Archives de catégorie : Jusqu’à Rome 2013

En 2013, je suis partie de Marseille, seule sur ma planche de SUP (Stand Up Paddle), avec pagaie et bagages, avec l’intention de rejoindre Rome.

Tous les chemins mènent à Rome (10)

Dimanche 22 septembre 2013 : Principina a mare – Ansedonia

Une peu avant l’aube, j’ai été réveillée par le silence.
Ce n’était pas du tout ce qui était prévu par la météo, en deux secondes, j’ai saisi la chance qui s’offrait, hop, hop, hop, il fallait plier très vite et prendre la mer pour passer la zone sans abris avant que le vent ne se lève à nouveau.

Je me suis pressée comme jamais et 45 mn après, je partais avec un seul objectif : faire 10km puis faire le point et envisager la suite.
La suite ? c’était au loin la presqu’ile de Monte Argentario avec quelques questions suspendues: Contourner? Passer par la lagune? Envisager un long portage?  
Je n’avais aucun plan précis en vue.

En longeant la longue zone marécageuse du delta de l’Ombrone puis les plages du parc naturel d’Uccellina, j’étais vraiment heureuse d’avoir été stoppée à temps par le vent de la veille. J’avais ainsi évité le risque de me trouver coincée dans ce coin très beau, mais infréquentable et probablement envahi par les moustiques.

Un frémissement de brise se fit sentir en arrivant au pied des falaises, mais je me retrouvais presque instantanément à l’abri du relief.
Le paysage était magnifique.
Le calme était idyllique.

Arrivée à Talamone, j’ai trouvé une crique idéale pour une pause casse-croute. J’avais parcouru la distance espérée et j’avais plusieurs choix à envisager.
Le vent s’établissait peu à peu et je pouvais tourner la carte dans tous les sens, j’en était certaine, il m’offrait un idéal downwind en direction de Monte Argentario.
Donc… Quelque soit ma décision de contourner ou non, les conditions étaient idéales pour y aller!
Hop, hop, hop, let’s go. Quelques instants plus tard, les moutons se multipliaient à la surface de l’eau, je naviguais au portant, délicieusement.

Evidemment, ces conditions étant bien installées, elles excluaient, de fait l’idée de contourner la presqu’ile. J’avais vraiment la flemme de me payer le ressac le long des falaises sur tout le pourtour, d’autant plus que j’imaginais bien quelle pouvait être sa puissance sur la côte au vent.
J’entrai donc dans le canal.

D’après les papiers, le canal allait me permettre de rejoindre Orbetello. Je le suivais donc au delà des parkings à bateaux et le plus loin possible, c’est à dire jusqu’à lire : « réserve de pêche, navigation interdite » devant un barrage. A joelle rien d’impossible. J’ai commencé par me restaurer et j’ai franchi le barrage à pieds mais sans vergogne et je me suis retrouvée dans la lagune, direction Orbetello!
Je ne sais pas quelle espèce de poissons était « réservée », mais c’étaient de belles bêtes plutôt énormes qui semblaient se réveiller sur mon passage, me saluant à coup de simple ou double salto fort bruyants avec moultes éclaboussures.  
Je visais la « route digue » mais aucun pont, aucun passage par l’eau ne se dessinait à l’horizon. Je commençais à imaginer un nouveau portage. Mais plus j’avançais et plus la possibilité d’un passage « à plat ventre » sous la digue se précisait.
Ni une ni deux, arrivée au ras de la ville, sous l’oeil surpris des passants, je me dirigeais vers la digue, je m’allongeais sur la planche, la tête bien à l’abri de mon sac (je me disais que si le sac touchait, il me protègerait  et j’avais tout le temps de faire un demi-tour, certes peu glorieux, mais tout à fait safe) Et banco, ça passait LARGEMENT!  
J’étais dans la deuxième lagune. Il restait à en sortir. 
Il y avait un club nautique et une « petite foule » en train de suivre une régate d’optimist. J’ai accosté.
A nouveau, je dois noter que l’accueil fut chaleureux. En découvrant la raison de ma présence dans le coin, les gens étaient enthousiasmés. C’est ainsi qu’une dame me signala l’existence d’un canal de sortie « là-bas ».
Je remarquais illico l’orientation idéale, pile poil « downwind ». Je ne comprenais rien à la logique du vent, mais le fait était là  
Au pire, si le canal était « bouché », il y avait 300m de terre plein à franchir à pieds. A joelle rien d’impossible, c’était le jeu du jour et il était trop tentant. Hop, hop, hop, je repartais sans aucune idée précise de ce que j’allais faire une fois « au bout ».

