Les fleurs coupées (bis)

Il faut le dire, je reçois moins de bouquets, donc je suis moins souvent soumise aux pensées contradictoires qui m’entrainent dans des abysses perplexes.

En tapotant dans le moteur de recherche de ce site, j’ai sorti en quelques secondes la version de 2018 au sujet des fleurs coupées et j’en ai profité pour, à l’instar de ce que fait si « bien » FB remonter quelques souvenirs en sautant de liens en liens.

C’est que les fleurs, illustrent joliment les « avancées » de notre société.
J’avais commencé la journée en écoutant les propos, merveilleusement biaisés, d’un insoumis démagogue venu parler du bonheur avec l’intelligence qui est la sienne quand il s’agit d’arroser le plus largement possible pour favoriser l’épanouissement médiatique de ses propos.

Puis, venait l’heure du passage obligé au « supermarché ».
Là, en tête de gondole, des dizaines de bouquets attendaient les acheteurs.
Affublés d’un sticker fluo, ils se vendaient à « moitié prix » du prix que sont prêts à payer les passants d’un supermarché entre le fromage et les légumes dont ils ont besoin pour se nourrir.

Mon premier regard fut presque dédaigneux, de ce dédain qui nous pousse trop souvent à mépriser ceux qui se soldent ou se rabaissent plutôt que « d’exploiter » tout leur potentiel. Mon deuxième regard, alors que je me rendais à la caisse pour régler mes maigres dépenses, fut beaucoup plus bienveillant.
Derrière les fleurs multicolores, je voyais le travail des femmes, leur exploitation mondialisée, un voyage en avion, un passage dans les frigos hollandais et j’imaginais déjà les « invendus » dans la benne à déchet, ce « coin obscur » de la grande consommation où est balancé le travail des humains pour relancer le travail d’autres humains dans une nouvelle industrie qu’on nomme « recyclage ».
En un quart de minute, devant la lumière blafarde du « scan lib » qui me permet de faire les courses sans trop d’exercices de musculation, je voyais défiler le monde, je l’entendais grouiller en mode hypersonique.
Alors, je me suis approchée, j’ai caressé les bouquets pour dénicher le mien, celui qui allait « trôner » sur la table du salon pendant quelques jours, celui qui serait une manière bien à moi de poser une couronne sur la tête des femmes, de ces femmes lointaines qui sacrifient leur temps et leur santé pour quelques sous, détruisant sans en avoir conscience l’environnement qui les avait nourries jusque là simplement parce qu’un salaire c’est un espoir de « mieux vivre ».

Ce sont des fleurs coupées…

6 réflexions sur « Les fleurs coupées (bis) »

  1. Sauf-i

    Quand j’étais petite, il y avait aux limites de mon quartier, un fleuriste. Ce n’était pas une boutique ordinaire, elle se trouvait dans une rue loin de tout commerce, n’avait pas de vitrine donnant sur la rue : c’était plutôt (dans mon souvenir) une sorte de véranda dans une cours, derrière un grand portail métallique sur lequel était écrit « fleuriste » à la peinture blanche, une caverne d’Alibaba foisonnant de fleurs et de plantes variées. J’aimais y accompagner Maman quand elle y allait. Maman aimait beaucoup les fleurs, toutes les fleurs : les bouquets, les plantes en pots dans l’appartement, les jardinières sur le balcon… La boutique était tenue par deux sœurs, passionnées, et chaque visite était l’occasion de discuter de l’association des variétés, pour qu’elles « tiennent » de façon uniforme dans le temps, du choix des couleurs, mais aussi des personnes ou des occasions auxquelles étaient destinée cette attention particulière. Je n’en ai pas l’assurance, mais il me semble qu’à l’époque, en dehors de quelques variétés très exotiques l’approvisionnement était local.
    Après, il es fort possible que le filtre de ma mémoire enjolive ce souvenir d’enfance, mais j’ai toujours un petit frisson d’émotion, lorsque mes pas me mènent devant ce portail, sur lequel le mot « Fleuriste » a été recouvert depuis bien des années.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Un joli souvenir, merci vraiment de le partager. Je me souviens aussi des fleuristes d’antan, des corbeilles en osier pleine de mousse naturelle pour la confection de gerbes, des fleurs « de jardin » plus belles que celles de notre jardin où les géraniums (qui ne craignent rien) étaient les rois à l’instar de roses (qui piquent et sont fragiles).
      Je reste subjuguée lorsque je me rends chez un véritable fleuriste capable de me composer un bouquet de rêve avec les fleurs que je choisis spécialement pour une personne, avec intention et attention. C’est un artisanat d’art qui existe encore mais dont il faut accepter de payer le prix, comme toujours.
      En fait ce qui est formidable et dramatique, c’est ce qu’il est commun de nommer « démocratisation », ce concept qui se targue d’offrir la « même chose » à « tout le monde » et qui en fait travaille à rendre commun ce qui devrait rester exceptionnel, repoussant en apparence toujours plus loin les frontières du rêve alors qu’elles restent « là » à la limite précise de nos moyens à chacun.

