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La balade de l’année 2018 à offert des visages fort différents qui m’ont conduit dans les arcanes de qui je suis.

29 juillet 2018 (3ème partie)

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Le cerveau met le cap en avant. Nous sommes enfin débarrassé des futilités, des inutilités, des bavardages. L’homme, cette étincelle entre deux gouffres, trace ici un chemin qui s’effacera après son passage.
Théodore Monod, Le Chercheur d’Absolu, Editions Le Cherche Midi, 1997, ISBN 2-86274457-3

Sauter à l’eau, ce fut comme une parenthèse qui se refermait.
Entre les parenthèses, avait existé un monde parallèle dans lequel j’avais glissé le temps de la traversée.

Dégoulinante, les bagages à la main, j’étais de retour sur terre.

J’ai presque couru, déposé les sacs à proximité du sas d’arrivée, réglé quelques détails techniques (encore une histoire de tracker oublié… Dans le bateau ce coup ci!) et déjà E.T arrivait.
Visiblement il était allé au bout de son énergie. Il avait soif, je lui ai tendu à boire.
Que dire?
J’ai du dire « Tu l’as fait ».

Il y avait 162 planches au départ (90 prones, 62 SUP et 10 SUPfoil) , 150 sont arrivées dans les délais, des champions ont abandonnés… C’était une année « difficile ». E.T est arrivé dans le TOP20. 

J’ai installé un coin à l’ombre et tout en surveillant tout ce que nous y avions déposé, j’observais les arrivées, j’écoutais les commentaires, j’entendais parler des abandons. Parmi les abandons, un me touchait vraiment. C’était celui du copain de la chambrée, je l’avais observé préparer chaque détail avec tant de soins que j’avais pu mesurer ce qu’il mettait en jeu dans le défi qu’il s’imposait. J’imaginais le poids de sa déception.

S. est revenu avec la voiture peu de temps après l’arrivée du dernier concurrent. La zone d’accueil commençait à se vider du campement qui l’avait envahie.
Il nous restait trop peu de temps pour passer nous changer à la maison avant la réception du soir, nous avons improvisé. Après une bonne douche dans l’hôtel de l’autre copain de chambrée, nous sommes partis en direction du plus prestigieux club privé de Waikiki simplement vêtus avec ce que nous portions la veille dans l’avion.
Retour au quotidien : les tenues de soirée ne sont pas notre tasse de thé, nous étions tous les trois d’accord.
D’ailleurs nous n’avons pas trainé sous les chandelles du luxe.
E.T a avalé ce que le buffet lui offrait, nous avons bu un coup et nous sommes partis en ville.

Déambuler dans Waikiki by night était juste surréaliste après la traversée du Ka’waï Channel.
Pour moi, c’était un nouveau voyage dans un monde parallèle d’une autre dimension !

Puis, nous sommes rentrés à la maison, comme nous en étions partis, tout simplement.

Déjà, nous avions la tête dans la suite.
Dans la mienne il y avait l’acte deux de ma balade, une pièce en trois actes pour cette année.
Le premier acte venait de s’écrire, les suivants étaient encore totalement inconnus.

 

30 juillet 2018

La raison recherche toujours le plus haut.
En toute chose, cherche le plus bas.
Apprends à résider sur terre, à descendre dans les choses les plus basses, les plus simples. (…)
Gaston-Paul Effa, Le dieu perdu dans l’herbe, Presses du Chatelet, 2015, ISBN 978-2-84592-627-1

Si nous étions encore trois au petit matin, c’était seulement pour quelques heures.
E.T s’envolait déjà, nous irions le poser à l’aéroport en fin de matinée pour un voyage ultra-marathon non-stop à son image : Honolulu, Seattle, Paris, Nantes, Le Cormier (changement express de planche de surf!), Nantes, Madrid, Hôtel, Puerto Del Rosario, Corralejo.

En grande forme malgré son périple de la veille, il nous avoua que le voyage à venir l’inquiétait un tantinet du fait de sa longueur! Pour moi, un tel trajet n’était même pas imaginable! Nous avons ri!

Juste après le breakfast, je suis partie en direction de la montagne, seule.

Avant de rentrer de plain-pied dans le deuxième acte de ma balade annuelle, j’avais besoin de respirer les arbres et les rocs, la terre et le ciel, de toucher une fois encore le parfum humide du sentier tropical, de voir les cris stridents des oiseaux affolés par mon passage.
Et j’avais besoin de marcher.
Et j’avais besoin de me centrer.

J’étais de retour à l’heure dite, on ne rigole pas avec les heures des avions, n’est-ce pas?