Inutile de dire que la traversée fut rapide.
Il restait à trouver le canal.
Premier essai : raté. J’ai simplement réussi à faire décoller une nuée de flamants roses  et il a bien fallu constater que j’étais dans une impasse.
Après un demi-tour, face au vent, j’ai entrepris de lorgner du côté de la zone de pisciculture que j’avais dédaigné du fait de la présence de bâtiments, de filets et autres bassins à remous. 
Un filet masquait l’entrée d’un canal.
Hop, j’y filais, me glissant entre les mailles des larges trous.
Au bout un barrage, du même type que celui que j’avais déjà franchi.
Bis repetita.
 
Une fois à pied d’oeuvre, c’est à dire planche amarrée et prête au débarquement des bagages, j’ai entendu un bruit de moteur  En levant les yeux, j’ai vu un gros 4×4 sur le barrage. Au point où j’en étais, à l’heure où nous en étions, mon élan fut à peine stoppé, je grimpais sur le terre-plein et je demandais à l’homme qui était descendu de voiture quel était le chemin pour rejoindre la mer.  
Comme il m’expliquait qu’il fallait retourner d’où je venais, je tentais de lui expliquer d’où je venais… Justement!
Et hop, je sortais de mon sac, la carte où se pointaient mes étapes et je lui mettais sous le nez l’attestation très officielle de la FFS!
Tatatadammmmmm, ce fut un laisser-passer magique! L’homme me montra le bon canal à prendre (il y avait un croisement de canaux de l’autre côté du barrage).
Il y avait un lourd portail électrique à franchir, qu’il ouvrit. Et comme s’il fallait à tout prix passer très vite, il m’aida au transbordement de tout le bazar. Puis il monta dans son 4×4 et s’en fut à ses affaires.
Je prenais le large sans hâte, souriant à l’idée de la scène qui venait de se dérouler.

Comme prévu, après environ 1 km, je sentais la mer s’approcher. Encore un virage, et je m’attendais à la découvrir.
Mais,
Un mur barrait le chemin, de part en part.
Un mur? Pas tout à fait… un mur barrage… et j’en étais certaine, ça passait « à plat ventre », une fois de plus.
J’ai quand même attendu d’être passée pour prendre la photo! (la deuxième en début de ce billet)
Quelle immense sentiment de bonheur que celui qui m’envahissait : j’avais l’impression d’avoir atteint la libération!

Le fin de la journée ne pouvait qu’être émerveillement et c’est ce qu’il advint.

J’étais remplie de gratitude après l’incroyable journée que je venais de passer. En m’endormant, j’en étais encore étonnée. J’étais partie, le matin, pour une dizaine de kilomètres et le soir après bien plus, j’avais réussi à franchir sans effort le dernier « obstacle » du trajet vers Rome.
C’était juste délicieux.

Lundi 23 septembre 2013 : Ansedonia –  Tarquinia Lido

C’est vers le sud que j’ai regardé en ouvrant mes « volets »  
Là-bas, au loin, mon arrivée se précisait.
Tous les obstacles semblaient passés. Je ne doutais quasiment plus de pouvoir y arriver. Dans certains scenarii pessimistes, je m’étais même convaincue qu’arriver à Civitavecchia (le port des paquebots à destination de Rome) serait satisfaisant.
Et Civitavecchia était à portée de pagaie, donc Fregene était un objectif raisonnable pour la semaine qui s’ouvrait.
Mieux et cerise sur le gâteau, j’avais désormais toutes les chances en main, je pouvais arriver à temps pour vivre la BOP (super évènement californien où ET était de la partie) en direct devant mon ordinateur.
Evidemment, je nageais en plein paradoxe, car si je me voyais déjà à la maison devant l’ordinateur, je n’avais pas du tout envie d’en finir avec ce trip, j’avais envie de ne pas en perdre une miette, envie de prolonger un maximum.
J’ai donc instantanément débranché mon disque dur de cerveau têtu tourbillonnant bouillonnant.
 
