Mon cheval et l’effet placebo


Dans la droite ligne qui suit l’article au sujet de la crédulité, je me devais d’aborder le rapport de mon cheval à l’effet placebo.

J’ai tenté de lui en parler, il a eu la même tête que celle qu’il a pris devant le ballon de foot dégonflé abandonné par son copain « C’est quoi ce truc? C’est pas dangereux? Ok, ben je vais manger alors, je vois de l’herbe bien verte par là » et il a commencé à manger sans m’en raconter davantage.

Si, chez l’humain, l’effet thérapeutique du placebo est bien connu, reposant sur de multiples publications amassées depuis des années, au point d’être désormais ouvertement utilisé dans les meilleurs hôpitaux, c’est un peu différent chez l’animal.
Néanmoins, de nombreux propriétaires peuvent témoigner de l’efficacité des médecines alternatives sur leurs chouchous.
Car il faut bien le constater les propriétaires, ont toujours peur d’en faire pas assez pour le bien-être de leur cheval et ils multiplient facilement les visites d’experts en effets placebo.

Je l’ai affirmé dans cet article, mes croyances sont quasi nulles, je pourrais même ajouter que je prends soin de balayer chaque matin toute croyance qui aurait pu germer insidieusement afin de m’en débarrasser illico.
Pourtant j’ai toujours transporté dans mon sac professionnel un paquet d’aiguilles d’acupuncture, des tubes de granules blanches, des flacons mystérieux, tout en étant bien au fait du seul pouvoir de mes mains nues. Ma « pharmacie » familiale contient aussi pas mal de poudres de perlimpipin.
Alors pourquoi cet article ?

Bon. Sans illusions, je sais qu’il ne sert à rien et en plus, même lorsque je fus très sollicitée, jamais le complexe du sauveur ne fut mien. Je suis pleinement consciente de mon impuissance. Dans mon agenda, des années durant la phrase suivante ouvrait le bal :
« Aujourd’hui l’homme est encore
Trop faible
Pour supporter sa faiblesse
Il doit devenir fort
Pour s’accepter vulnérable »

Jean-yves Leloup, Déserts, Le Fennec Editeur, 1994


Alors, disons que je connais suffisamment et depuis assez longtemps la puissance de l’effet placebo pour l’utiliser à bon escient dans les circonstances où je sais pouvoir compter sur lui.

Mais, qu’en est-il pour mon p’tit Prodi?
D’abord quand il est en pleine forme, je le vois et il a sûrement besoin de rien.
Ensuite il sait exprimer la moindre tracasserie et d’autant mieux que c’est un p’tit pur sang à la sensibilité à fleur de sa peau très fine. Il m’appartient d’essayer de comprendre. Parfois c’est de ma faute et il suffit que je corrige mes « bétises », comme je l’ai relaté ici.
Ensuite plus loin, j’ai un peu d’expérience et je me sens tout à fait capable de faire un examen physique à la recherche de signes expliquant le symptôme exprimé.
J’ai appris chez les humains qu’il est généralement urgent d’envisager des choses simples avant d’envisager les scenarii catastrophes et je l’ai appris encore mieux que dans les livres en voyageant dans des contrées où n’existe pas notre médecine et où les réelles pathologies s’exhibent dans des tableaux qui ne laissent aucun doute planer.
Sur la toile le sujet est assez peu évoqué. J’ai cependant trouvé quelques articles qui me plaisent sur ce site en particulier. Et j’ai bien conscience que « ça » peut ne pas plaire à tout le monde!

Le mystère du placebo est immense. Un bouquin avait abordé ce mystère, mais avec l’évolution de la technologie, l’invasion des écrans et la rédaction des prescriptions par les machines, le discours est désormais daté.
Le mystère du placebo, Patrick Lemoine, Edition Odile Jacob, 1996

En fait je comprends le dédain, de mon p’tit cheval quand je lui demande ce qu’il pense de ce mot. Une fois tout risque de danger immédiat écarté, il s’en moque.
C’est que lui, l’animal, le sacré animal ne demande rien.
Qu’il se cogne, que son voisin lui arrache un petit bout de peau, qu’il boitille, qu’il tousse parfois, que son crottin soit un peu mou, il s’en moque.
C’est moi qui l’examine chaque jour sous toutes les coutures et qui décide s’il va bien ou non.
C’est moi.
Moi seule.
Et c’est mon imagination qui bosse à travers cet anthropomorphisme dont il est si difficile de se détacher.
Mon jugement au sujet de la gravité d’un symptôme m’appartient.
Le traitement pour y « remédier » aussi, d’ailleurs, c’est moi qui vais éventuellement contacter un professionnel ou un expert et qui vais ouvrir les cordons de ma bourse.
Mon cheval est insolvable, lui!
Il est tout entier sous ma tutelle.
De fait, aucun biais cognitif ne peut s’emparer de lui en lui suggérant que parce qu’il a payé fort cher, il va bientôt guérir et ce d’autant moins qu’il ne se voit pas « malade »!
L’effet placebo, s’il s’exerce ne peut s’exercer que sur le propriétaire du cheval.
Les dernières études en éthologie suggèrent que le cheval est sensible aux émotions, il est donc possible d’imaginer qu’il est plus serein à côté d’une personne sereine et qu’en conséquence il est important de prendre soin du mental d’un cheval en prenant soin de celui de son propriétaire, donc en proposant un placebo qui fait sens pour ce propriétaire là.

