Mon cheval ne me croit pas du tout.
Certes, il est plutôt obéissant mais c’est à la fois le résultat d’une âpre sélection génétique menée en faveur de sa domestication – cf (1) ) – et d’un patient conditionnement à la soumission opéré dès son sevrage par les éleveurs, les éducateurs puis les cavaliers.
Mon cheval vit l’instant présent et l’interprète selon son propre mode de raisonnement.
Il peut être sensible à l’attitude de ses congénères, mais de nature zen, il est capable de considérer très rapidement la situation afin d’adapter son comportement. Loin de lui l’idée de crier au feu s’il ne sent pas le feu, loin de lui l’idée de fuir devant des fantômes imaginaires.
Mon cheval vit à l’écart des réseaux sociaux et s’il est capable d’anticiper une routine bien connue, il est pour autant dénué de la moindre imagination, incapable de fomenter la moindre théorie.
En sa compagnie, je respire et je vis minute après minute, suivant son exemple.
Pourtant,
Pourtant, le plus grand nombre des propriétaires de chevaux de loisir que je croise, eux, sont extrêmement crédules.
Ils sont parfois prêts à croire n’importe quoi et n’importe qui.
Ils sont prêt à avaler des couleuvres, ils sont attirés par des miroirs aux alouettes de toutes sortes et c’est généralement dans l’unique but de pouvoir atteindre (plus vite si possible) des objectifs tout à fait humains et de fait contradictoires. Parce que, par exemple, favoriser le bien-être de leur animal préféré et viser des objectifs compétitifs – cf (2) – pour leur plaisir à eux est évidemment quasi incompatible stricto sensu.
En temps qu’humains, nous sommes ainsi, cherchant l’équilibre entre nos paradoxes. Animaux pensants, nous sommes soumis à des instincts du fond des âges et nous avons besoin de les légitimer puis d’imposer nos lois, de créer nos chapelles pour caresser notre égo humain. (L’égo humain étant une construction psychologique complexe, influencée par la culture, qui émerge des caractéristiques uniques du cerveau humain et de son architecture cognitive particulière)
Les chevaux cherchent surtout a être en paix, respirer, boire, manger et se mouvoir librement suffit à leur bonheur.
Et la crédulité, et les croyances alors?
Pour éviter de partir dans tous les sens, je vais prendre pour exemple celles qui sont associées à l’injonction « bien-être ».
La notion de « bien-être » est politique en premier. Avec les acquis sociaux et l’évolution de nos sociétés nanties, elle s’élargit actuellement jusqu’à atteindre le monde animal en entier (animaux domestiques et animaux sauvages, animaux d’élevage, animaux de rente, animaux des villes et des champs dans le même sac tant qu’ils sont « mignons » et qu’ils ne nous piquent ni ne nous mordent auquel cas, ils deviennent « nuisibles »)
Ce bien-être politique, de part l’injonction qui lui est liée, peut être perçu comme un syndrome à part entière avec de sacrés effets délétères, certaines personnes se sentant coupables (quand elles ne sont pas culpabilisées par des « bien-pensants ») de se « sentir mal ».
Comme c’est le cas chaque fois que l’affaire est tellement complexe qu’elle en devient inconfortable à penser pour un bon nombre de personnes, des « grangurus » – cf (3) – sont là pour tout simplifier, donc devenir « rassurants » et emballer vite fait bien fait leurs « clients » crédules.
Je reviens à nos chers chevaux.
Je suis effarée lorsque je lis les annonces destinées à vendre des chevaux communs et que je lis « ostéo OK » et parfois « shiatsu OK » et bientôt « horoscope favorable » pourquoi pas?
Qu’est-ce que ça signifie ?
Ces chevaux n’ont pas subit d’examen vétérinaire assurant qu’ils sont exempts de tares et de maladies, mais des « professionnels » les ont examiné et ont affirmé « tout va bien ». C’est à dire que par la seule imposition des mains, ils auraient les mêmes pouvoirs que toute l’imagerie médicale réunie avec toutes les analyses biologiques scientifiquement connues ! C’est à se demander pour quelle raisons des humains se sont cassé la tête à inventer ces techniques, à les mettre au point et à les « métanalyser » afin de les étayer statistiquement. Franchement ce que les « anciens » nous ont appris au sujet de la lecture dans le marc de café, dans les tripes de poulet et autres « techniques » de prédiction antiques, moyen-âgeuses et pré-pasteuriennes seraient largement suffisant, il suffirait d’y croire.
Je suis stupéfiée en ouvrant chaque matin les réseaux sociaux quand je vois défiler les « experts » qui vendent leurs méthodes infaillibles pour réussir avec nos chevaux en 10 leçons… ou beaucoup plus mais c’est beaucoup plus cher.
J’ai souvent ouvert la discussion avec certains et j’ai toujours reçu en retour des réflexions remarquables. Remarquables par la similitude de leurs constructions : elles partent d’une affirmation scientifiquement connue pour aboutir à un cloaque où se mélangent les concepts copiés/collés sans autre source que les réseaux sociaux. Des concepts, des représentations, des abstractions souvent basées sur un fort anthropomorphisme et il suffit de croire pour se retrouver piégé. Car les réseaux sociaux sont ainsi faits qu’il suffit de cliquer sur un lien pour en recevoir des dizaines de semblables, pour se retrouver envahi par « tout le monde » qui parle de la mème chose, avec le même langage, ce qui prouve « évidemment » que c’est la « vérité » à quiconque est un tantinet crédule. Et au premier abord il n’y aurait rien à vendre, ce serait juste de l’information bénévole, c’est doublement piégeux pour les personnes qui lisent plus vite que leur ombre en s’empressant de partager « la bonne nouvelle », contaminant de fait ceux qui leur font confiance.
