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Enseignement collectif


Deux fois par semaine je vais à l’école.

Enfin… Je rentre dans ces lieux qu’on nomme « école », dans ces endroits où  coexistent  cour de récréation et salles de classe.

L’école.

Ce mot là me balade à travers mille émotions et autant de souvenirs.
Dans mon enfance, les livres parlaient encore de ceux qui osaient « faire l’école buissonnière ». J’en admirais les protagonistes, toujours des garçons : garnements en culotte courte et rapiécée, espiègles et iconoclastes.
Ils partaient dans les bois ou dans les rues et passaient leur temps à jouer, acceptant le risque de se retrouver « au coin » et sous un « bonnet d’âne », trouvant alors mille moyens pour faire rires les « bons élèves » qui eux, redoutaient les punitions toujours très rudes.
Grâce à ces récits, emportée par mon imagination, je supportais ma place de fille sage, sagement assise en classe.

Aujourd’hui « l’absentéisme scolaire » a remplacé l’école buissonnière, regroupant « mal-élevés », phobiques (victimisés, forcément bien élevés, eux puisque les parents s’inquiètent à leur sujet…) et marginaux à la marge.
L’école est une histoire de grands, d’adultes, de parents, de responsabilité, de lois, etc… C’est un fait certain.

Une fois mère de famille, après une tentative avortée du côté des « enseignants », je me suis trouvée du côté de la barrière réservée aux parents. Je suis restée de ce côté pendant des années qui me semblèrent interminables.
Tout m’ennuyait à la fin, tout ce qui avait pu m’amuser lors de la découverte de cet environnement, tout m’agaçait.
Il est vrai que je suis allergique à la routine et l’école est une routine au long cours avec ses répétitions coûte que coûte, ses acceptations, ses obligations et ses fantaisies bien organisées.

La loi du nombre est la loi du nombre, vivre en société, c’est s’y soumettre, c’est apprendre que la liberté des uns commence où s’arrête celle des autres, qu’elle diminue quand la population augmente et que pourtant la société est indispensable à l’épanouissement des individus.
Nous sommes des animaux grégaires, dois-je encore le répéter?

Deux fois par semaine, je vais à l’école.
A l’école, dans deux endroits différents, à la rencontre des enfants en face à face, sans barrière, puisque je ne suis ni d’un côté ni de l’autre, juste là, sans programme ni parti pris.
C’est une aventure.
Chaque fois une aventure…
Car « sans parti pris » oblige à la souplesse, au mouvement, à la fluidité, à une qualité de présence très particulière.
Ce qui me passionne, me fascine, c’est encore et toujours l’exploration.
J’observe d’un côté les enseignants et leurs utopies (oui, oui : utopies… quel autre mot pourrait mieux définir ce qui guide leurs objectifs?)
J’observe de l’autre côté les enfants et leur réalité, leur vécu sans fard de l’instant présent.

Ces passages sont désespérément nourrissants.

De l’ile aux enfants à la jungle virtuelle

Après quatre semaines partagées entre marches solitaires et marches accompagnées,
Après quatre semaines sur une île où l’horizon est si proche que ma curiosité doit se contenter d’insignifiants détails pour se nourrir insatiablement,
Après ces quatre semaines,
Et la suivante,
Il y eut « la semaine sur l’île aux enfants ».
L’île aux enfants?
Oui, et sans aucune marionnette, seulement en compagnie de A, J, L, et la présence bienveillante de Y et V.
Quand je parle d’enfant,  je ne propose aucune définition chiffrée, je parle plutôt d’un passage de vie où l’impact sociétal est minimaliste,  où tout peut arriver et particulièrement l’imprévisible.
Quand j’écris « présence bienveillante », c’est afin de mieux éclairer tout l’espace de liberté offert pour laisser s’exprimer la puissance de l’imprévisible tranquille.

Mon contact avec « le monde » se limitait à la recherche de victuailles à « l’HyperDino » du coin de la rue qui tient plus de la supérette que de l’hypermarché suburbain.

Bien évidemment, les livres était à mon chevet.

