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A comme Absolu



Décidément la vie est captivante.

J’aime ses clins d’oeil, les reflets en ricochet, les échos qui rebondissent et l’imprévisible tellement bien organisé.

Hier soir, en compagnie d’un très érudit compagnon, je découvrais le vent mis en scène, le vent testé, mesuré, appliqué, numérisé, le vent « visibilisé »!

« Comment la poussière pourrait-elle s’élever d’elle-même?
…Tu vois pourtant la poussière et pas le vent »

Visiteuse VIP, j’apprenais avec avidité, comme il est si facile d’apprendre dans les yeux des autres, à travers la parole vivante et multidimensionnelle de ceux qui savent.
Apprendre toujours plus et plus loin est une quête, une quête que je ne peux concevoir sans la présence présente des autres.
Alors, après m’être abreuvée directement à leur source, la curiosité peut m’entrainer dans les entrailles de la toile, au milieu des pages des livres spécialisés. J’ai besoin de douter pour préciser, pour avancer, pour enregistrer.
Une question entraine cent questions et c’est avec ravissement que je me laisse emporter dans ces explorations où le temps n’existe plus, car entre l’infiniment petit et l’infiniment grand il est soluble dans sa propre relativité.

Dans le « nuage de tags » visible à côté des billets ici abandonnés, le mot « absolu » arrive en tête non seulement grâce à son « A » mais surtout parce que de nombreux billets sont ainsi « tagués ».
La quête de l’absolu m’habite joyeusement.
Que dis-je?
Elle dirige mes pas, mes recherches, mes actions.
Elle les dirige parce que « c’est comme ça » pour moi.
Et c’est une direction amicale, douce, joyeuse, plaisante à laquelle je me soumets de bonne grâce.

Pourtant, parce que le temps tellement relatif est si drastiquement affiché sur nos montres, il est un fait que des choix s’imposent quand les journées ne font que 24h.

Alors, quand ce matin, une chère amie pose la question « Lit-on toujours pour apprendre? » je me la pose franchement entre quatre yeux.
Et d’autres questions surgissent en réponse.
Des questions au sujet du plaisir, au sujet de mes exigences, au sujet de mes quêtes et de ce qui m’attire inexorablement vers la source, puis la source de la source et encore plus loin, dans tous les sens.
Et je regarde la pile de bouquins sur mon bureau et l’absence remarquable de « romans ».

Les romans, les dessins animés, les films fleurissent spontanément sans que je les convoque. Ils apparaissent, impalpables,  principalement lorsque je marche, lorsque je rame, lorsque mes mains sont occupées à sculpter, à attendre, à bricoler, à jardiner.
Ils sont toujours d’un richesse incroyable, ciselés dans le moindre détail, turbulents, imprévisibles. Je les vis dans une multitude de dimensions qui dépasse largement et celles du papier parfois si parfaitement glacé et celles des images si magnifiquement léchées.

Bien entendu, je lis avec grande bienveillance les ouvrages de littérature, les romans qui me sont offerts ou ceux qui me sautent dans la main de gares en aéroports.
Bien entendu, je vais au cinéma parfois, rendant hommage à quelques réalisateurs de talent qui savent me faire flotter bien au delà de la salle noire.
Mais ce sont autant d’escapades ravissantes qui me ramènent à la quête de l’absolu, cette quête que je conçois uniquement constituée de rencontres « en live », d’expériences sur le terrain et de lectures appliquées.

C’est comme ça depuis si longtemps que je ne cherche plus à me contrarier!

Douter sans aucun doute

Le doute est une attitude philosophique et les citations sont innombrables.
Les proverbes de même.
Impossible de compter le nombre de fois où j’ai pondu un p’tit billet au sujet du doute, il est même fort probable que quelques bribes de ces réflexions aient eu l’audace de s’immiscer dans plus d’un de mes livres.

C’est que contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire, le doute est indispensable et très très bénéfique. Le doute est une porte ouverte vers plus loin et plus haut, une porte largement ouverte.
Non, en fait, le doute est le seuil.
Le seuil à franchir pour passer.
Et bien évidemment c’est la présence du seuil qui est effrayante.

Regardez les enfants qui commencent à marcher, regardez les buter sur les seuils de porte et recommencer et tenter et finalement passer fiers et glorieux, sous les encouragement des parents téméraires.
Oui, il existe aussi des parents timorés, sans la moindre confiance dans les capacités de leurs enfants et ces parents là « portent » les bambins, leur évitant la chute pensent-il sans douter un instant du bien fondé de leur « protection ». Mais ceci est une digression de plus!
A l’autre bout de la ligne de vie,
Regardez les vieillards, si fragiles, si tremblants si peu sûrs qu’ils ne franchissent plus le seuil de chez eux, s’enfermant, se recroquevillant sur des certitudes déjà passées ou inventées, comme pour éviter de regarder l’inéluctable réalité de leur « à venir ».
Ni les enfants ni les vieillards ne doivent trop douter, c’est vital pour eux.