Pour commencer, il fallait viser la cheminée rouge et blanche d’une centrale électrique. Peu ou prou, je m’avançais inexorablement vers un retour à la civilisation.  
Une plage était située au pied de la centrale dans une dernière crique juste avant une mini pointe, puis des barbelés signalaient la zone industrielle. Au pied de l’immense cheminée, les bâtiments clignotaient, sifflaient, ronchonnaient.
Enfin, s’ouvrait une plage de sable noire, couverte de cadavres aux troncs blanchis. En ne regardant que le côté plage, en coupant bâtiments, cheminée et barbelés, la vue avait un certain charme

Il faisait une chaleur torride sur ce sable noir, je n’ai pas traîné.

S’ensuivit un long cheminement le long d’une interminable plage quasi déserte.

La brise thermique ne tarda pas à se lever. Afin de l’éviter, autant pour allonger le temps, que pour couper la monotonie de la progression, je m’arrêtais sur une des plages de Montalto Marina.
L’accueil sur « Antonio Spiaggia » fut des plus chaleureux. J’ai bien senti que le propriétaire (un surfeur romain) aurait vraiment aimé que je reste pour la nuit sur « sa » plage, il m’offrait un bel espace, une douche et un énorme paquet de sandwiches avec tout ce dont je pouvais rêver comme soda à boire.
J’ai commencé par faire une balade, dans une marina vidée de ses touristes, il n’y avait RIEN à voir!
Il n’y avait pas grand chose à faire non plus  J’ai longé le front de mer, et pour exciter ma gourmandise, j’ai regardé du côté des quelques glaciers qui restaient ouverts. Pour passer le temps, j’ai finalement choisi l’association  citron/framboise.
Après une sieste à l’ombre, la brise commençait à faiblir, j’ai repris la mer.
La journée s’achevait.
J’envoyai les news à Michel où je m’avançais en hypothèses : « Si les pressions restent hautes, il me reste deux étapes; ça sent la grande ville, on entend les avions aller et venir. »
Et je regardais une fois de plus vers l’arrière, comme pour mesurer le chemin parcouru. Au loin Monte Argentario et Isola del Giglio (là où gît encore le Costa Concordia)

Tous les chemins mènent à Rome (11)

Mardi 24 septembre 2013 : Tarquinia Lido – Marina di San Nicola

5h15 : L’air est immobile, il fait nuit. Je n’arrive plus du tout à dormir et je suis tout à fait reposée. L’idée de partir avant l’aube pour traverser le port de Civitavecchia avant que la brise ne se lève se fait de plus en plus forte. Je valide et je plie

J’ai adoré ce départ dans la pénombre, puis le lever du soleil pas à pas, coup de pagaie après coup de pagaie!

Je visais la grande cheminée de la centrale électrique (once more), le port est juste à côté.

Passer « à travers » ces grands ports aura toujours été à la fois stressant et réjouissant. La mer était d’huile à cette heure et je n’avais donc aucun soucis de « manoeuvre », je pouvais tranquillement guetter les mouvements des bateaux et adapter ma trajectoire. A l’instant où j’arrivais le long de la digue, donc à l’instant où j’étais sortie de la zone de passage, j’ai senti un « truc » dans mon dos.
Un paquebot !

C’était drôle de voir tous ces gens sur le pont, ils arrivaient « à Rome », dans quelques instants ils allaient débarquer, monter dans des bus et déambuler dans les rues.
J’allais à Rome, moi aussi.  

En longeant la digue, je ne perdais pas des yeux l’exposition de résidences flottantes et la vue d’un grand toboggan suspendu entre mer et ciel m’amusa.

Et voilà, ce fut, j’avais passé le port.  