Dans cette « bulle » où n’existe que la réalité brute, fusse la réalité d’un moment totalement imaginaire, dans cet espace temps soumis à la seule météorologie du ciel, c’est à dire celle qui vient sans prévenir, celle qui mouille, qui décoiffe, qui bouscule sans la moindre arrière pensée, là tout n’est qu’enseignement et apprentissage partagé.
Simple.
Inutile de signifier que le ciel est bleu, il suffit de lever les yeux, il est là et chacun se moque bien de le décrire, de lui donner couleur ou consistance : il est là.
Inutile d’expliquer le vent, il suffit de sortir, d’aller contre ou avec : il est là.
Inutile de commenter la force des vagues, il suffit de marcher sur la plage, de se faire mouiller, de se laisser happer, d’attendre sans lutter, de reprendre pied et de marcher à nouveau.
Inutile d’utiliser les mots « savants » et « universitaires » inutile de traduire en mal-interprétant, il suffit de sourire en entendant A parler d’algorithmes, en saisissant un « merci » sorti par mystère de la bouche de L. et un « mas » venant de J. désirant faire un tour de plus… de sourire, comme une complice, une compagne, une passante… et chacun se sent entièrement compris, dans l’instant et ce qu’il contient.

Alors, en atterrissant dans la jungle aéroportuaire, puis dans la jungle urbaine, puis dans la jungle de derrière l’écran du laptop, en atterrissant là-dedans… il me faut fermer les écoutilles, il faut obliger mes sens à « rentrer dans la norme », à voir « comme tout le monde », à « entendre » sans trop sursauter, à sentir sans irritation, à éviter de me laisser toucher de trop près, etc, etc…
Et s’il « faut », si c’est absolument nécessaire, c’est bien parce que la vraie vie est ailleurs.

Entendons nous bien, oui, elle est aussi dans la jungle la « vraie vie », oui. Elle n’a pas de limite si précise autre que métaphorique, oui, je sais cela.
Mais tout en le sachant, j’ai besoin, à chaque « retour » d’une piqûre de rappel et sans doute est-ce lié à l’âge qui avance, cette piqûre est à nouveau douloureuse.
Plus que devant la « misère dans le monde », la « guerre », « les injustices faites aux minorités », la « souffrance animale » et tout « ces trucs conceptuels » privés de réalité proche et palpable, j’ai mal et j’ai de la tristesse en constatant à quel point l’effet du « rouleau compresseur » sociétal est puissant.

Adolescence majeure


Le titre du jour est sorti du chapeau ce matin même tandis que je me réjouissais une fois de plus au contact de tout ce que m’apporte la présence des « adolescents majeurs » à la maison.

Dans mes pensées trottaient plein de pistes.
Celle de la majorité civique, cet âge marqué dans le marbre que les personnes de ma génération ont vu passer de 21 à 18 ans.
Celle des « teenagers », débarquée d’Amérique il y a un bon bout de temps pour désigner le groupe de population en « teen » donc entre 13 ans et 19 ans.
Celle, contemporaine, de la notion de « pré-ado » qui réduit l’enfance à une portion congrue entre la sortie de l’âge bébé et l’entrée en âge pré-bébête.
Celle, etc, etc…

J’ai de l’imagination, c’est bien connu.

Avant de commencer à écrire, il était indispensable de partir à l’aventure pour définir de quoi j’allais bien pouvoir parler.
Que signifie en fait ce mot « adolescence », quelle est son histoire, sa source, son évolution médiatique, ce que le monde en fait?

Rien n’est plus passionnant à mes yeux que le mouvement de la vie.
Si j’apprécie au plus haut point de le voir un instant figé sur une image, dans une phrase ou à travers une longue dissertation, c’est pour mieux l’observer à vitesse réelle, à la vitesse de la vie qui va.

Je viens de découvrir que longtemps l’adolescence fut seulement masculine.
Les filles passaient certainement de l’enfance à l’âge adulte dès qu’elles devenaient potentiellement reproductrices. Pour les filles, l’entre-deux n’existait pas, peut-être aussi parce qu’elles n’existaient pas en temps que citoyennes décideuses officielles. La vie des filles restait cantonnée dans l’ombre des maisons, quelle qu’ait été leur grande influence sur les décisions des mâles dominants.
Aujourd’hui, je vois des fillettes vêtus comme des femmes et j’entends souvent dire « les filles sont plus mûres que les garçons ».
Je ne sais pas trop ce qui est en filigrane.
En fait, je me demande s’il ne serait pas question d’une certaine maturité pour la soumission?
Malicieuse, je pose la question.

Il est impossible à l’heure qu’il est de faire un billet de synthèse au sujet de ma réflexion du jour. Il faudrait comme d’habitude une rangée de bouquins, il n’y a pas la place ici!

Je reviens cependant sur la notion de « majeur ».
Quand les enfants deviennent plus raisonnables, quand ils ont des velléités d’indépendance, quand ils ont besoin de s’opposer pour devenir qui ils sont, je distingue la période où ils sont encore sous la responsabilité parentale et celle où ils deviennent légalement et civiquement indépendants. Le point de passage est si mince! A l’heure précise d’une date anniversaire, à 18 ans top chrono, tout basculerait.