D’ici à affirmer que nous sommes globalement plus souvent des enfants ou des vieillards qui s’ignorent, avançant sans aucun doute en suivant le derrière du mouton de devant, il n’y a qu’un pas que je refuse de faire!
Vous me connaissez, je vais éviter d’enfoncer les portes ouvertes!

Par contre qu’une porte soit entre-baillée, qu’une porte me paraisse close et hop, j’ai envie de regarder ce qui se passe derrière.
Et quand je passe le seuil, c’est toujours avec une dégoulinade de joie!

Hier par exemple, il fallait que je téléphone pour lever un doute.
Un doute que j’avais tranquillement cultivé depuis quelques jours.
Cultivé?
Oui, j’avais en premier « laissé faire ».
Et puis depuis la veille, alors que la graine germait, je remettais tout en question.
Tout.
Je doutais.
J’avais besoin d’éclairer le projet, de ne pas y laisser pousser des ronces dans lesquelles je risquais de me prendre les pieds.
Donc j’ai téléphoné pour « en savoir plus ».
Evidemment, à l’autre bout du fil la personne tout en entendant correctement fut un tantinet étonnée.
Me connaissant surprenante, étant pressée de surcroit, il fallait laisser un peu de temps de réflexion.
L’une doutait
L’autre doutait
Et ça c’était super.

Et quand le soir j’ai trouvé le message qui levait le doute, ce fut juste délicieux.
Il y a toujours une espèce de jubilation à passer le seuil.
J’ai partagé cette joie avec la personne, cette personne qui avait elle aussi franchi le pas vers l’inconnu.

L’inconnu.
C’est là que nous nous rencontrerons en live.
Par expérience je sais qu’il y aura des instants magiques.
Je n’en doute pas, c’est mon côté gamine facile à émerveiller
Et pourtant,
Sans en douter,
Je suis incapable de dire où et quand ces instants vont miroiter.
C’est finalement un peu comme partir à la chasse aux orchidées sauvages!

La chasse


Rien de mieux pour loisirer que de partir à la chasse.
Loisirer?
Oui, l’opposé de « trepallium », du « travail » tellement à la mode, voire même de l’ouvrage à la sueur du front!
Loisirer, c’est seulement pour le plaisir et c’est totalement inutile.
Loisirer c’est quand le garde-manger est bien plein, quand la maison est bien rangée, quand les papiers sont en ordre.
Alors… Partir à la chasse est très délassant!

Il y a la chasse aux champignons, la chasse aux papillons, la chasse aux belles images, la chasse à rien et en ce moment la chasse aux orchidées sauvages.

Le truc le plus important pour un chasseur sachant chasser, c’est de rapporter une « proie ».
La « proie » est destinée à être partagée afin que chacun puisse « profiter » des talents du chasseur sachant chacher, du chasseur sassant chasser, bref… Du marcheur qui sait ramer!
De « moi-je » en somme!

Et le bonheur actuel est tout entier dans la haute technologie, dans les réseaux sociaux et dans cette possibilité de partage virtuel dont je fais grand usage, en exploratrice chercheuse sageuse que je suis.

J’y retourne aujourd’hui.
Désolée la saison est courte.

Oui, chasser est délassant pour la tête.
Il suffit de marcher en dehors des chemins,
Il suffit de déployer ses antennes
Et de regarder avant de poser les pieds.

Avec quelques indications et un peu de chance,
Au milieu de l’exubérante flore printanière
Se dresse une timide belle
Qui s’en distingue par son absence de souplesse
Par sa prétention à la différence
Par sa présence étonnante
Fascinante
Merveilleuse
Silencieuse.
Alors le temps s’arrête.
La « proie » est là,
Le face à face est impitoyable
il faut choisir la capture ou l’ignorance
Prendre une photo ou aller plus loin.

Parfois comme hier, la chasse est organisée pour profiter du paysage
Dans un endroit que j’aime intensément
Et qui m’embarque dans une énergie ravissante
Forçant mon regard à naviguer entre très loin et très près,
Au dedans même souvent.