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  2. Frédérique

    Une fois de plus, j’ai appris quelque chose en te lisant 🙂
    Je savais les Hollandais très impliqués dans le marché des fleurs, mais j’ignorais que les roses venaient du Kenya 🙁

    Tout ceci me laisse perplexe : bon, déjà, le principe des fleurs coupées. Je préfère offrir des plantes en pot, bien vivantes, plutôt que des fleurs, certes jolies, mais qui agoniseront quelques jours dans un vase (si je reprends ce que tu disais dans le premier billet sur les fleurs coupées). Cela me fait toujours de la peine.
    Ensuite, vaut-il mieux laisser ces bouquets en place, espérant que moins de demandes finira par faire moins d’offres ? Ou par l’achat du bouquet, célébrer et reconnaître le travail de ces femmes du bout du monde ? J’ignore ce qui est le mieux.

    Parce que finalement, même le/la plus doué(e) et attentionné(e) des fleuristes continuera à alimenter ce système s’il/elle se fournit auprès des grandes centrales horticoles.

    Au final, j’aime les fleurs, mais quand elles vivent à l’état sauvage, dehors 🙂 .

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  3. KaMaia

    Je n’ai jamais en tête l’envers du décor, les maillons humains de cette chaine florale qui aboutit au vase sur la table de mon salon et j’aime bien cet hommage et cette couronne de fleurs que tu évoques dans ton post.
    Mais je déteste qu’on m’offre des fleurs coupées parce qu’elle sont coupées justement. Puis parce qu’il faut trouver un vase (espèce rare dans ma maison), les mettre dans l’eau avec le contenu du sachet magique qui n’empêchera pas l’eau de croupir et de sentir mauvais au bout de trop peu de jour. Les fleurs se flétriront au fil des jours et finalement il faudra tout jeter, puis laver le vase avant la prochaine fois.
    Le dernier bouquet je n’ai reçu, envoyé par un presqu’ami via un site internet spécialisé n’était autre qu’un pied dans la porte pour amadouer une dé-fiance que je ne m’expliquais pas si ce n’est mes antennes. Défiance justifiée par la suite et intuition juste que j’ai bien fait d’écouter… Cela m’a rendu les fleurs coupées encore moins sympathiques qu’avant.
    Je ne m’achète jamais de fleurs « à moi-même », mais il m’arrive de m’offrir une plante à rempoter dans le jardin ou à garder chez moi cette dernière option étant de plus en plus rare par manque de place.

    Je n’offre jamais de fleurs coupées non plus, mais il m’arrive souvent d’offrir des plantes et plus souvent encore des boutures de mes propres plantes qui attendent patiemment dans leur contenant de trouver la maison-amie qui les accueillera.

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  4. Sauf-i

    L’appréciation d’une situation est souvent question de point de vue.
    L’essentiel étant de s’efforce de faire du mieux que l’on peut, et surtout de s’en convaincre.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      C’est toujours une question de point de vue et les points de vues varient en fonction de l’environnement, des connaissances et des croyances. Parfois passer de l’un à l’autre est un exercice d’équilibriste assez périlleux! 😉
      Et oui, tant que l’équilibre persiste (et pourquoi ne pas dire qu’il s’agit de « conviction »?), il est possible de continuer à danser 🙂

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