Peu après, je découvrais une zone de riches villas, visiblement des résidences secondaires.
Décidément « ça » sentait la ville.  
A mes pieds, l’eau était absolument limpide, contrastant avec l’eau sale de la traversée du port et j’ai pris le temps d’étirer le temps pour profiter à fond de ce passage.

D’étranges alignements mettaient de la couleur paisible le long de la route grise d’où s’envolait une impression de forte circulation.
La direction de la brise, puis du vent était parfaite 3/4 arrière et j’attendais que le 3 bft passe au 4 annoncé, c’était juste délicieux d’avancer aussi facilement. Cependant je m’inquiétais de savoir où viser exactement, c’était tellement agréable que je n’avais pas envie d’en finir mais pas envie non plus de me laisser porter vers un cap qui me forcerait à ramer contre le vent.

C’est alors que j’ai vu un yacht à l’ancre un peu plus au large. Ni une, ni deux, je me dirigeai vers lui bien décidée à vérifier mon chemin. C’était un petit yacht certes, mais déjà un très beau bateau. Deux hommes m’accueillirent et m’indiquèrent approximativement le cap à suivre, dans l’axe du vent. Mais avant que je reparte, ils interrogèrent : « Vous venez d’où comme ça? » Je leur expliquais en deux mots et alors, ils se firent curieux : « Voulez vous prendre un café? »  
Comment refuser?
Quelques secondes plus tard, je tendais mon bout d’amarrage, je montais sur « la terrasse » en teck, puis un peu plus haut j’accédais au salon de plein air aux belles et profondes banquettes blanches.
Incroyable!
Comment aurais-je pu rêver ou même simplement imaginer qu’il était possible de boire un café dans un yacht au beau milieu d’une trajectoire au vent portant!
C’était juste magique.  
Pendant ce temps le vent s’affirmait à 4bft et c’était juste génial . Il était temps de repartir!

En fin de matinée, j’avais besoin de me restaurer et je me suis arrêtée sur une plage au hasard. Je n’ai pas trouvé de boulangerie, les passants ne pouvaient rien m’indiquer d’autre que la grande surface la plus proche, à 5mn en voiture!  Je me suis contenté du café de la plage et des pains pré-emballés que la gentille dame m’a soldé à deux pour le prix d’un : « c’est parce que la saison est fini, on ferme demain » Ouf, Il était temps!

C’est à ce moment que j’ai décidé de simplement laisser glisser, prendre encore plus de plaisir. Il était inutile de viser directement Fregene.
Arriver le soir et bivouaquer là-bas en attendant le matin n’avait aucun sens.
De vent 3/4 arrière, je suis passée à vent arrière
Et j’ai atterri sur une plage de la Marina San Nicola!
Il était encore tôt.
Comme d’habitude, dès ma « descente de planche », j’ai cherché à qui demander l’autorisation de « rester pour la nuit », sans imaginer un seul instant l’accueil qui allait m’être réservé.

Les gars étaient tout simplement extraordinaires, hyper chaleureux et aux petits soins. Après le pot d’accueil, j’ai vu arriver une assiette de fruits (juste le truc dont je rêvais) avec ces mots d’excuse « C’est tout ce qui nous reste, nous sommes en train de fermer le club »… Mais c’était ce dont j’avais besoin, rien de plus… Nous avons parlé, refait le monde, pris des photos souvenir.
La nuit tombait.
Je commençais à préparer mon emplacement de bivouac quand l’un des gars vint me chercher « Vient par là »… Il me fit entrer dans le bar du club, les autres étaient là… Il me tendirent une flûte de boisson gazeuse et nous avons trinqué!
Champagne!
Ca c’était fait, avec le coeur, chaleureusement, sincèrement, je n’aurais jamais pu rêver plus simple et plus grand à la fois.  
Je touchais le but.
Le lendemain ne serait que « formalités » et retour aux contraintes et soumission à la « météo des gens ».
Je le savais.
Je savourais infiniment cette soirée là.