E.T avait fait une sortie « en ville » nous ramenant un festin de spécialités inconnues dans lesquelles nous avons tapé sans nous faire prier.
C’était une fête improvisée pour nos papilles, nos yeux et nos sens.
C’était l’émotion de la surprise,
Un simple bonheur.

A la bonne heure, nous l’avons déposé devant le hall des départs avec planche et bagage.

Fin du premier acte.

Puis, nous sommes partis en direction de la plage, à la recherche des tortues.

Début de l’acte deux.

J’ai croisé deux grosses tortues gourmandes, volant entre deux eaux, plus que je n’en avais jamais vu.
J’ai admiré des coraux de toutes les couleurs, de toutes les formes et des poissons à profusion.
Pour une dernière plongée dans l’eau d’Oahu, c’était bien plus que le minimum espéré!

De retour à la maison nous étions, chacun à notre manière, bien accrochés à notre solitude et déjà en partance vers plus loin.
Le lendemain c’était à notre tour de décoller.

31 juillet 2018

L’âme n’est rien que l’invisible
Et l’invisible est tout ce que l’on voit
Ou plutôt tout ce qui est sous nos yeux
Demande à être vu
Désespère d’être vu
Appelle, appelle, appelle
Christian Bobin, La vie passante, Editions Fata Morgana, 1990, ISBN 978-2-85194-906-6

Le ciel était absolument clair jusqu’au fond de la vallée tandis que nous ouvrions notre dernier matin sur Oahu.

Aucun programme programmé.
Sinon faire les valises
Et voler plus loin.

Fuyant une nouvelle attente dont j’aurais été la seule maitresse, j’ai décidé de retourner voir la cascade.
Seule.
J’avais besoin d’en sentir le caractère sacré dans l’éclaboussure de ses embruns.
Seule.

Il faut croire que je fus entendue, car le chemin était désert et j’ai pu me l’approprier entièrement.
La cascade dégringolait joyeusement, j’ai eu le temps de jouer dans son bassin de réception sans qu’aucun de ces touristes avides d’apparence, de photo et de selfies, ne hantent « mon » instant.
Je suis partie quand le premier est arrivé.
J’ai poursuivi la grimpette, plus haut.
Mais le temps était compté, j’ai fait demi-tour.

Simplement heureuse, je marchais vite,
Sans souffler
J’étais sur les talons d’un groupe qui descendait aussi.

A l’occasion d’un élargissement du sentier, j’ai mis mon clignotant pour les dépasser, je n’ai pas eu besoin de franchir la ligne continue mais au moment même où je songeais à me rabattre, le gamin de devant refusa de me laisser doubler, il accéléra au pas de course.
La gamine qui dort encore dans mes veines réagit aussitôt d’un tonitruant « Oh… No… OK » amusé et je suis partie en courant.
Et l’imprévisible joua sa partition.
Tout aussi amusé, l’homme que je venais de doubler s’accrocha à mes sandales, avec toute la vitesse dont son ventre rond lui permettait de disposer.
Et nous avons joué ainsi jusqu’au parking!
Et c’était absolument délicieux.
Le gamin se retournait pour voir si je suivais et je suivais, tout à fait réjouie de sauter d’une pierre à l’autre, légère comme je ne savais même plus que j’étais capable de l’être : c’était pas la vieille qui courrait, mais bel et bien la gamine qui jouait!
L’homme avait perdu d’avance, nous étions plusieurs longueurs devant après seulement une centaine de mètres!
D’ailleurs, il avait abandonné la course lorsque je l’ai enfin vu arriver à la barrière où je l’attendais pour le remercier de m’avoir offert un si merveilleux moment.
Il m’a embrassé et ils ont fait une photo souvenir.

J’ai adoré ce moment magique d’alliance éphémère, loin de toute intention, une reliance improvisée légère et gaie.

Il me restait un temps beaucoup plus large que prévu avant de retourner boucler mes valises.
J’ai lézardé, chassé du regards les orchidées cachées dans les jardins, admiré le vieux chinois en pierre qui gardait le cimetière et je suis rentrée.

Trois heures plus tard, nous atterrissions à Maui.

Le « cottage soleil » qui nous était réservé était à la hauteur de mes attentes.
Dans le « cottage lune » d’à côté, un des gars qui avait fait la M2O en SUP foil pliait bagages : après plus d’un mois passé à s’entrainer sur le Ka’waï Channel et sur le Maliko run, il rentrait dans son pays « du soleil levant ».

Une fois installés, chacun dans notre antre, il fallait aller faire les courses ensemble, penser au repas du soir.
Mais avant, j’avais une proposition en tête : passer voir Hookipa et saluer les tortues.

C’est ce que nous avons fait.