Et pour partager aussi un peu du croustillant dont je ne saurais me lasser
Immanquablement
C’est l’aventure.
Quand fatiguée d’essuyer le vent et la pluie, je demande un raccourci
Après trois heures de marche
Quand le brave gars m’indique une direction
Et qu’un sentier se dessine,
Je fonce, confiante.
Et en confiance, j’avance, car le sentier s’ouvre à travers les broussailles.
Pas de soucis pour ma tenue plutôt citadine
Mes sandales de marche assurent le pas et l’absence de sac à dos
Facilite l’avancée.
Et me voilà contournant un plan d’eau
Et me voilà escaladant
Et me voilà traversant la voie ferrée
A un endroit où seuls passent les fugitifs et les animaux
Et me voilà bloquée par un grillage, cherchant la faille
La trouvant et me glissant sous le grillage en rampant
Comme d’autres humains l’ont fait et le feront.
Et La Loire est au bout
Et flotte un sourire
Typiquement joellien!

Des reflets


C’était dimanche sur la Loire.
Le vent était faible et non nul.
Le courant à cet endroit précis était faible et non nul.

De l’image, il ne reste (sur l’image ci-dessus) que la partie reflétée.
Connaissant l’ensemble,
Sachant exactement l’intention qui était la mienne
A l’instant précis où je l’ai effectué la mise en boite,
Il me serait facile de commenter les reflets
De les commenter en faisant référence
A l’image de départ.
Avec autant de plaisir, il m’est possible
De décoller sur les reflets eux-mêmes
De me contenter de disserter au sujet des couleurs
De leur précision ou de leur dispersion.

Reflets, échos
Je les cherche
Je les attends.
Passionnément.

J’expérimente le monde en observant inlassablement
Les reflets, les échos,
Comme j’observe l’écoulement de l’eau ou de l’air
Les turbulences, les calmes et les silences.
Il est probable que la science physique aurait pu me passionner
Si je n’avais pas eu l’impression d’une embrouille
Si les expériences avaient été en premier des poèmes
Plutôt que de me contraindre à n’en retenir que des équations
Tellement trop étroites!

Alors, imaginez

J’aime écrire.
Les mots débarquent de manière fluide,
Ils coulent, découlent, rebondissent, tourbillonnent.
Je les pose « noir sur blanc » comme autant d’équations très sérieuses.
En appuyant sur la touche « publier », je donne un coup de pied dans le tas,
Les mots s’envolent,
Les phrases en sont troublées comme la surface de l’eau est troublée
Par le moindre souffle
Et au loin, des personnes lisent
Et découvrent des reflets qui leur parlent.
Et m’en parlent
Et racontent
Noir sur blanc
Des mots qui s’envolent au loin
Et que je lis
Que je lie
Et relie en relisant
A la texture et la couleur que j’avais choisi
A un instant donné
De capturer.

Et  c’est ainsi que je comprends chaque jour un peu mieux
Toujours plus loin
Du meilleur à l’extraordinaire.

Ecouter pousser les fleurs (1)

Tout d’abord, Adèle est née.
Et puis, la nuit suivante, en écoutant parler dans une émission radiophonique, j’ai entendu des mots de maïeutique.

Une vague, puis une autre.

Une vague, puis une autre et au loin peut-être une belle série.
Tous les surfeurs savent qu’il faut ramer, aller au devant de la série, se positionner au pic…
Sans prendre ce risque là, il est vain de rêver aux grosses vagues!

Je me suis positionnée, j’ai envoyé un message.
La réponse est arrivée, j’étais bien placée, il suffisait d’attendre.

Mercredi matin, aucun avis n’était venu à l’encontre des prévisions prévues.
La bonne heure était là.
En marchant, je m’étonnais une fois de plus de l’absence d’attente, donc de tension.
J’étais tranquillement prête à prendre la vague, à me laisser glisser en acceptant aussi bien l’idée d’une grosse gamelle que celle d’une belle émotion, voire l’idée de… rien.

En fait je me rendais à un rendez-vous dont j’ignorais tout sinon un lieu et un horaire.

Une fois dans la place, j’ai aperçu une personne qui pouvait être celle du RV.
La même personne que celle qui avait parlé de mise au monde au milieu de la nuit,
Celle de « mon » RV donc!
Elle était fort occupée cette personne, postée devant un écran de laptop sur le comptoir de la réception.
J’ai envoyé un SMS pour signaler ma présence.

RIen.

Quelques minutes plus tard, elle rentrait dans l’ascenseur.

Bien installée dans mon fauteuil, je ne perdais pas une miette de cette palpitante aventure.

L’heure tournait et dépassait l’heure dite.
Une personne sortit de l’ascenseur.
Elle prit un siège à proximité, consulta son portable, jeta un oeil alentours et replongea dans son portable.
Visiblement elle attendait.

Histoire de me dégourdir les jambes, je me suis levée, j’ai traversé le hall pour la saluer.
« Bonjour, vous attendez quelqu’un?
-Oui
-OK, parce que j’attends aussi quelqu’un et je sais pas qui…
-Oh… Moi je sais qui j’attends, donc c’est pas vous.
-Parfait, merci »

J’ai adoré!
Vraiment.