Tous les chemins mènent à Rome (12)

Mercredi 25 septembre 2013 : Marina di San Nicola – Fregene – Rome

Dernier bivouac
Dernier matin, regard tourné vers l’horizon, en direction du but, désormais bien visible.
Dernière mise à l’eau avec tout ce « bazar », le minimum à la fois indispensable et largement suffisant pour affronter toutes les situations qui s’offraient.
A chaque départ je regardais derrière « de peur » d’oublier quelque chose, à chaque départ, juste après ce coup d’oeil en arrière, j’étais heureuse en me disant que TOUT tenait à si peu de chose, prenant à la fois tant d’importance et si peu de place.

Je longeais la plage et la ville était en filigrane, en fond sonore et visuel. Tout au long du trajet, des hommes s’affairaient à enlever les corps-morts qui maintenaient en place les bouées de l’été.
J’avais l’impression « qu’on » pliait derrière moi, j’arrivais vers mon but et le spectacle était terminé

Fregene est une petite ville de banlieue, une petite station balnéaire sans immeubles en front de mer. Il fallait trouver la plage « Miraggio » sur laquelle j’avais prévu d’arriver, j’ai donc longé très lentement la succession des plages privées encore endormies, cependant visiblement plus luxueuses les unes que les autres.
Pourquoi « Miraggio » et pas une autre?
Certainement parce que s’y tient un club de SUP.
Quand j’avais croisé celui qui l’anime, lors d’une compétition à la fin juin, je lui avais fait part de mon projet italien/romain. Il l’avait accueilli avec un enthousiasme tout méditerranéen.
Au fil des semaines et des messages sans réponse, mon inquiétude était tombée, l’accueil serait tel que je le souhaitais « sans tambour ni trompette ».  

Cette plage restait cependant « la » plage que je devais viser parce qu’il fallait bien décider d’un point d’atterrissage.  

Il ne fait aucun doute que j’avais fait le bon choix. Bien qu’arrivant « comme tombée de la lune », j’ai trouvé sur cette plage un « salvataggio » incroyablement cordial et compréhensif, maîtrisant parfaitement la langue de Molière.
Le « hasard » fait décidément parfaitement son boulot!  

Les « champions » locaux étant en partance pour la BOP c’est un « associé » qui se retrouva, au saut du lit et après un appel téléphonique surprise, avec mon encombrante arrivée à gérer.
Il choisit finalement de ne pas déléguer l’affaire, bien qu’il eut visiblement de nombreux autres chats à fouetter!  
Il me restait à l’attendre.
Avant de le voir arriver, j’ai eu tout à loisir le temps de ranger mon matos, de prendre une douche froide, de m’habiller en citadine et de manger le pain qui me restait et même d’aller remercier le gars de la plage m’avait vu débarquer. Il m’avait bien aidée en téléphonant à « l’associé » pour lui expliquer ce dont j’avais besoin : rentrer à la maison!

Peu après, « l’associé » me posait en haut d’un passage souterrain qu’il fallait franchir pour atteindre la billetterie de la gare de banlieue et retournait à ses affaires.
La planche était restée au club.
Je n’avais plus que mes deux sacs et mes deux pagaies pour terminer le voyage, j’étais à nouveau en autonomie et sans assistance.  
Il me restait une pomme, des amandes, une canette et tout le temps qu’il fallait : à la mi-journée, les trains ne passaient que chaque 45 mn et j’en avais raté un!

Une fois dans le train, en moins de 5mn c’était l’entrée et la traversée de Rome. En passant au dessus du Tibre, j’ai pensé que j’avais été bien inspirée de ne pas tenter d’y naviguer, la couleur de l’eau n’était pas vraiment attirante.  
La gare centrale Roma Termini est gigantesque.
Dans la rue, j’ai posé une photo en souvenir.

Puis, j’ai traîné mes sacs bien lourds vers le guichet où l’employé tenait absolument à me vendre le billet le moins cher, j’ai déposé les bagages à la consigne et j’ai traîné mes guêtres (enfin mes tongs) en ville.  
Guère motivée par le tourisme monumental, j’ai cédé devant les gourmandises sucrées.
La journée s’achevait.
Après un passage dans un cybercafé, je suis retournée à la gare.
Il n’était plus question d’attendre que le vent se calme, il fallait attendre l’arrivée du train de nuit… C’était déjà presque une autre histoire.


