A la recherche des Sabots de Vénus

Parmi les orchidées sauvages de France métropolitaine, il en est une fort spectaculaire qui toujours figurait sur les rares pages couleurs des dictionnaires de mon enfance.

Dans le « Larousse Universel » en deux volumes (daté de 1922) qui trônait chez mes grands-parents l’espèce est nommée « cypripède » et ainsi décrite : « Genre d’orchidées comprenant une vingtaine d’espèces dans les régions chaudes et tempérées. (Les cypripèdes doivent leur nom scientifique comme leur nom vulgaire (sabot de Vénus) à la forme de leur fleur.) »

Des « sabots de Vénus », il est facile d’en trouver dans les jardineries au rayon des plantes exotiques, leur forme est suffisamment originale pour attirer les regards et se vendre plus cher que la plupart des vulgaires orchidées de supermarché.
Dans la nature, c’est une autre histoire.
En France, le Cypripedium calceolus, victime de la cueillette intensive et des nombreux essais de transplantation, ne subsiste que dans de rares zones. Il est strictement protégé.

En 2022, j’avais décidé qu’il était temps de faire sa connaissance en live.

Et finalement, je suis partie dans les Pyrénées… espagnoles, simplement parce que la distance kilométrique à parcourir en voiture pour m’y rendre était moindre que celle qui était à parcourir pour aller dans le » far-east ».
Il restait à les trouver.
J’avais des pistes. Et surtout, à la date précise où j’avais prévu d’y aller, j’avais bien noté le message suivant : « Mis compañeros me dicen que C. calceolus en Huesca está en plena floración, vas a tener éxito, de buen seguro. No dejes de buscar otras especies, por todo el valle hay muchas, pero muchas. »  J’étais donc certaine de faire des rencontres en allant « là-bas ».
Je me suis offert un détour, une pause-pique-nique sur un site à orchidées dans le département de la Dordogne et c’est tout tranquillement que je suis arrivée en fin d’après-midi au premier endroit conseillé pour « voir » les « zapatilla de Venus ».
A cet endroit précis, un garde est stationné pendant le mois de floraison, c’est dire à quel point la fleur est précieuse.
Quelle ne fut pas ma déception !
Alors que j’arrivais guillerette à l’idée de toucher au but, je suivais le gardien en m’attendant à devoir grimper un peu et… ce fut inutile, les fleurs étaient là, juste au bord de la route, offertes à tous les regards, si faciles d’accès qu’il était même questionnant d’avoir besoin d’un « guide » pour les approcher!
J’ai eu l’impression d’être au musée ou un truc comme ça. Il y a eu une déception, comme si quelque chose ne collait pas avec mon aventure « à la recherche d’orchidées sauvages ». Celles-ci étaient sauvages, certainement, mais étant à la fois gardées et en bord de route nationale, dans l’instant de la rencontre quelque chose clochait trop pour que je sois vraiment ravie.
Que signifie protéger?
J’ai déjà posé la question et clairement il y a dans cette histoire de protection un truc qui me touche et m’interroge à la fois.

Heureusement, j’avais un bon paquet d’autres fleurs à découvrir et surtout surtout j’avais un endroit « secret » dans ma liste, un endroit où trouver, avec un peu de chance, les fameux sabots de Venus.

Deux jours plus tard, un peu après l’aube et à l’issu d’une minuscule route de montagne infiniment tortueuse, je me suis garée sur le parking bondé d’un parc naturel. Riche de l’expérience de l’avant veille, j’ai eu des sueurs froides en voyant des flots de visiteurs se lancer sur les différents sentiers à cette heure très matinale. Qu’allais-je donc trouver?

Passés les premiers hectomètres, chacun ayant choisit sa voie du jour, parfois en coupant à travers bois pour changer de route, passé ces premiers hectomètres, attirés par leurs objectifs, les marcheurs restaient sur les sentiers fléchés.
Pour ma part, attirée par « mon » objectif, je suis sortie du droit chemin, j’ai plongé dans les bois. Sans égard pour les branches trop basses qui frôlaient mon visage ou accrochaient mon sac à dos, j’avançais. Le chant du torrent guidait mes pas, il fallait que je trouve une éclaircie « par là-bas ».

Sans humain à l’horizon, plongée dans la symphonie de la forêt, j’ai enfin atteint une zone moins dense où j’ai pu marcher tête haute.
Et puis au pied d’un arbre, j’en ai vu une , une fleur caractéristique du sabot de Venus.
Encore dégoulinante de la pluie nocturne, elle se présentait à mon regard.
Et, enfin nous nous faisions face, seule à seule, entre le torrent tonitruant et la forêt caressée par la brise.

Ce fut l’instant auquel j’avais rêvé.

Enfin.

Tranquille, apaisée, j’ai pu poursuivre la journée en randonnant sur un sentier fléché.
Les jours qui suivirent m’ont offert un bon nombre de rencontres avec des orchidées sauvages parfois déjà connues et parfois nouvelles à mes yeux.

L’été et la fin de la saison des orchidées sauvages pouvait arriver.



5 réflexions sur « A la recherche des Sabots de Vénus »

  1. CHEILLAN Hugues

    Merci Joëlle pour cette randonnée virtuelle qui me rappelle plein de souvenirs. C’est vrai que la « recherche » de Sabots de Vénus dans la zone de Huesca se fait sans risque et est fortement encadrée. Je pense que sans les gardes il n’y en aurait plus depuis belle lurette … mais cela manque un peu beaucoup d’imprévu. Ton exploration pour le second site a dû être beaucoup plus motivante ,. De toute façon, elle l’a été pour moi. Au fait, et sans aller dans le far-east, il y a une population de nos zapatillas plus près, dans le Tarn. Si tu décides d’y aller sans « ange gardien », cela conviendra mieux à ton indépendance.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Merci Hugues pour ce retour et oui, dans le Tarn! Une idée de balade pour la prochaine saison, en effet, même si le nombre d’espèces à rencontrer est moindre que dans les alentours d’Huesca 😉

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  2. Blandine

    waouh quelle chance d’en voir « en vrai » !

    sur un groupe fb d’orchidophiles, un membre poste des photos d’un « buisson » de sabots de vénus sauvages. L’endroit n’est pas mentionné délibéremment, mais c’est dans un coin montagneux et reculé. Il nous fait rêver ….

    Merci Joelle,!

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    1. Joelle Auteur de l’article

      « Il nous fait rêver » écris-tu.
      Voilà qui me fait sourire.
      Arrivée à aujourd’hui et regardant la vie déjà passée je ne peux, de mon côté, que constater la réalisation de ce qui me semblait important.
      Ardemment et toujours en solitaire! 😉
      C’est peut-être ce qui fait que je suis incapable de répondre à la question qui demande : quel serait ton rêve?
      Ca vaudrait sûrement un p’tit billet cette histoire de « rêve » 😉

      Et oui il y a des regroupements de « sabots de Vénus » sauvages, j’en ai croisé aussi… mais je me sens plus à l’aise devant un seul individu, c’est un de mes défauts dans la vie courante! 😀

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      1. Blandine

        Pour les personnes oui je me sens plus à l’aise devant un individu.

        Les fleurs, les végétaux non 😀

        Je regarde, je frôle, je respire les plantes…

        Sais tu qu’une fleur en attente de pollinisateur va rester totalement indifférente au bzzz bzzz d’un quelconque insecte, mais secréter jusque 20% de nectar en plus si elle perçoit les vibrations du bzzz bzzz de son pollinisateur.

        Fascinante nature.
        Fascinants échanges entre deux règnes (animal, végétal), fascinante collaboration …

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