Et je suis retournée m’asseoir.
M’inspirant d’un scenario de film d’espionnage, j’ai ouvert le guide des spectacles pour avoir l’air absorbée par la lecture.
En fait, tous mes sens étaient en alerte, prêts à capter le moindre frémissement.

Une personne sortit de l’ascenseur, celle qui y était entrée peu après mon débarquement sur les lieux.
Elle vint parler silencieusement à celle qui attendait.
Une énigme se résolvait.

C’était sans compter sur une volte face tranquille.
Tout sourire, l’inconnu s’approcha vers moi.
Sa voix était douce, paisible.
« Joelle, en fait, j’ai un problème… en fait… on arrive aujourd’hui…
– Oui… normal…
– Est-ce qu’on pourrait décaler de 50mn?
-Oui… j’vais aller manger… j’vais aller voir une expo…
– On dit 14h ici.
-OK »

Tout à fait fière de mon talent de physionomiste, j’ai ramassé mon sac pour m’en aller vers le LU.
Ce faisant, je suivais les deux hommes que je n’avais pas du tout l’intention de suivre.

Las… L’expo était encore fermée.
J’en ai profiter pour laisser quelques sous à la librairie, puis j’ai cherché une autre occupation pour passer le temps.
Je n’avais pas faim.
J’ai marché.
Une petite porte bleue m’attira.
Une affiche fort simple y était collée : « En réalité je n’ai trouvé que du sable »
Je suis entrée.
C’était à mon goût, tout était à mon goût :  les dessins, les couleurs, les questions autant que le concept lui-même.

En réalité, je n’ai trouvé que du sable…
Je souriais à ces mots qui en entrainaient d’autres, tout comme un vent doux soulève la poussière dans le désert, découvrant des trésors, sculptant délicatement l’infinité du sable.

J’étais au coeur de l’aventure.

Aussi accro à la haute technologie que tout explorateur contemporain, je consultais néanmoins régulièrement mon téléphone.
Un nouveau message disait : « Finalement, on pourrait se retrouver au LU! »

Je suis partie pour une nouvelle traversée.

Un héron m’arrêta tout net.
Fier comme un coq, il était cramponné à la rambarde, regardant dans le vide, au dessus de l’eau noir sortant du tunnel.
Magnifique.
J’ai fait un pas de plus.
Il a fait semblant de s’en aller.
je suis restée sans bouger.
Il est resté.
A trois mètres.

Puis, il était temps d’avancer.
Il s’est envolé!

(A suivre)

Timidité

Enfant, j’étais timide.
Oh, certes, je n’étais pas du genre rougissante au moindre contact.
Non, simplement je refusais toute ouverture, restant sur mes gardes.
Très très méfiante, je préférais me taire.
Et se taire sans baisser les yeux,
Se taire calmement et avec attention,
Se taire avec des yeux sombres,
A tout les coups,
Ca menait à recevoir un coup de bambou : « Et ben, elle n’est pas aimable cette petite fille là! »
Sous le choc, il était inévitable de baisser la tête,
Et quand une personne compréhensive était dans le coin,
Quand elle venait à la rescousse.
La sentence tombait : « Elle est timide, c’est normal. »

Donc, j’étais timide.
J’étais timide partout : à l’école comme dans la rue ou en famille.

C’était pas le truc qui me plaisait vraiment, cette histoire de timidité.
J’admirais toutes les personnes capables de s’exprimer instantanément, toutes celles qui donnaient des réponses même fausses sans ciller, celles qui étaient capables d’aller au devant, de « demander », de questionner sans la moindre hésitation.
Moi, ça me prenait des plombes et je finissais toujours par renoncer.

Un jour, j’étais déjà adolescente, une personne de bon conseil m’expliqua que la timidité, c’est de l’orgueil, argumentant que c’est parce qu’on refuse l’échec qu’on hésite à se mouiller. Ca me paraissait crédible et je tenais là un fil et à partir de ce jour, j’ai travaillé (oui travaillé!) pour effacer tout orgueil dans le but de perdre ma timidité.
Petit à petit, laborieusement, très laborieusement j’ai appris à enfiler une carapace et à foncer dans le tas.
Le fait est qu’aux environs de la quarantaine, j’ai considéré que toute trace de timidité était effacée et que c’était principalement un effet de la « maturité » survenue.
Il est certain que dans la vie d’adulte, il est souvent nécessaire d’avancer seul, sans compter sur l’assistance de quiconque… A moins d’accepter la soumission… tomber de Charybde en Scylla ne fut jamais dans mes objectifs!

