une minuscule petite pancarte rappelant les exactions commises pendant la Terreur m’interrogea une fois de plus sur le monde dans lequel nous vivons.
Une pancarte quasi invisible pour raconter « nous », notre pays, notre passé.
Une pancarte quasi invisible contre les grands écrans, contre les grands maux d’ailleurs et de plus loin balancés à nos faces à longueur de journée.

De nouvelles théories s’écrivent.
Peut-être seront-elles « à la mode » dans quelques temps.
Je ne sais pas.
Je sais que le temps sera déjà passé!
Ainsi va la vie, concoctée aujourd’hui sur un passé devenu flou vers un avenir inconnu.

Adolescence majeure


Le titre du jour est sorti du chapeau ce matin même tandis que je me réjouissais une fois de plus au contact de tout ce que m’apporte la présence des « adolescents majeurs » à la maison.

Dans mes pensées trottaient plein de pistes.
Celle de la majorité civique, cet âge marqué dans le marbre que les personnes de ma génération ont vu passer de 21 à 18 ans.
Celle des « teenagers », débarquée d’Amérique il y a un bon bout de temps pour désigner le groupe de population en « teen » donc entre 13 ans et 19 ans.
Celle, contemporaine, de la notion de « pré-ado » qui réduit l’enfance à une portion congrue entre la sortie de l’âge bébé et l’entrée en âge pré-bébête.
Celle, etc, etc…

J’ai de l’imagination, c’est bien connu.

Avant de commencer à écrire, il était indispensable de partir à l’aventure pour définir de quoi j’allais bien pouvoir parler.
Que signifie en fait ce mot « adolescence », quelle est son histoire, sa source, son évolution médiatique, ce que le monde en fait?

Rien n’est plus passionnant à mes yeux que le mouvement de la vie.
Si j’apprécie au plus haut point de le voir un instant figé sur une image, dans une phrase ou à travers une longue dissertation, c’est pour mieux l’observer à vitesse réelle, à la vitesse de la vie qui va.

Je viens de découvrir que longtemps l’adolescence fut seulement masculine.
Les filles passaient certainement de l’enfance à l’âge adulte dès qu’elles devenaient potentiellement reproductrices. Pour les filles, l’entre-deux n’existait pas, peut-être aussi parce qu’elles n’existaient pas en temps que citoyennes décideuses officielles. La vie des filles restait cantonnée dans l’ombre des maisons, quelle qu’ait été leur grande influence sur les décisions des mâles dominants.
Aujourd’hui, je vois des fillettes vêtus comme des femmes et j’entends souvent dire « les filles sont plus mûres que les garçons ».
Je ne sais pas trop ce qui est en filigrane.
En fait, je me demande s’il ne serait pas question d’une certaine maturité pour la soumission?
Malicieuse, je pose la question.

Il est impossible à l’heure qu’il est de faire un billet de synthèse au sujet de ma réflexion du jour. Il faudrait comme d’habitude une rangée de bouquins, il n’y a pas la place ici!

Je reviens cependant sur la notion de « majeur ».
Quand les enfants deviennent plus raisonnables, quand ils ont des velléités d’indépendance, quand ils ont besoin de s’opposer pour devenir qui ils sont, je distingue la période où ils sont encore sous la responsabilité parentale et celle où ils deviennent légalement et civiquement indépendants. Le point de passage est si mince! A l’heure précise d’une date anniversaire, à 18 ans top chrono, tout basculerait.

Dans notre monde occidental si bien cadré, c’est hyper simple, c’est chiffré et les chiffres ne mentent pas à ce qui se dit.

Et de cette réalité chiffrée, coule une quantité d’informations, une quantité d’injonctions, une quantité de non-réalités qui obscurcissent considérablement le bon sens et « pose des problèmes » où il n’y a rien d’autre que la vie qui va son cours, simplement.

C’est mon point de vue.

Visible et Non-visible


« Toucher, c’est se toucher »
Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 308.

Il y a un peu moins qu’une année, j’avais partagé cette citation tirée des notes de Merleau-Ponty compilées dans un recueil dont le titre est à lui seul toute une aventure : Le Visible et l’invisible.

Ce matin, dans un commentaire au sujet de cet empilage (celui de la photo) je soulignais la précarité de l’équilibre réalisé. J’effleurais le temps que j’avais mis pour y parvenir.

Les plus perspicaces ont certainement imaginé les chutes, le fracas associé, la balle qui rebondit, les roues qui roulent, etc…
Peut-être pas!

Car l’invisible ne se voit pas.

Et, selon Merleau-Ponty, (page 295 du recueil Le visible et l’invisible), le visible doit être décrit comme invisible. Imaginez!

Dans chaque image, l’invisible est contenu, il se dérobe à la vue des passants pressés qui regardent le regard vide, mais il est là.

Ce qui est est passionnant, de mon point de vue, c’est la possibilité offerte d’un passage à la limite entre visible et invisible.

Ce fil tendu dont je parle et reparle, ce fil si présent et pourtant impalpable, ce « plus loin » si souvent écrit ne constituent rien d’autre que le passage possible, de l’un à l’autre, de l’un vers l’autre, sans que rien ne soit jamais acquis, alors que tout demeure possible.