1er Août 2018

Dans la perpétuelle mouvance du monde, dans l’infinie fluctuation des apparences, dans le transfert permanent d’énergie et d’informations, l’être âgé ne cherche plus de poignée où se cramponner ni de patère où suspendre son chapeau. Dans une souveraine dérive, il se donne au flux, devient flux.
La vieillesse est une révolution mentale.

Christiane Singer, Les âges de la vie, Editions Albin Michel, 1984, ISBN 2-226-04829-1

En aparté : Christiane Singer n’a jamais vécu la grande vieillesse, elle est passée de l’autre côté de la vie à 64 ans, presque mon âge de maintenant.
Elle avait écrit « les âges de la vie » plus de vingt ans avant sa mort, elle était dans la force de l’âge. En ré-ouvrant ce livre, c’est avec une grande émotion que j’ai croisé cette phrase qui va si bien avec ce que j’ai à vous raconter aujourd’hui.
Christiane, je la connaissais, j’ai bien connu sa voix, sa sensibilité, sa vision du monde. Affirmer qu’elle fut une inspiration n’est pas mentir. La première fois que je l’ai rencontrée, elle avait tout juste cinquante ans, avec douze ans de moins, j’étais une gamine!

Cette balade annuelle était « toute autre » dès le départ, non seulement extrêmement lointaine, donc écologiquement absolument insensée mais de surcroit seule à plusieurs, carte bancaire toujours en train de chauffer et voiture à volonté. Rien à voir avec mes « habituel » trips en autonomie, où je me nourris de manière frugale, où je me branche ultra-rarement, où je me déplace en faisant l’éloge de la lenteur. R I E N à voir!
Et c’est dans ce rien que j’avais tout à découvrir!
Et j’en ai fait des découvertes.
Le terrain le plus riche n’était autre que « moi ».
Un « moi » puisant dans des ressources insoupçonnées l’énergie, le recul et le simple bonheur de fonctionner à l’envers de sa « normale ».

Car je ne décidais rien, c’était un choix, une volonté de ma part.
Remarquablement, j’étais souvent tout à fait incapable d’émettre un avis, une idée.
Quand après avoir fouillé les propositions touristiques, S. disait « On pourrait faire ça, ça te va? » je n’avais pas d’autre réponse que « Tu as envie de faire ça? Alors, OK ».

Et en réfléchissant, je me disais que c’était une autre manière d’avancer au gré du vent, du ciel et des courants.
Que même, peut-être, dans ce non-faire, ces non-intentions, j’étais plus que jamais dans le vent, dans le ciel et dans les courants.

Fascinante découverte.

Ce 1er août, nous sommes partis dans une première direction et ma mémoire ne sait plus du tout laquelle (rassurez vous, c’est facile à retrouver) parce que le vent n’a pas besoin de savoir dans quelle direction il souffle, n’est-ce pas? Il souffle et c’est tout.

Ce dont je me souviens parfaitement, c’est de mon quasi-mutisme : n’ayant aucune intention, je n’avais rien à dire, c’est à dire rien à exprimer intentionnellement.

Fascinante découverte.

Et puis, il y eu mon émerveillement devant la beauté des coraux, en meilleur état et beaucoup plus variés que ceux que j’avais déjà pu voir.
Et puis, un bonheur dense se présenta à la vue des tortues, à la vue de leur lent ballet, si lent, si paisible, si imprévisible que je fus transportée infiniment loin vers plus haut.

Pas très touristique cette journée là, direz-vous.

Chacun son point de vue, n’est-ce pas?

 

2 août 2018

Nous, nous mesurons le temps en fonction du mouvement d’innombrables soleils;
Quant à eux, ils le mesurent à l’aide de petites machines cachées dans leurs petites poches.
Alors dites-moi, comment pourrons-nous nous rencontrer au même endroit, au même moment?

Khalil Gibran, Le sable et l’écume, traduit de l’anglais par J-P; Dahdah et M. Schurman, Editions Albin Michel, 1990, ISBN 2-226-04921-5

Chaque matin, je préparais un de ces délicieux ananas cultivé à Maui.
Dix fois plus onéreux que les ananas venant du Costa Rica vendus  dans les supermarchés français, c’était la-bas, avec les bananes locales le fruit le moins cher et le moins réfrigéré.
Commencer la journée en dégustant ces petits carrés dorés, juteux, gouteux était sans aucun doute la meilleure manière d’y entrer d’un bon pied.

Puis, je montais dans la voiture à la place du passager et je me gavais en ne perdant rien du paysage qui défilait.
Ce jour, la route s’éleva rapidement en interminables lacets.
Moi qui aime beaucoup conduire, et qui regarde souvent le paysage en pointillé sur ces routes où il vaut mieux regarder la route, je n’avais pas d’autre choix que d’admirer au long cours les abîmes, et  les vertigineuses dégringolades de la montagne dans le Pacifique.