En cueillant les reflets éclaboussés par mes fils, en avançant un peu plus loin sur mon chemin, force fut de constater que l’histoire était ailleurs.

Aujourd’hui, n’ayant plus aucun besoin de travailler ( travailler pour donner le change d’une apparence jugée aimable, cf le début de l’article) puisque j’ai laissé filer toutes les activités qui « rapportent » de l’argent, je vois bien que, globalement, tout est plus simple.

Mais pas toujours.

Hier, j’avais RV avec une charmante personne. Nous avons passé un excellent moment et c’était vraiment super doux de la revoir, de parler d’utopies, de réalités, de vie et de passages.
Ce qui fut remarquable, c’est le moment où j’ai reçu, comme une bombe à retardement, la question : « Tu seras là »?
 » Ben, non, qu’irais-je faire là-bas, je n’ai plus rien à faire dans ces endroits! » Ai-je répondu très spontanément.
 » C’est drôle, j’ai toujours imaginé que tu serais là » est arrivé façon boomerang.

Alors, un déluge s’est abattu, une tempête s’est levée sous mon crâne.

Résultat des courses, une fois rentrée à la maison, j’ai validé un billet de train.
C’est un AR dans la journée.
J’ai pas du tout envie de voir les gens qui seront là-bas, je n’ai rien à faire dans ce navire, d’ailleurs, je n’ai pas de ticket d’entrée et je n’en demanderai pas.
J’y vais pour elle, il y a un sens  et j’y vois un sens.
Je prendrai le train, j’arriverai à l’heure devant l’entrée.
Je suis prête à montrer mes yeux sombres, à me taire, à fuir s’il le faut.
La suite est à vivre.

J’étais timide.
C’était un faux diagnostic.

 

Stare

Stare…

Les mots sont fascinants!
Stare.
Ce mot là, si vous le chercher, vous pourrez le trouver en latin et aussi en anglais.
Ils sont impossibles à confondre à l’écoute, mais à l’écrit… ils le sont!

Après une semaine entre parenthèses, une semaine passée à liquider tous les bouquins dont la lecture était en cours, une semaine passée la tête vide à l’image de la plage lorsque la vague se retire, j’ai senti qu’une nouvelle vague se levait et n’allait pas tarder à venir mettre de l’eau dans mon moulin.
Samedi, sur le trottoir, en ville, je marchais nez au vent, sourire aux lèvres.

Stare… le mot s’est invité.

Il s’est invité en latin précédé de ce ob- qui lui donne un sens bien précis que l’évolution de la langue française associe avec un autre, issu lui, du prénom de l’aînée des Pléïades, la « petite mère », ce nom doux traditionnellement accordé aux grands-mères…

Dans l’instant, toutes mes pensées s’accordèrent sur le fait que, décidément, je n’avais jamais rien fait d’autre que d’être celle que je suis, que, décidément, il était vain de chercher à m’en détourner, que, définitivement je devais être celle-là plantée sur ses convictions jusque dans les actes, jusqu’à ce « laisser faire », jusqu’à « être », être juste, juste là.

Et c’est alors que « stare » débarqua sur la musique de la langue de Shakespeare!
Allez savoir pourquoi?
Allez chercher par quels détours?

Ce fut un bon moment passé en compagnie de ma solitude, que ce moment où s’alignaient les interprétations possibles de ce mot, pointant fortement ce « semblable et différent » qui me tient à coeur.

Alors, comme une cerise sur le gâteau, une petite phrase récemment lue vint s’afficher derrière mes yeux (ben, oui, devant mes yeux, il n’y avait que la ville, le trottoir, les passants…).
Cette petite phrase disait :  » L’histoire de la médecine est l’histoire de la dialectique entre le faire et le penser, et de la façon de prendre des décisions en situation d’opacité » et quelques lignes en dessous j’avais consciencieusement noté un « truc » que j’ignorais : « Dans l’aire sémitique, un médecin était alors appelé al-Hakim, « le sage » ou « le praticien de la sagesse », un synonyme de philosophe ».

A ce moment, j’étais à proximité de l’endroit où j’avais rendez-vous et le ciel devenait menaçant.

Les mots sont fascinants, la connaissance est une source merveilleuse de rencontres, de découvertes passionnantes, de détails qui titillent d’autres détails dont peu de personnes ne se soucient.
Au milieu de la ville, je retrouvais les sensations laissées au milieu des cailloux et les émotions ressenties en découvrant les fragiles sculptures de sable travaillées par le vent et les embruns.

