Tous les chemins mènent à Rome (9)

Jeudi 19 septembre 2013 : Forte di Biobona – San Vincenzo ( pas loin de Populano)

En lisant le SMS du soir, j’avais prévu une grasse matinée.
Réveillée à l’aube parce qu’il faut bien constater que c’est l’heure « normale » du réveil pour qui s’endort à l’heure où les oiseaux s’endorment, j’ai pris tout mon temps pour plier.

Comme prévu le vent soufflait fort, et bien évidemment « de travers ». La matinée allait donc être calme et touristique.

En aparté, seulement pour celles et ceux que ça intéresse, je me permets quelques lignes « philosophiques »
Après plus de quinze jours de ce long cheminement en solitude, je touchais enfin et complètement ce que j’espère atteindre (sans jamais y croire d’une quelconque manière) en partant pour ce genre de trip. Au delà de la découverte touristique, au delà de la rencontre humaine, au delà du plaisir des sens et de la traversée du corps, une dimension beaucoup plus « verticale » devient palpable. Elle n’est plus seulement théorie, idéal ou objectif. Elle existe, elle nous touche et on peut la toucher. De mon point de vue, elle n’arrive que sur l’air de « aide toi le ciel t’aidera » à moins que ce ne soit sur l’air de « qui ne risque rien n’a rien », sur l’air de « vouloir c’est pouvoir » ou de « tout vient à point à qui sait attendre ».
Ce dont je suis certaine c’est que j’ai besoin de partir en autonomie et sans assistance pour entrer dans cette dimension, c’est ainsi que la patience s’exerce et brave l’impatience, que la confiance s’agrandit et abat le doute, que l’attente se rompt et que l’action s’illumine.
Il y a certes de « jolies choses » à découvrir et à vivre « avec assistance », « grâce à l’énergie de ceux qui ont aidé, préparé et prévu à l’avance », mais c’est différent et jamais aussi « verticalement » intense.

J’en étais là.

Après un petit passage « en ville », j’ai fait ce que faisaient la plupart des femmes de mon âge sur cette plage : j’ai marché sur la plage en ramassant des cailloux. C’est un excellent passe temps !

Quand le vent a commencé à mollir, j’ai sollicité un gars que j’avais vu la veille, jouer en  bodyboard dans le shore-break du soir. Il était en train de ranger le matos de la plage privée que j’avais squatté pendant la nuit. Je savais que je ne pourrai pas « lancer » ma planche chargée si facilement et que nous ne serions pas trop de deux pour passer de l’autre côté des vagues.
Nous avons essayé une fois : raté
Nous avons essayé à nouveau : re-raté

Ce n’était pas la bonne heure.

Sans la moindre impatience, j’ai remonté tout mon matos et je suis repartie chasser les cailloux. J’étais vraiment dans un état d’esprit nouveau et c’était juste bon.

En fin d’après-midi, il ne restait qu’une douce brise et la mer s’était vraiment apaisée. Surtout, elle s’était organisée et les sets étaient visibles et il suffisait de « viser » entre pour prendre le large.

Et voilà… Le soleil était déjà bas. Au loin les îles se dessinaient.
J’allais bientôt pouvoir profiter de leur abri.

Au soleil couchant je me suis arrêtée, juste avant une pointe.

Découvrir de nuit ce qu’il y avait de l’autre côté n’offrait pas le moindre intérêt. Cette mini-session du jour me contentait largement.

Puis, j’ai monté la tente grâce à la lumière de la lune ronde.


Vendredi 20 septembre 2013 : San Vincenzo – Forte Rocheta (près Punta Ala) commune de Castiglione della pescaia

6h39, la lune est là. Tout est absolument calme.

7h00, La dernière étape du rangement, il ne reste plus qu’à plier la tente, emporter l’ensemble sur le rivage, tout attacher et prendre le large

Ensuite, je n’ai pas d’autre souvenir que celui d’une journée tranquille et harmonieuse. J’ai retrouvée avec bonheur une côté découpée, des rocs et quelques falaises. J’ai beaucoup photographié.
Les méduses, brunes dans le nord puis de plus en plus blanches en « descendant » furent de très fidèles compagnes, isolées ou en colonies, elles dessinaient mon chemin un peu comme les cailloux le font sur les sentiers de montagne.

Après un repas à Follonica, je suis entrée dans le spectacle. Malgré mon chargement, je n’allais pas/guère moins vite que les papillons qui parfois me frôlaient.
Mon imagination vagabondait à la vue des rochers, ils prenaient vie, devenaient personnages ou paysages décalés, véritables dessins animés au fil de mon avancée.
Aussi longtemps que je les contournais, les histoires se succédaient, le soleil y mettait sa touche.
Au bout du jour, j’ai posé mon campement sur une plage très douce.

Samedi 21 septembre 2013 : Forte Rocheta – Principina a mare

L’humidité m’avait gardée à l’abri de la tente jusqu’à ce que le soleil sorte pour de vrai. A la pointe, un château avait pris ses couleurs du jour

J’avais l’intention de faire des courses à Castiglione et il était inutile d’arriver avant l’ouverture des magasins, je me préparais donc en prenant largement mon temps.
Sur la plage, les traces des oiseaux faisaient écho aux miennes, nous étions les maîtres des lieux avant que les touristes ne débarquent.
En navigant « au long cours » sur mon trajet méditerranéen, j’avais souvent comparé cette expérience marine à l’expérience du désert (non sans penser à Théodore Monod, et au préambule de son livre « Méharées ») et devant ces empreintes sur le sable, mon esprit se remettait à disserter. Quel bavard!

Le village le plus proche était à peine réveillé, j’ai fait le plein de nourriture et je n’ai même pas pris le temps de m’offrir un capuccino, j’avais envie de retourner sur l’eau au plus vite.

Je fus plutôt bien inspirée de n’avoir point trop traîné en ville. Assez tôt le vent revint à la charge, d’abord acceptable (environ 3bft) mais je sentais bien qu’il n’avait pas l’intention d’en rester là. Il était bien évidemment en plein de travers. Quand je me suis arrêtée, les p’tits moutons faisaient leur apparition, il était plus que temps.
Je pensais qu’il s’agissait d’une brise thermique et j’avais bien l’intention d’aller plus loin dans la soirée car une petite pointe au bout de la plage me faisait des clins d’oeil.

J’ai tranquillement déjeuné, puis j’ai construit un paravent grâce à la planche et aux sacs et je me suis payé une bonne sieste. En revenant à la réalité, il fallait bien constater que ce n’était pas vraiment une brise thermique mais un bon vent établi. Les windsurfeurs consultés me le confirmèrent d’ailleurs. Je n’avais donc pas d’autre solution que de camper là en attendant la suite.

En lisant attentivement les feuillets du guide, je m’apercevais alors que derrière « la pointe » il y avait toute une zone où accoster était impossible.
Alors même que je n’étais pas contrariée (comme je l’aurais été quelques jours auparavant) à l’idée d’être scotchée contre mon gré, ce soir là, j’étais très reconnaissante.
J’avais été bien inspirée once again.
Et oui, à force de naviguer, je finis systématiquement par « décoller » un peu.

Le point météo du soir était assorti aux drapeaux qui flottaient en haut des mats : vent à l’horizon, il ne fallait pas rêver d’un long trajet pour le lendemain. J’étais prête à cette idée : les dernières étapes risquaient de se faire petit bout par petit bout.
J’avais le temps, la fin du mois était plus loin que Rome