Comme la veille, je me laissais porter par le courant.
C’était une expérience et je commençais à m’en amuser.

Je demeurais incapable de m’orienter par rapport à la géographie de l’île.
J’avais beau regarder la carte me dire « nous sommes ici », voir le nom du lieu sans l’imprimer, ça n’avait tellement pas d’importance que ma mémoire refusait d’en prendre note. C’est ce que je croyais, en tout cas. En fait, il faudra attendre la semaine suivante pour que je comprenne le fonctionnement que j’avais, en réalité, mis en oeuvre.

Dès que je pouvais, quand nous nous arrêtions, lorsqu’il était question d’aller regarder ce qu’il fallait regarder selon les meilleures recommandations , je m’éclipsais, je sortais du sentier recommandé, à la recherche de ce que la plupart des gens n’avaient même pas l’idée de regarder ou à la découverte d’un coin désert pour élever un des ces tas de cailloux que j’avais recommencé à édifier depuis la semaine précédente.

Puis, je rentrais dans le droit chemin, sans la moindre difficulté d’orientation, ravie et heureuse.
Et le courant m’emportait
Et arrivait la plage
Et l’heure d’aller nager à la rencontre des tortues.

Nous passions au moins une heure à nager.
C’est la sensation de froid qui me faisait sortir.
Moi qui n’est pas une fan des balades le nez collée dans le masque et la respiration contrainte par le tuba, je ne rechignais pas.
J’aime nager et nager dans l’eau chaude était une grâce.
Evoluer entre les massifs coralliens comme je me balade sur terre, en errance à la recherche de merveilles, en était une autre.

Et puis, nous sortions.
En nous séchant, nous comparions nos visions sous-marines, le nombre de tortues rencontrées et c’était l’heure du retour.
S’il y a un truc notable parmi tous ceux qui nous mettaient sur la même longueur d’onde, c’est bien notre détestation d’une pause « inutile » sur les plages. Pour chacun de nous, la plage aussi belle soit-elle n’est rien d’autre qu’un point de passage pour aller sur l’eau ou dans l’eau!

3 août 2018

Cet utilitarisme réflexif n’est pas un égoïsme, ni un « individualisme » dans le sens critique contemporain, ni un anarchisme. Bien au contraire, Spinoza insiste souvent sur la réciprocité des intérêts et sur l’avantage que chacun tire réciproquement de son accord avec l’autre et de sa propre recherche des biens qu’il poursuit : »Plus chaque homme recherche ce qui lui est utile en propre, plus les hommes sont réciproquement utiles les uns aux autres ».
Robert Mishari, Spinoza, Editions Medicis-Entrelacs, 2005-2013, ISBN 978-2-908606-71-3

Après avoir consulté les meilleurs site météorologiques destinés aux professionnels, S. pensait que c’était « le jour » pour monter au volcan.
Monter au volcan pour aller regarder le coucher du soleil.
Tous les sites l’affirment, il faut absolument monter au volcan pour aller voir le lever du soleil et au pire voir le coucher.
Il restait à trouver « un truc » à faire pour occuper la première partie de journée et ce fut une cascades de cascades enchanteresses.

La première bien que « cascades jumelles » était un parc à touristes à l’intérêt limité.
Mais S. avait super bien étudié le terrain et grâce aux détails de google earth, il avait repéré un autre site un peu plus loin, un site « pas marqué sur le guides »!
Alors, ça, c’est le « truc » que j’aurais « raté » et j’aurais vraiment raté une merveilleuse randonnée.
Bon, il y avait du monde garé, donc le coin était quand même un peu répéré… du monde pour aller où en fait?
Pour commencer, il fallait se faufiler à travers les bambous sur un sentier non balisé mais tellement piétiné qu’il n’y avait aucune hésitation. Il fallait ensuite traverser le torrent à gué et là, ce fut assez gai de regarder les techniques utilisées par les promeneurs en chaussure de marche montante!
Pour ma part, j’ai enlevé mes sandale et allègrement marché dans l’eau.
Une fois de l’autre côté, il y avait trois chemins.
Sans hésiter, nous avons pris le plus large, celui qui allait tout droit. Un groupe nous a suivi.
Nous avons insisté, insisté jusqu’à ce que la pente devienne hyper raide, super glissante, jusqu’à ce que le sentier ne soit plus qu’un fil s’effilochant. Il fallait s’accrocher aux bambous pour progresser et si je m’amusais joyeusement, il devenait clair qu’il n’y avait point d’autre cascade dans cette direction.
Et hop, demi-tour.
Nos poursuivants se trouvèrent devant.
Et hop, tout le monde se retrouva devant le gué.
Il restait deux chemins possibles.
Ayant déjà inspecté le bas lors de ma traversée du gué (et oui, je m’étais « dangereusement » avancée au bord de la chute à la recherche… d’une chute!) j’ai déclaré qu’il était logique de remonter le long du torrent.
Et hop, tout le monde a suivi.