Et la pluie se fit battante et toutes les pensées s’envolèrent comme autant d’oiseaux qui filent s’abriter. Il n’y avait plus qu’une urgence : rentrer dans le « temple » des « petits-choux », retrouver l’ami, boire un thé chaud, déguster une friandise et refaire le monde à travers nos expériences.
Ce qui fut fait, passionnément.

De l’attention

Ce matin, après avoir écrit le mot « attention » dans un commentaire ici même, je suis entrée dans ma journée ordinaire.
J’ai en réserve quelques billet au sujet de l’extra-ordinaire de la semaine dernière, mais comment pourrait exister « extraordinaire » sans la présence acharnée et quasi constante de « ordinaire » ?
C’est une question et pas le propos de ce billet.

Dans la voiture, sur les chemins de la philosophie, j’entendis une rediffusion et j’écoutai :

J’avais été attentive en découvrant H.D.Thoreau en avril 2017, ce matin ma curiosité vivifiée par le grand air, le désert récemment traversé et les bouquins avalés, révélait une multitude de nouveaux points de réflexion.
Et ces points convergeaient ou tournaient autour de ce simple mot abandonné au fil d’un commentaire : attention

Attention, il s’agit d’attention.
Soyons clairs, je n’ai pas dit : attention!
J’ai parlé d’attention…

De cette attention qui fait tellement défaut dans notre société.
De cette attention à tout, à rien, au grand, au petit, à la relativité, à l’impalpable, à l’ensemble jamais seul, toujours situé ici et maintenant.
Parce que trop de gens sont naturellement focalisés sur « un truc », au point de ne voir que « ce truc », au point d’en devenir obnubilés, au point d’en être malades, au point de souhaiter convaincre le monde entier que seul « ce truc » est important. Parce que ces gens là sont, de fait dénués d’attention alors même qu’ils ne cessent de faire attention!

Vous n’y comprenez rien à cette prose!
Quoi de plus normal?
Si vous étiez ici, là, à mes côtés, je me ferais un plaisir de vous faire toucher une ou deux expériences pour que vous puissiez peut-être saisir quelque chose, mais vous êtes de l’autre côté de votre écran…

L’anecdote du jour va nous ramener à quelque chose de plus facile à comprendre.

Ce matin, pressée par le temps, je me suis habillée à toute vitesse, enfilant le pantalon de la veille qui me tendait les bras.
Je ne l’ai pas regardé.
J’ai fait ce que j’avais à faire, enchainant les actions à enchainer pour rester dans le timing.
Je suis sortie, j’ai croisé du monde, plein de monde.
je suis rentrée.
J’ai avalé un en-cas en tapant sur mon clavier et hop, il fallait déjà repartir.
je suis partie à pieds, comme chaque mardi ordinaire à la même heure.
Alors, marchant à grand pas, j’ai retrouvé toute ma capacité d’attention et …
J’ai vu « la » tache sur mon pantalon!
Une tache… Deux taches…
Que j’ai immédiatement mis sur le compte de ma gourmandise de la veille, rouge de piment rouge…
Arghhhhh…
Il fallait faire avec.
Arrivée à l’école, les enfants m’ont accueillie en m’expliquant l’absence de leur institutrice. Pour moi, il y avait donc un peu de « gestion de groupe » à prévoir.
Ce fut simple et nous sommes rentrés en classe :
« On a reçu ta carte, tu sais? » Puis : « Oh, tu as une tache sur ton pantalon » dit l’une… « Non deux taches » ajouta l’autre… « Et même trois » répliqua un troisième!!!
J’étais ravie, ils avaient immédiatement remarqué les taches plutôt que mon merveilleux bronzage!
« Et oui, j’ai vu ça, moi aussi » ai-je répondu en toute sincérité, ajoutant que c’était le résultat de ma gourmandise de la veille associé à mon empressement matinal. J’ai en plus ajouté que je n’avais pas d’autre solution que de me promener « comme ça » jusqu’en fin d’après-midi.
Les enfants n’eurent de cesse que de me trouver une solution.
Il fallait trouver ça avant de passer à l’activité pour laquelle j’étais venue.
Il eut été vain de balayer le problème, les jeunes enfants sont super attentifs aux détails.
Il y eut maintes propositions, raisonnables ou farfelues.
Puis, nous sommes tombés d’accord sur le fait que s’il est assez tendance de se promener avec un pantalon déchiré, je pouvais sans soucis affirmer que me promener avec pantalon taché était « style »!
Et hop : affaire conclue.

Plus tard, déambulant en ville, entrant dans de chics boutiques du centre, j’avais la tête haute de celle qui sait qu’elle a du style!

 

Plegadis Falcinellus

Une jolie petite histoire.