Dans notre monde occidental si bien cadré, c’est hyper simple, c’est chiffré et les chiffres ne mentent pas à ce qui se dit.

Et de cette réalité chiffrée, coule une quantité d’informations, une quantité d’injonctions, une quantité de non-réalités qui obscurcissent considérablement le bon sens et « pose des problèmes » où il n’y a rien d’autre que la vie qui va son cours, simplement.

C’est mon point de vue.

De la gratuité… De l’impression à la réalité

Il y a des jours comme ça.
Des jours où en me penchant sur l’écran de la toile, je vois de mes yeux des mots noirs sur fond blanc,
Des mots qui ne sont pas les miens et qui pourtant racontent tous, à leur manière, une évidence que je ne cesse de répéter.

Et oui, je répète à tour de bras.
Et oui, je suis inlassable.
Têtue jugeraient certain(e)s et pourquoi pas?
Refuser de se jeter dans l’abîme des idées simples mais fausses nécessite certainement un certain atavisme de bourrique!

Donc, la gratuité n’existe pas?
Et oui… tout se paie affirme le proverbe.

Cette question là, cette question de la gratuité, m’est tombée dessus il y a fort longtemps. Tellement longtemps que je me souviens avoir soulevé un tollé après avoir exprimé mon raisonnement en classe :
J’avais à peine 10 ans, j’étais au collège et affirmer ce que je pensais fut si drastiquement réprimé que le mutisme est devenu un art de vivre à la hauteur des « mauvaises notes » accumulées.
Je me suis contentée de poser « par écrit » ce qu’il était de bon ton de noter afin de récolter les « bonnes appréciations » qui m’évitaient un rangement immédiat dans la case « imbécile ».
De fait j’ai « perdu » de l’avance et j’ai gagné un temps précieux.
De fait je suis reconnaissante au système scolaire. Grâce a ce qu’il était, j’ai rapidement appris à vivre en société.

J’ai repris en pleine face cette « gratuité qui n’existe pas » des années plus tard, le jour où j’ai décidé de faire payer ce que tout un chacun considère comme un « droit » gratuit : l’accès à un praticien de médecine conventionnelle.
Je pèse chacun des mots en écrivant « accès à un praticien de médecine conventionnelle ».
Et je le souligne parce que chacun sait qu’il est tout à fait normal de payer de sa poche un praticien de médecine alternative : magnétiseur, coach, chaman, charmant bidouilleur, guérisseur assermenté, gentil psychothérapeute, etc.
En sortant de tout contrat conventionnel, je gardais mes diplômes d’Etat, mes connaissances acquises à l’Université d’Etat (donc « gratuite »), je devenais « payante », donc non-conventionnelle et surtout, il fallait que je prenne le temps de l’expliquer.

Car, en France, la « gratuité » est institutionnelle et il faut passer beaucoup de temps pour faire entendre à qui ne souhaite pas l’entendre que rien n’est vraiment gratuit, jamais.
Et quand j’entends dire que « le temps c’est de l’argent », ça me fait rire d’avoir perdu autant d’argent en expliquant aussi longtemps qu’il était nécessaire ce qu’il m’importait d’expliquer!

Je souris aussi à l’idée d’assurer parfois la garde « gratuite » de mes petits enfants, parce que c’est normal, n’est-ce pas? De la même manière qu’il est tout à fait normal de rétribuer une nourrice ou un baby-sitter pour assurer le même service.

Suivez mon regard, je viens de mettre sur le même plan deux circonstances qui relèvent de deux plans différents.  Il y a le plan familial et proximal, voire amical et il y a le plan sociétal, éloigné du plan familial. Il y a un véritable lien familial, un lien amical avec quelque rares personnes et une infinité de « non-lien »  qui nous met en contact avec l’étranger.

Dans notre monde si vaste, dans notre société pléthorique, il est probable qu’il soit plus que jamais nécessaire de « mettre en valeur » la réalité du non-lien et les contraintes qui vont avec.
En y mettant « un prix », en multipliant les situations où ce qui familialement « ne coûte rien » se paie, nous nous offrons l’occasion de réfléchir à ce qui relie l’individu à la société, à la société qui rend l’individu plus fort jusqu’au moment où elle s’y perd. Et quand il ne reste plus qu’un peuple d’individu individualistes, quand « faire société » n’a plus de sens, l’avenir est à vivre, en société, coûte que coûte.