Nous sommes arrivés sous une belle grande cascade vraiment magnifique.

Le sentier montait encore.
Nous sommes arrivés devant une cascade et son bassin, genre « publicité pour la marque qui nourri encore providentiellement le nouveau « ancien ministre » qui n’a jamais pris un seul cheveux blanc ».
Nous aurions pu nous contenter de ce spectacle comme le faisaient tous ceux qui était arrivés là.

Mais, il y avait ce qui pouvait ressembler à un sentier et surtout, il y avait une corde qui nous tendait son noeud.
Et hop, toujours plus haut!

Nous sommes arrivés devant une cascade et son bassin, genre « pub » en encore plus merveilleux.
Nous aurions pu en rester là.

Mais, il y avait une corde, une échelle, une seconde échelle attachée par dessus et un beau seuil à escalader.
S. décida de se poser, il n’était pas pressé, l’endroit était beau.
J’ai continué.
Le passage du seuil était plus facile que je ne l’avais imaginé. Il restait la descente mais dans l’instant, je ne visais que plus haut, plus haut.
J’ai passé un moment absolument magique en marchant de bassin en bassin jusqu’à ce que le torrent, apaisé dans son lit calme, ne me murmure qu’il fallait redescendre.

Du haut de la cascade, j’ai aperçu S. qui se baignait et j’étais doublement heureuse car il était visible que de son côté l’attente avait été comblée.

Nous sommes redescendus. A la croisée des chemins, nous sommes demandé comment nous avions fait pour être l’un et l’autre assez stupides pour nous engager dans le « mauvais chemin ».

Après un déjeuner dans le salon de plein air du « cottage soleil », il était l’heure de partir sur la route du volcan.

Plus, haut, encore plus haut, encore plus haut.
Car le volcan est le toit de l’île.
En haut, plus haut, c’est le ciel.

Après quelques pas au milieu des terres multicolores, il était l’heure.
Il y avait des centaines de personnes qui attendaient.
Et le miracle eu lieu.
Le soleil s’est couché.

Et ce fut vraiment très, très beau.
Comme un très, très long poème
Que ne savent lire dans leur propre langue
Que les personnes qui y étaient.

4 Août 2018


N’importe qui peut payer le prix normal, parce que cela revient à n’être pas un cas « particulier ». N’importe qui peut payer le prix normal, et si c’est votre cas, vous ressemblez à tout le monde.
L’individu normal ne s’acharne pas à poursuivre les bonnes affaires : il fait tout ce qu’il peut pour se faciliter la vie, non pour la rendre compliquée.
Arhur Janov, Le cri primal, traduit de l’américain par Jeanne Etoré et France Daunic, adaptation du langage primal par France Daunic, Editions Flammarion, 1975, ISBN 2-08-081032-4

Après la journée merveilleusement dense de la veille, il fallait certainement le temps d’une respiration avant d’aller du côté de Hana.
En tout cas, c’est ainsi que les conditions météorologiques avaient posée les cartes.
Pas le choix, vu le ciel maussade, il fallait filer sur la côte où le ciel est toujours bleu.

Même sans connaitre les noms des villages, même en me laissant conduire de manière passive, je notais que j’avais précisément enregistré les endroits où nous étions déjà passés et là, nous passions où nous étions déjà passés, sauf que l’idée était d’aller encore plus loin : poursuivre à pieds là où s’arrête la route.

Sur le chemin noir, le soleil était cuisant.
Au contact de la lave et de l’océan, la falaise était sublime.
Nous sommes allés chacun où nos yeux nous guidaient.
C’est en lançant un regard circulaire pour suivre le vol d’une bécasse que j’ai aperçu S. assis sur un promontoire en arrière.
J’étais allée « au bout » du chemin, je l’ai donc rejoint pour lui faire part de mes émerveillements A son tour, il m’exposa les siens.
Je restais néanmoins sur ma faim.
Il y avait tant à explorer.
J’aime tellement ces terrains déserts et brûlants où mes pensées s’évaporent en abondants vagabondages.

Mon compagnon d’aventure, lui avait vraiment trop chaud, il aspirait à une seule chose : aller nager à proximité de la réserve, aller explorer de nouveaux récifs.
Un petit tour de voiture et nous y étions.
Deux minutes pour enfiler nos maillots de bains et nous étions dans l’eau.
Ce coin là est certainement celui où j’ai vu la plus grande variété de poissons et de coraux : fascinant, il ne m’a manqué que le vol d’une tortue.
C’est vrai, je suis gourmande!