Tandis que l’agitation se poursuit inlassablement au sujet des méthodes d’enseignement, au sujet d’une utopique égalité de chances pour un avenir inconnu, au sujet de tout, de rien, tandis que laborieusement je marche sur un chemin pour lequel aucun « mode d’emploi » n’existe, tandis que le temps passe inexorablement, une jolie petite histoire vient de s’ajouter à ma collection expérimentale.

Au printemps dernier, tandis que quelques orchidées sauvages persistaient dans la garrigue, au prix d’un lever avant l’aube, des amis m’avaient entrainé à la découverte du réveil des oiseaux sur le grand delta de Camargue.
Ornithologues passionnés, ils n’avaient de cesse que de partager leur passion.
Il y avait un oiseaux qu’ils désiraient vraiment me montrer, un oiseaux nouveau venu en Camargue, un oiseau gracieux au reflet métallique remarquable : l’ibis falcinelle.
Toute la journée je les ai suivis dans leur quête.
En les suivant, j’ai fait connaissance avec des oiseaux que je n’avais jamais vu, j’ai identifié des vocalisations que je n’avais jamais remarquées.
Admirative de l’érudition de « F », je me sentais plus que jamais totalement ignorante, j’étais comme une gamine qui écoute attentivement, parfois lassée devant l’abondance d’informations, souvent interrogative, doutant terriblement de ma capacité à retenir une once de tout ce qui m’était donné là.

Il y a quelques jours, nous étions au fond d’une vallée verdoyante, une vallée invisible pour qui traverse en voiture le plateau caillouteux et aride qui mène à la plage.
Il y avait un ruisseau, il y avait de minuscules étangs, il y avait un silence retentissant et il y avait des oiseaux, beaucoup d’oiseaux.

Un couple de tadornes décolla devant nous à grand coups de klaxon comme à leur habitude.

C’est alors qu’en les suivant des yeux, levant la tête vers le chemin de ciel ouvert entre les vertigineuses parois, un ibis entra dans mon champ de vision.

Un ibis ? La courbe de son bec me le suggérait, mais ne suis-je pas du genre ignare en ornithologie ? Rien n’était moins certain.
Et c’était d’autant moins certain que l’oiseau n’est pas répertorié dans le coin, ça je le savais pour avoir fait un rapide tour d’horizon de la faune locale sur la toile !

Le soleil déclinait, il était temps de sortir de cette vallée, temps de retourner dans le monde des gens et de penser au choix du resto pour le soir.
C’est alors qu’au bord d’une mare, j’ai aperçu un oiseau noir.
Avec la distance, il était impossible de l’identifier.
Délicatement j’essayais de gratter un mètre, imaginant déjà en gratter un suivant, puis encore un.
Las… ma présence devait résonner intensément de vibrations insupportables, l’oiseau s’envola en compagnie des échasses qui étaient à ses côté.
Alors que mon compagnon photographiait en salve, je n’avais plus aucun doute sur le nom de l’oiseau noir.
Je sautais comme un enfant excité : c’est un ibis ! C’est un ibis falcinelle, un plegadis falcinellus, un ibis comme j’ai vu avec « F », j’en suis certaine ! C’est un ibis !
Ceux et celles qui me connaissent et eux seuls peuvent imaginer le niveau de mon excitation et la capacité à répéter qui est alors générée !

Dès notre retour à la maison, j’ai partagé la petite histoire à mes amis ornithologues. J’avais besoin d’une confirmation et d’un regard avisé sur les images captées au vol.
Et j’ai senti la complicité qui existait, le frétillement de l’émerveillement et la jubilation concomitante.
C’est une jolie histoire concluait l’amie, « F » est heureux de constater ce qu’il t’a appris…

Le lendemain, en repassant les événements, je suis partie dans une de mes habituelles digressions.

« F » est un brillant professeur. Il enseigne dans de prestigieuses universités, à quelques illustres spécialistes. Aujourd’hui partiellement retiré, il reste enseignant et garde l’habitude d’évaluer « ses étudiants » !
Je souriais à cette idée et immédiatement, je pensais à toutes ces « recettes » qui circulent afin d’améliorer les « conditions d’enseignement ».
Car précisément, il n’en existe aucune.
Il en existe d’autant moins que nous sommes actuellement englués par l’idée qu’il faut un « enseignement utile », que tout apprentissage doit avoir un but et que le but le plus « normal » consiste à « gagner de l’argent ». Je sais, c’est un peu abrupt… Un billet n’est pas un bouquin et doit demeurer « pas trop long »  aussi dois-je faire court !
J’ai toujours été plutôt mauvaise élève, me contentant d’empocher les différents grades et permis indispensables à la reconnaissance sociétale, incapable de disserter comme « il faut » et surtout pas capable de le faire « parce que c’est comme ça un point c’est tout ».
Par contre, enregistrer la passion des autres, admirer leur savoir, m’imprégner à leur côté, grappiller les informations pour le plaisir de découvrir, c’est plutôt mon truc.
Et finalement, je vois ce que j’ai appris à voir.
Et c’est vraiment grisant.
Et quand mon compagnon voit un corbeau noir, je vois un ibis… parce que je sais que cet oiseau existe.
Et quand mon compagnon me fait répéter « Comment tu dis ? Fraxinel ? », j’épelle tranquillement f.a.l.c.i.n.e.l.l.u.s, parce que c’est comme ça.