Est-il utile d’ajouter qu’en cas de gros accident ou de maladie cataclysmique, dans nos contrées nanties, « tout le monde » va naturellement penser à contacter un vétérinaire de qualité et accepter les chirurgies de pointe et les drogues les plus dures… dans la mesure de ses moyens financiers, évidemment.


4 réflexions sur « Mon cheval et l’effet placebo »

  1. Frédérique

    Je n’ai jamais adhéré au père Noël ou la petite souris pour les enfants : comment leur expliquer que le mensonge est proscrit pour les enfants si un adulte se le permet ? L’inconvénient est qu’ils se sont trouvés en décalage par rapport aux autres enfants mais bon, je crois qu’ils n’en sont pas traumatisés

    Pourquoi propager des fake news sans vérifier au préalable ? Mais parce que vérifier c’est long et fatigant, pourquoi se donner cette peine ? C’est vrai à l’heure d’Internet mais c’était vrai déjà avant. Vérifier demande un effort et c’est tellement plus simple d’absorber sans effort. C’est humain. Bien sûr, sachant notre tendance au moindre effort, l’idéal serait qu’en cas de flemme de vérification, on s’abstient de propager de fausses rumeurs mais bon…

    Quant à l’effet placebo, quel humour de l’univers… un ou deux jours après la lecture de cet article, mon jeune chat revient d’une nuit à la belle étoile avec une belle entaille à la patte. Propre, nette, profonde et hémorragique. Je m’en suis aperçue bien après qu’il ait pris son petit déjeuner, alors qu’il se calait sur mes cuisses pour le câlin matinal. Manifestement il ne se sentait pas plus blessé que ça. C’est bien moi qui ai commencé à m’inquiéter du saignement et de la profondeur de la plaie et c’est bien moi qui ai appelé le véto. Mais c’est lui qui a subi l’anesthésie, les points de suture et l’abominable collerette, ainsi que l’assignation à résidence le temps de la cicatrisation. Tout ceci sans que je ne puisse lui expliquer le pourquoi du comment. Est-ce que la certitude que j’avais d’avoir pris la bonne décision de la consultation vétérinaire a influé sur lui ? Aucune idée. J’espère juste qu’il aura mémorisé l’endroit où il s’est blessé de façon à ne plus y retourner !

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Mes enfants aussi ont grandi sans autres certitudes que parfois arrivent des surprises. Accueillir une surprise est source d’émotions, pas besoin d’en rajouter en racontant n’importe quoi!

      Vérifier les sources nécessite une certaine éducation, croire exige une certaine soumission et de la soumission à la rébellion il n’y a qu’un pas. C’est vraiment intéressant à observer car c’est d’actualité 😉

      Et… j’espère que ton chat va bien supporter les contraintes de sa convalescence. Nous sommes responsables de nos animaux de compagnie, comme nous le sommes des personnes que nous aimons et qui dépendent de nous et nous faisons toujours ce qui nous parait être « le mieux ». C’est parfois difficile de décider de ce « mieux » mais une fois la décisions prise (tout choix est un renoncement) il faut l’embrasser entièrement : rien de ce qui est efficace n’est dépourvu d’effets secondaires 😉

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  2. Sophie

    Ah les praticiens… Aujourd’hui tout le monde peut se dire expert et les gens y croient.
    Certains titres sont extrêmement protégés à ce qu’on dit…. Pourtant il apparaît clair que n’importe qui peut approcher ces titres sans les avoir obtenus en se déclarant expert…
    Et tant que les gens y croient, le marché est juteux même si dangereux parfois.
    J’ai lu que des personnes proposaient parce qu’elles ont un don, de communiquer avec un animal pour lui demander par exemple s’il a mal, de quoi il a besoin ou lui passer un message…. Et tout ça pour très cher.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Oui.
      Ah les histoires de croyances!
      http://www.passagedevies.com/2024/08/de-la-credulite/
      Elles sont vieilles comme la nuit des temps, à se demander quelle importance elles ont dans la constitution de notre vie psychique.
      Remarquablement les diverses religions n’ont eu de cesse de proclamer que ce sont elles seules qui détiennent la vérité. Les Livres sont remplis d’histoires de ces « incroyants » qu’il fallait convertir afin que « tout le monde » marche sur le même chemin.
      D’ici à faire une comparaison avec la médecine ou avec la politique, il n’y a qu’un pas…
      C’est assez passionnant à étudier. 😉

      Remarquablement, les parents adorent « faire croire » à leurs jeunes enfants. Du père-noël à la petite souris en marche vers la désillusion de leur non-réalité, ça m’a toujours posé question ces « histoires innocentes ».
      Ont-elle un lien avec la capacité persistante à croire en n’importe quoi ?
      Quand je constate le nombre de personnes qui d’un clic propagent les fake-news sans jamais chercher à remonter à la source, je me sens souvent seule.
      Peut-être que « croire » est confortable ? Peut-être que « ça » ramène les individus à leur enfance où ils étaient dépendants et confortables en l’étant ?
      Ce sont des questions qui se posent certainement dans ta spécialité, non ?

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