
Et voilà, les journées sont plus fraîches, les dépressions amènent leur lot de pluie et de vent, mon petit cheval n’a plus besoin de son masque anti-mouche mais d’une couverture et il demande chaque jour avec plus d’obstination à rentrer au box dès le début de l’après-midi.
Pourtant la mode est à la vie « sauvage »
Sauvage!
Ce mot est source d’inspiration pour l’imagination, il y a même une eau de toilette (quoi de plus civilisé que l’eau de toilette!!!!) qui est ainsi nommée.
Et l’imagination se repait de l’image du cheval sauvage.
Pourtant la domestication de l’animal est ancienne et les spécialistes s’accordent pour dire que sans la domestication le groupe/clade « cheval vrai » dont est issu notre cheval contemporain aurait probablement disparu comme ont disparu tous les autres groupes et sous-ensemble d’équidés ancestraux sous la pression du climat, donc de la modification de leur environnement et des prédateurs.
Si quelques chevaux ont repris leur liberté, cultivant le mythe d’un « cheval sauvage », il n’en demeure pas moins qu’ils ont été un jour domestiqués, donc sélectionnés, et qu »ils vivent désormais sous le regard (et la gestion) des humains dans des espaces parfois très limités.
Pourtant la mode en matière d’hébergement, de détention, d’alimentation repose sur une soi-disant observation de la vie sauvage.
Comme lorsque le même raisonnement est appliqué à l’humain afin de construire des concepts de meilleure santé par exemple, les réflexions paradoxales se ramassent à la pelle et je vais éviter d’en faire la liste afin de maintenir le billet dans son cadre.
Toujours est-il que les propositions, toute plus prometteuses les unes que les autres abondent comme autant de miroirs aux alouettes. Si nos chevaux d’aujourd’hui, souvent devenus « animaux de compagnie », ont des besoins propres à leur évolution génétique et épigénétique, la vie sauvage d’il y a 5000 ans, une vie sauvage qui de surcroit nous est presque totalement inconnue, ne devrait même pas être brandie.
Mon p’tit pur sang par exemple, de « bonnes origines » donc porteur dès sa naissance de grands espoirs fut beaucoup bichonné, à la manière des chevaux de course. Il a vécu en box bien paillé, fut nourri comme un athlète en devenir et sorti chaque jour seulement pour son entrainement ou un p’tit bol d’air dans un bac à sable. A l’image de certains enfants, il n’a pas connu grand chose de l’intransigeance de la « nature sauvage ».
Qui serai-je pour l’obliger à vivre soudainement dans la boue ?
Par quel magie pourrais-je obliger son poil si fin à pousser comme celui d’un cheval plus rustique?
Comment pourrait-il accepter sans bouger que les mouches envahissent sa face, lui qui par ailleurs se plie avec bonhomie aux piqûres du vétérinaire, à la rape du dentiste, au parage du maréchal comme tout « gamin bien élevé » dans le confort de notre monde moderne.
Mon p’tit cheval n’a aucun concept, aucun avis au sujet d’une « vie sauvage » de cinéma, pas plus au sujet d’une vie en captivité. Si je lui parle de mode, il se contente de baisser la tête et de manger, à moins que je ne l’aie attaché dans la salle de pansage, dans ce cas je peux assurer qu’il ne lève pas une oreille.
En toutes choses, il fut soumis aux désirs de son précédent propriétaire, il demeure soumis à mes exigences sans jamais juger ni préjuger de rien. Il a même été castré ; malgré mon imagination fertile, je ne vois aucun groupe d’animaux vraiment sauvages prendre la décision d’appeler un vétérinaire pour éliminer les attributs d’un petit mâle trop turbulent.
Mon p’tit cheval est dans l’instant présent.
Il s’exprime dans l’instant présent.
Dans son instant présent.
Je comprends très bien la nécessité des modes, elles facilitent la consommation, donc le commerce ; elles vont et elles viennent et il faut bien des influenceurs pour les « lancer » efficacement avant qu’elles ne « retombent » pour laisser la place aux suivantes. C’est une aventure humaine.
100% humaine.
Personnellement, bien que sensible à l’air du temps comme tout un chacun, je préfère suivre ma propre mode, celle qui consiste à m’adapter en respectant mes convictions sans sombrer pour autant.
Je fais des choix.
Donc, je renonce.
J’ai tant appris de la vie, de mes randonnées solitaires où parfois avoir une carte bancaire était totalement non-utile.
J’ai appris, en particulier, que pour vivre sereinement, il vaut mieux n’avoir aucune chapelle, c’est beaucoup plus facile pour s’adapter facilement.
Je voulais pas devenir à nouveau propriétaire d’un cheval, je suis à nouveau propriétaire.
Je voulais pas que mon cheval vive en box, un abri pouvait lui suffire et j’ai un cheval qui aime son box.
Je voulais pas de cheval gris et le p’tit pur sang tout gris m’a fait de l’oeil.
Et voilà que je viens de décrire ma capacité d’adaptation sur le mode « nantie », bien loin du soucis de m’adapter pour trouver de quoi manger en quantité suffisante dans la jungle, ou pour dormir sereinement à l’abri des animaux vraiment sauvages, ou pour boire de l’eau non-croupie!
Clairement, pas plus que mon p’tit cheval je ne serai capable de survivre, ni en bon état, ni bien longtemps, lâchée « en liberté » dans la « nature ».
Synthèse de la dissertation du jour, sur le thème « Nature, Culture »: en fin de compte, l’Homme est culturel, de part en part…
Merci pour ce billet ! C’est toujours un plaisir de te suivre dans tes remarques et réflexions.