Tous les chemins mènent à Rome (fin)

Jeudi 26 septembre 2013 : Rome – Genova – Vintimille – Nice – Marseille

D’abord, je ne comprends toujours pas ce qui avait motivé le guichetier pour me vendre une place assise « pas chère » dans le train de nuit Naples-Rome-Turin. Ce qui est certain, c’est qu’il ne voulait pas me faire d’autres propositions et me vantait cette possibilité comme étant la meilleure  

Finalement, je n’ai pas regretté.
C’était inconfortable, mais je me suis emballée dans mon duvet et j’ai pu me reposer « chez moi » au milieu du va et vient, entre les hommes du compartiment, entre le passage des policiers en arme, les bavardages incessants, les migrants paumés et les dizaines d’arrêts jamais annoncés  

J’ai d’autant moins regretté que le fait de guetter chaque station m’a permis de remonter le temps en remontant mon parcours. Car le train longe très précisément la côte et je voyais de nuit les villes que je n’avais fait qu’effleurer de jour.
Dans mon imagination, malgré la fatigue, la magie opérait encore    

Le voyage retour avait commencé la veille, dès mon débarquement sur la plage même si je l’ignorais encore, puis plus précisément vers 23h, après avoir longé le quai déserté par les travailleurs en direction du train de banlieue.

1° Rome-Rome
L’attente avait commencé.
Le quai se remplissait d’une foule grise avec quelques touristes allemands, quelques familles et beaucoup d’hommes seuls, sans bagages, pleins d’espoir.
Ceux-ci formaient des grappes, parlant un langage exotique s’échangeant cigarettes et boissons étranges.
Le train devait arriver à 0h15, il arriva avec un retard de 30mn.
Pour ma part, c’était sans problème, à un détail près : les gares n’étant pas annoncées, il fallait réussir à descendre dans la bonne sans connaitre l’horaire d’arrivée.  
Par exemple : pour qui souhaitait, comme moi et sans connaitre, rejoindre « Gènes Principal » alors qu’il y a au moins 5 arrêts à Gènes et que l’affichage en gare est minimaliste il était illusoire de se fier à l’horaire indicatif! C’est comme ça que je me suis vue « repêcher » des touristes allemands (ils allaient eux aussi à Marseille) qui descendaient à « la bonne heure » sans regarder le nom de leur station.  

2° Gènes-Vintimiglia

A Gène principal, il fallait changer de train et attraper un TER.
D’un coup l’ambiance était totalement différente. C’était l’heure de partir au boulot et c’était l’heure des écoliers. Il faisait assez gris et je mesurais la chance qui m’avait accompagnée avec une météo plutôt clémente sur l’ensemble du parcours  

3° Vintimiglia-Nice

Passage du TER italien au TER français et nouveau changement d’ambiance.
Une population plutôt chic avait envahi les wagons tandis que s’instaurait un contrôle de flic très ciblé visant un certain « type » de voyageurs : « montrez vos papiers, cartes de séjours, etc… »  Visiblement, la correspondance avec le train venant de Naples était attendue!  

4° Nice-Marseille

Collée à la fenêtre, je m’accrochais aux derniers kilomètres de côte visible.
C’était fini.
Au fond du ventre j’avais une folle envie de chevaucher encore plus loin la grande bleue. Mais c’était fini, pour cette fois.
A Marseille, mon hôte attendait.
Tandis qu’il m’accueillais, je lui déversais mes premières impressions en vrac.
C’était vraiment magnifique de rencontrer cette personne là et sa famille.

Alors que je n’avais pas vraiment dormi, une bonne douche chaude au bon véritable savon de Marseille fut suffisante pour me tenir jusqu’au soir.

Après une nuit de princesse dans un immense lit sous une douce couette, j’ai embarqué dans ma voiture et attrapé l’autoroute.
Le vendredi 27 au soir, j’étais de retour à la maison après exactement quatre semaines de partance, une carte bancaire à peine utilisée et des souvenirs plein la tête!  

La boucle Nantes-Marseille-Rome-Marseille-Nantes était refermée!