Comme il restait un peu de temps, la curiosité nous a poussé vers le plus grand club de pirogue de Maui.
Ce qui était tout à fait imprévu et absolument délicieux, ce fut la boutique de « shave-ice » juste en face.
Qui parlait de gourmandise?
Il y avait devant cette boutique une queue monumentale mais nous avions du temps et donc assez de patience pour attendre ce que tout le monde attendait.
Devant nous, un couple d’américains installés sur une île voisine venaient « en voisins » pour déguster les meilleures glaces du coin. Nous étions donc confiants dans la qualité de ce qui était promis au bout de l’attente.
Et en effet, c’était à la hauteur.
Avec cependant une petite déception : la glace était pilée si fine, que notre « shave ice » ressemblait davantage à un sorbet de chez nous qu’à ce truc parfaitement exotique et typiquement flashy découvert à Diamond-Head la semaine précédente.

Je notais, amusée, l’importance de la première empreinte sur les jugements qui arrivent par la suite.

5 août 2018

Quel est le « lit » de ce fleuve?
L’espace.
Quelle est son « eau » ?
Le réel.
Le temps n’est pas ce dans quoi tout arrive, mais ce qui arrive, ce qui ne cesse d’arriver, toujours neuf, toujours présent, toujours changeant.
André Comte-Sponville, L’être-temps, Presses Universitaires de France, 1999,
ISBN 2-13048798-5

La route d’Hana!
Il y a des gens qui « font » Maui en deux jours, six îles en 12 jours et « voient » tout Hawaï en 15 jours top chrono. Pour ces gens là, il n’y a que deux « trucs  » à faire à Maui : le lever de soleil sur le volcan et la route d’Hana. Ces deux trucs sont les deux plus grandes sources de revenus pour l’essaim d’agences touristiques qui vendent du digest tout compris, y compris les hamburgers!

La route d’Hana.
Ce matin là était le bon.
Pas de précipitations à l’horizon, donc une route à moindre danger de chutes de pierres et une vue assez certaine sur l’ensemble du paysage.

La route d’Hana!
Go.
Comme chaque jour depuis l’arrivée à Maui, je suis aveuglément.
Je monte côté passager dans la voiture, je regarde le paysage, je descends regarder aux endroits où S. s’arrête, je remonte quand c’est le moment.
Aucune des grandes conversations psycho-philosophiques qui ont parfois confronté nos idées au fil des années depuis que nous avons fait connaissance, aucune de ces conversations ne viennent débarquer sur le ronronnement du moteur. Aucune même n’aura vu le jour pendant l’ensemble du séjour hawaïen. Nous restons silencieux au long cours, habitant seulement le cours de nos pensées.
En résumé, deux solitaires en vacance restent deux solitaires et parviennent parfaitement à se respecter, à jamais se marcher sur les pieds sans avoir le moindre besoin d’user de mots! Et puisqu’ils sont en vacances, ce n’est vraiment pas le moment de se faire des noeuds au cerveau avec des conversations psycho-philosophiques!

Revenons sur la route, mon tourisme intérieur n’ayant jamais eu vocation à devenir une « carte postale » capable de faire rêver.

Passé l’intersection vers « Jaws » qui n’existe que de temps en temps, passé les parking des cascades précédemment visitées, nous sommes partis à la découverte d’un paysage à grand spectacle.
La route est accrochée à flanc de falaise, au milieu d’une forêt dense et humide. A chaque virage, un torrent dégouline, caracolant de rupture de pente en rupture de pente, sautant parfois des centaines de mètres en un long ruban scintillant de poussière d’eau. Parfois la route elle-même en est toute éclaboussée.
Quand la végétation s’éclaircit, il est parfois possible d’apercevoir l’océan, intensément bleu profond.
Au passage le plus abrupt, la vue se dégage totalement et un paysage époustouflant de toute puissance naturelle s’offre à quiconque accepte ce frisson d’humilité.
Puis la route descend progressivement vers Hana, cette extrémité désormais « endormie » de Maui.
(Hana signifie travail en langage hawaïen – Hana fut dès le début de l’exploitation sucrière du coin (fin du 19ème), un centre très actif. L’abandon de la culture de la Canne à fait péricliter la bourgade qui ne survit que grâce au tourisme)

