En voyant cette image, je fais un bond de trente ans en arrière.
A la maison, nous avions un ordinateur portable qui pesait aussi lourd que plusieurs noix de cocos fraiches. Il était cependant plus facile à attraper que celles qui étaient en haut du palmier qui habitait notre jardin de l’époque.
Sur écran noir, il affichait des caractères oranges et les enfants jouaient à « tetris » chacun leur tour lorsque nous leur laissions approcher ce nouveau « compagnon de boulot ».
Evidemment, il n’y avait pas de connexion, avec aucun réseau, sinon au bureau.
Le « www » était officiellement proclamé à la fin de 1990 mais pas vraiment accessible au commun des mortels!
Les salariés bossaient officiellement 40 heures par semaine. Le smic horaire s’élevait à 29,91 francs soit l’équivalent de 4,56 euros et le RSA n’avait pas encore été inventé.
Cerise sur le gâteau de ce temps lointain perdu dans un siècle achevé, nous n’imaginions pas un instant pouvoir un jour tapoter sur le clavier d’un « ordinateur » plus petit et moins lourd qu’un carnet d’adresse pour sac à main de jeune fille.
A quoi rêvions nous?
Certainement ni à la « retraite » ni à celle de nos enfants.
Un copain nous avait gentiment fait remarqué que nous avions prénommé Brice avec le même prénom qu’un écologiste réputé et nous lui avions fait remarquer que son fils s’appelait François. Personne n’aurait pu parier que Jacques, Nicolas, encore François puis Emmanuel laisseraient leur empreinte dans l’illustre série, ni que les verts se multiplieraient dans tous les sens et sur tous les bords d’un monde consommant à tout va.
C’est que s’il est commun de tirer des plans sur la comète, l’avenir est absolument inconnu.
Quand j’entends roder la rumeur au sujet de l’inconnu à venir, quand je vois des banderoles s’insurgeant au sujet de plans prévus pour dans trente ans, comment ne pas m’interroger ?
Il y a trente printemps de ça, j’ignorais absolument tout de ce que sont aujourd’hui mes enfants, comme j’ignore tout aujourd’hui de ce que nous serons demain, de notre environnement, du régime politique, de l’état des lieux qui nous sont familiers.
La vie n’existe que concomitante avec le changement et le mouvement.
Je me demande fréquemment quel élan morbide pousse tant de personnes à souhaiter que « rien ne change ».
Je me pose tout aussi fréquemment une question au sujet de l’illusion dans la quelle vivent tant de personnes qui déclarent avoir le pouvoir de « tout changer ».
Nous avons tous peur du changement et de l’inconnu. L’avenir est par définition changeant et inconnu, pas sous contrôle, donc ça fait forcément peur.
« Je me demande fréquemment quel élan morbide pousse tant de personnes à souhaiter que « rien ne change » » : je peux tenter une réponse ? Peut-être parce que nous avons pris l’habitude d’être accaparés par nos pensées toujours tournées vers ailleurs que le présent.
C’est marrant et assez paradoxal d’ailleurs : l’être humain a peur du changement, pourtant le présent est là et sans surprises, puisque c’est le présent… et malgré tout, l’être humain pense souvent à l’avenir (ce qui le met dans un état d’anxiété et d’appréhension). Certes, demain se construit aujourd’hui… il faut juste bien construire le présent.
Ahhhhhh, le « présent »!
Qu’est-ce que « le présent »? Le futur du passé ? Le passé du futur?
J’aime regarder l’eau s’écouler, bouger, s’élever, s’effondrer sous le vent, dévaler, escalader les rochers et je peux imaginer d’où elle vient et je peux imaginer où elle va mais sans jamais pouvoir saisir une particule de présent immobile.
C’est compliqué le présent… pourtant ça se conjugue vraiment facilement! 😉
Absolument ! Impossible de saisir une particule de présent immobile 😀 Tout est mouvant, tellement mouvant que j’en douterais presque qu’il y ait un présent. Chaque microseconde qui s’écoule est passée et celle qui vient n’est pas encore, et j’aurais beau fractionner encore plus loin que cela resterait absolument pareil. C’est fantastique et totalement vertigineux ! A tel point que le futur me paraît moins mouvant que le présent 😀
Et du coup… souhaiter que rien ne change est tout aussi illusoire que souhaiter tout contrôler.