Curieuse de nature et disposant d’un temps libre suffisant, je m’amuse à lire ces « experts » en tous genres afin de mieux comprendre le monde qui vibre autour du mien. Leurs certitudes sont incroyables ! Clairement je suis pas croyante, mes besoins sont autres.
Pour ma part, l’unique « truc » super important à faire de manière urgente consiste à demander au réseau social de masquer définitivement la publication une fois lue. Pendant quelques jours je n’ai plus que des vendeurs de clémentines bio ou de shampooing sec qui émergent et puis, parce que j’ai cliqué chez « googlemonami » un mot clé ou un autre autour de « cheval » les propositions reviennent au galop!
A suivre…
(1) : « ZFPM1 is essential for the development of dorsal raphe serotonergic neurons involved in mood regulation31 and aggressive behaviour32. ZFPM1 inactivation in mice causes anxiety disorders and contextual fear memory31. » in The origins and spread of domestic horses from the Western Eurasian steppes.
(2) Compétitif : la compétition est partout. Souhaiter faire un long galop sur la plage peut être compétitif pour un cheval qui passe 14 jours/15 jours au pré, tourner à la manière western autour des tonneaux est compétitif, imposer une course d’endurance est compétitif, proposer un spectacle meilleur que celui du concurrent est compétitif, etc… En ce moment seules les disciplines olympiques font le buzz, c’est dire combien nombreuses sont les personnes qui portent des oeillères sans en avoir conscience.
(3) Si le « guru » est à l’origine un maitre indien, il se décline désormais de « granguru » à p’titguru ».
Le « granguru » peut venir d’Australie comme son nom l’indique mais il est plus largement anglo-saxon et adore organiser des grand-messes pour rassembler les membres de sa secte.
Le p’titguru » contrairement à ce qu’on pourrait penser n’est pas le fils du « granguru » mais un dérivé plus européen. Grâces aux réseaux sociaux, il aspire a devenir célèbre, convaincu qu’il est de détenir la vérité vraie et de devoir la propager, porté par le bien connu « complexe du sauveur« .
Ces personnes sont à distinguer des véritables enseignants qui proposent leur services tant sur le terrain qu’en ligne avec humilité et passion.
Mais quelle entrée en matière ! Quelle première phrase choc ! J’adore !
À nouveau j’ai l’impression d’entendre tes paroles. Je pensais avoir mesuré la richesse de ces moments passés avec toi, mais je n’avais pas tout !
Tu l’as souvent dit, FB est une fenêtre sur le monde qui nous entoure. Fenêtre ou miroir ? Peut-être quelques suggestions pour éviter les résultats des algorithmes : passer en navigation privée et refuser les fameux cookies. Hélas cela n’évitera pas la publicité car cela fait partie du modèle nous a expliqué FB, et ce afin que nous puissions continuer d’en profiter gratuitement. Je tairai mon opinion sur le sujet.
Moi aussi des fois j’ai envie de croire. De croire des choses extraordinaires, qui défient l’imagination ou la logique. J’ai envie de croire en la magie. Parfois sur une page avec un texte bien tourné, j’ai envie d’y croire. Vraiment. Mais dès lors qu’on se met à gratter un peu, le château de sable s’effondre : soit par manque de références, soit quand on prend le temps de lire les références (je lis l’anglais, c’est un jeu auquel je peux jouer facilement) et là, quelles surprises ! La référence n’étaie rien du tout.
J’avoue qu’à ces moments là je suis profondément déçue car j’aurais réellement préféré que la magie soit vraie. Un jour peut-être ? C’est quand même difficile de rester terre à terre et aspirer à la magie ! Tu parlais de trouver l’équilibre entre les paradoxes ou les contradictions
Quel plaisir que celui de te lire ici et si vite.
J’aurais tant à dire au sujet de la « magie » qu’il faudrait en premier commencer par définir, par situer aussi 😉
J’ai la certitude (rare ce sentiment de certitude chez moi), j’ai la certitude, donc, que nous évoluons dans un monde multidimensionnel sans commencement ni fin, un monde qui passe par l’horizontale (le côté terre à terre) pour s’envoler sur une verticale et ceci dans tous les plans, c’est dire qu’il est complexe notre monde. je souligne ce mot « complexe » que j’use beaucoup parce qu’étymologiquement, il parle de ce qui « est tissé ensemble » et que ça me parle.
Bref.
Peut-être qu’en raison de mon absence de croyances, la magie me semble hors de toute réalité. Je me contente donc de la fascination qu’exerce sur moi la multitude de ces « petits rien » qui existent en vrai et qui tiennent du merveilleux, qui me font vibrer en profondeur, qui m’émotionnent tellement intensément. Le simple fait de vivre est extraordinaire, en fait.
Ca me fait rire ton expérience de « référence qui n’étaie rien du tout » c’est du quotidien pour moi et sur des sujets qui se voudraient sérieux en plus, j’ai des exemples à la pelle et ils se multiplient lorsqu’il s’agit de citer des sources « pompeuses » interprétées à contresens grâce… à la traduction automatiques!!!!