S. Avait prévu un détour qui ne m’enthousiasmait pas sur le papier : la visite d’un tunnel de lave.
Je pensais bien l’attendre, peu encline à lâcher mes dollars pour « un truc » déjà vu ailleurs dans des conditions particulièrement magiques. En fait j’avais royalement peur d’être déçue.
Curieuse, je suis quand même allée regarder le comptoir d’entrée, j’ai écouté ce que racontait le jeune gars « de garde », j’ai survolé les photos… et j’ai décidé de tenter l’aventure.
Et ce fut vraiment une super idée.
Il suffisait de laisser passer les quelques visiteurs, de laisser S. prendre un virage d’avance.
Alors, seule avec la torche que je pouvais éteindre, j’ai pu m’abandonner au silence des gouttes qui rebondissent, regarder le noir de velours dense de l’air environnant, m’extasier devant la moire des stalactites de lave. J’ai adoré!
Vraiment.
C’est parfois tout à fait délicieux de suivre!

Nous avons repris la route, marché sur le ponton écroulé du port d’Hana, touché la pierre au pied de laquelle la légende dit qu’une princesse est née, déjeuné en face du club de pirogues, puis nous sommes partis à la recherche de la plage de sable rouge.
Une fois arrivés en vue de l’écrin naturel, ce fut irrésistible : il fallait faire-demi-tour, marcher à nouveau, récupérer nos maillots de bains dans le coffre de la voiture, puis marcher encore et enfin plonger avec délice.

L’espace étant réduit, j’avais choisi de laisser masque et tuba et de « seulement » nager et « seulement » jouer dans le jacuzzi naturel créé par les vagues.

Parfois « seulement » est un plus intensément satisfaisant.

La journée s’étirait, nous avions la route à faire dans l’autre sens, des cascades et des points de vue à regarder sous un autre angle.

Je n’ai aucune idée de ce que promettent les « organisateurs » sur cette incontournable route touristique. Je sais que ce fut une bien belle journée pour chacun de mes sens.

6 août 2018

Il invite ainsi chacun de nous à creuser en soi pour faire advenir une lucidité qui n’a d’autre objet qu’elle même mais qui a le pouvoir d’éclairer nos pensées et nos actes pour leur donner intelligence.
Pierre Rabhi, dans la préface de Socrate le retour, une pièce de Zarina Khan, Volk Editions, 2007,
ISBN 2-9506-7066-0

Depuis notre retour d’Hana, S. était entièrement préoccupé par l’expectative du long voyage retour qui l’attendait.
Ce lundi matin, en conséquence, c’est l’horaire de son avion à destination d’Honolulu qui imposa le planning.
Il avait décidé de s’offrir une parenthèse dans cette dernière journée à Maui avec une ultime session à la rencontre des tortues.
Hookipa vraiment juste à côté de notre logement ne fut même pas envisagé : nous avions bien assez de temps pour aller sur la côte ensoleillée.
Ah oui, depuis quelques jours, on suivait l’avancée d’un « hurricane  » nommé Hector, lequel,  déclassé en « tropical storm » à l’approche d’Hawaï (Big Island) ne posait absolument aucun soucis à l’aviation civile de Maui. Cependant, il était visible qu’un couvercle gris et pluvieux était à l’approche et nous étions précisément sur la côte la plus grisâtre.

Etait-ce l’heure inhabituellement matinale pour nous qui allions plutôt dans l’eau à partir de midi?
Etait-ce l’orientation des rayons solaires qui ne facilitait pas la vision grand angle?
Toujours est-il que les tortues n’étaient pas au rendez-vous.
Pour S. les vacances hawaïennes se terminaient ainsi.

Je l’ai laissé encore plus tranquille que d’habitude afin qu’il puisse préparer ses bagages.
Nous sommes allés faire quelques courses au supermaket d’Haiku et c’était l’heure pour lui de s’en aller.

Il est parti avec la voiture.

Fin du deuxième acte.

J’étais désormais seule et dans l’immédiat, sans autre moyen de locomotion que mes deux jambes.

Début de l’acte trois.

D’un coup l’espace était en expansion.
L’imprévu pouvait arriver de nulle part et de toute part.
J’étais seule dans le « cottage soleil ».
J’étais seule dans le grand jardin,
Seule dans la cuisine de plein air (la cuisine est commune aux deux cottages lune et soleil).

J’ai ouvert tout grand mon laptop et je me suis connectée au monde que j’avais abandonné depuis plus de quinze jours.
Je n’y ai trouvé aucun intérêt.
J’ai pris possession du grand lit de la mezzanine.
J’ai poussé le petit lit qui prenait de la place dans le salon.
Et j’ai décidé que je prendrai désormais mes repas à l’intérieur.

La nuit est tombée très vite sans que je n’ai la moindre idée de mon programme du lendemain.