Partager les connaissances accumulées au cours d’une vie est une aspiration simple, se nourrir est aussi simple.
Inutile de se lancer dans des recettes alambiquées, il suffit de proximité, de respect, d’admiration et il suffit surtout et avant tout d’avoir faim.
Et la faim, c’est très très personnel.
Le gavage n’est-il pas une méthode de production de graisse, sans le moindre regard sur l’appétit spontané des animaux qui y sont soumis ?

La puissance de l’imprévisible

 

C’est mots on résonné fort lorsque j’ai découvert dès sa sortie en France (2007) le bouquin de Nassim Nicholas Taleb : Le cygne noir, la puissance de l’imprévisible.

Lors de chaque passage de vie, lors de chaque aventure, tout en préparant avec une attention à la limite de l’obsession, les moindres détails auxquels je pouvais penser, je gardais une place spéciale pour l’imprévisible, pour tout ce que je ne pouvais absolument pas prévoir.
Ainsi, je suis toujours partie tranquille, ayant fait le tour complet de ce qui pouvait advenir, l’imprévisible compris.

Depuis, les années sont passées, Nassim Nicholas a publié un autres best-sellers en 2013, Antifragile : les bienfaits du désordre, à nouveau chez Les Belles Lettres pour l’édition française.

Donc, résonné ai-je affirmé.
Oui.
Clairement, ces mots sont arrivés sur une zone de ma pensée déjà bien forgée au point de faire: « tilt », c’est exactement « ça »!
Vous savez, c’est ce genre de lumière qui s’allume quand on vous explique un truc que vous avez toujours connu sans jamais avoir songé à le mettre en mots.

L’imprévisible faisait donc partie de ma vie et de mes prévisions sans que j’ai besoin de raisonner, c’était un fait.
C’était un fait aussi dans ma vie de famille, et aussi dans ma vie de maman.
J’ai la chance d’avoir des fils qui vivent fort, pas du tout comme « la norme bien pensante » aime à l’imposer et c’est comme ça depuis leur naissance et c’est savoureux, toujours et encore.

Pourtant, riche de ce savoir, il m’arrive de m’endormir sur la routine. Sans doute est-ce l’âge qui avance et qui tend à m’asseoir sur une certaine satisfaction, à contempler mon nombril assise sur un paquet de temps passé ?
Je ne sais pas.

Voilà que j’ai été pour ainsi dire réveillée ces derniers temps, alors que tout semblait lancé comme sur des roulettes, alors que même le « petit dernier » semblait enfin en route vers plus loin de manière presque commune.
J’ai besoin de voir un « psy » a-t-il déclaré du fond d’un malaise qui l’embourbait.
Mon amour pour les « psy » étant diamétralement opposé à mon goût pour le « laisser vivre » physiologique, c’était vraiment cool de l’entendre me demander « une bonne adresse ».
Le « hasard sauvage » étant ce qu’il est, j’avais une adresse possible, testée et approuvée par une personne qui m’en relatait les moindres détails dont un « détail » de taille : le problème, c’est que « L »  se permet de refuser des accompagnements. Ca me rappelait quelque chose et c’était pour moi un super bon indice.

Et hop l’histoire se lança sur un chemin nouveau tout à fait inconnu.

Et hop, tout se bouscula, simplement parce que le fruit tombe quand il est mur, tout naturellement.
Deux ans plus tôt, c’était « trop tôt », cette fois-ci était la bonne.

L’aventure ne fait que commencer, car « L » décida de rompre avec ses habitudes et sollicita pour « mon petit » une consultation auprès d’une « V » fort overbookée. Ayant absolument horreur de faire rentrer quiconque dans un cadre statistique, et surtout pas la chair de ma chair,  je me suis sentie un peu titillée par cette décision. Heureusement la rencontre s’est faite très rapidement pour aboutir aussi simplement que dans ma vraie vie par le prêt d’un bouquin!
Trooooop bien!

Et hop, l’imprévisible est toujours là.
Fascinant
Merveilleux
Inconnu
Magique
Questionnant, certes
Jamais inquiétant, en fait,
C’est le piment de ma vie!