7 août 2018

Oui, d’un vol à venir, je forme le présent
En le faisant sortir d’un passé nonchalant
Et voici mon toujours qui débarque à ma plume
Avec ce qu’il y faut de soleil et de brumes
Jules Supervielle, Oublieuse Mémoire (1949) dans La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire, Editions Gallimard, 1987, ISBN 978-20703244-1-5

Je me suis réveillée en pleine forme après quelques heures d’un bon sommeil.
En pleine forme et en sachant ce que j’allais faire de ma journée.

Marcher.
Marcher où aucun touriste ne marche
Marcher à la découverte de la vie des gens

Il fallait surtout que j’expérimente les possibilités locales en matière de marche à pied.
En effet, j’avais une dizaine de jours devant moi dont je ne voulais rien « perdre ».
En effet, des centaines de questions étaient nées au cours des visites des semaines précédentes et j’en attendais au moins autant en réponse.
De fait, je savais qu’il y aurait une décision à prendre rapidement : voiture ou pas voiture ?

Je suis partie le long de la route.
Le bas côté est large et il était facile d’avancer en sécurité sans être frôlée par les voitures.
De surcroit, la plupart des automobilistes roulent tranquillement et en plus, il n’y a pratiquement pas de poids lourds.

Là, j’étais seule, face à moi-même.

Je suis sortie à la première intersection. Depuis le premier jour où nous avions passé cet endroit, j’étais curieuse de savoir ce qu’il y avait « dessous ».
J’ai découvert un nid d’habitations sous la bannière verte sang et or qui décore les « monuments » autochtones. C’était aussi un entassement de vieilles carcasses, des chiens pelés hurlant au bout de leur chaine pour signaler mon passage, des personnes maigres portant des fringues éculées qui écartaient le rideau servant de porte pour « voir » ce qui provoquait un tel chahut.
Jusqu’au bord du bord de l’eau, il y avait une succession de véhicules rouillés transformés en habitations. Certains disposaient même d’un jardinet soigneusement clôturé à leur abord.
Penser que ce lieu précisément est le départ du « maliko run », qu’au fond de cette baie précisément, embarquent ceux dont l’unique préoccupation, les jours de vent, consiste à se faire pousser par les éléments, juchés sur quelques onéreux jouets en carbone dessinait dans mes réflexions un abîme aussi formidable que les falaises du volcan plongeant dans l’océan.

J’ai poursuivi ma quête sous la falaise, passant de pierre en pierre, de bloc en bloc, attentive aux possibles éboulis. Quand il fut impossible d’avancer davantage, je suis restée un bon moment concentrée sur la construction d’un improbable montage de fer et de pierres, bercé par le puissant grondement d’un méchant shore-break : il ne faisait aucun doute que malgré le ciel bleu, une perturbation était au loin, la houle montait.

Après avoir fait le chemin dans l’autre sens, il était temps de viser Hookipa, d’y arriver comme on débarque d’un autre monde, sans voiture, de faire cette expérience là et d’observer alentours guidée par les sens tout à fait particuliers qui apparaissent dans l’éloge de la lenteur.

Etant partie équipée de mon seul appareil photo, je n’avais ni eau ni vivres. En fait,  je n’avais pas prévu de « trainer » aussi longtemps et  il fallait bien constater que je m’étais laissée portée par une joyeuse curiosité. Il fallait donc que je passe à la maison pour étancher la soif qui s’agrandissait et me sustenter un minimum.
ce fut fait.
Et hop, je suis partie de l’autre côté de la route, plongeant dans le premier chemin venu, transgressant l’impressionnante pancarte interdisant le passage.
Là, au milieu des hautes cannes qui chantaient dans le vent, j’imaginai un monde disparu : celui des plantations, des travailleurs harassés, de la coupe. Mes souvenirs d’autres îles sucrières remontaient jusqu’à l’odeur âcre du brûlé qui précède la récolte, jusqu’à la saveur douce du bâton végétal dans lequel on croque.  La découverte d’un cimetière chinois abandonné ne fit que stimuler mon imagination.
Je n’ai pas réussi à atteindre la côte, barrée par de belles propriétés.

Sur le chemin du retour, j’ai visité Haiku, le village le plus proche de mon logement, découvrant l’école tellement ouverte et fermée à la fois.
Sans GPS, sans carte, malgré les routes sinueuses et les croisements silencieux, j’ai retrouvé sans peine la propriété de mes hôtes. Au fond de leur jardin, il n’y avait que paix, calme et douceur.

Après une journée complète de marche, ayant exploré la droite et la gauche, j’ai décidé que je n’avais pas d’autre choix raisonnable que de louer une voiture.
J’ai ouvert le laptop.
Je me laissais encore deux jours d’exploration lente et je réservai pour le vendredi une « petite voiture économique ».